Sébastien Castellion (1515-1563)
Sébastien Castellion est né en 1515 près de Nantua dans une famille de paysans. Il passe quelques jours chez Jean Calvin à l’époque où ce dernier, ayant dû quitter Genève, est pasteur de la paroisse francophone de Strasbourg (1538-1541). De retour à Genève, le Réformateur l’appelle pour diriger le collège de la cité. Rapidement, des tensions, d’ordre biblique et théologique, vont se faire jour entre eux.
Quand Castellion, en 1544, demande à être reçu comme pasteur, la Compagnie des pasteurs refuse finalement cette reconnaissance et cela sous la présidence de Calvin. Castellion démissionne de son poste et gagne Bâle en 1545, la ville des humanistes. Il vit là dans la misère jusqu’en 1553 où il est nommé professeur de grec à l’Université. Date décisive : c’est en effet le 27 octobre 1553 qu’a lieu, sous la responsabilité de Calvin, l’exécution de Michel Servet, brûlé pour hérésie à cause, principalement, de son opposition à la doctrine de la Trinité . Ce bûcher indigne et révolte Castellion qui proteste vigoureusement par trois œuvres majeures.
- D’abord, Le traité des hérétiques en 1553 : recueil de textes, même de Calvin, où les auteurs s’élèvent contre la persécution des hérétiques. Castellion montre que la Réforme se contredit quand elle les pourchasse et les tue.
- Ensuite, Contre le libelle de Calvin écrit en 1554 ; immédiatement censuré, il ne paraîtra qu’en 1612 après la mort de Castellion. Ce livre a été traduit par le romancier suisse Étienne Barilier, avec une belle introduction
- Enfin, L’impunité des hérétiques de 1555. Castellion défend la liberté de conscience et se fait l’apôtre de la tolérance. C’est dans le deuxième de ces textes qu’il écrit : « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. » C’est là aussi que s’adressant à Calvin, il l’apostrophe en ces termes : « Nous diras-tu, à la fin, si c’est le Christ qui t’a appris à tuer des hommes ? » La voix de Castellion a, en cette occasion, sauvé l’honneur du protestantisme.
La traduction de la Bible
Castellion a traduit la Bible en latin (1551), puis en français (1555). Cette traduction fut et reste un événement considérable. Castellion opte en effet – et il est seul en son époque à le faire – pour une langue courante, un « langage commun et simple » et adressé au « simple peuple », comme il l’écrit. On verra là, Calvin en tête, un véritable sacrilège par rapport à la majesté biblique. Il est vrai que cette langue vivante et savoureuse est tout à fait remarquable. Par rapport à nos versions actuelles en français courant, la traduction de Castellion a quatre siècles d’avance.
Deux autres œuvres de Castellion
On peut citer encore Conseil à la France désolée, publié en 1562 seulement et immédiatement condamné par le Synode national des Églises réformées de Lyon en août 1563. Castellion s’en prend là vigoureusement aux catholiques et aux protestants qui lèvent des armées ou prennent les armes pour des causes religieuses. Le choix de l’une ou l’autre de ces deux religions doit être pour chacun absolument libre.
Un autre ouvrage, capital, est son De l’art de douter et de croire, d’ignorer et de savoir ; c’est sa dernière œuvre. Éditée en 1953 seulement, elle a été rééditée en 1996 par La Cause avec une remarquable introduction du pasteur Philippe Vassaux. Ce livre fait preuve d’une grande rigueur et science exégétiques ; il annonce la méthode historico-critique, distingue la foi des croyances, défend le caractère positif du doute. Exprime-t-il, avant l’heure, un protestantisme libéral ? Incontestablement oui.
Laurent Gagnebin