EB Luc 2:21-24 : La présentation de Jésus au Temple
Méditation par le Pasteur Agnès Adeline-Schaeffer
31 mars 2020
En cette période inédite de confinement général, nous continuons de maintenir le lien avec chacun et chacune d’entre nous, membre ou non de la paroisse de l’Oratoire du Louvre, afin que nous puissions vivre le moins mal possible cette obligation de rester chez soi. Chacun chez soi, certes, mais tous ensemble.
Je vous invite à lire aujourd’hui un extrait de l’Evangile de Luc, au chapitre 2, les versets 21 à 24, intitulé : « La présentation de Jésus au Temple » :
«21- Huit jours plus tard, ce fut le moment de circoncire l’enfant ; on lui donna le nom de Jésus, nom que l’ange avait indiqué avant sa conception.
22-Quand la période de leur purification prit fin, conformément à la loi de Moïse, Joseph et Marie l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur
23–suivant ce qu’il est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur –
24 et pour offrir en sacrifice un couple de tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme cela est prescrit dans la loi du Seigneur ». (Traduction NBS).
La naissance de Jésus a eu lieu à Bethléem comme cela est raconté dans les versets du début du chapitre 2 de l’Evangile de Luc.
Le verset 21, avec cette allusion toute simple à la circoncision de Jésus, fait le lien entre sa naissance à Bethléem et sa présentation au Temple de Jérusalem. Il faut, d’ailleurs, attendre ce moment pour découvrir que l’enfant va effectivement s’appeler Jésus, qui veut dire « L’Eternel sauve, ou Dieu sauve », selon l’indication de l’ange. Bethléem n’étant pas loin de Jérusalem. On pourrait s’attendre à ce que Jérusalem soit mentionnée dans le récit comme un arrêt sur le chemin de retour de Joseph et Marie vers Nazareth, mais il n’en est rien. L’évangéliste Luc présente Jérusalem comme la destination exigée par la loi de Moïse. Marie met son enfant au monde ; huit jours plus tard, l’enfant est circoncis et reçoit son nom ; puis il est présenté au Temple de Jérusalem. Cette mini-chronologie, qui sera suivie un peu plus loin dans l’Evangile d’un autre récit concernant l’enfance de Jésus, veut démontrer, avec sobriété, que la loi de Moïse est bien respectée. En effet, Joseph et Marie ont élevé et éduqué Jésus dans la vraie tradition du judaïsme, en particulier selon la rédaction de Luc, qui souhaite témoigner dans son Evangile non seulement de la fidélité de Jésus à la loi, mais aussi de son expérimentation. Luc n’est pas le seul à le faire. Un autre évangéliste, Matthieu, le rapporte à sa manière, en particulier avec « le Sermon sur la montagne » ; un accomplissement qui passe par une sorte de renforcement, ponctué par ce refrain : « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens….et moi, je vous dis…..je ne suis pas venu pour abroger, ou supprimer, mais pour accomplir ou parachever, porter à son terme. (Mt 5, 21 et 22). C’est une formulation décisive, commentée ainsi dans une note de la Traduction Œcuménique de la Bible : « Jésus ne se propose pas simplement d’accomplir la prophétie, il veut la mener à sa perfection et ainsi donner son vrai sens au code de vie religieuse qu’était alors devenue la Loi. Il lui fait ainsi atteindre sa perfection radicale et recouvrer sa simplicité originelle » (Note sur Mt 5/20). Jésus est allé en quelque sorte jusqu’au bout du judaïsme.
Mais revenons au texte biblique. Luc est le seul évangéliste à raconter quelque chose de l’enfance et de la jeunesse de Jésus. La conception mise à part, Luc a le souci de présenter Jésus dans son entière humanité : sa naissance, sa circoncision, sa présentation. S’il décrit avec beaucoup de détails la naissance de Jésus, il ne donne aucune précision quant à la cérémonie de la circoncision elle-même.
Et lorsque Luc a le souci d’indiquer le zèle avec lequel les parents de Jésus s’acquittent de leur devoir religieux, il ne précise pas que la prescription de la présentation au Seigneur du premier enfant mâle, selon le principe énoncé au livre de l’Exode, (13/13 et 34/20), au moment de la sortie d’Egypte des Israélites, s’accomplissait, suivant le livre des Nombres, (Nb 18/15-16), en versant la somme de cinq sicles, au cours du mois qui suivait la naissance, symbolisant ainsi son rachat.
En fait Luc ne dit rien de ce rachat de Jésus qui est « saint » depuis sa conception, selon la phrase de l’ange : « « C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1, 35b). Jésus appartient déjà à Dieu. Mais ces quelques versets de la présentation de Jésus au Temple racontent comment Jésus entre dans une communauté de foi, celle du judaïsme. Ses parents, pratiquants fidèles, viennent dire à Dieu leur reconnaissance, leur action de grâce, pour la naissance de cet enfant, même si celle-ci a la valeur et non pas la moindre, de consacrer cet enfant premier-né, en priorité au service de Dieu, selon la tradition de cette époque. Marie et Joseph sont présentés ici comme des personnes ayant des revenus modestes, car ils offrent en sacrifice un couple de tourterelles, ou deux jeunes pigeons, qui étaient, selon le commandement du Lévitique (Lv 12, v.8) l’offrande possible à la place d’un agneau, pour les personnes de condition simple. Le récit se termine ainsi, sobrement : « Lorsqu’ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. » (v. 39).
