Jésus est-il vraiment parti ? ou non ?

Luc 24:50-53 , Matthieu 28:16-20 , Marc 16:19-20 , Éphésiens 4:5-10

Culte du 25 mai 2017
Prédication de pasteur Marc Pernot

Vidéo de la partie centrale du culte

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot

Culte de l'Ascension - 25 mai 2017
prédication du pasteur Marc Pernot

La nature de la résurrection du Christ est déjà discutée entre chrétiens, et donc discutable. Ce que nous pouvons dire de certain c’est que le Christ est ressuscitant, c’est à dire que même après sa mort il est devenu, historiquement, la source d’un incroyable enthousiasme pour témoigner de l’Évangile, témoigner du fait que Dieu est source de vie plus forte que la mort. De cela, tout le monde est d’accord.

Les 4 Évangiles culminent en tout cas sur cette notion forte, sur cette expérience de vie. Puis chacun de ces 4 témoignages doit bien terminer son récit de l’existence de Jésus sur cette terre.

Le plus connu est le récit de Luc, qu’il prolonge dans le 2nd tome de son œuvre, les Actes des apôtres. C’est le récit de l’Ascension du Christ. Littéralement, il est donc « enlevé au ciel ». Le récit de Matthieu dit l’inverse, du point de vue littéral : non non, nous dit-il, Christ ne nous est pas « enlevé », bien au contraire, il est « avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Le récit de Marc, lui, est œcuménique, il additionne les deux à la fois, tranquillement : Christ « fut enlevé au ciel et il s'assit à la droite de Dieu », mais en même temps, « Christ travaille avec » ses disciples, confirmant la Parole par des signes en ce monde.

Cela montre bien que l’on ne peut pas lire ces récits au sens matérialiste du terme. Il faut réconcilier à la fois le «Christ est monté au ciel » et « Christ est avec nous tous les jours ».

Je ne sais pas laquelle des deux formules est la plus embarrassante ?

  • « Christ est monté au ciel » ? Bien sûr que l’homme Jésus n’est pas parti en fusée quelque part quelque part entre Saturne et Jupiter. Et quand Youri Gagarine, le premier homme ayant voyagé dans l’espace est revenu en se moquant des croyants disant qu’il n’a pas vu Dieu dans le ciel, cette remarque ne nous a pas du tout gênés, bien entendu, car tous les croyants savent bien que c’est une image.
  • La 2nde formule, « Christ est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » est embarrassante aussi. Au sens littéral, cela pourrait faire penser que l’Évangile est animiste, avec l’âme de Jésus qui continue à flotter, à parler et à agir dans notre monde ? Certainement pas. Et ce texte n’encourage pas au spiritisme pour faire parler Jésus.

Je trouve que quand l’Évangile selon Marc additionne les deux affirmations, les travers de chacune de ces deux affirmations se corrigent et s’expliquent mutuellement.

Christ « tous les jours avec nous » éclaire comment Jésus est « au ciel », non il n’est pas ailleurs comme le pensait Youri Gagarine.

Christ « au ciel » éclaire son mode de présence pour nous. Il n’est pas présent comme un fantôme, comme si une partie de lui était coincée ici-bas, invisible. C’est donc autrement qu’il est avec nous, explique ce texte de Marc : « le Seigneur travaillant avec (nous) et confirmant la parole par les signes qui l'accompagnent ». Il y a donc quelque chose de la Parole du Christ qui s’incarne dans notre vie. Là où ses paroles ne sont pas seulement des mots, les idées ne sont plus seulement abstraites, les anecdotes de sa vie ne sont pas que des récits. Mais ce qu’incarne le Christ devient visible, signifiant, tangible, concret dans notre vie. Tant de choses de lui peuvent s’incarner ainsi dans notre existence et devenir visible : la grâce, la tendresse et la fidélité comme le dit Jean, la foi, l’espérance et l’amour, comme le dit Paul, la joue tendue, la parole qui libère et relève, la confiance dans la miséricorde de Dieu.

Dans Luc nous avons donc l’impression que l’ascension du Christ est un fait historique observé matériellement. Matthieu est délibérément du côté théologique et spirituel. L’Évangile selon Marc assume un glissement entre le récit de la vie de Jésus vers une lecture théologique et spirituelle de ce récit. Quelle est la version la plus ancienne ? Probablement celle de Matthieu. Ensuite la version de Luc, et finalement la version de Marc puisque ce passage final de l’Évangile selon Marc a été ajouté un siècle plus tard à cet évangile. Ce texte cherche ainsi probablement à réconcilier les deux lectures, celles de Matthieu et de Luc. C’est ce que fait aussi la fête de l’Ascension que les chrétiens célèbrent depuis la fin du Ve siècle, cette fête cherche à tirer le sens de ce récit pour en vivre encore aujourd’hui, qu’il s’incarne dans notre existence.

