Une dernière fois, je te dis que je veux croire en toi
Une dernière fois, je te dis que je veux croire en toi,
que je ne veux plus être l'arrogant qui nie et se moque.
Je veux être ton enfant enthousiaste.
Ô bien-aimé, aime-moi,
montre-moi que tu m'aimes.
Aide-moi à croire,
à croire malgré mes blasphèmes et mes moqueries
qui sont douleur et vengeance de ne pas croire en toi.
Oui, mon cas, le cas du dérisoire que je suis,
c'est affaire entre moi et toi, j'ai l'impertinence de le dire.
Aide-moi, aie pitié de ton orphelin,
aie pitié de ce sourire que je t'adresse en ma 84e année.
De tout ce cœur qui va bientôt cesser de battre,
je veux croire de toute âme, croire en toi et en ton amour.
Ne vois-tu pas que je dépéris de ton silence ?
Dieu de justice, j'en appelle à toi contre toi.
Aide-moi à t'aimer, aide-moi à croire en toi,
car je meurs de la faim de toi.
Toi, glorifié par les chanceux, viens au secours du malchanceux.
Fais de moi ce chanceux que je veux être,
fais de moi ton enfant éperdu de foi.
Mène-moi vers les eaux du repos.
Aie pitié, n'oublie pas que je suis de la maison d'Aaron.
Aie pitié de cet infidèle qui n'a pas eu la chance d'une foi transmise.
Je n'attends ma foi que de toi.
Est-ce une faute de n'attendre que de toi ?
Albert Cohen (Carnets 1978)
Albert Cohen