La grâce, ce triple « oui »

Romains 6:1-14

Culte du 21 juillet 2013
Prédication de pasteur James Woody

(Romains 6:1-14)

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Culte du dimanche 21 juillet 2013 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, la lecture du livre d’Esther, qui met en évidence une foi a-religieuse, permet de libérer le divin des formes religieuses. Le livre de Qohéleth, qui nous place sur le chemin d’une vie simple, permet de libérer l’homme des formes religieuses. Deux libérations qui permettent au divin et à l’homme de se rencontrer. C’est alors le temps de la grâce. La grâce, ce moment où l’être humain est révélé dans sa plénitude ; ce moment où les masques tombent et laissent apparaître l’être véritable dans toute sa splendeur, ce moment où l’être est porté à hauteur de Dieu. C’est ce moment que l’apôtre Paul nous présente : le temps de la grâce. C’est cette grâce, que je vous propose d’évoquer à la suite de Paul, à travers trois caractéristiques.

Paul commence par se référer à une scène qui a déjà été jouée : le baptême de Jésus, qu’il relie à sa mort, à son ensevelissement puis à sa résurrection. Paul condense le temps de l’histoire de Jésus en un seul événement qui appartient à notre passé et qu’il va relier à notre présent. Cela peut déstabiliser légèrement. Paul montre que notre manière de vivre peut être pensée en fonction d’un événement du passé, un événement que nous n’avons pas directement connu, mais qui, néanmoins, donne à notre vie sa véritable couleur. La grâce, c’est quelque chose qui nous précède. C’est un « oui » qui a déjà été prononcé sur notre être, une bonne fois pour toutes et dont nous pouvons tirer les conséquences pour nous-mêmes.

L’apôtre Paul parle du Christ Jésus, parce que cela fait sens pour les personnes à qui il s’adresse. Il les relie à ce que Jésus a fait, ce qu’il a vécu. Si Paul avait voulu être plus précis, il aurait rappelé comment Jésus était entré chez un pharisien qui l’avait invité à manger et comment une femme pécheresse s’était jeté à ses pieds. C’est à elle que Jésus a dit « tes péchés ont été pardonnés » (Luc 7/48), indiquant par là qu’une scène s’était jouée par le passé, indiquant par là que cette femme avait déjà été pardonnée, par Dieu, mais qu’elle ne le savait pas encore. Jésus, lui, l’avait constaté à travers les gestes affectueux qu’elle avait faits sur lui. Oui, cette femme était capable d’aimer parce qu’elle-même avait été aimée, par un amour plus grand qu’elle, un amour divin qui avait touché son être le plus profond, son être enfoui sous sa mauvaise réputation, son être étranglé par les railleries de tous les pharisiens. Mais le regard de Jésus ayant atteint son être, il a pu le mettre en pleine lumière. Jésus avait eu cette sensibilité à la grâce qui dit l’identité profonde de l’homme, avant même que l’homme en ait conscience. Et Jésus l’avait révélé.

Jésus l’avait fait aussi pour ces hommes, croisés dans un village (Luc 17/12). Dix hommes dont la rumeur disait qu’ils étaient lépreux. Mais Jésus ne s’était pas contenté de la rumeur. En les croisant, il avait prit soin de les rencontrer, d’aller chercher leur être véritable pour le leur révéler. Ces hommes n’étaient plus lépreux, en fait. Mais plus personne ne les regardait et eux-mêmes s’étaient habitués à leur état ; ils avaient perdu tout espoir que cela s’arrange. Mais Jésus les regarda, vraiment, vit qu’ils étaient guéris et leur conseilla d’aller au temple pour faire constater leur guérison et pouvoir réintégrer la société des hommes.