Ce récit de présentation est un récit d’intégration dans une communauté religieuse. Savons-nous que dans notre Eglise protestante unie de France, anciennement Eglise réformée de France, nous avons également une liturgie de présentation ?
Une liturgie, c’est un ensemble de textes et de chants qui constituent le culte. L’officiant qui prépare le culte choisit des textes et des chants pour accompagner sa prédication, au cours du culte dominical, et en fonction des circonstances telles que les différentes étapes de la vie.
Dans notre Eglise, Il existe deux liturgies d’accueil des enfants, l’une qui est celle du baptême, avec le signe de l’eau, couramment utilisée, et l’autre, moins connue, qui est celle de la présentation. Ces deux liturgies sont indépendantes l’une de l’autre.
Le titre complet de la liturgie de présentation est celui-ci : « Présentation d’un enfant au cours du culte. Action de grâces pour sa naissance ou son arrivée dans un foyer. Bénédiction de sa famille ». Ce moment se situe après la prédication. Il est suivi de la prière d’intercession, ou universelle, et du Notre Père.
Cette liturgie permet à chaque famille, quelle que soit sa caractéristique, de dire à Dieu sa reconnaissance pour la naissance ou l’arrivée d’un enfant. Introduite par cette exhortation de l’apôtre Paul : « Rendez grâces en toute circonstance, c’est que ce Dieu vous demande pour votre vie en Jésus-Christ » (1 Thess 5/18), elle se poursuit par une prière : « Père nous te remercions pour la présence de cet enfant (le prénom est cité) parmi nous, pour l’amour qui a préparé sa venue, et la joie avec laquelle il (elle) a été accueillie. Nous te le confions, nous te le remettons à ta tendresse. Nous te prions pour ses parents, (ses frères et sœurs) et l’ensemble de sa famille. Demeure avec eux et donne-leur de trouver, dans la communion de l’Eglise, la force, la patience et la sagesse dont ils auront besoin jour après jour. Renouvelle en eux la foi, l’espérance et l’amour, afin qu’ils soient des témoins fidèles de l’Evangile. Qu’ainsi, cet (cette) enfant que tu leur as donné puisse, le moment venu, demander le baptême et reconnaître que Jésus-Christ est le Seigneur. Amen. »
L’officiant invite alors l’assemblée à se lever pour être témoin de cette présentation. Il étend sa main sur l’enfant et sur sa famille rassemblée autour de lui. Par ce geste, il montre que toute la famille est placée sous la bénédiction de Dieu. Vient ensuite une exhortation adressée d’abord à la famille : « La Bible nous dit : Dieu notre Père est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Ces paroles, tu les graveras dans ton cœur et tu les enseigneras à tes enfants ; tu en parleras quand tu seras à la maison ou en chemin. C’est à cela que Dieu vous appelle pour votre enfant (nommé par son prénom). Vous lui parlerez de l’amour de Dieu, vous lui ferez découvrir l’Evangile, pour qu’il en vive et accueille Jésus-Christ qui vient à sa rencontre ».
La célébration se termine par la présentation de l’enfant à la communauté présente et toujours debout, qui s’engage à son tour à l’accueillir et de se réjouir de sa présence. Elle promet aussi de prier pour lui et sa famille, de l’accompagner dans sa découverte de la foi et de la Bible et de partager sa louange avec lui, tout en gardant un cœur d’enfant soi-même, afin d’être, selon la parole de Jésus, soi-même comme un enfant, car le Royaume de Dieu appartient à ceux qui leur ressemble. Les gestes produits au cours de la célébration n’ont rien de magique. Ce sont des signes qui manifestent l’appartenance à une communauté religieuse, qui relient les membres les uns entre les autres. La présentation d’un enfant lors d’un culte ne l’enferme en aucun cas à l’intérieur de cette communauté. Elle est un signe pour dire la foi que nous avons en Dieu et pour dire aussi que nous sommes reliés les uns aux autres.
Parler de ce texte biblique aujourd’hui, parler de ce texte liturgique de notre Eglise, en particulier dans le contexte troublé et dramatique que nous sommes en train de vivre, avec la souffrance qu’engendre la pandémie du Covid 19, dans notre entourage proche, comme à travers le monde, c’est se rappeler que nous ne sommes pas seuls. Si nous sommes dans l’impossibilité de nous rencontrer en ce moment, le fait de penser les uns aux autres, de prier les uns pour les autres permet de garder et même d’approfondir ce lien fraternel. Nous rejoignons l’Eglise invisible, connue de Dieu seul. Elle s’étend aux dimensions du monde, dont la miséricorde, ou la compassion, reste l’ultime remède aux désolations de la terre et des êtres humains.
Ouvrages consultés
- F. Bovon, l’Evangile de Luc, tome 1, Labor et Fides Genève 1991
- Liturgie de l’Eglise protestante unie de France, présentation d’un enfant au cours d’un culte, Oilvétan, Lyon 1995
- > M. Leplay, La racine qui te porte, d’Israël à l’Eglise, Cabédita, Paris, 2018