La graine de moutarde, ou l'espérance de Dieu

Psaume 121 , Matthieu 13 :31-33

Culte du 23 février 2020
Prédication de Agnès Adeline-Schaeffer

Vidéo de la partie centrale du culte

Chers Amis, chers frères et sœurs, 

C’est avec une joie profonde, imprégnée de reconnaissance que nous sommes réunis ce matin dans ce temple,  pour le baptême d’Anna, la fille d’Isabelle, la sœur de Marie, la filleule de François, et la mienne, par la même occasion. 

Par la réception d’Anna au sein de l’Église universelle, nous accueillons une famille plus large que la famille charnelle, qu’elle soit de naissance ou adoptive,  dans la situation d’Anna. Nous accueillons aujourd’hui la famille spirituelle d’Anna, réunie en ce lieu, unifiée par l’amitié, l’affection, la tendresse, la chaleur,  le respect, la confiance. 

C’est aussi la foi, qui nous réunit, quelque soit la façon dont elle se décline.

Lorsqu’on se met à étudier un peu la Bible, et en particulier les Évangiles, on découvre que Jésus parle en paraboles, c'est-à-dire que la base de son enseignement repose sur des histoires qu’il raconte. 

La parabole, c’est en quelque sorte,  un outil pédagogique, dont Jésus se sert, pour parler d’une situation de la vie courante  que l’on aurait du mal à comprendre, mais aussi d’une personne ou d’un événement. Jésus n’invente rien. Il utilise un genre littéraire déjà présent dans l’Ancien Testament ou dans d’autres traditions religieuses environnantes.  Alors que l’on pourrait s’attendre à un discours sophistiqué ou académique, Jésus va donc utiliser ce procédé pour parler de Dieu à son entourage. Souvent, la parabole surprend par sa simplicité apparente. Nous en avons un exemple aujourd’hui,  avec celle de la graine de moutarde. Mais c’est à nous de ne pas tomber dans le piège. La parabole est un genre littéraire qui déconcerte. 

Et c’est le but recherché, comme nous l’a fait remarquer dimanche dernier, ma consœur et collègue,  Béatrice Cléro-Mazire, à propos d’une autre parabole, celle du bon grain et de l’ivraie. D’une certaine façon, la parabole s’adresse à la partie cachée de notre personne, à la partie intime de notre être, et même ici, à la partie croyante de notre humanité. 

Jésus parle du Royaume de Dieu, ou encore du Royaume des cieux et c’est quelque chose que nous avons du mal à imaginer ou à nous représenter. Jésus prend le temps d’en parler par une série de comparaisons. Il évoque le royaume de Dieu sans le nommer, sans le définir ou l’expliquer. Avec Jésus, le royaume de Dieu est suggéré sans être dévoilé.  Mais finalement, c’est donc une autre façon de le chercher.

Dans son enseignement, Jésus a le souci de faire sortir Dieu de tout ce que nous croyons savoir sur lui, de tous les malentendus qui pèsent sur lui. Il veut aussi nous faire saisir tout ce que nous n’avons pas compris à propos de Dieu.

A quoi allons-nous comparer le Royaume de Dieu ? Comment allons-nous le représenter ? Nous allons le comparer à une toute petite graine, semée dans la terre, qui devient la plus grande des plantes potagères. Une toute petite graine qui devient une plante qui dépasse toutes les autres. Non seulement elle est la plus grande, mais elle est aussi la plus robuste et la plus accueillante, car tous les oiseaux du ciel peuvent y faire leur nid. Une petite graine, insignifiante, que l’on ne remarque même pas,  au départ, pousse sans faire de bruit, et prend sa place, doucement, mais sûrement. Nous pouvons constater la délicatesse avec laquelle Jésus parle de la chose la plus importante de son enseignement : la présence de Dieu dans le monde, qui ne s’impose pas, mais qui se propose. Et dans la parabole d’aujourd’hui, choisie pour le baptême d’Anna, c’est à celui qui entend cette histoire de faire le rapprochement entre la petitesse de la graine et la grandeur de l’arbre. Alors, chacun commence à comprendre pour lui-même ce que veut dire Jésus en parlant du royaume de Dieu. Le royaume de Dieu commence d’une façon minuscule, puis il grandit petit à petit pour ressembler à une plante immense. Pas de violence, pas d’intimidation, pas de brutalité. Pas d’engrais, pas de modification génétique, pas de vitamines, pas de croissance rapide ou forcée, pas de course aux résultats,  effrénée, frénétique et démesurée. 

Alors,  deux qualités vont être requises pour arriver à ce résultat : la patience et la confiance.

C’est en ce sens-là que la parabole est difficile à comprendre. Car c’est un enseignement qui va séparer,  non pas ceux qui sont doués intellectuellement de ceux qui ne le seraient pas, mais qui va séparer ceux qui font confiance, de ceux qui ne font pas confiance. Séparer les patients, des impatients. 

