Dieu sauve, mais de quoi ?
Psaume 25
Culte du 4 juillet 2010
Prédication de pasteur James Woody
( Psaume 25 )
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Culte du dimanche 27 juin 2010 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody
Chers frères et sœurs, « Dieu sauve », dira le croyant qui se conforme à ce qu’il faut penser. Mais de quoi Dieu sauve-t-il, au juste ? C’est ce que nous révèle ce psaume au fil de cinq aspects de notre existence qui sont l’objet de l’attention de Dieu.
D’abord, Dieu nous sauve de nous-mêmes, ce qui n’est pas rien. A travers l’appel du psalmiste à ne pas être couvert de honte (vv. 2-3), nous retrouvons le thème originel de la honte devant l’autre, tel qu’il en est question dans l’épisode qui met en scène Adam et Eve. La honte, c’est l’identité brisée, c’est la blessure intime qui met une distance entre ce que nous sommes et celui que nous pourrions être. La tradition de l’Eglise en a parlé en termes de péché originel qui a été compris comme la faute d’Adam qui se transmettrait biologiquement de génération en génération. Cette notion n’est pas tout à fait biblique. En revanche, les textes bibliques nous montrent bien le genre humain aux prises avec un véritable problème d’image de soi qui se dit soit par la honte soit par le péché, ce que le psalmiste appelle ici « les péchés de sa jeunesse » (v. 7).
Ce problème d’identité, cette honte devant l’autre peut être le fait de véritables fautes que nous avons commises, elle peut être aussi le fait de fautes qui ne nous appartiennent pas ou qui, aux yeux de Dieu, ne sont pas des fautes. La honte de quelques kilo en trop, la honte d’oreilles décollées, la honte de goût musicaux qui ne sont pas ceux du moment, la honte d’un choix politique pas très correct pour la majorité, la honte de prendre la parole en public car on estime qu’on en n’est pas digne, la honte de convictions religieuses qui dénotent dans un environnement antireligieux… tout un tas de hontes qui ne sont que des jugements à la petite semaine portés par une foule assoiffée de conformisme.
Dans ce cas Dieu nous sauve par la dynamique du pardon (v. 11) qui peut restaurer l’estime de soi, qui peut nous aider à dépasser les images peu glorieuses que nous nous sommes fabriquées de nous ou que d’autres nous ont infligées. Ici, le pardon est le travail que Dieu accomplit auprès de nous pour nous aider à dépasser nos fautes, nos manquements, nos bassesses aussi bien que nos anticonformismes. Dieu nous sauve en ressuscitant notre individualité, en relevant notre identité, en faisant de nous un être incomparable qui n’aura plus à souffrir de la crainte du jugement de l’autre. Plus besoin de se fondre dans la masse pour ne pas attirer des reproches : c’est par l’épanouissement de notre individualité que passe notre salut.
Dieu nous sauve de l’aliénation
A proximité de ce salut de nous en tant qu’individu, le psalmiste nous révèle que Dieu nous sauve aussi de bien des maisons de servitudes qui nous emprisonnent. Lorsqu’il demande qu’on lui sorte les pieds du filet (v.15), qu’il demande à Dieu de le délivrer (v. 20), le croyant fait état de ces situations qui nous lient et nous empêchent d’être vraiment nous-mêmes. C’est le grand thème de la sortie d’Egypte qui est repris ici, Dieu faisant sortir son peuple de l’Esclavage pour le rendre libre à tous égards.
Ce motif de la sortie d’Egypte peut nous laisser penser cette forme de salut comme une libération géographique qui nous fait sortir de prisons physiques. Mais l’image du filet nous rend attentif au fait que nos enfermements peuvent être d’un autre ordre et que nos prisons n’ont pas forcément des barreaux très matériels.
Aborder cette question de la fin de l’aliénation, un 4 juillet, passe par le souvenir de la geste de quelques insurgés qui, dans ce bel état de Virginie, signèrent la déclaration d’indépendance. Pour ces hommes là, il ne s’agissait de s’échapper du nouveau monde mais de rejeter la tyrannie du roi de Grande Bretagne dont l’histoire était jugée par eux comme une série d’injustices et d’usurpations répétées. Déclarer l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique, c’était résister à la tyrannie d’un pouvoir dans le droit fil de ce que Jean Calvin avait encouragé dans les dernières pages de son Institution de la Religion Chrétienne.
