Jésus présenté au Temple par ses parents

Luc 2:22-40

Culte du 2 février 2020
Prédication de Agnès Adeline-Schaeffer

Vidéo de la partie centrale du culte

Amis, frères et sœurs,

Aujourd’hui, 2 février, c’est la fête de la Chandeleur.  Autrement, dit, c’est le jour des crêpes !
Personne, et surtout pas les enfants,  ne rate le jour des crêpes, n’est ce pas ?
Mais qui se souvient que nous mangeons des crêpes, en l’honneur de la présentation de Jésus au temple ?

Sur le plan de la Tradition, les deux fêtes sont liées. Lorsque le 2 février tombe en semaine, on lit le texte de Luc sur la présentation de Jésus au temple, le dimanche précédent le 2 février. Sur le plan liturgique, le dimanche où on  lit ce texte, clôt le cycle liturgique de Noël commencé le 1er dimanche de l’Avent.
La Chandeleur  est avant tout une fête religieuse appelée "Présentation du Seigneur". En effet, les Chrétiens célèbrent à cette date le moment où Jésus est présenté au temple, 40 jours après sa naissance. Autrefois, on appelait également cette fête "Purification de la Vierge", car on célébrait en même temps les "relevailles" de Marie, c'est-à-dire la date à laquelle la jeune accouchée reprenait une activité normale et se rendait à la synagogue  pour se purifier.
La fête de la "Présentation du Seigneur" s'accompagnait autrefois d'une procession avec des cierges allumés. C'est ainsi que cette fête devint progressivement "chandeleur", du latin "candelorum" qui signifie "chandelles". Ce n'est pas un hasard si l'on allume des cierges lors de cette fête, car ces cierges allumés rappellent que lorsque Jésus fut présenté au Temple, il fut reconnu en tant que messie par Siméon qui l'appela alors "Lumière du monde".
Si, à la chandeleur, nous mangeons des crêpes, les historiens ne sont pas tous d'accord sur l'origine de la consommation de cette gourmandise. Certains rapprochent la crêpe de la galette de céréales que les Romains mangeaient en l'honneur de Proserpine durant la fête des Lupercales, ce qui inciterait à penser que la fête catholique, instaurée vers le 5ème siècle, visait à remplacer ces fameuses Lupercales dont les rites païens perduraient encore. D'autres disent que la crêpe, par sa rondeur et sa belle couleur dorée, symbolise la lumière, le soleil, et rappelle ainsi la prophétie de Siméon au sujet du Christ. Quoiqu'il en soit, nous aurons tous plaisir à déguster des crêpes à la chandeleur.

Revenons maintenant au texte biblique d’aujourd’hui :
Nous le savons : quatre Évangiles et quatre personnes qui racontent,  différemment ce qu’elles ont  compris de ce qu’elles ont vécu avec Jésus, et entendu de lui. Et s’il y a quatre évangiles, c’est que chacun d’eux a sa visée propre, en particulier relativement aux destinataires de son évangile : dans le cas de Luc,  des païens de culture grecque convertis au christianisme,  sans passer par le judaïsme.
Luc a donc  le souci de présenter Jésus d’abord dans son entière humanité. Et pour en parler, il décrit avec beaucoup de détails la naissance de Jésus, comme il le fait aussi pour la naissance de Jean-Baptiste. On ne peut que remarquer les écritures parallèles, de l’annonciation à la naissance. Mais là où le récit diffère, c’est au sujet de la présentation au Temple. En fait, cette présentation ne concerne que Jésus, et n’est pas racontée pour Jean-Baptiste. Comme si Luc avait le souci d’indiquer à ses auditeurs, ou ses lecteurs, le zèle avec lequel les parents de Jésus s’acquittent de la tâche que Dieu leur a confiée.
Mais au fond, le récit de Luc n’est pas aussi étayé qu’on pourrait l’imaginer. En écrivant : « Tout garçon premier né sera consacré au Seigneur », il ne précise pas que cette prescription, que l’on trouve dans le livre de l’Exode, (13/13 et 34/20), s’accomplissait en versant la somme de cinq sicles, au cours du mois qui suivait la naissance, selon le livre des Nombres (Nb 18/ 15-16) qui symbolisait le rachat du premier-né. En fait Luc ne dit rien de ce rachat de Jésus, même s’il le suggère, en conclusion de son récit : « Lorsqu’ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. » ( v. 39).
Si vous cherchez les représentations iconographiques de la présentation de Jésus au temple, elles sont très nombreuses et aussi belles,  les unes que les autres. Elles illustrent ce récit si  particulier, qui enracine Jésus dans le judaïsme d’une part, mais qui ouvre sa mission au monde entier, d’autre part.

