Un silence qui parle
Père qui es aux cieux !
Tu parles à l’homme de bien des manières ; toi à qui seul appartiennent la sagesse et l’intelligence, tu veux pourtant te faire comprendre de lui.
Hélas ! Même quand tu te tais, tu lui parles pourtant ; car il parle aussi, celui qui se tait pour examiner l’élève ; il parle aussi, celui qui se tait, pour éprouver l’être aimé ; il parle aussi, celui qui se tait pour que l’heure de l’entente devienne d’autant plus profonde lorsqu’elle arrive.
Père qui es aux cieux, n’en est-il pas ainsi !
Oh ! Dans le temps du silence, quand l’homme se trouve seul et délaissé sans entendre ta voix, alors il lui semble bien que la séparation doive durer toujours.
Oh ! Dans le temps du silence, quand l’homme languit dans le désert, sans y entendre ta voix, alors il lui semble bien qu’elle a toute disparu.
Père qui es aux cieux, ce n’est pourtant que l’instant du silence dans l’intimité de la conversation.
Béni soit donc ce silence, comme chacune de tes paroles à l’homme ; ne le laisse jamais oublier que tu lui parles aussi quand tu te tais ; donne-lui cette consolation, s’il attend ta venue, que tu te tais par amour, comme tu parles par amour.
Ainsi, que tu te taises ou que tu parles, tu es le même Père tu as le même sentiment paternel, que tu nous guides par ta voix ou que tu nous éduques par ton silence.
Sören Kierkegaard (1813-1855)