Faisant explicitement appel à Dieu, ces hommes constituant le congrès des Etats-Unis entendaient bénéficier, eux aussi, de la libération que Dieu offre à l’égard des pouvoirs oppressants. Dans cette situation, comme pour le psalmiste ou pour nous-mêmes, il s’agit non seulement d’avoir un mode de gouvernement acceptable, mais aussi que la justice puisse être exercée, que les conditions sociales et économiques respectent l’humanité de chacun, que l’éducation soit disponible pour tous. Dieu nous sauve en donnant la force de résister à la soumission envers un ordre tyrannique, ce que les doyens Gagnebin et Picon intitulent la foi insoumise ; Dieu sauve en donner la force de briser les liens de l’oppression afin de maintenir vivace le bien le plus sacré que voulait soutenir Thomas Jefferson : l’honneur.
Dieu nous sauve de la mort
Dans un autre registre, il est courant de dire que Dieu sauve de la mort. Cela apparait plus nettement dans d’autres psaumes qui utilisent l’image de la fosse dans laquelle le croyant risque d’être jeté par ses ennemis. Ici, il n’est question que des ennemis (2, 19) qui sont animés d’une haine violente. Je ne développerai donc pas ce point que nous reprendrons dans le courant de l’année car le salut de la mort est un point fondamental sur lequel se bâtit, en partie, notre éthique. Disons, en tout cas, que ce troisième salut n’est pas le fait que Dieu nous épargne de la mort (ça se saurait) mais qu’il nous sauve de la peur que la mort peut engendrer, de l’angoisse existentielle qu’elle peut provoquer au point de nous tuer avant l’heure (17, 18). Dieu nous sauve de la mort en s’évertuant à ce que ce ne soit pas la mort qui motive nos choix, nos manières d’être, nos engagements, notre politique.
Dieu nous sauve de l’absurde
Le quatrième aspect du salut concerne le sens de notre vie. « A quoi bon vivre ? à quoi bon se lever le matin ? qu’est-ce qu’on peut y faire ? » autant d’aveux d’impuissance dans un monde qui semble nous écraser ou mener sa route sans trop se soucier de nous. Le monde est-il absurde ? c’est à cette interrogation que Dieu répond en nous proposant des chemins de vie et, mieux encore, de justice (4, 8, 9). Contre une impression de non-sens ou de vie qui tourne à vide, contre le sentiment d’une vie routinière qui n’a rien à offrir, qui n’a peut être plus rien pour nous enthousiasmer, la confiance en Dieu nous fait accéder à des chemins qui nous sortent de nos ornières et du rond point de la vie sur lequel nous nous sentons peut-être coincés.
Dieu nous sauve de l’absurde en nous faisant cheminer vers sa vérité (5). En hébreu le terme ‘emet évoque la fermeté, la solidité ; en grec le terme aletheia exprime ce qui est dévoilé, ce qui est sorti de l’oubli. Dieu nous sauve de l’absurde en nous faisant cheminer entre ces deux pôles, à la fois la sécurité de ce qui est ferme, de ce qui ne nous file pas entre les doigts et la mise à nu du sens caché de notre vie. Dieu nous sauve à la fois d’une vie qui semble se dérober sous nos pas et d’une vie dont on n’aurait rien à dire, rien à espérer. Dieu nous sauve de l’absurde en nous permettant de nous orienter loin des marécages d’une vie sans consistance et d’une vie qui serait une impasse du sens. Dieu nous sauve en nous aidant à nous orienter au fil des rencontres et des découvertes que nous faisons, au fils des balises que nous découvrons sur les chemins que l’Eternel nous permet d’emprunter.
