Emmaüs où les chemins nouveaux de la tradition

Luc 24:13-35

Culte du 26 avril 2020
Prédication de Béatrice Cléro-Mazire

Vidéo du culte

Dimanche 26 avril 2020
41ème jour du confinement national
Deuxième dimanche après Pâques

Culte à destination du site Internet

Musique par David Cassan, organiste titulaire

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Musique

Salutation
Chers amis, chers frères et sœurs, où que vous soyez actuellement ,
La grâce et la paix vous sont données, de la part de Dieu notre Père, par Jésus-Christ, le ressuscité.

Accueil 

Bienvenue à vous tous qui nous rejoignez. Alors que l’on commence à parler de l’après confinement, il nous faut rester très vigilants et patients et ce n’est pas toujours facile. Un nouveau temps psychique s’ouvre pour beaucoup, comment préparer l’avenir ? Que ce temps de culte permette à tous de déposer vos soucis et vos attentes devant notre Seigneur.
Ce matin, nous avons une pensée particulière pour nos amis musulmans qui sont entrés dans le mois de Ramadan. Nous leur souhaitons de vivre au mieux cette période si importante pour la fraternité.
Nous pensons à tous ceux qui traversent cette crise sanitaire et sociale dans la précarité et nous rappelons ce matin que prier Dieu c’est aussi aider son prochain.
Nous sommes en communion les uns avec les autres, car, où que nous soyons, réunis virtuellement ou physiquement, si nous le sommes au nom du Christ, il est au milieu de nous.    

Pour partager cette communion, je vous invite à louer Dieu avec le début du  Psaume 63 :
Psaume de David lorsqu'il était dans le désert de Juda.

O Dieu, tu es mon Dieu ; je te cherche, j'ai soif de toi, je soupire après toi,
Dans une terre desséchée et épuisée, faute d'eau.
Ainsi je te contemple dans le sanctuaire, pour voir ta puissance et ta gloire.
Parce que ta fidélité est meilleure que la vie, mes lèvres font ton éloge.
Ainsi je te bénirai toute ma vie, j'élèverai mes mains en ton nom.
Je serai rassasié comme de graisse et de moelle. Des cris de joie aux lèvres, ma bouche te louera.
Lorsque je me souviens de toi sur mon lit, pendant les veilles de la nuit, je médite sur toi,
Car tu es mon secours, et je crie de joie à l'ombre de tes ailes.
Je suis attaché à toi ; ta main droite me soutient. (…)

Musique : Psaume 107

Louez Dieu pour sa grâce, Célébrez son amour,
Qui jamais ne se lasse, qui demeure à toujours.
Vous qu’il a sauvés des mains de l’adversaire,
Vous qu’il a rassemblés des confins de la terre !

Ils erraient solitaires dans le désert sans fin
Aveuglés de poussière, privés d’eau et de pain.
Vers toi ils ont crié, Seigneur, dans leur déroute ;
Tu les as délivrés, les guidant sur la route.

Dans les prisons obscures, des hommes enchainés
Aux peines les plus dures étaient abandonnés.
Vers toi ils ont crié, Seigneur, dans leur misère ;
Tu les as délivrés des fers qui les enserrent.

Au Seigneur rendez grâce, Au Dieu libérateur ;
Chacun de ses miracles émerveille nos cœurs.
Que tous les rachetés, les hommes qu’il fait vivre,
S’unissent pour chanter l’amour qui les délivre.

Cramponnés au cordage sur la mer en fureur,
Des marins en naufrage se mourraient de terreur.
Vers toi ils ont crié, dans l’effroi et la peine ;
Tu les as délivrés : au port tu les ramènes.

D’autres, brûlants de fièvre, tordus par la douleur,
Écartaient le leurs lèvres le pain avec horreur.
Vers toi ils ont crié, Seigneur dans leur angoisse ;
Tu les as délivrés et guéris par ta grâce.

Dieu rend le sol fertile où planter un verger,
Où bâtir une ville, abriter l’étranger.
Il donne à l‘affamé du pain en abondance ;
Il soutient l’opprimé, il est sa délivrance.

