Et alors, que faire pour bien faire ?

Matthieu 5:17-26

Culte du 16 juin 2013
Prédication de pasteur Marc Pernot

(Matthieu 5:17-26)

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Culte du dimanche 16 juin 2013 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Dans ce passage, Jésus entre dans le vif du sujet. Que devons-nous faire pour bien faire ? Quelle morale nous donne-t-il ? Quels commandements ? Et Dieu dans tout ça ? C’est très utile, mais une fois de plus, ce que dit Jésus est bourré de paradoxes et de choses bizarres. Il nous donne l’occasion de sortir des clichés sur ce que la foi chrétienne imposerait. Avec un tel discours, il faut vraiment de la bonne volonté pour être intégriste, et prétendre lire et appliquer la Bible à la lettre.

Pour saisir combien ce que Jésus dit ici est curieux, il faut le situer dans le contexte de sa vie.

Jésus dit : « Il ne disparaîtra pas une virgule de la Loi…
Celui donc qui supprimera un des plus petits commandements
et qui enseignera aux gens à faire de même,
sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux. »

Le problème c’est qu’en lisant ce texte au pied de la lettre, Jésus mériterait le titre de super-minuscule dans le Royaume des cieux car il passe son temps à transgresser la Loi de Moïse et à libérer les gens d’une observation étroite, à la lettre, de la Bible. Par exemple, concernant ce commandement essentiel qu’est le respect le Sabbat, le jour de repos obligatoire. Jésus explique pourquoi il se sent libre et qu’il laisse ses disciples libres : « le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat ».

Jésus n’est pas du genre « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Au contraire. Ce qu’il fait éclaire ce qu’il dit. Et donc il nous faut réfléchir en articulant les deux, et s’il y a un problème entre ce qu’il dit et ce qu’il fait, cela nous invite à réviser nos concepts de base, sortir de ce que nous avons toujours considéré comme étant la tradition la plus sûre, ce que l’église nous a peut-être toujours dit, et même ce que le pasteur a enseigné du haut de la chaire (sourire)…

Il nous faut donc ici réviser un certain nombre de notions, de réflexes. Ce que Jésus entend par « commandement » ne serait donc pas un ensemble de règles à appliquer à la lettre, comme le repos tel jour à tel heure, telle chose à manger ou non, faire sa prière avant le repas ou non… « Je suis venu, nous dit Jésus, non pour détruire mais pour accomplir ». Le commandement, c’est ça : « accomplir ». C’est pour cela qu’il est envoyé et que nous sommes envoyés. Jésus ne dit même pas ce qui doit être accompli, cela dépend de chaque personne, des circonstances et des lieux. Nous sommes venus pour accomplir le monde, pour accomplir les promesses et l’espérance de Dieu, pour dire et accomplir ce qui est juste. Nous avons pour mission d’accomplir notre être, d’aider notre prochain à son accomplissement, sans le faire à sa place. Avec Dieu pour compagnon plus que comme chef de chantier. Nous sommes venus pour participer à notre façon à la construction de l’ensemble et donc de chacun. Et que rien ni personne ne soit oublié. Toutes les autres choses, la religion, les grands principes, les actions et les projets, l’argent, les forces et le temps ne sont que des moyens qui sont utiles quand ils sont placés au service de cela.

C’est ainsi que « le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat ». Cette bonne idée de prendre du temps pour se placer avec ses plus proches devant Dieu. Mais ce n’est pas un but en soi, c’est simplement un moyen qui est souvent utile pour la construction de l’humain. Mais l’essentiel est là : avancer dans un certain accomplissement.

2) Traiter quelqu’un d’imbécile, c’est le tuer ?

Jésus dit : « celui qui tuera sera passible de jugement.
Mais moi je vous dis que : celui qui se met en colère contre son frère
est passible de jugement. »

Or, dans les évangiles, il n’est pas rare que Jésus traite de bien pire que d’imbécile les pharisiens, il les traite d’hypocrites, il les traite de tombeaux d’occasion, et de je ne sais quelle autre injure digne du capitaine Haddock. Jésus traite même l’apôtre Pierre de « Satan », ce qui est assez bien placé dans le classement des injures sympathiques.

Selon ses propres paroles, Jésus est donc passible du tribunal, du sanhédrin et de la géhenne de feu.