Les parents, en venant présenter Jésus au Temple, obéissent à la loi de Moïse. Vous avez sûrement remarqué et noté que l’évangile de Luc  parle bien du père et de la mère de Jésus. On peut supposer que la tradition de la conception virginale, excluant un père humain, n’est pas encore  établie  à ce moment précis de la rédaction de ce texte…Même si, quelques versets plus haut, Luc a fortement insisté sur la conception virginale de Jésus.
La mention des deux tourterelles, ou des deux petits pigeons, selon la prescription du livre du Lévitique, comme offrande demandée aux plus pauvres,  rappelle la condition modeste des parents de Jésus.
Le texte de Luc se plaît à le faire remarquer trois fois au début du récit puis une fois à la fin du récit : Jésus comme tout premier-né masculin doit être présenté, "consacré" au Seigneur. Mais la cérémonie elle-même de la présentation n'est pas décrite. Le texte de Luc s'intéresse surtout à deux personnages qui viennent au Temple : un homme et une femme, Siméon et Anne.

Siméon n'a aucune fonction. Il réside à Jérusalem. Il est "juste" et "pieux", il possède deux qualités chères aux  livres du premier Testament. Être juste, dans la Bible, c’est « s’ajuster ou être ajusté  à Dieu », c’est suivre sa volonté. Siméon attend la "consolation d'Israël", ce qui rappelle les premiers versets du chapitre 40, du livre d’Ésaïe : "Consolez, consolez mon peuple". Le terme de "consolation" se rapporte au temps espéré où Dieu viendra sauver, délivrer son peuple. C’est ce qu’on appelle aussi le salut. Et l’Évangile de Luc, c’est justement l’Évangile du salut. Siméon  symbolise, en quelque sorte,  l'attente  messianique des croyants d'Israël. 
Le texte souligne que Siméon vient au Temple voir le "Messie" de Dieu. L'enfant est présenté comme le Messie attendu. Les paroles de Siméon sont prophétiques, car le texte nous dit aussi  que l'Esprit de Dieu, (ou l’esprit saint)  est sur lui. Elles concernent Jésus identifié au "salut préparé à la face des peuples" et à la "lumière" qui éclaire les autres nations. L’attente de Siméon est exaucée. Il peut donc s’en aller en paix. Il peut donc mourir en paix. A cause de ces paroles, Siméon est toujours présenté comme un vieillard.
Après la louange et la confession de foi, voici maintenant l’oracle, ou le message de Siméon pour ceux qui l’entourent. Les paroles de Siméon adressées directement à Marie sont dramatiques, avec l'allusion à l'épée, à la division, à la chute… Devant Jésus il faudra ouvertement prendre parti : "Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d'un grand nombre."
Siméon est un sage. Et il interroge déjà les certitudes des hommes sur Dieu et sur le monde. Il interroge nos certitudes. Il prévient déjà que le signe que constitue le Christ, sera contesté. Avec le Christ, ce sera difficile de savoir  d’une certaine façon,  comment rester fidèle à Dieu.  Parce que le Christ lui-même sera reconnu par certains et rejetés par d’autres, d’où l’allusion à la division. Le monde juif sera partagé, surtout le monde des religieux.  Plus tard, en faisant le choix du Christ, ce sera difficile de rendre compte de sa foi ouvertement devant les hommes. Parfois il faudra le faire au risque de sa vie.  Cette difficulté est toujours d’actualité et touche principalement les Chrétiens d’Orient. Mais nous sommes tous concernés. Rendre compte de sa foi, manifester son espérance, affirmer son choix personnel du Dieu de Jésus-Christ, dans tous les domaines, éthique, sociétal, professionnel, environnemental,  tout en respectant le choix que font les autres, celui de croire autrement, comme de ne pas croire, se rencontrer pour susciter, entretenir, approfondir, maintenir  le dialogue, c’est loin d’être facile et nous ressemblons parfois à des funambules, dans ce domaine.  C’est à nous aujourd’hui de prendre la mesure de la profondeur des débats que suscite notre adhésion au Christ, de la même façon que Marie en fera la douloureuse expérience.

