Ce que la manne nous apprend du chemin vers la vie bonne

Exode 16:1-19 , Exode 16:31

Culte du 26 avril 2015
Prédication de pasteur James Woody

(Exode 16:1-19, 31)

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Culte du dimanche 26 avril 2015 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

 

Chers frères et sœurs, l’homme ne vivra pas seulement d’eau fraîche et d’amour. Ce texte nous apprend qu’il faut aussi de la manne. Il faut de la manne pour atteindre la terre promise qui représente ce moment de la vie où notre humanité est pleinement épanouie. En disant que la terre promise est ce lieu qui permet de louer Dieu, les textes bibliques suggèrent que la terre promise est ce moment de la vie où nous nous sommes en harmonie avec notre vocation, que nous prenons pied dans une existence véritablement humaine.

Le peuple hébreu vient d’être libéré du pays où il était devenu esclave. Il doit encore cheminer pour atteindre la terre promise, pour devenir vraiment libre, libre d’être soi. C’est là que la manne intervient. La manne est une métaphore ; c’est une nourriture pédagogique destinée à nous enseigner comment cheminer vers la terre promise. Pour reprendre l’expression du texte biblique, la manne qui est cette nourriture offerte par l’Eternel, permet d’éprouver l’homme au sens de l’élever, selon ce qu’exprime le verbe hébreu nassah (v. 4). Elever le peuple hébreu, lui permettre d’atteindre un nouveau d’existence, voilà l’enjeu de cette nourriture en chemin, de cette pédagogie divine dont ce chapitre est la mise en récit. Mieux que cela, le dernier quote (31) nous apprend que la manne est comme une graine de coriandre, disent nos traductions. Le texte hébreu parle de semence de gad. Gad est un mot qui exprime la bonne fortune, le bonheur, et qui sera immortalisé par l’un des fils de Jacob –Gad – dont il est dit qu’il vient au monde dans une exclamation de bonheur qui lui donnera son nom (Gn 30/11). La manne a donc été comprise comme semence de bonheur, ce que l’Eternel injecte dans notre histoire pour qu’elle prenne des nuances heureuses. A la manière du psaume 145/16 qui déclare « tu ouvres tes mains et tu rassasies tout vivant de volonté (et non de nourriture) » l’Eternel désigne ce qui est à l’origine de la volonté humaine, ce qui est source du désir. Voyons quelles sont les trois caractéristiques de la manne, développées dans ce texte biblique.

Première caractéristique que je relève de la manne, c’est qu’elle est une parole quotidienne. Pour être au plus près du texte hébreu, au quote 4, ce que l’Eternel annonce à Moïse est « une parole du jour dans son jour ». Chacun va avoir droit à une parole quotidienne pour le jour présent. Il n’est pas question d’une parole pour le futur. Au mieux il y aura une parole qui tient deux jours pour vivre pleinement le shabbat. Cette manne est une nourriture quotidienne qui nous ramène au temps présent lorsque nous sommes enfermés dans une nostalgie d’un âge d’or ou d’un passé que l’on voudrait encore actuel. Cette manne est une nourriture quotidienne qui nous ramène au temps présent lorsque nous nous enfuyons dans un futur, dans des projets qui nous détachent de la réalité présente. Cette manne est une nourriture pour nous ramener à nous-mêmes qui sommes là. C’est une parole qui nous redit que c’est aujourd’hui que nous devons nous investir. Ce que nous avons à vivre, c’est aujourd’hui qu’il faut le vivre. Il y a une sorte d’urgence à vivre exprimée dans ce texte qui dit que cette parole quotidienne aura pourri, demain.

Cette manne inscrit la parole dans ce jour. Elle dit que tu n’as pas à attendre des jours meilleurs. Cette manne dit que c’est maintenant que cela se joue pour toi, que c’est aujourd’hui que tu peux être entièrement rassasié de vie. Et c’est chaque jour que chacun est en droit de bénéficier de son pain quotidien, de sa parole quotidienne, de cette parole qui fait poindre le jour où nous sommes appelés à la vie. A chaque jour sa parole. C’est la volonté divine, c’est notre droit. Nul ne devrait être privé d’une parole qui le tire de la nuit de la consommation pour le faire entrer dans l’aurore de l’être.

