Au risque de la Résurrection

Actes 5:27-32 , Jean 21:4-7

Culte du 5 mai 2019
Prédication de Jean-Pierre Rive

Vidéo de la partie centrale du culte

Dimanche dernier, nos frères orientaux de culture orthodoxe ont célébré Pâques. Croyants ou incroyants, dans la rue, à la maison, ils se sont salués mutuellement de la manière que vous connaissez : « Christ est ressuscité » va dire l’un, auquel l’autre répondra « Christ est vraiment ressuscité ». Ainsi l’annonce de la résurrection est devenue pour un jour, pour une journée tout entière, cet acte banal, quotidien, qui ponctue la rencontre des hommes et des femmes dans leurs activités les plus courantes.

Ce jour là, la bonne nouvelle du Christ vivant a été le lien, le signe tout simple, qui a réuni dans le même langage des hommes et des femmes de toutes nations. Croyants et incroyants d’ailleurs, je veux le dire, tous ont spontanément énoncé en une commune coutume ce que l’Église leur a transmis depuis des dizaines de génération ; une annonce sereine, tranquille, routinière un peu, dont le sens échappe peut être à certains, mais une annonce qui vise une réalité pas tout à fait oubliée.

Et puis par ailleurs, vous connaissez, c’est possible, cette histoire survenue dans l’union soviétique naissante : - Un commissaire politique après un long discours énumérant les nouvelles réalités du nouveau peuple des soviets en marche s’adressant à la foule rassemblée, c’était le jour de Pâques, demanda si quelqu’un avait une question, voire une contradiction à apporter à tout ce qu’il venait de développer. Un vieux prêtre malade et blême de peur, rassemblant ce qui lui restait de force, monta en tremblant sur la tribune et, s’adressant à l’assemblée, énonça d’une voix claire : « Christ est ressuscité ».

La foule, un instant silencieuse, interloquée, répondit soudainement d’une seule voix : « Christ est vraiment ressuscité » - l’histoire ne dit pas ce qu’il advint du Pope, mais ce jour là une réalité prit le pas sur une autre réalité. Il en est ainsi de la résurrection, tantôt affirmation tranquille et sereine d’une réalité quotidienne occupant tous les instants de la vie, tantôt affirmation combative d’une réalité nouvelle qui contredit tout ce que les hommes veulent faire prendre pour la réalité.

Ces deux scènes résument un peu en raccourci toute la problématique de la Foi en la Résurrection : tantôt événement accompli, réalité acquise, tantôt prédication courageuse d’une réalité nouvelle à mettre en œuvre. Tantôt vérité derrière soi, tantôt espérance devant soi. Ou bien en le disant autrement : la Résurrection du Christ est aussi bien cet événement du passé qui a eu lieu autrefois sans moi, hors moi, loin de moi et puis elle est aussi cet événement du présent dont je vais m’emparer pour en faire une force vivante et dynamique susceptible de bousculer les mensonges des hommes, et de faire surgir une immense lumière.

C’est un peu comme si ce jour de Pâques, commencé aux environs de l’an trente de notre ère, n’en finissait pas de se déployer, de se dilater, sans que jamais les ténèbres ne l’obscurcissent. Il est important, sous peine de se fourvoyer, de bien tenir en mains ces deux dimensions de la résurrection. Véritable événement survenu dans l’histoire des hommes il y a deux mille ans, événement reçu aujourd’hui dans ma vie, histoire présente, victoire ici et maintenant de la parole du Christ, dans nos vies et dans le monde.

Véritable événement survenu il y a deux mille ans ; les débats entre théologiens ont été nombreux pour essayer de dire ce qui s’était passé avant que la Foi des premiers chrétiens ne se raconte, sous la forme des Évangiles que nous connaissons aujourd’hui. Les uns soutenant que les récits du tombeau vide, d’apparitions, d’ascension ne sont là que pour soutenir, sous une forme imagée et symbolique, une expérience personnelle d’une rencontre avec le Christ après sa mort, et qu’en tout état de cause, il ne s’agit pas d’un événement historique.

Les autres, au contraire, soutenant que la foi n’a pas de sens si elle ne peut pas s’appuyer sur ces preuves objectives que nos prédécesseurs, ont accumulées et transmises pour qu’aucun doute ne subsiste. Et bien il me semble que les uns et les autres sont en deçà de la Réalité.

