La grâce du consentement
Veiller n° 332 d'avril 2014
Devant nous, la résurrection
Les hommes chaque soir se donnent au sommeil.
Ils ferment les paupières.
A l’aube ils ressuscitent.
C’est un bien beau symbole que ce temps de la nuit.
Elle nous semble si loin la venue du Sauveur !
Or voici sa lumière, le voici revenu !
Ne perdez pas courage, frères, ne doutez pas.
Bientôt votre combat connaîtra la victoire.
Elle est là toute proche, votre résurrection !
Derrière nous la mort,
Devant nous,
Il n’y a que la résurrection !
Ephrem
Echos du courrier - Pourquoi on vient, pourquoi on reste ?
Je suis toujours dans l’étonnement devant l’œuvre admirable du Seigneur. En témoignent ces quelques extraits de lettres reçues de frères et sœurs veilleurs ; mais qui par respect et pudeur resteront dans l’anonymat. Que ces quelques mots, tout imprégnés de prière, que je vous partage, nous rendent proches les uns des autres, et qu’ils nous tournent vers le Seigneur dans la reconnaissance.
D’une novice : « Je ressens au fond de moi, le besoin d’aller plus loin, et de faire le pas de l’engagement. Je connais mes faiblesses, mes lacunes, mes manquements, et je sais que cette route que je veux prendre ne sera pas toujours facile…mais je me sens portée par ce désir de « vivre la vie ordinaire d’une manière extraordinaire » avec la prière comme pilier de ma journée ».
D’un novice : « J’avais en son temps entendu parler des Veilleurs mais n’y connaissais personne…pourquoi aujourd’hui ma démarche ? Assurément parce que je ressens le besoin d’un lien fraternel pour « épaissir » ma propre pratique quotidienne, l’ouvrir spirituellement au partage et à une commune vie de prière devant Dieu, et pour me ressourcer à la communion fraternelle née d’une même pratique ».
D’une novice : « Le temps de l’engagement est venu pour moi. Je côtoie la Fraternité des veilleurs et je lis le bulletin « Veillez » depuis environ dix années. J’ai longuement réfléchi avant de vous demander de devenir l’une des vôtres…Dieu est central dans mon existence. Sans Lui, je ne saurais vivre…Pouvoir devenir « veilleur » serait franchir un autre cap, celui de l’appartenance à une communauté priante, à l’écoute et dans la vigilance des souffrances de ce monde, unie aux autres veilleurs par une Règle de Vie fraternelle. Pouvoir être une présence aidante, discrète…savoir aller au-delà des apparences…être capable de simplicité dans ma relation à autrui… : tel est mon souhait ».
D’une veilleuse observante très âgée : « Qu’il fait bon de se sentir membre de la Fraternité, une grande famille dans laquelle la communion demeure toujours aussi forte. »
D’un veilleur observant : « Au bout de plusieurs années, c’est encore avec joie, crainte et dans la prière que j’ai signé ma carte d’observant. Que le seigneur me protège dans mes engagements pour que je sois là où il m’a placé, un témoin de sa présence et de son amour ! »
Que Dieu nous garde fidèles, nous affermisse jour après jour, et nous accorde la joie qui demeure.
Votre sœur prieure, Claude Caux-B.
La grâce du consentement
Introduction
Marchons-nous sur le bon chemin ?
Un des signes positifs est le consentement à la réalité de notre vie d’une part dans toutes les circonstances que nous traversons avec tout ce qu’elle peut avoir de difficile et de douloureux, et d’autre part dans nos relations aux autres qui contrarient parfois nos élans, nos projets.
On peut s’enchanter de rêves intérieurs, les nourrir de belles lectures en fuyant ce qui nous résiste et décrocher ainsi de la vie quotidienne où pourtant Dieu nous attend.
Veiller à unifier foi et vie relève à la fois de la grâce de Dieu et d’un labeur dont on ne peut pas faire l’économie. Cette démarche révèle notre fragilité et dans le même mouvement nous conduit à expérimenter auprès de QUI trouver la force de consentir au réel.
Nous pouvons alors placer notre prière dans les mots du psalmiste : « Seigneur, montre-moi ton chemin… Unifie mon cœur… » (TOB, Ps 86(85) v.11) et faire le pas suivant, le pas que Dieu attend…
Le petit texte suivant écrit par Sr M.-Th. Abgrall a trouvé de l’écho en moi, l’été dernier, dans le contexte douloureux d’un deuil…
Il m’a encouragée.