Louez Dieu pour sa grâce, Célébrez son amour,
Qui jamais ne se lasse, qui demeure à toujours.
Que tous les rachetés, les hommes qu’il fait vivre,
S’unissent pour chanter l’amour qui les délivre.

Confession des pêchés et Annonce de la grâce

Nous nous présentons devant Dieu en méditant avec Dietrich Bonhoeffer sur la situation du pêcheur et sur sa vie en communauté.
Confessez donc vos péchés les uns aux autres (Jacq 5:16). Rester seul avec son mal, c’est rester tout à fait seul. Il se peut que des chrétiens, malgré le temps de recueillement en commun et la prière commune, et bien qu’ils soient vraiment au service de la communauté, demeurent finalement seuls, sans parvenir à former une communauté réelle. En effet, ils veulent bien être une communauté de croyants, de gens pieux, mais non une communauté d’impies et de pécheurs. La communauté pieuse, en effet, n’autorise personne à être un pécheur. Il s’ensuit que chacun doit chercher à cacher son péché, à lui-même et à la communauté. Il ne nous est pas permis d’être des pécheurs. On ne peut pas imaginer l’horreur de beaucoup de chrétiens si, soudainement, un vrai pécheur faisait son apparition parmi les gens pieux. C’est pourquoi nous restons seul avec notre péché, dans le mensonge et dans l’hypocrisie ; car, en fait, nous sommes bel et bien des pécheurs.

Mais c’est la grâce de l’Évangile, si difficile à comprendre pour les gens pieux, que de nous mettre dans la vérité et de nous dire : tu es un pécheur, un grand pécheur, incurablement, mais tu peux aller, tel que tu es, à ton Dieu qui t’aime. Il te veut tel que tu es, il ne veut absolument rien de toi, ni sacrifice, ni œuvre, mais il te veut toi-même, toi seul. « Mon fils, donne-moi ton cœur » ( Prov 23:26). Dieu est venu jusqu’à toi, Pour rendre heureux le pécheur. Réjouis-toi ! Ce message est une libération par la vérité. Devant Dieu, tu ne peux pas te cacher. Le masque que tu portes devant les hommes ne te sert à rien devant lui. Il veut te voir tel que tu es et il veut te faire grâce.

Dietrich Bonhoeffer, De la vie communautaire, éd  Labor et Fides, 2006, p.95.

Confession de foi

Nous ne sommes pas seuls,
nous vivons dans le monde qui appartient à Dieu.

Nous croyons qu’il fait le monde pour le bonheur et pour la vie ; 
malgré les limites de notre raison et les révoltes de notre cœur,
Nous croyons en Dieu.

Nous croyons qu’il travaille en nous par son Esprit 
pour nous apporter la réconciliation et le renouveau,
Nous avons confiance en lui.

Il nous appelle à nous rassembler : 
pour célébrer sa présence, pour aimer et servir les autres, 
pour rechercher ce qui est juste et résister au mal.

Nous proclamons le Royaume de Dieu,
Dans la vie, dans la mort, dans la vie après la mort, 
il est avec nous. Nous ne sommes pas seuls.
Nous croyons en Dieu

Doxologie : Gloire à Dieu, dans les cieux et sur la terre et d’éternité en éternité

Prière d’illumination
avec Augustin d’Hippone :
Seigneur autant que j’ai pu, autant que tu m’en a donné la force, je t’ai cherché et j’ai voulu avoir l’intelligence de ce que je crois, et j’ai beaucoup discuté et j’ai peiné.



Seigneur, mon dieu, mon unique espérance, exauce moi, ne permet pas que je me lasse de te chercher mais mets-moi au cœur un désir le plus ardent de te chercher. Me voici devant toi avec ma Force et ma faiblesse, soutient l’une, guéris l’autre.



Devant toi et ma science et mon ignorance, là où tu m’as fermé, ouvre à celui qui frappe. Que je me souvienne de toi. Que je te comprenne. Que je t’aime.