L’autre personne, c’est une femme, Anne.  Elle aussi, est "prophète", porte-parole de Dieu. Elle est âgée de 84 ans, c'est-à-dire qu'elle a 7 fois 12 ans. Dans la symbolique biblique des nombres, le chiffre 7 suggère la perfection et le 12 l'universalité. Sachant cela, on peut donc deviner qu'Anne représente parfaitement les croyants de son peuple qui attendent "la délivrance de Jérusalem". Elle représente la patience et la fidélité,  celles qui passent  par la prière constante. Ce qui est important de souligner, c’est que ce sont bien un homme et une femme, qui reconnaissent dans l’enfant Jésus, le Messie, ou le Christ.

Rappelons que l’Évangile est écrit « après-coup », autrement dit après Pâques. Le Nouveau Testament est écrit dans la foi de Pâques. Jésus reconnu comme le Messie  est le salut offert à tous et non seulement à Israël. Cette ouverture à l'universel, pourtant déjà annoncé par le prophète Ésaïe, a demandé du temps pour s'imposer à l'intérieur des premières communautés chrétiennes. Jésus est la lumière qui éclaire les nations païennes, c'est-à-dire les nations autres qu'Israël. Jésus est aussi la Gloire d'Israël. "Gloire" : mot difficile à expliquer, mais ce mot dans la tradition biblique évoque le poids, la lourdeur. La scène de la Présentation se déroule au Temple de Jérusalem, centre religieux de la nation. Mais Jésus vient pour tous. On devine que Luc rappelle aux communautés qui se trouvent maintenant hors frontières, qu'elles ne peuvent pas oublier tout ce qu'elles doivent au judaïsme. Le judaïsme deviendra la « racine qui nous porte », comme le dira l’apôtre Paul.  Mais il faudra beaucoup de temps, pour l’admettre, car le judaïsme a été longtemps considéré comme  le peuple qui avait tué le fils de Dieu. 
Encore un détail du texte : si la scène se passe au temple de Jérusalem, nous remarquons que ce ne sont pas les prêtres qui accueillent Jésus mais deux personnes extérieures au monde sacerdotal de l’époque. Que faut-il y voir, sinon sans doute une critique adressée à ceux qui, parmi les responsables religieux n’ont pas accueilli ni reconnu Jésus, au cours de son ministère, et aussi peut-être, une invitation à être « juste », comme Siméon, ajusté à Dieu, mais aussi  une invitation à prier, comme Anne, pour que nous puissions, nous aussi, reconnaître en Jésus, le Messie de Dieu. En se rappelant que ce Messie, dont il est question,  ne s’imposera jamais par la force ou la puissance guerrière, mais bien par le service rendu aux autres. A tous les autres, sans frontières et sans conditions, jusqu’au don de sa vie.