Cette manne, cette parole, certains en recueillaient plus, d’autres moins, chacun recueillait ce qu’il lui fallait. Tout excès, tout surplus venait à pourrir dit le texte. La manne enseigne la juste quantité. Elle montre qu’une société décente est soucieuse de la juste quantité et qu’elle veille à ne pas gâcher. Il n’est pas question d’un égalitarisme où tout le monde devrait être logé à la même enseigne. Certains ont plus de besoins, ils reçoivent plus. Certains ont besoin d’être plus aidés que d’autres, ils reçoivent plus. La juste quantité s’élabore en fonction des besoins et non en fonction des envies. C’est l’apprentissage du discernement : apprendre ce qui nous est nécessaire pour ne pas prendre plus que ce dont nous avons besoin. Il y a là une économie responsable qui ne voit pas dans la consommation excessive une manière d’exister. C’est un texte qui pourrait fonder une sobriété heureuse.

La solidarité

Le deuxième aspect que je relève est la solidarité qui se tisse par l’intermédiaire de la manne. Il n’est pas question de se servir égoïstement en oubliant les autres. Les absents sont bel et bien présents dans le recueil de la manne. Une véritable solidarité s’instaure entre ceux qui peuvent recueillir la manne et ceux qui sont dans la tente, dit le texte (v. 16), autrement dit ceux qui sont empêchés, sans que l’on sache ce qui les retient. Là où il serait possible de voir de l’assistanat, le rédacteur biblique y voit une solidarité utile.

Ce que nous recevons de Dieu n’est pas à garder jalousement pour nous. Pour reprendre les termes du pape François, il s’agit de « sortir de nos enceintes pour porter à tous la miséricorde et la tendresse de Dieu ». De même que la vie de couple ne consiste pas à cultiver l’entre-soi, mais à faire rayonner autour de soi l’amour qui nous unit, la vie croyante est l’art de propager alentour ce qui rend la vie bonne, heureuse, harmonieuse.

Il y a dans ce passage et dans d’autres textes bibliques, cette conscience que ce que nous avons de plus essentiel, nous l’avons reçu. En revanche, ce que nous avons construit, ce que nous avons acquis… n’est que secondaire par rapport à ce qui est ultime. D’ailleurs, le fait que la manne ne soit pas dans le camp, mais autour du campement, indique que les réalités ultimes, ce que nous recevons de Dieu, sont hors de nous, hors de notre champ de compétences. Ce passage biblique devient un impératif à sortir de notre état et à nous rendre sur les seuils de notre existence, aux frontières de notre vie. Cela va être particulièrement sensible avec le troisième aspect de la manne.

Le questionnement

Le troisième aspect de la manne tient à son nom dont l’explication est donnée en cours de route, au quote 15. Lorsque les Hébreux virent la manne pour la première fois, ils s’interrogèrent et se demandèrent ce que c’était. Le texte hébreu précise qu’ils dirent : « Man Hou », littéralement « Quoi ça ? » C’est la question de l’enfant qui découvre une chose, une situation, et qui se demande ce que cela peut bien être. La manne est un inattendu. Elle suscite le questionnement et va justement prendre le nom du questionnement : « quoi ça ? ». Pour accéder à la terre promise, les Hébreux se nourriront donc du questionnement. C’est bien par cet esprit d’enfance qui questionne, qui interroge, que les hébreux pourront entrer en terre promise. Jésus, pour sa part, ne dira pas autre chose au sujet du Royaume des Cieux, une métaphore en chassant une autre.

Si nous nous souvenons que nous sommes ce que nous mangeons, cet épisode de la manne indique que les Hébreux, en se nourrissant de « quoi ça ? » deviennent eux-mêmes « quoi ça ». Le croyant devient à part entière question, et source de questionnement. Moïse le dira explicitement au quote 8 avec cette expression hébraïque « nous [sommes] quoi » que nos traductions françaises rendent par « que sommes-nous ? ». L’être du croyant est ici affirmé en termes de questionnement. Le croyant ne laisse pas son entourage indifférent, mais il devient question, il met en question ce qui peut sembler acquis, défini, définitif. Le questionnement vient réveiller le quiétisme, il interroge l’ordre établi, les situations de connivence. Le questionnement récuse les évidences communément admises. Le questionnement relativise les savoirs qui se prétendraient absolus.