Lecture biblique Luc 24:13-35

Cantique Louange et Prière n°372 : Reste avec nous

Reste avec nous, Seigneur, le jour décline,
La nuit s’approche et nous menace tous ;
Nous implorons ta présence divine :
Reste avec nous, Seigneur, reste avec nous.

En toi nos cœurs ont salué leur Maître,
En toi notre âme a trouvé son Époux ;
A ta lumière, elle se sent renaître ;
Reste avec nous, Seigneur, reste avec nous.

Les vains bonheurs de ce monde infidèle
N’enfantent rien que regrets ou dégoûts ;
Nous avons soif d’une joie éternelle ;
Reste avec nous, Seigneur, reste avec nous.

Dans nos combats, si ta main nous délaisse,
Satan vainqueur nous tiendra sous ses coups ;
Que ta puissance arme notre faiblesse ;
Reste avec nous, Seigneur, reste avec nous.

Sous ton regard la joie est sainte et bonne,
Près de ton cœur les pleurs même sont doux ;
Soit que ta main nous frappe ou nous couronne,
Reste avec nous, Seigneur, reste avec nous.

Et quand au bout de ce pèlerinage,
Nous partirons pour le grand rendez-vous,
Pour nous guider dans ce dernier passage,
Reste avec nous, Seigneur, reste avec nous.

Prédication 


            Nous voici à la sixième semaine de confinement et nous vivons en église d’une façon tout à fait inédite : nous ne pouvons plus nous rendre dans les lieux de cultes, nous ne pouvons plus chanter ensemble, écouter à l’unisson, dans le même silence, le même discours, partager au même moment la même prière ; la présence virtuelle n’ayant pas les mêmes modalités que la présence réelle.

            Et que dire de la Cène que nous ne pouvons pas partager et qui est sans doute le point le plus névralgique de notre pratique religieuse actuelle et future, puisque sa pratique est la plus contraire aux règles sanitaires édictées en cas d’épidémie virale. En effet, qui boirait dans la même coupe que son voisin en ce moment sans prendre un risque d'infection?

            Que dire aussi des baptêmes, des mariages et évidemment, des obsèques ? Tous ces moments où la communion avec les proches, l’émotion d’être ensemble en communauté, l’impression d’être là où quelque chose d’irremplaçable et d’unique se passe, tous ces instants qui donnent un relief particulier à nos existences et nous en rappellent le prix inestimable aux yeux de Dieu : tous ces temps aussi nous sont en ce moment retirés.

            Comment recevoir cette situation donnée ?

            Nous pourrions refuser la réalité, entrer en résistance et prôner une désobéissance au nom du droit à nous réunir et à pratiquer notre religion ; mais, ce serait nous tromper de combat. Notre confinement n’est pas une interdiction discriminante à laquelle il faudrait s’opposer héroïquement par l’entrée en clandestinité. Le confinement n’est pas fait contre nous, mais il nous protège.

            Nous ne sommes pas une église des catacombes, pas plus qu’une assemblée clandestine après la révocation de l’Édit de Nantes. Ce que nous vivons, toute proportion gardée, rappelle davantage ce que rapporte Martin Luther au révérend John Hess, quand il écrit, alors que la peste noire sévissait en Europe :

« Je demanderai à Dieu par miséricorde de nous protéger. Ensuite, je vais enfumer, pour aider à purifier l’air, donner des médicaments et les prendre. J’éviterai les lieux, et les personnes, où ma présence n’est pas nécessaire pour ne pas être contaminé et aussi infliger et affecter les autres, pour ne pas causer leur mort par suite de ma négligence. Si Dieu veut me prendre, il me trouvera sûrement et j’aurai fait ce qu’il attendait de moi, sans être responsable ni de ma propre mort ni de la mort des autres ».

            L’ennemi n’est pas seulement notre ennemi, mais il est aussi l’ennemi de tous. Nous nous trouvons tous touchés, parce que nous sommes tous susceptibles d’être malades ou de rendre malade un autre. Nous sommes à la fois vulnérables et responsables. Isolés des autres et interdépendants les uns des autres.