La résurrection du Christ est justement un événement dont on ne peut rien dire dans les catégories de notre raison, de notre pensée rationnelle : symbole, réalité objective, ni l’un ni l’autre. La Résurrection est justement cette irruption dans notre monde, dans notre langage, d’une nouvelle inédite, d’une annonce inouïe, d’une réalité tout autre et c’est ce que disent nos frères orthodoxes : il est ressuscité. Il n’y a rien à rajouter, il n’y a rien à expliquer, il est vraiment ressuscité, c’est-à-dire qu’il est vivant. Il a été crucifié, il est vivant, cela concerne tout le monde, ceux qui croient, comme ceux qui ne croient pas.

Une nouvelle réalité est désormais en marche, quoique je fasse, quoique je pense, quoique je croie, rien ne peut l’arrêter. C’est un don, c’est une donnée incontournable de l’histoire des hommes, de la mienne, de la vôtre, de celle de tous. Ce Dieu que les hommes ont voulu rejeter de ce monde en le clouant sur une croix, ce Dieu est là toujours vivant. Devenu homme solidaire de toutes les limites, de toutes les souffrances, de toutes les injustices, de toutes les morts, par sa victoire, il a définitivement enchaîné, réduit à néant la force de toutes ces peurs, de toutes ces angoisses, de toutes ces violences qui étreignent l’humanité depuis qu’elle existe. Christ est vraiment ressuscité cela veut dire que dès maintenant, il n’est plus possible à personne de désespérer.

Il n’est plus possible de croire que le monde va à sa perte, que le destin de l’homme est de souffrir et de mourir, d’être sans fin une victime : la victoire est acquise. Il n’est plus possible d’avoir peur, mais il n’est pas nécessaire non plus de se jeter à corps perdu dans des batailles perdues d’avance, où l’on a l’ambition de faire le bonheur des autres à leur place où l’on a l’ambition d’expulser le mal qui est en nous ou que l’on croit voir chez les autres. La Foi en cette réalité ultime qu’est la Résurrection, la vie déjà donnée, déjà rendue, nous épargne de nous prendre pour ceux qui apportent seuls la vérité, la justice, l’amour dans un monde encore bien opaque. La lumière est déjà venue dans le monde, rien ne peut l’éteindre.

Voilà la Résurrection c’est d’abord cela, une réelle présence du royaume de celui qui est toujours vivant, ici même et maintenant et cela depuis qu’un ange a dit aux femmes qui se rendaient au tombeau : « n’ayez pas peur, je sais que vous cherchez Jésus, celui que l’on a cloué sur une croix ; il n’est pas ici, il est revenu de la mort à la vie, comme il l’avait dit ». La Résurrection c’est d’abord cette nouvelle réalité qu’un ange, c’est-à-dire un envoyé de Dieu, quelqu’un d’autre, avant que nous en prenions conscience, vient nous annoncer et nous rappeler que c’est tout simplement ce que le Seigneur avait dit lui-même.

Mais si l’événement même de la Résurrection nous échappe quelque peu, si la Résurrection précède la Foi, si la Foi n’est pas nécessaire pour que Dieu fasse son œuvre dans la création, par contre, la confiance, la Foi sont la possibilité offerte à l’homme de témoigner maintenant de cette réalité qui a pris place dans le monde. La Résurrection de Jésus Christ nous dispense de l’ambition de tout faire, de tout vouloir et de tout dire. Mais paradoxalement elle nous met à l’abri de toute sorte de démission, dans un monde qui, sans la Résurrection, serait condamné à la disparition.

La Résurrection c’est aussi un événement reçu aujourd’hui dans ma vie, libéré de toute peur, affranchi de toute angoisse le croyant se doit d’attester maintenant de la victoire acquise : la brèche a été ouverte dans les murailles de ce monde corrompue, la trouée a été faite dans les prisons de nos corps mortels, la lumière s’est révélée dans les chaînes de nos esprits obscurcis, la justice relève la tête là où l’injustice règne, l’amour a surgi au cœur de la haine. Il nous appartient maintenant de vivre et de faire vivre cette nouvelle réalité qui anime secrètement l’humanité. L’apôtre le dit, la vie, la vraie vie est encore cachée en Christ.

Cachée mais présente, cachée aux yeux de ceux qui ne croient pas, mais présente néanmoins définitivement pour tous, justes et injustes, pour ceux qui aiment comme pour ceux qui haïssent, pour ceux qui meurent, comme pour ceux qui vivent.