Mieux que cela, le questionnement traduit un étonnement, un émerveillement qui est à l’origine de la démarche philosophique, qui engage l’homme dans la pensée et donc dans le mouvement. Le questionnement nous ouvre sur plus grand que nous-mêmes, sur ce qui est là et dont nous ne sommes pas la cause. Le questionnement nous ouvre sur la transcendance. Pensons à Jésus et Marie, lors du mariage à Cana. Marie dit à Jésus qu’ils n’ont pas de vin et Jésus lui répond « Femme, quoi entre toi et moi ? » (Jn 2/4). Cette réplique de Jésus est souvent comprise comme un reproche du fils à sa mère. Nous ferions bien d’y entendre une surprise du fils qui s’étonne d’entendre une parole qui va donner sens à sa journée. Jésus s’étonne de cette manne qui lui est offerte et qui va le faire entrer de plain pied dans le Royaume. « Quoi ça ? » « Qu’y a-t-il entre toi et moi pour que ta parole trouve un tel écho en moi ? Comment se fait-il que je sois soudainement bouleversé par ce que tu me dis ? » Et c’est sur le champ que Jésus indiquera aux serviteurs ce qu’il faut faire, car c’est aujourd’hui qu’est la noce, c’est aujourd’hui que nous célébrons la vie, c’est aujourd’hui qu’il faut nous réjouir et vivre de toute notre âme !

Amen

Lecture de la Bible

Exode 16:1-31

Toute l’assemblée des enfants d’Israël partit d’Elim, et ils arrivèrent au désert de Sin, qui est entre Elim et Sinaï, le quinzième jour du second mois après leur sortie du pays d’Egypte. 2 Et toute l’assemblée des enfants d’Israël murmura dans le désert contre Moïse et Aaron. 3 Les enfants d’Israël leur dirent: Que ne sommes-nous morts par la main de l’Eternel dans le pays d’Egypte, quand nous étions assis près des pots de viande, quand nous mangions du pain à satiété? car vous nous avez menés dans ce désert pour faire mourir de faim toute cette multitude.

4 L’Eternel dit à Moïse: Voici, je ferai pleuvoir pour vous du pain, du haut des cieux. Le peuple sortira, et en ramassera, jour par jour, la quantité nécessaire, afin que je le mette à l’épreuve, et que je voie s’il marchera, ou non, selon ma loi. 5 Le sixième jour, lorsqu’ils prépareront ce qu’ils auront apporté, il s’en trouvera le double de ce qu’ils ramasseront jour après jour.

6 Moïse et Aaron dirent à tous les enfants d’Israël: Ce soir, vous comprendrez que c’est l’Eternel qui vous a fait sortir du pays d’Egypte. 7 Et, au matin, vous verrez la gloire de l’Eternel, parce qu’il a entendu vos murmures contre l’Eternel; car que sommes-nous, pour que vous murmuriez contre nous?

8 Moïse dit: L’Eternel vous donnera ce soir de la viande à manger, et au matin du pain à satiété, parce que l’Eternel a entendu les murmures que vous avez proférés contre lui; car que sommes-nous? Ce n’est pas contre nous que sont vos murmures, c’est contre l’Eternel.

9 Moïse dit à Aaron: Dis à toute l’assemblée des enfants d’Israël: Approchez-vous devant l’Eternel, car il a entendu vos murmures.

10 Et tandis qu’Aaron parlait à toute l’assemblée des enfants d’Israël, ils se tournèrent du côté du désert, et voici, la gloire de l’Eternel parut dans la nuée.

11 L’Eternel, s’adressant à Moïse, dit: 12 J’ai entendu les murmures des enfants d’Israël. Dis-leur: Entre les deux soirs vous mangerez de la viande, et au matin vous vous rassasierez de pain; et vous saurez que je suis l’Eternel, votre Dieu.

13 Le soir, il survint des cailles qui couvrirent le camp; et, au matin, il y eut une couche de rosée autour du camp. 14 Quand cette rosée fut dissipée, il y avait à la surface du désert quelque chose de menu comme des grains, quelque chose de menu comme la gelée blanche sur la terre.

15 Les enfants d’Israël regardèrent et ils se dirent l’un à l’autre: Qu’est-ce que cela? car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit: C’est le pain que L’Eternel vous donne pour nourriture. 16 Voici ce que l’Eternel a ordonné: Que chacun de vous en ramasse ce qu’il faut pour sa nourriture, un omer par tête, suivant le nombre de vos personnes; chacun en prendra pour ceux qui sont dans sa tente.

17 Les Israélites firent ainsi; et ils en ramassèrent les uns en plus, les autres moins. 18 On mesurait ensuite avec l’omer; celui qui avait ramassé plus n’avait rien de trop, et celui qui avait ramassé moins n’en manquait pas. Chacun ramassait ce qu’il fallait pour sa nourriture.

19 Moïse leur dit: Que personne n’en laisse jusqu’au matin.

...

31 La maison d’Israël donna à cette nourriture le nom de manne. Elle ressemblait à de la graine de coriandre; elle était blanche, et avait le goût d’un gâteau au miel.

Traduction NEG

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