C’est vrai que ce comportement critique envers les intégristes de l’époque va le conduire devant le tribunal et le sanhédrin qui vont l’exécuter. C’est clair. Pour ne pas avoir d’ennui, comme Jésus le dit un peu plus loin, il vaut mieux ne pas faire de vagues, être bien d’accord avec tout le monde quitte à transiger avec la vérité et la justice, comme ça nous serons bien vus, appréciés. Mais cela ne va pas dans le sens de l’accomplissement. Alors que les prophètes se font mal voir, et que le Messie, le Christ se fait hyper mal voir de l’institution religieuse en place et du pouvoir politique, mal voir des castes de prêtres et des privilégiés. Donc oui, Jésus n’est pas du genre à mâcher ses mots quand il faut dire les choses et quant il faut poser des actes qui fâchent comme quand il débarrasse avec éclat le Temple de Jérusalem de sa légion de charlatans et d’escrocs.

Mais c’est plus compliqué que cela. Car toute parole provocante n’est pas une bonne parole. Il y a des injures qui « accomplissent » un vrai bon travail, ou au moins qui sont faites sincèrement en cherchant à accomplir un progrès en termes de justice. Et il y a des injures qui « détruisent ». Et c’est là que nous avons bien besoin d’une autre sorte de tribunal que le sanhédrin. Il faut le tribunal de sa propre conscience intérieure éclairée par la foi, par l’expérience, par les bons conseils et la raison. Ce n’est pas facile. Ce n’est jamais facile.

C’est pourquoi il faut aussi, nous dit Jésus « le feu de la Géhenne », ce qui évoque le jugement de Dieu sur nous. Bien entendu, dans la bouche de Jésus, ce jugement est l’amour de Dieu pour chacun. C’est un feu qui nous éclaire et qui nous purifie : détruisant ce qui est source de destruction et bénissant ce qui est source d’accomplissement dans nos pensées, nos intentions, nos décisions.

C’est là que la loi écrite ne suffit pas. C’est vrai que tuer une personne est parmi les choses les pires qui soient, puisque c’est un gâchis infini et irréparable. Mais il serait fou de dire à une victime d’un harcèlement moral : « bah, c’est pas si grave, y a pas mort d’homme ! », certes, il n’y a pas de sang, mais il peut y avoir quelque chose qui est de l’ordre d’une destruction parfois terrible. La même parole injurieuse peut donc être source de vérité, source de justice, ou source de mort. Il y a de justes colères et il y a des colères qui détruisent celui qui la porte ou celui qui en subit les effets. Même dans la façon de regarder la personne que nous avons en face de nous, il y a quelque chose qui change tout. Qui change tout pour nous, et qui change tout, parfois, pour l’autre qui est en face e nous.

Et c’est pourquoi Jésus nous invite à dépasser la justice des intégristes qui pensent respecter à la lettre les commandements de la Bible alors qu’en faisant cela, ils en dénature l’Esprit. L’accomplissement de la Loi c’est s’ouvrir à son esprit. C’est viser les promesses qu’elle nous donne au nom de Dieu, promesse de liberté et de bénédiction, promesse de justice et d’espérance pour chacun. L’accomplissement de la Loi c’est nous sentir envoyé pour accomplir quelque chose de profond et de vrai. Et que nous n’ayons même pas à nous forcer pour avoir l’envie et les moyens de le faire.

Une troisième parole de Jésus est vraiment étrange dans le contexte de sa propre vie :

3) Serions-nous interdit de religion tant que
nous sommes brouillé avec quelqu’un ?

C’est ce qui pourrait sembler en première lecture. Et c’est étrange. Car on ne peut pas dire que personne n’était fâché contre Jésus. Au contraire, il est mort de cela, et il n’a rien fait pour arranger les choses, au contraire ! Alors s’il fallait attendre de plaire à tout le monde pour avoir le droit de prier, Jésus n’aurait rien pu faire et nous ne serions pas là ce matin au culte.

Ce n’est donc pas ce que veut dire ce texte.

Si donc tu présentes ton offrande à l’autel,
et que là tu te souviennes que ton frère
a quelque chose contre toi…

La première chose que dit ici Jésus c’est que nos actes religieux devraient nous aider à nous souvenir de nos frères. Ce devrait être un des fruits de la religion : non pas seulement penser à Dieu, à nous-mêmes, à notre salut, à notre bon droit… mais qu’en joignant Dieu cela nous fasse nous souvenir qu’il y a des gens qui existent autour de nous, et que nous le voulions ou non, ce sont nos frères et sœurs.

Et Jésus nous invite à nous s’intéresser à ce qu’ils pensent, eux, de la manière dont je les ai traités. Peut-être que notre prochain nous en veut pour de mauvaises raisons. Ou peut-être pour de bonnes raisons. Mais au moins, grâce à Dieu, nous pouvons arriver à sentir que l’autre a lui aussi un point de vue. C’est déjà une bonne base. Que faire ensuite ?