 Il va falloir faire confiance à celui qui dit cette histoire, qui raconte cette parabole. Autrement dit, il va falloir faire confiance à Jésus de Nazareth, avant qu’il ne devienne le Christ, le Messie inattendu. Juste avec ce qu’il aura dit, et ce qu’il aura fait, à la façon dont il aura vécu, à la façon, dont il sera mort, on pourra reconnaître  en lui le Messie, le Fils, qui parle de Dieu en nous racontant des histoires pour la plupart banales mais qui contiennent en elles une richesse bien plus infinie, que nos livres remplis de mots savants, et bien souvent pesants. On pourra découvrir qu’avec Jésus, le royaume de Dieu c’est en réalité une personne, qui se laisse découvrir, rencontrer et aimer. 

En écoutant cette parabole aujourd’hui, alors que nous célébrons le baptême d’Anna,  une grande quantité d’images nous traverse. Il y a d’abord l’émotion d’être ensemble, un peu comme un aboutissement de tout ce qui a vécu auparavant pour en arriver là. Tout cela a été remarquablement exprimé tout à l’heure dans les engagements d’Isabelle, mais aussi du  parrain, et même de la marraine, en ce moment même ! 

Il s’agit de faire confiance dans ce qui ne se voit pas tout de suite et qu’il faut  attendre. Et c’est toute l’histoire de la naissance et de la vie d’Anna, au Vietnam, depuis le Vietnam, jusqu’à Paris, avant qu’elle ne rejoigne ton foyer, Isabelle. 

Ceci nous amène maintenant au choix qu’Isabelle fait pour Anna, comme elle l’a fait pour Marie, il y a quelques temps.  Par son baptême, Isabelle propose à Anna un choix, que pour le moment, Isabelle, tu es la seule à faire, et, paradoxe suprême, tu fais même à sa place ! C’est un acte que tu trouves important pour Anna, parce que c’est quelque chose qui est liée à ta propre histoire de vie et à ton chemin de foi,  et c’est de cela que tu souhaites rendre témoignage. Et ce témoignage fait partie de la transmission qui permettra à Anna de construire sa propre vie. 

Pourtant, si je parle de choix, je veux dire que nous laissons le choix à Anna d’accueillir, le moment venu, la grâce de son baptême, un jour, pour elle-même. Même si elle est accueillie aujourd’hui dans la famille chrétienne et protestante, de surcroit,   Anna ne sera jamais obligée, je l’espère, de croire, malgré elle. Son baptême lui ouvre le chemin de la découverte, du choix et de la possible rencontre avec le Dieu de Jésus-Christ, entre autre, mais aussi de découvrir quantités d’autres spiritualités. Le baptême n’est pas un acte magique, qui protégera Anna des maladies infantiles ou des épreuves de la vie. Mais baptiser Anna, aujourd’hui, c’est poser un acte de pure confiance en la fraternité, en l’amour de Dieu et en l’amour du prochain. 

Et même si Anna ne retient que l’amour du prochain, sans y mêler quoi que ce soit de divin,  elle sera tout de même sur le bon chemin. C’est en grandissant qu’elle  pourra découvrir qu’elle porte en elle, quelqu’un de plus grand qu’elle.  Comme nous pouvons le découvrir en chacun de nous, lorsque nous traversons les épreuves,  lorsque nous surmontons les ruptures, les disputes, lorsque l’amour et le respect gagnent du terrain dans nos relations incertaines, ou sur un autre plan, lorsque nous supportons un médicament qui permet de lutter un peu plus longtemps contre une maladie insidieuse, ou ralentir la vieillesse,  lorsque la foi, l’espérance et l’amour demeurent chevillées à notre corps et à notre cœur, malgré les discours défaitistes ou morbides. Chacun peut alors se découvrir semblable à l’auteur du psaume 121, ayant une montagne à franchir, se posant humblement mais lucidement la question de savoir d’où viendra le secours.   Et chacun peut dire avec ses mots et avec son expérience : « Le secours me vient de l’Éternel, celui qui a fait le ciel et la terre, il te garde, il restera à tes côtés comme une ombre protectrice ». Ainsi, est-il possible de reconnaître ainsi que l’on est accompagné, même si l’on se croit tout seul. Il s’agit aussi de prendre le temps de repérer les uns avec les autres, en famille et en église, comment on est accompagné. Et de croire, malgré l’invisible, et même le silence, que le Dieu que nous cherchons,  nous précède en toutes choses. 