            Devant cette situation paradoxale, les communautés religieuses, à l’exception de quelques églises organisant des messes clandestines, ont pris acte de cette nouvelle situation et se sont organisées pour rester présentes auprès de leurs membres, au moins de façon virtuelle, et continuent d’annoncer la Bonne Nouvelle du Salut de Dieu, autrement.
           
            Mais quelle peut être cette Bonne Nouvelle dans cette période d’incertitude et de crise sanitaire mondiale ? Quel est le message de libération qui peut intégrer le risque que représente la contagion ? Où est la limite entre la précaution légitime et une vie qui tend à l’absurde parce qu’elle est empêchée de toute part ?

            Dans le texte de l’Évangile de Luc, les deux hommes qui s’éloignent de Jérusalem, après la mort de Jésus, n’ont plus aucune raison de rester là où ils ont pourtant entendu le maître leur annoncer le Règne de Dieu pour cette terre.

            Comme une sanction sans concession, la mort de Jésus a remis tout leur avenir en question. La mort de Jésus a tué leur espérance en ce monde meilleur, et les liens qu’ils avaient tissés avec les disciples de Jésus n’ont plus assez de sens à leurs yeux pour qu’ils fassent communauté avec eux. A ce moment là, la communauté des héritiers de Jésus risque la dissolution et l’oubli.

            Cet épisode de l’Évangile de Luc met en relief un tournant décisif pour la communauté des disciples de Jésus qui, souvent, ne se connaissent pas encore vraiment tous les uns les autres. Il y a ceux de Galilée, ceux de Jérusalem, ceux qui sont des missionnaires itinérants envoyés par Jésus lui-même, ceux qui sont à Jérusalem et qui l’ont entendu prêcher, ceux qui l’accueillaient dans leurs maisons et lui donnaient un toit et un repas. Il y a les douze, devenus onze, effrayés et encore inconscients de la portée des paroles de Jésus et du nombre de personnes qu’il a pu toucher de son vivant avec sa prédication. Il y a Jacques, ce frère qui semble seul avec sa mère à prendre parti pour ce parent un peu original et qui bouleverse les codes habituels de la tradition religieuse familiale.

            Bref, une myriade de témoins du Christ attendent qu’on les rassemble en constellations.

            Les témoins d’Emmaüs sont deux de ces étoiles isolées. Et par leur cheminement, l’Évangile de Luc nous décrit le moment décisif du choix : vont-ils s’en tenir au souvenir d’un prophète proclamant le salut pour Israël et qui, comme tant d’autres prophètes galiléens, comme Élie, lui-même, ont disparu sans que leur parole ne transforme le monde, ou comprendront-ils ce qui se révèle à eux ? C’est à eux que revient le rôle de donner forme à ce règne annoncé par la vie même de Jésus. Une nouvelle ère s’ouvre devant eux ; ils peuvent accepter l’oubli en restant atomisés, ou inventer de nouveaux chemins de transmission de l’espérance de Dieu en faisant « tradition commune » avec les autres héritiers de Jésus.

            Comment s’approprier la crise ? Comment lui donner une signification au-delà des obstacles qu’elle révèle sur nos chemins ?

            En faisant de cette crise le terreau de nouvelles traditions vivantes. Le récit des témoins d’Emmaüs s’approprie la crise provoquée par la mort du Christ en instituant deux piliers du christianisme naissant : la prédication de la résurrection et le sacrement de la Cène.
            Les traditions apparaissent souvent comme venues du fond des âges et l’on oublie ordinairement qu’elles ont toutes un début dans un contexte donné qui a nécessité leur création. Si tradition vient étymologiquement de transmission, elles ont pourtant bel et bien un début et une fin, selon les besoins du message qu’elles devaient transmettre. Elles créent des symboles propres à véhiculer des valeurs et des modes de vie qui semblent ancrés dans une histoire lointaine laquelle leur donne leur légitimité.