En nous rattachant à Jésus, l’apôtre Paul nous inscrit dans sa dynamique de vie. Il nous dit que nous aussi, nous sommes au bénéfice dont cette grâce dont Jésus a été le témoin, le prophète, le ministre. Cela nous rend capables d’interpréter les signes pour y découvrir la grâce qui est à l’œuvre dans le monde, une grâce première qu’il convient de révéler. Paul nous dit que nous sommes capables, comme Jésus, de faire passer l’humanité de l’ombre à la lumière, de la mort à la vie, de l’infamie à la gloire, de l’usure à la nouveauté de vie. N’est-ce pas ce que fit Albert Schweitzer qui donnait comme exhortation à l’homme moderne : « suivez l’homme comme je l’ai suivi, rejoignez-le là où les autres ne le trouveraient plus, dans la boue, dans la bestialité, le mépris ; allez à lui et soutenez-le jusqu’à ce qu’il redevienne un homme. »

La grâce d’agir librement

La grâce est donc ce qui révèle l’identité de l’être, avant tout acte de notre part. La grâce, c’est aussi ce qui nous permet d’agir avec toute la puissance de notre être une fois que cette révélation a eu lieu. La grâce, c’est de pouvoir agir librement, en étant libérés de nos rôles de composition, en étant libérés des étiquettes, en étant rendus à nous-mêmes, ce que Paul affirme en écrivant que nous sommes morts au péché (ce qui signifie que tout ce qui nous empêche d’être vraiment nous-mêmes est de l’histoire ancienne) et que nous sommes vivants pour Dieu en Jésus-Christ, autrement dit aussi vivants que le Christ Jésus le fut durant son ministère, ne cédant rien sur ce qu’il estimait juste, ne restant pas enfermé dans les conventions, les états imposés par la société. C’est là une réalité maintes fois décrite dans la Bible.

Etait-il légitime qu’un centurion romain, au pied de la croix de Jésus, dise : « assurément, cet homme était fils de Dieu » ? Etait-il compréhensible que les patriarches tels Jacob fassent appel à l’Egypte pour sauver leur peau ? Etait-il évident que le prophète Esaïe encouragerait le peuple hébreu à ne pas s’allier avec l’Egypte au plus fort de la pression internationale (Es 30) ?

La grâce est ce qui nous permet d’agir selon un esprit de réforme qui laisse derrière soi les choses mortes, les idéologies qui n’ont plus lieu d’être, les rengaines usées. La grâce s’intéresse à ce qui célèbre la vie, à ce qui peut être un instrument de justice. Tant pis si les parents attendent d’un professeur qu’il mette des notes à leur enfant. Ce professeur de mathématique interrogera l’élève pour comprendre ce qui l’a amené à un résultat faux. Oui, il sortira du rôle que les parents lui attribuent (sanctionner le niveau de leur enfant), et ce professeur entreprendra avec lui la traversée de son désordre, il lèvera des ambiguïtés de langage et permettra à cet élève de comprendre, enfin, ce que racontent les mathématiques. Quant à ce jeune à la dérive qui accepte de donner un coup de main pour un déménagement organisé par une équipe de prévention de la délinquance au profit d’une vieille dame : cette vieille dame lui assurera que cela irait mieux, de nos jours, si tous les jeunes étaient comme lui. Ce jeune, touché par la grâce, n’aura plus besoin de jouer au voyou pour être quelqu’un. Il pourra faire valoir ses talents jusque là cachés ; il pourra agir librement, non pas selon la loi du milieu, non pas selon la loi du plus fort, non pas selon la loi du hasard, non pas selon la loi du premier arrivé, qui sont autant de lois marquées par le péché, mais agir selon ce qui est juste, de manière absolue. La grâce libère notre action des disciplines de groupe, des logiques de parti, des intérêts relatifs, des logiques de vengeances, des stratégies de coercition qui sont des modalités du péché.

La grâce, une fidélité à l’avenir

Le péché, c’est cette distance qu’il y a entre nous tels que nous sommes au jour le jour, ce que nous pensons, disons et faisons, et nous tels que nous pouvons l’être à chaque fois que nous découvrons le oui que la vie nous adresse, à chaque fois que nous prenons conscience de notre être profond et que nous agissons en fonction de cela. Le péché, c’est tant que nous sommes fermés à cette grâce, tant que nous sommes à l’écart de l’appel à la vie qui nous est lancé, tant que nous sommes à côté de nos souliers.

Bien souvent, nous pensons que notre être véritable se construit dans la fidélité à notre passé, à nos racines, à nos ancêtres, à ce que nous avons toujours été. Paul, lui-même, pourrait nous donner l’impression que notre être véritable est enraciné dans un événement historique (la vie de Jésus) et que c’est dans notre fidélité à cette vie là que se joue toute notre vie. Mais la grâce dont parle Paul, n’est justement pas une fidélité au passé. La grâce nous ouvre à une fidélité par rapport à l’avenir.