Dieu nous sauve de la solitude
Enfin, cinquième action de Dieu en notre faveur : Dieu nous sauve de la solitude. La solitude est aujourd’hui, encore, d’une actualité criante. Il suffit de prendre connaissance du tout récent rapport de la fondation de France, dont l’essentiel est en ligne sur le blog de notre Eglise, pour se rendre compte de l’importance que la solitude tient dans notre société. Quasiment 10% de la population française n’a pas eu plus de trois contacts directs pendant l’année qui vient de s’écouler et ces 4 millions de français ne s’en réjouissent pas ! non, décidément, la télévision, la radio, Internet et tous les moyens de communication modernes ne sauvent pas de la solitude que seul le lien interpersonnel peut rompre. De même que le psalmiste se plaint de la solitude qui le rend malheureux (16), nos contemporains se plaignent du vide affectif, du vide relationnel, du fossé qui se creuse avec l’entourage qui s’éloigne de plus en plus. Ce peut être aussi bien une solitude en forme d’isolement physique que d’impossibilité d’avoir des échanges véritables. On peut penser à ces personnes qui, au fil des ans, ont perdu tous ceux de leur génération et qui ne trouvent plus personnes avec qui partager quoi que ce soit ; nous pouvons penser, aussi, à ces personnes qui aimeraient pouvoir communiquer mais qui n’arrivent pas à se faire comprendre, qui sont dans l’impossibilité de pouvoir partager leurs sentiments, ce qui compte vraiment pour eux, car il y a des expériences, des tranches de vie qui sont d’une extraordinaire difficulté à comprendre, de même qu’il y a des souffrances inexprimables ou, du moins, que l’on a toutes les peines du monde à partager.
De cette solitude Dieu s’efforce de nous sauver également, en tournant son visage vers nous, comme le demande le psalmiste, ce qui signifie deux choses : d’abord que nous ne sommes pas victimes d’une indifférence absolue car nous avons du prix aux yeux de Dieu (Es 43/4), ensuite que Dieu nous intègre dans une famille spirituelle qui donne de l’amplitude à notre arbre généalogique et qui offre une descendance même à ceux qui n’ont pas d’enfants (13).
Dieu sauve de la solitude par son Esprit d’adoption qui nous apprend à le nommer Père et à voir un frère, une sœur, dans chaque personne qu’il nous invite à rencontrer. Dès lors, nous devenons la mémoire de Dieu qui n’oublie aucun de ses enfants et qui fait œuvre de compassion et de bienveillance envers tous (cf. 6). Dieu suscite des individus, certes, mais il n’encourage pas l’individualisme !
Oui, frères et sœurs, Dieu sauve ; Dieu sauve
- en faisant de chacun un individu,
- libéré de ses entraves,
- débarrassé de l’angoisse mortifère,
- vivant dans un monde plein de sens
- où s’exprime la fraternité.
Amen.
Lecture de la Bible
Psaume 25
1De David.
2Mon Dieu, je compte sur toi ;
ne me déçois pas !
Que mes ennemis
ne triomphent pas de moi !
3Aucun de ceux
qui t'attendent n'est déçu,
mais ils sont déçus,
les traîtres avec leurs mains vides.
Seigneur,
4Fais-moi connaître tes chemins,
Seigneur ;
enseigne-moi tes routes.
5Fais-moi cheminer vers ta vérité
et enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.
Je t'attends tous les jours.
6Seigneur,
pense à la tendresse
et à la fidélité
que tu as montrées
depuis toujours !
7Ne pense plus
à mes péchés de jeunesse
ni à mes fautes ;
pense à moi dans ta fidélité,
à cause de ta bonté,
Seigneur.
8Le Seigneur
est si bon et si droit
qu'il montre le chemin aux pécheurs.
9Il fait cheminer les humbles vers la justice
et enseigne aux humbles son chemin.
10Toutes les routes du Seigneur sont fidélité et vérité,
pour ceux qui observent les clauses de son alliance.
11Pour l'honneur de ton nom,
Seigneur,
pardonne ma faute
qui est si grande !
12Un homme craint-il
le Seigneur ?
Celui-ci lui montre
quel chemin choisir.
13Il passe des nuits heureuses,
et sa race possédera la terre.
14Le Seigneur se confie à ceux qui le craignent,
en leur faisant connaître son alliance.
15J'ai toujours les yeux sur le Seigneur,
car Il dégage mes pieds du filet.
16Tourne-toi vers moi ; aie pitié,
car je suis seul et humilié.
17Mes angoisses m'envahissent ;
dégage-moi de mes tourments !
18Vois ma misère et ma peine,
enlève tous mes péchés !
19Vois mes ennemis si nombreux,
leur haine et leur violence.
20Garde-moi en vie
et délivre-moi !
J'ai fait de toi mon refuge,
ne me déçois pas !
21Intégrité et droiture me préservent,
car je t'attends.
22O Dieu, rachète Israël !
Délivre-le de toutes ses angoisses !