            Les témoins d’Emmaüs sont rejoints par la présence spirituelle du Christ, qui les aide à aller puiser dans le fond historique de la foi d’Israël pour donner sens à l’évènement de la mort du Christ et l’ériger au rang de tradition : « Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur fit l’interprétation de ce qui, dans les Écritures, le concernait ». Au fur et à mesure qu’ils marchent, la tradition de l’Église se raconte, s’institue, s’écrit.

            Les deux étoiles perdues sur le chemin d’Emmaüs ont reconnu ce qui les faisait briller chacun dans leur cœur, et grâce à cette rencontre et au récit qu’ils font des évènements, ils peuvent rejoindre la constellation où Jésus leur avait préparé une place, celle des disciples du ressuscité. Ils font tradition commune autour du tombeau vide, s’appuyant sur ce qui leur manque pour reconnaitre et mettre en récit le don de Dieu.

            De nombreuses traditions cohabitèrent dès le début du christianisme : celle des missionnaires itinérants continua comme du vivant de Jésus et s’attacha à répéter les paroles du Christ et à raconter ses gestes. Pour eux, la résurrection, qui était un concept encore assez récent en Israël, ne constituait pas le socle de leur tradition à la suite du Christ. La tradition du Jésus thaumaturge aussi, continua dans les contrées où Jésus avait fait des miracles ou des actes de puissance ; là non plus, le tombeau vide ne constituait pas le socle originel de leur fidélité à Jésus. La résurrection mit du temps à s’imposer comme le message central du christianisme. On repère cela, dans les textes les plus anciens, à la diversité des termes choisis pour évoquer ce phénomène de résurrection. On parle de réveil, de relèvement, d’élévation, d’exaltation ou de glorification. Ce qui montre que l’évènement peinait à faire sens unanimement dans les différentes constellations de témoins.

            En revanche, dans d’autres courants, la résurrection fut le point de départ d’une nouvelle tradition qui allait perdurer avec le succès qu’on lui connaît jusqu’à nos jours. Les lettres de Paul, puis les Évangiles canoniques, adopteront cette tradition du ressuscité.

            On peut même dire que, sans cette innovation symbolique que constitue la notion de résurrection, le christianisme aurait peut-être été oublié. Le recours à cette idée selon laquelle le vide laissé par Jésus était signifiant pour ses survivants, comme préfiguration de la résurrection de tous les croyants après lui, ou encore comme signe de la venue du règne de Dieu, ouvrit un temps d’espérance nouvelle et permit aux disciples de Jésus de sortir de l’impasse absurde dans laquelle sa mort infamante les avait plongés.

            On sait aujourd’hui que c’est dans ces groupes sédentaires et plutôt urbains, donc stables dans le temps et l’espace, que les cultes de maisons se développèrent, ce qui institua le récit de la passion du Christ et la Sainte Cène comme socle traditionnel solide de la nouvelle religion que devenait le christianisme. Ces rites permirent à Paul d’aller vers une compréhension universaliste de l’héritage du Christ : manger du pain et boire du vin ensemble et transcender par la résurrection la peur de la mort, constituaient des éléments anthropologiques compréhensibles de tous, Juifs et païens. 

            Les témoins d’Emmaüs reconnaissent Jésus au moment où ils mangent avec lui le pain. Ils se rattachent à ce geste du dernier repas du Christ, pour comprendre leur propre engagement d’apôtres. L’évènement vécu devient rite parce qu’il prend sens dans leur foi propre.

            Aujourd’hui, nous sommes privés de ces choses qui font sens pour nous. Sans doute, vous dites-vous que, lorsque l’on est moderne, comme les protestants le sont, on n’a pas besoin de tradition. Pourtant, même les modernes créent leurs traditions pour donner du poids à leurs réformes. N’a-t-on pas appelé les réformés « les archéologues de la foi » ? Preuve qu’ils allaient chercher la légitimité de leur réforme dans des fondements historiques.