Les disciples de Jésus étaient, pour certains, des pêcheurs de poisson. Jésus leur a fait changer de vie, considérant qu’il y avait pour eux un plus à vivre en ne restant pas pêcheur de poisson, mais en devant pêcheur d’hommes (Mt 4/19). La femme cananéenne que rencontre Jésus (Mt 15/21), ne reste pas campé sur son origine, sur sa tradition : Jésus l’agrège au peuple de Dieu, à cette communauté universelle des hommes et des femmes qui sont saisis par la question de l’être. Et Jésus lui offre même une place de premier choix en disant que sa foi est grande. La femme accusée d’adultère n’est pas condamnée par Jésus à vivre et revivre inlassablement une faute d’un passé. « Va et ne pèche plus » (Jn 8/11) l’oriente vers un avenir marqué par la nouveauté de vie, cette vie nouvelle prêchée par l’apôtre Paul, qui cesse d’être entravée par tout ce que notre passé a pu accumuler de poids morts, de blessures, de mauvaises paroles, de fausses directions.

La grâce qui touche notre être véritable et qui le révèle l’oriente tout entier vers cet avenir bien vivant où ce qui est mortel n’exerce plus aucune fascination ni aucun pouvoir sur nous-mêmes. L’écolier qu’on moquait et qui savait à peine s’exprimer pour ne pas décevoir ses camarades de classe, sera au bénéfice de la parole de grâce d’un enseignant qui le libérera du poids de son passé et lui permettra de devenir l’un des plus grands auteurs de la chanson française. Cette jeune fille, elle aussi, pourra à nouveau mettre les pieds, tout son corps et jusqu’à sa tête qu’elle pensait maudite suite au viol par son père. Mais la grâce, c’est lorsqu’un oui à l’avenir est exprimé de manière suffisamment puissante pour rompre ces amarres qui retiennent à quai, qui enferment dans le passé, et qui excluent toute vie nouvelle. Cette jeune fille deviendra non seulement une artiste manifestant la grâce qui exorcise la bestialité, mais elle métamorphosera son passé en en tirant ce qui sera son nom d’artiste.

Le traditionnaliste reste enfermé dans le mimétisme du passé, dans le respect à la lettre de ce que furent les temps anciens. Voilà qui condamne les individus à rester ce qu’ils sont. Voilà le péché que désigne l’apôtre Paul : rester ce que nous sommes, ne pas devenir, ne plus rien espérer, ne plus rien vivre : ne pas mourir, faute d’avoir vécu.

La grâce est ce don originel qui fait que notre être est au bénéfice d’un oui de la vie. La grâce est révélation de notre être, révélation qui nous permet de dire oui à la vie. La grâce est cette fidélité renouvelée à l’avenir, ce oui lancé à l’avenir. Vivre mieux que ce qui est inscrit dans les scénarios, dans la loi, c’est ce que nous offre la grâce. Amen


Lecture de la Bible

Romains 6:1-14

Que dirons-nous donc?
Demeurerions-nous dans le péché, afin que la grâce abonde?
2 Loin de là! Nous qui sommes morts au péché, comment vivrions-nous encore dans le péché?
3 Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés?
4 Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie.
5 En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection, 6 sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit réduit à l’impuissance, pour que nous ne soyons plus esclaves du péché; 7 car celui qui est mort est libre du péché.
8 Or, si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui, 9 sachant que Christ ressuscité des morts ne meurt plus; la mort n’a plus de pouvoir sur lui.
10 Car il est mort, et c’est pour le péché qu’il est mort une fois pour toutes; il est revenu à la vie, et c’est pour Dieu qu’il vit.
11 Ainsi vous-mêmes, regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ.
12 Que le péché ne règne donc point dans votre corps mortel, et n’obéissez pas à ses convoitises.
13 Ne livrez pas vos membres au péché, comme des instruments d’iniquité; mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu, comme étant vivants de morts que vous étiez, et offrez à Dieu vos membres, comme des instruments de justice.
14 Car le péché n’aura point de pouvoir sur vous, puisque vous êtes, non sous la loi, mais sous la grâce.

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