La Résurrection est une réalité, mais elle est aussi un combat. Un combat mené victorieusement par Jésus Christ, un combat victorieux qu’il nous appartient de reprendre à notre compte, de faire notre, maintenant et de dévoiler maintenant. Il arrive parfois, c’est arrivé récemment, que dans une situation précise, que des hommes politiques se croient autorisés à dire : la partie est jouée. Les dés sont jetés ! L’avenir qui nous attend est tracé pour le meilleur ou pour le pire, selon le point de vue que l’on adopte, l’appartenance politique que l’on privilégie. Oui, aujourd’hui souvent, la partie est jouée, mais ce n’est pas celle qu’on peut croire.

En effet, il est vrai, nous sommes enfermés dans des contradictions qui nous paraissent indépassables, que ce soit le réchauffement climatique, la domination indécente des puissances d’argent, la violence qui gangrène les nations, la malveillance qui parfois nous ronge, que nous en soyons victimes ou complices ; la véritable partie qui a été jouée c’est qu’autrefois, là-bas, discrètement, sans tambours ni trompettes, sans chars ni médias, sans télé, sans radio ni journaux, une partie, la seule et unique partie qui compte pour l’humanité a été jouée.

Elle a été jouée et gagnée, en guérissant tous ceux qui étaient sous l’emprise du diable, nous dit Luc dans les actes, le diable, c’est-à-dire l’injustice, le mensonge, la souffrance, la haine et la mort. Personne ne peut jouer cette partie là si ce n’est le Christ, mais personne ne doit plus l’ignorer. C’est là notre vocation de le dire, de l’attester dans nos vies : ni ambition démesurée, ni démission recroquevillée, notre mission est de témoigner de cette partie jouée une fois pour toutes, la résurrection du Christ autrefois, là-bas, me concerne ici, maintenant, vous concerne, concerne toute la création. Lorsque l’ange a parlé, la terre a tremblé nous dit Mathieu.

La terre a tressailli, secouée par une parole qui venait de dire la justice contre les injustices, la vie contre la mort. La terre a tressailli comme on tressaille lorsqu’une parole nous touche. La résurrection de Jésus Christ c’est ma résurrection, c’est votre résurrection, c’est la résurrection de l’humanité toute entière et du monde qu’elle habite.

Ainsi n’ayons plus de crainte, la croix par laquelle le Christ est passé, celle que nous vivons parfois, celle que les hommes portent douloureusement sur leurs épaules, celle qui pèse lourdement sur une création en quête d’accomplissement et de libération, cette croix est devenue signe que désormais toutes choses sont récapitulées, réconciliées en Jésus Christ le Seigneur.

Quelque soient obstacles qui se manifestent encore, quelque soient les aveuglements qui persistent toujours, maintenant une chose est certaine, la brèche qui a été ouverte dans notre histoire, ne pourra plus jamais se refermer, elle va se déployer jusqu’aux confins de l’univers : Christ est vivant, il est notre vie, nous en serons les témoins, comme les premiers disciples jusqu’à ce que paraissent, dans la gloire, la justice, la paix, l’amour que nous désirons. Christ est ressuscité, oui, il est vraiment ressuscité.

Amen

Lecture de la Bible

Actes 5/27-32
27 Après les avoir ramenés, ils les firent comparaître devant le Conseil et le grand-prêtre se mit à les accuser.
28 Il leur dit : « Nous vous avions sévèrement défendu d'enseigner au nom de cet homme. Et qu'avez-vous fait ? Vous avez répandu votre enseignement dans toute la ville de Jérusalem et vous voulez faire retomber sur nous les conséquences de sa mort ! »
29 Pierre et les autres apôtres répondirent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes.
30 Le Dieu de nos ancêtres a rendu la vie à ce Jésus que vous aviez fait mourir en le clouant sur la croix.
31 Dieu l'a élevé à sa droite et l'a établi comme chef et Sauveur pour donner l'occasion au peuple d'Israël de changer de comportement et de recevoir le pardon de ses péchés.
32 Nous sommes témoins de ces événements, nous et le Saint-Esprit que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. »

Jean 21/4-7
Quand il commença à faire jour, Jésus se tenait là, au bord de l'eau, mais les disciples ne savaient pas que c'était lui.
5 Jésus leur dit alors : « Avez-vous pris du poisson, mes enfants ? » — « Non », lui répondirent-ils.
6 Il leur dit : « Jetez le filet du côté droit de la barque et vous en trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et ils n'arrivaient plus à le retirer de l'eau, tant il était plein de poissons.
7 Le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C'est le Seigneur ! » Quand Simon Pierre entendit ces mots : « C'est le Seigneur », il remit son vêtement de dessus, car il l'avait enlevé pour pêcher, et il se jeta à l'eau.

Audio

Écouter la prédication (Télécharger au format MP3)

Écouter le culte entier (Télécharger au format MP3)