Nous faisons confiance à cette puissance de vie, pour Anna,  alors qu’elle est toute petite et qu’elle n’en sait rien encore. Mais le plus important, dans cette histoire, c’est aussi de faire confiance à cette puissance de vie pour nous-mêmes en laissant cette graine de moutarde qui a été semée en nous, s’épanouir d’abord en nous, pour que nous n’ayons pas peur ni de grandir, ni de nous fortifier. Autrement dit, que nous n’ayons pas peur de devenir qui nous sommes, transformés et transportés par cet amour sans conditions, que nous aurons enfin accueilli pour nous-mêmes.  

Car nous aimons Dieu non pas pour qu’il nous aime mais parce qu’il nous aime le premier. C’est tout le sens de la grâce, que nous fêtons aujourd’hui, avec le baptême d’Anna. 

Le monde dans lequel aujourd’hui, nous posons ensemble un geste de confiance, ne va pas bien. Il gronde de toutes parts et à tous les niveaux, parce qu’il y a des cris, des SOS que certains s’obstinent à ne pas entendre, malgré les lanceurs d’alerte. 

L’Église universelle, dont nous faisons partie, et dans laquelle nous posons ensemble un geste de confiance, ne va pas bien. L’institution, attaquée de toutes parts, tant de l’intérieur que de l’extérieur, vacille, tel un colosse aux pieds d’argile. Si elle ne se renouvelle pas, pour répondre aux questions d’aujourd’hui et aux défis de demain, elle risque bien de disparaître tout simplement.  

Mais au fond, ceci n’est pas nouveau. Cela fait partie de notre patrimoine génétique et spirituel. 

Alors, pour Anna, aujourd’hui, je voudrais à mon tour partager un texte qui me parle, et qui sera mon témoignage pour ma nouvelle filleule : 

C’est un texte écrit par le pasteur et théologien Dietrich Bonhoeffer, à l’époque de la seconde guerre mondiale, luttant contre le nazisme, dont il sera une victime comme tant d’autres : 

 « Aujourd’hui, tu reçois le baptême chrétien.
On prononcera sur toi toutes les grandes paroles anciennes
De la révélation chrétienne, sans que tu n’y comprennes rien.
Nous-mêmes, aussi, devons renoncer à comprendre.
Les notions de rédemption, d’Esprit-Saint, de croix, de résurrection
Sont devenues si difficiles et si lointaines,
Que c’est à peine si nous osons encore en parler.
Nous soupçonnons un souffle nouveau et bouleversant
Dans les paroles et les actions traditionnelles
Sans pouvoir encore le saisir et l’exprimer. 
C’est notre propre faute. 

Notre Église,  qui n’a lutté, pendant ces années, que pour se maintenir en vie,
Comme si elle était son propre but,
Est incapable d’être la porteuse de la Parole
Réconciliatrice et rédemptrice pour les hommes et le monde.
C’est pourquoi les paroles anciennes doivent s’effacer.
La vie chrétienne ne peut avoir aujourd’hui que deux aspects :
La prière et l’action pour les hommes, selon la justice.
Quand tu seras adulte, le visage de l’Église aura changé.
Sa refonte n’est pas terminée.
Ce n’est pas à nous de prédire le jour, mais ce jour viendra,
Où des hommes seront appelés de nouveau
A prononcer la parole de Dieu de telle sorte
Que le monde en sera transformé et renouvelé. 

Jusqu’à ce jour, la vie des chrétiens sera silencieuse.
Mais il  y aura des hommes qui prieront, agiront selon la justice,
Et attendront le temps de Dieu.
Puisses-tu être de ceux-là ».      (Résistance et soumission)

Une autre manière de dire, selon la formule chère au pasteur Charles Wagner :
« L’homme est une espérance de Dieu ».

Amen

Lecture de la Bible

Psaume 121

1 Cantique pour les montées. Je lève les yeux vers les montagnes...
D'où me viendra le secours ?

2 Le secours me (vient) de l'Éternel Qui a fait les cieux et la terre.

3 Il ne permettra pas que ton pied chancelle ; Celui qui te garde ne sommeillera pas.

4 Voici, il ne sommeille ni ne dort, Celui qui garde Israël.

5 L'Éternel est celui qui te garde, L'Éternel est ton ombre à ta main droite,

6 Pendant le jour le soleil ne te frappera point, Ni la lune pendant la nuit.

7 L'Éternel te gardera de tout mal, Il gardera ton âme ;

8 L'Éternel gardera ton départ et ton arrivée,
Dès maintenant et à toujours.


Matthieu 13/31-33

31 Il leur proposa une autre parabole et il dit : Le royaume des cieux est semblable à un grain de moutarde qu'un homme a pris et semé dans son champ.
32 C'est la plus petite de toutes les semences ; mais, quand elle a poussé, elle est plus grande que les plantes potagères et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses branches.
33 Il leur dit cette autre parabole : Le royaume des cieux est semblable à du levain qu'une femme a pris et introduit dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que (la pâte) soit toute levée.

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