Mais pour le moment, Jésus est un enfant présenté au temple par ses parents. C’est aussi le moment où Marie, la mère de Jésus, est réintégrée dans la société, 40 jours après son accouchement, par ce rite de purification, ce qui rappelle  qu’entre la gestation, la naissance  et la présentation  de l’enfant, il faut du temps pour mettre un enfant au monde, il faut aussi du temps pour se remettre de cet effort,  accueillir ce changement de vie et peut-être agrandir la famille de nouveau. 
Nos regards se portent aujourd’hui sur Jésus, cet enfant présenté au Temple. Cela nous rappelle que dans un enfant, quel qu’il soit, tous les possibles sont là. Et avant d’être ce que nous sommes, aujourd’hui, nous avons été,  nous aussi des enfants, et peut-être avons-nous  eu la chance d’être présentés un jour, au temple, comme c’est la tradition dans de nombreuses églises évangéliques par exemple, avant que l’enfant ne demande le baptême par lui-même, quelques années plus tard. Mais c’est aussi une tradition vécue au sein de notre Église, ici même. Et même si cela n’a pas eu lieu, on le peut le vivre à tous les âges. En tout cas,  chaque fois que nous venons à l’église, ou au temple, comme ce matin, nous sommes chacun pour notre part, accueillis comme des enfants de Dieu. Pendant le culte, par nos chants, nos prières, la méditation de la Bible, la musique, nous présentons toute notre personne, autrement dit, l’ordinaire autant que l’exceptionnel de nos vies, nos préoccupations comme nos joies,  nos déceptions comme notre reconnaissance.

A ce Dieu que nous cherchons, nous présentons toute notre spiritualité et notre intimité,  en espérant qu’il nous y rejoigne. D’où que nous venions, qui que nous soyons, nous sommes le signe de la réalisation de la prophétie de Siméon, par l’universalisme de nos origines et la particularité de nos parcours.  
Chacun, chacune devrait pouvoir  repartir tout à l’heure, en se disant à lui-même, avant peut-être de le dire aux autres : « Mes yeux ont vu le salut » ! Autrement dit, d’une façon ou d’une autre, la présentation de tout notre être,  au temple,  nous ré-ouvre à la confiance.
Et… A partir d’aujourd’hui, nous ne devrions plus déguster les crêpes, comme avant…. Du moins, je l’espère !

Amen.

Lecture de la Bible

Luc 2:22-40

22. Lorsque vint le temps de leur purification, selon la loi de Moïse, ils L'emmenèrent à Jérusalem pour Le présenter au Seigneur.

23. Ainsi est-il écrit dans la loi du Seigneur : « Tout garçon premier-né sera mis à part pour le Seigneur. »

24. Ils devaient offrir en sacrifice, comme il est dit dans la loi du Seigneur : « Un couple de tourterelles ou deux jeunes pigeons. »

25. Il y avait alors à Jérusalem un homme du nom de Siméon. Il était juste et pieux. Il attendait la consolation d'Israël, et l'Esprit Saint était sur lui.

26. L'Esprit Saint l'avait averti en songe qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Christ du Seigneur.

27. Il vint au temple, guidé par l'Esprit, lorsque les parents de l'enfant Jésus L'amenèrent pour accomplir ce que la loi prescrivait à Son sujet.

28. Il Le prit dans ses bras, en bénissant Dieu, et dit :

29. Maintenant, Maître, Ton esclave est libéré, en paix, selon Ta parole.

30. Car mes yeux ont vu Ton salut.

31. Tu l'as préparé face à tous les peuples.

32. Lumière pour la révélation aux païens, et gloire pour Israël, Ton peuple.

33. Son père et Sa mère s'étonnaient de ce qui était dit à Son sujet.

34. Siméon les bénit et dit à Marie, Sa mère : Voici, Il est là pour la chute ou le relèvement de beaucoup en Israël, un signe qui sera contesté.

35. Ton âme sera transpercée comme par un glaive. Ainsi seront révélées les pensées de bien des cœurs.

36. Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Aser. Elle était très âgée. Elle avait vécu sept ans avec son mari.

37. Puis, elle resta veuve jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, ne s'éloignant pas du temple. Elle servait nuit et jour dans le jeûne et la prière.

38. Comme elle était présente, elle rendit grâces à Dieu et parla de Lui à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.

39. Quand ils eurent tout accompli selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth.

40. L'enfant grandit et se fortifia. Il était plein de sagesse, et la grâce de Dieu était avec Lui.

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