           La crise que nous vivons creuse des manques dans notre vie communautaire. Même si la communion spirituelle n’était pas exclue de notre communauté, elle est devenue notre préoccupation centrale en quelques semaines parce que nous ne pouvons plus nous rejoindre dans nos lieux de cultes et que seule cette spiritualité peut nous maintenir dans des liens fraternels. Les liens de fraternité et d’amitié au nom du Christ sont mis à l’épreuve de l’éloignement ou de l'isolement. Nous découvrons nos richesses, mais aussi nos pauvretés, jusque-là voilées par l’évidence de notre liberté d’agir. Il nous faut redoubler de confiance, précisément au moment où nous sommes les plus inquiets. 

            Cette crise révèle combien notre communion est grande quand nous nous reconnaissons fragiles et vulnérables, dépendants de l’amour de nos frères. Elle nous montre aussi combien le désir de maîtriser ou de conserver l’Église dans ses formes immuables est vain, car l’Église ne peut rester toujours la même au milieu des contingences. Elle est un don gracieux de Dieu qui nécessite une adaptation constante de nos pratiques, une relecture de nos traditions, comme cette révélation qui, donnée aux témoins d’Emmaüs sur le chemin, les oblige à relire leur histoire et à considérer le partage du pain comme un moment essentiel de communion avec le Christ, un sacrement.

            Frères et sœurs, nous sommes comme les deux témoins qui errent dans leur fragilité et leur vulnérabilité et sont rejoints par le Christ. Il nous faut recevoir l’Église que Dieu nous donne et inventer de nouvelles traditions de partage et de communion pour nous adapter à un avenir différent, à des crises sanitaires ou climatiques, ou sociales, car, comme l’écrit Dietrich Bonhoeffer, « on oublie facilement que la communauté de frères chrétiens est un don gracieux du Royaume de Dieu qui peut nous être repris chaque jour, et que nous pouvons d’un instant à l’autre être précipités dans la solitude la plus profonde. (…)  Dieu nous fait le don de la communauté visible dans des proportions différentes. La brève visite d’un frère chrétien, une prière commune et la bénédiction fraternelle consolent le chrétien dans la diaspora, et même une simple lettre écrite de la main d’un chrétien le réconforte. » (De la vie communautaire, éd Labor et Fides, 2006, p.26).

            Après cette crise, les choses auront changé et il serait illusoire de ne pas voir en cette période où tout semble manquer, la révélation de ce qu’il nous faudra sans doute adapter. Cette crise nous révèle que l’Église n’est pas seulement un lieu, elle n’est pas un bien matériel, elle n’est pas uniquement visible, mais elle est aussi invisible et il nous faudra sans doute annoncer l’espérance par de nouveaux chemins de transmission, par de nouvelles traditions, adaptées au contraintes nouvelles de notre temps. 

            Bientôt nous nous retrouverons, concrètement, et alors, l’Église sera pour nous comme pour Martin Luther : cet instant de repos parmi les « roses et les lys » ; mais nous nous souviendrons intimement que c’est Dieu seul qui nous donne cette Église pour laquelle nous inventons de nouveaux langages.
                                                                       AMEN.

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Annonces et offrande

L’Oratoire du Louvre reste en contact avec vous.
N’hésitez pas à consulter régulièrement notre site internet : oratoiredulouvre.fr
Vous y trouverez des méditations, des prières, des contenus pour les enfants et chaque semaine, le culte en version audio  ou vidéo et en texte imprimable.
Vous pouvez aussi envoyer un message sur l’adresse mail suivante : accueil@oratoiredulouvre.fr et demander à être abonnés à la Newsletter.
Le temple et la maison presbytérale sont fermés au public jusqu’à nouvel ordre.
Collecte :
En ce dimanche, je vous invite à faire donner offrande à votre église, comme si vous étiez au temple, en cliquant sur faire un don, en bas de la page du site oratoiredulouvre.fr
Car le confinement ne doit pas nous priver de la joie de donner et de faire communauté.

Pour terminer ce culte, je vous invite à la prière.