Christ « est au ciel » et en même temps « Christ est avec (nous) tous les jours jusqu’à la fin de monde ». C’est une promesse, celle de la miséricorde de Dieu. De deux façons :

  1. cette tension entre les deux énoncés nous rappelle ce qu’a toujours dit Jésus : certes Dieu est « au ciel », d’un autre ordre, inatteignable pour nous, mais il nous est néanmoins tout proche et fidèle.
  2. A cela s’ajoute le fait que cette promesse d’être accompagné et soutenu par Dieu, cette phrase est une promesse, une garantie sans la moindre petite note qui poserait des conditions d’application. Il n’est pas dit que nous serons soutenus par Dieu à condition d’être bien sage, bien croyant, bien religieux, bien soumis à je ne sais quel commandement ou croyance.

D’ailleurs, ce texte est introduit par cette mention que les disciples « eurent des doutes » de la présence du Christ ressuscité auprès d’eux. Nos traductions portent souvent pudiquement « certains eurent des doutes » mais en réalité il est bien dit qu’« ils doutèrent ». Nous avons bien le droit d’oser dire que nous avons parfois un peu de mal à saisir ce que Christ manifeste : le ciel touche notre terre, Dieu est avec nous, pour nous. Et que cette étrange réalité opère en nous de façon tangible.

Le récit de l’ascension est spectaculaire : le Christ s’élevant au ciel, bien mis en valeur dans un chef d’œuvre de Salvador Dali où l’on voit le Christ de dessous, de ses plantes des pieds à ses bras étendus, rappelant la crucifixion mais aussi un univers comme pris dans ses bras. Image spectaculaire, comme le récit de Luc. Marc ajoute que notre vie sera aussi spectaculaire.

Mais si « Christ est avec (nous) tous les jours » est une promesse c’est aussi une exhortation. Un appel à choisir de vivre en marchant avec Christ. Que sa parole s’incarne par des signes dans notre vie, des manifestations visibles.

Déjà, le rendez vous était donné avec le Christ « sur la montagne que Jésus avait désignée » (Mat. 28:16). Avant même le récit de l’Ascension, malgré leurs doutes, les disciples vont sur cette montagne et ce sont eux qui vivent une ascension.

Dans la Bible, la montagne évoque la présence de Dieu, elle évoque la prière personnelle et le culte communautaire, elle évoque l’espérance dans la miséricorde de Dieu et la louange à Dieu après une bonne surprise.

Déjà, cela nous ascensionne.

Déjà ce récit de montée au ciel du Christ s’incarne dans notre élévation. « Je lève les yeux vers les montagnes... » dit le célèbre Psaume 121, et ne serait-ce que par ce simple regard vers le haut, déjà Dieu nous élève.

La montagne évoque celle où Abraham et Moïse sont transformés par Dieu. La montagne évoque pour les disciples l'endroit où ils ont reçu de Jésus les béatitudes. La montagne évoque ces lieux où Jésus aimait à se retirer pour prier Dieu, tout seul la plupart du temps, parfois avec deux ou trois amis

Jésus nous donne rendez-vous sur la montagne qu’il avait désignée. Là encore, ce n’est pas un lieu géographique particulier, pas plus que « le ciel » où se trouve le Christ serait dans telle constellation. Cette montagne c’est cette élévation de la relation confiante, apaisée avec Dieu. Cela ne peut que produire de vrais bons fruits visibles dans notre vie. Dieu est avec nous, il est pour nous. Et même en nous. Vertigineuse annonce alors que Dieu est d’un tout autre ordre que nous.

C’est l’enseignement, la promesse et l’exhortation que nous adresse Paul dans sa lettre aux Éphésiens, quand lui aussi parle de la montée du Christ et de ce que cela veut dire pour nous :

Il y a un seul Dieu et père de tous,
qui est au-dessus de tous,
par tous, et en tous. (Éphésiens 4:6)

Le Père unique de tous

Notons d'abord que le texte parle véritablement de « tous », pas de « tous les croyants ». Il n'y a pas de restriction dans ce quote ni dans ceux qui le suivent. Tous sont enfants de Dieu, puisqu’il est la source de la vie de chacun et de ce miracle qu’est notre unicité.

Et pourtant, il est au-dessus de tous, de toutes les églises, toutes les religions, tout ce que l’on peut en dire et en penser. Cela nous invite à élever le débat, à ne jamais nous sentir propriétaire de ce qu’est Dieu, pas même copropriétaires avec les autres croyants. Dieu dépasse tout cela. Dieu est au dessus de tous, cela reprend l’image incluse dans le « Notre Père qui est aux cieux » de Jésus, image à laquelle fait référence la montée au ciel de Jésus à l’ascension. Cela nous . enfermer le Christ dans le rôle d’un petit chef de secte mais à reconnaître ce qu’il y a de christique en tous, en chacun. Comme quand Jean dit dans sa première lettre « Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu » (1 Jn 4:7)

Dieu est le Père, au-dessus de tous. Il est sans doute intéressant de se le rappeler en préalable, même si en Christ Dieu s'est montré particulièrement proche. Mais la préposition grecque , qui signifie au-dessus veut dire également en direction de, et grâce à ce double sens, Paul arrive à dire en 3 mots seulement l'Évangile du Christ. Dieu est à la fois la transcendance absolue et il n’est pourtant pas étranger à ce que nous sommes et à ce que nous sommes appelés à être. Le Père est donc au-dessus de nous, mais il n'est pas lointain ou indifférent, il s'approche, il vient vers nous. Et c'est particulièrement en Jésus de Nazareth que Dieu se révèle ainsi, comme un Seigneur qui descend de son trône pour aller vers nous, comme le Père du Fils Prodigue court pour prendre son fils dans les bras.