Si là, en priant, tu te souviens que ton frère
a quelque chose contre toi, laisse ton offrande devant l’autel,
et va d’abord te réconcilier avec ton frère;
puis, viens présenter ton offrande.

Jésus ne nous dit pas que nous devrions réconcilier notre frère qui a quelque chose contre nous. C’est impossible de le réconcilier de force. Et cette obligation nous pousserait peut-être à de la démagogie, à tordre la justice. Mais c’est déjà essentiel d’avoir noté qu’il a, lui aussi, une existence légitime.

Jésus ne nous dit pas non plus : si tu te souviens que, toi, tu as quelque chose contre ton frère, va te réconcilier avec lui. Cela aurait été culpabilisant d’une façon cruelle en certaines circonstances. Par exemple, pour quelqu’un qui a été vraiment blessé et qui peine à pardonner. Dans ce cas, la force de pardonner ne se commande pas, mais se reçoit de Dieu comme une guérison progressive de notre âme blessée.

Mais ce que Jésus nous propose ici, c’est de nous réconcilier nous-même avec l’autre quand l’autre nous en veut à nous. C’est la base de l’idée si essentielle qu’a eu Jésus de vouloir du bien à celui qui nous persécute.

Se réconcilier veut dire alors accepter que l’autre soit digne d’avoir un point de vue, juste ou injuste, c’est une autre question, comme que je suis digne d’avoir un point de vue moi aussi.

Et après cette étape importante, il est temps alors de venir vers Dieu, nous dit Jésus :

« Viens alors présenter ton offrande »

Le rite sert ainsi à nous faire progresser. Comme « le sabbat est fait pour l’homme », la religion n’est pas tellement faite pour Dieu, elle ne nous gagne pas des bons points (Dieu n’est pas dans ce genre de calcul, et il nous aime déjà à fond).

La religion, les rites, les prières et les sacrements sont faits pour nous aider à progresser, et pour nous envoyer en mission dans ce monde non pour détruire mais pour accomplir quelque chose.

Et il y a des moments où la religion est un frein, un alibi qui nous empêcherait d’aller accomplir ce que nous devons décider par nous-mêmes et faire par nous-mêmes pour essayer sincèrement d’accomplir ce que notre cœur et notre tête nous auront dit.

La religion et le rite ne sont pas si importants en eux-mêmes. Ce sont des moyens à notre service. Parfois, c’est une urgence d’aller au culte, de lire la Bible, de recevoir les sacrements, et de prier. Parfois non. Par exemple aider un frère qui a le cœur plein de haine est parfois plus prioritaire, et tant pis pour Dieu qui attendra notre culte, il préfère nous voir en train d'essayer d’accomplir quelque chose de juste selon ce que notre foi nous aura donné au cœur de faire. Parfois l’offrande sera de mettre du baume sur un cœur blessé, parfois ce sera d’aller dire quelque chose de difficile à dire à un frère et qui le fâchera contre nous, et sacrifier ainsi la bonne image que nous aimerions que tout le monde ait de nous, comme Jésus avait le courage de le faire.

Mais que ce soit pour accomplir et non pour détruire. C’est là, franchement, une question si délicate que nous avons bien besoin de Dieu pour venir à notre secours et nous pardonner.

Et que cet instant puisse être une ouverture à l’accomplissement des promesses de Dieu, pour nous et pour les autres, et un petit peu grâce à nous aussi, parfois.

Lecture de la Bible

Matthieu 5:17-26

(Jésus dit : )
N’imaginez pas que je sois venu pour détruire la loi ou les prophètes;
je suis venu non pour détruire, mais pour accomplir.

18 En effet, Amen, je vous le dis,
jusqu’à ce que disparaissent le ciel et la terre, il ne disparaîtra pas de la loi un seul point sur les i ou une seule barre sur les t, jusqu’à ce que tout soit fait.

19 Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux; mais celui qui les pratique et qui les enseigne, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux.

20 Car, je vous le dis, si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux.

21 Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens:
Tu ne tueras pas; celui qui tuera sera passible de jugement.
22Mais moi je vous dis que :
quiconque se met en colère contre son frère est passible de jugement; que celui qui dit à son frère: Raca ! mérite d’être puni par le sanhédrin; et que celui qui lui dira: fou ! mérite d’être puni par le feu de la géhenne.

23 Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi,

24 laisse là ton offrande devant l’autel,
et va d’abord te réconcilier avec ton frère;
puis, viens présenter ton offrande.

25 Accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu’il ne te livre au juge, que le juge ne te livre à l’officier de justice, et que tu ne sois mis en prison. 26 Amen, je te le dis, tu ne sortiras pas de là que tu n’aies payé le dernier quart de sous.

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