Prière d’intercession

Dieu le miséricordieux, si nous t’appelons, Adonaî, tu es là, si nous t’appelons Père, tu es là, si nous t’appelons Seigneur, tu es là, si nous t’appelons Allah, tu es là et si nous te cherchons dans les ténèbres, tu nous rejoins.
Que notre foi  en toi nous garde de toute arrogance religieuse et que nous soyons capables, en ton nom, de devenir frères et sœurs les uns pour les autres dans ce monde, car ce monde a besoin de notre fraternité.
Dieu de tous les hommes, fais de nous des artisans de paix. Fais de nos institutions religieuses des structures assez fortes pour garantir à tous la liberté d’exprimer sa foi et assez souples pour se réformer sans cesse afin de garantir une annonce fidèle de ta Parole pour ce monde.
Pardonne-nous enfin, de te demander ce que tu sais mieux que nous.
Donne-nous l’humilité dans la foi.

Et ensemble, nous pouvons dire et entendre la prière que Jésus le prophète, appelé fils de Dieu dans la foi, a apprise à ses disciples.
Ensemble, reliés les uns aux autres, malgré les distances qui nous séparent, nous te disons :

Notre Père,  qui es aux cieux,
Que ton nom soit sanctifié,
Que ton règne vienne,
Que ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour,
Pardonne-nous nos offenses
Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal.
Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire,
Pour les siècles des siècles,
Amen.

Envoi

Frères et sœurs, tenez bon dans ces moments insolites et difficiles, tenez bon dans la confiance et la paix.

Bénédiction
Le Seigneur de toutes grâces vous bénit et vous garde.

Musique 

Lecture de la Bible

Lecture biblique Luc 24:13-35

13 Or, ce même jour, deux d'entre eux se rendaient à un village du nom d'Emmaüs, à soixante stades de Jérusalem,
14 et ils s'entretenaient de tout ce qui s'était passé.
15 Pendant qu'ils s'entretenaient et débattaient, Jésus lui-même s'approcha et fit route avec eux.
16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
17 Il leur dit : Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? Ils s'arrêtèrent, l'air sombre.
18 L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit : Es-tu le seul qui, tout en séjournant à Jérusalem, ne sache pas ce qui s'y est produit ces jours-ci ?
19 Quoi ? leur dit-il. Ils lui répondirent : Ce qui concerne Jésus le Nazaréen, qui était un prophète puissant en œuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple,
20 comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour qu'il soit condamné à mort et l'ont crucifié.
21 Nous espérions que ce serait lui qui apporterait la rédemption à Israël, mais avec tout cela, c'est aujourd'hui le troisième jour depuis que ces événements se sont produits.
22 Il est vrai que quelques femmes d'entre nous nous ont stupéfiés ; elles se sont rendues de bon matin au tombeau et,
23 n'ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu'elles avaient eu une vision d'anges qui le disaient vivant.
24 Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses tout comme les femmes l'avaient dit ; mais lui, ils ne l'ont pas vu.
25 Alors il leur dit : Que vous êtes stupides ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes !
26 Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte pour entrer dans sa gloire ?
27 Et, commençant par Moïse et par tous les Prophètes, il leur fit l'interprétation de ce qui, dans toutes les Écritures, le concernait.
28 Lorsqu'ils approchèrent du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin.
29 Mais ils le pressèrent, en disant : Reste avec nous, car le soir approche, le jour est déjà sur son déclin. Il entra, pour demeurer avec eux.
30 Une fois installé à table avec eux, il prit le pain et prononça la bénédiction ; puis il le rompit et le leur donna.
31 Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux.
32 Et ils se dirent l'un à l'autre : Notre cœur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous ouvrait le sens des Écritures ?
33 Ils se levèrent à ce moment même, retournèrent à Jérusalem et trouvèrent assemblés les Onze et ceux qui étaient avec eux,
34 qui leur dirent : Le Seigneur s'est réellement réveillé, et il est apparu à Simon !
35 Ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment il s'était fait reconnaître d'eux en rompant le pain.

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