Et, dans un sens moral, Dieu est au-dessus de nos divisions, de nos petites querelles, mais il n'est pas pour autant indifférent à cela, ni immuable. Il est en mouvement, un mouvement par lequel il s'approche et nous crée.

Le Père par le moyen de tous

Il est le « Père par tous », « le Père par le moyen de tous », nous dit Paul. En effet, Dieu n'est ce Père unique que s'il est vraiment notre Père à chacun. Pas une personne ne doit manquer pour qu'il soit le Père de tous. Et cette deuxième affirmation que nous offre Paul affirme l'unité de l'humanité, et il appelle à vivre cette unité. Dieu est le Père de tous, mais il sera vraiment le Père unique que par le moyen de la foi de chacun. D'où l'importance cruciale d'annoncer la Parole, qu’elle s’incarne dans des signes concrets comme nous le disent unanimement ces récits de l'Ascension.

Cette unité n'est pas une uniformité, elle est plutôt sur le modèle de la famille avec une grande diversité d'enfants, ou cette unité est sur le modèle du corps dont le Christ serait la tête. C'est probablement cette dernière image, paulinienne, qui est la plus parlante dans le contexte de l'Ascension, avec l'humanité comme corps dont le Christ est la tête après la disparition du corps biologique de Jésus de Nazareth. Ce n'est pas l'Église qui est le corps du Christ selon Paul dans ce texte, mais bien l'humanité tout entière, sans exception. L'humanité est, qu'on le veuille ou non, un corps unique. Dire que c’est le corps du Christ n’est pas une récupération mais une façon chrétienne de dire que ce corps nous dépasse puisque Christ est au ciel.

Le Père en tous

Il est le Père en tous. Cette proclamation est particulièrement remarquable, particulièrement ouverte, libérale. Même dans celui que je mépriserais volontiers, Dieu est présent par son souffle, et je risquais de passer à côté ?

Et puis, Dieu est présent en moi et je suis donc appelé à exprimer cette incroyable qualité, à ma façon. Prendre place dans ce corps mystique.

Mais par dessus tout à faire cette unité. Le Père est unique, au dessus de tous, par tous et en tous. Il est temps, grand temps de faire corps, de faire la paix. Ou plutôt il est temps de ne plus contrarier l’Esprit, le souffle de Dieu, réalisant cette unité. Cette paix.

Que Dieu nous soit en aide.

Amen


Lecture de la Bible

Derniers mots de l’Évangile selon Luc 24:50-53

Jésus les emmena jusque vers Béthanie, puis il leva les mains et les bénit. 51Pendant qu'il les bénissait, il se sépara d'eux et fut enlevé au ciel. 52Pour eux, après l'avoir adoré, ils retournèrent à Jérusalem avec une grande joie ; 53et ils étaient continuellement dans le temple et bénissaient Dieu.

Derniers mots de l’Évangile selon Matthieu 28:16-20

Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus avait désignée. 17Quand ils le virent, ils l'adorèrent. Mais quelques-uns eurent des doutes ; 18Jésus s'approcha et leur parla ainsi : Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. 19Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, 20et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde.

Derniers mots de l’Évangile selon Marc 16:19-20

Le Seigneur, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il s'assit à la droite de Dieu. 20Et ils s'en allèrent prêcher partout. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la parole par les signes qui l'accompagnaient.

Lettre de Paul aux Éphésiens 4:5-10

Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, 6un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, parmi tous et en tous.

7 Mais à chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don de Christ. 8C'est pourquoi il est dit : Il est monté dans les hauteurs, Il a emmené des captifs, Et il a fait des dons aux hommes.

9 Or, que signifie : il est monté, sinon qu'il est aussi descendu dans les régions inférieures de la terre ? 10Celui qui est descendu, c'est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses. 11C'est lui qui a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, 12pour le perfectionnement des saints. Cela en vue de l'œuvre du service et de l'édification du corps du Christ, 13jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite du Christ. 14Ainsi nous ne serons plus des enfants, flottants et entraînés à tout vent de doctrine, joués par les hommes avec leur fourberie et leurs manœuvres séductrices, 15 mais en disant la vérité avec amour, nous grandirons à tous égards en celui qui est le chef, Christ. 16De lui, le corps tout entier bien ordonné et cohérent, grâce à toutes les jointures qui le soutiennent fortement, tire sa croissance dans la mesure qui convient à chaque partie, et s'édifie lui-même dans l'amour.

(Cf. Traduction Colombe)

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