Nicole K.
La grâce du consentement
Ne pas fuir. Prendre à bras-le-corps ce réel qui me résiste : le temps qu’il fait, mon état intérieur ou physique et celui de mes proches, le travail pesant ou léger, les rencontres qu’il m’est donné de faire, les autres auxquels je me heurte, l’événement qui contrarie mes projets ou la situation qui m’est imposée par les circonstances, voilà la trame de ma vie, ce qui la rythme ou la structure, le lieu où Dieu me fait signe. Il me rejoint là et non ailleurs, la vie rêvée, la vie projetée. Dur roc du réel : je m’y brise ou je m’y construis.
Qui n’a rêvé d’être autre, d’être ailleurs ou rendre les autres conformes à soi ou à ses rêves ? Qui n’a pensé qu’à changer le monde, il serait parfait, qu’à changer les autres (notre communauté, l’Église, le couple que nous formons, nos compagnons de route ou de travail), la vie serait meilleure et plus légère ? A notre impatience face aux limites, à notre désir d’une perfection idéale, répond la sagesse des humbles consentements à ce qui est. Le « donné », avec son lot de déterminisme et d’apparents hasards devient alors le « reçu », comme le lieu d’expérience spirituelle, où se joue ma liberté d’accueillir ou de refuser. Il ne s’agit pas là, en effet, d’une sagesse humaine (même si la prise en compte du réel est la seule voie pour une pleine efficacité en ce monde dans la conduite de notre vie) mais bien d’une attitude spirituelle, d’une sagesse venant de l’Esprit et que seul nous enseigne l’Esprit.
A travers les contraintes et les résistances de ce qui échappe à mes prises, j’éprouve, jusqu’à la douleur et la violence parfois, que ni les temps et les moments, ni les choses, ni les êtres ne m’appartiennent. Bienheureuse expérience de dépossession, de non-maîtrise, qui me livre jour après jour à la dépendance du Père à la rencontre vraie des frères ! Dans cette distance même, à cause d’elle, une proximité nouvelle peut se vivre : je les accepte tels qu’ils sont, tels que leur vie et la mienne les a faits, nous a faits ; j’entre avec eux dans une histoire commune.
Marie-Thérèse Abgrall,
communauté Saint François Xavier.
Extrait de « La grâce du consentement »,
publié dans la revue CHRISTUS n° 189 :
L’épreuve du réel, chemin de croissance.
Un engagement de veilleur
Veilleur auprès des jeunes
Je voudrais vous faire partager ma joie de consacrer quelques heures par semaine dans un établissement scolaire privé qui prend en charge les enfants depuis la maternelle jusqu’ à des classes d’école supérieure.
Je me suis rendu compte que ce n’est pas en étant seulement parent, parent d’élève ou catéchète que l’on approchait le mieux tous ces jeunes dans leur vie.
Faire l’expérience de les suivre dans leurs cours, aux interclasses et aux temps de pause m’a beaucoup appris sur eux, sur leur façon de réagir entre eux et avec tout ce qui se passe dans le monde.
On sous-estime leurs préoccupations, leurs craintes conscientes ou non, qui faute d’être entendues et considérées se traduisent par des comportements qui nous choquent et nous fâchent.
J’ai la chance dans le cadre de l’aumônerie d’être pour eux une personne adulte, à part ; pas parent, pas pionne, pas prof... Seulement présente pour eux, pour les écouter et leur proposer des pistes. Je suis toujours touchée de la confiance qu’ils me prêtent, il n’est pas rare qu’avant de retourner en cours ils me confient leurs difficultés avec tel et tel enseignant, ou camarade. Je me rends compte à quel point ils doivent constamment jouer des coudes pour trouver leur place et se trouver eux mêmes.
La confiance qu’ils me portent est immense et sans l’aide de Dieu je ne pourrais être à la hauteur de leurs attentes.
Même avec les plus difficiles les choses se passent bien, il y a des moments où avec eux c’est du cœur à cœur, ils ont besoin de savoir que nous leur portons une attention particulière. Je sens à quel point ils craignent de ne pas être aimés.
Ils reviennent très fréquemment sur «Aimez vous les uns les autres», ce n’est pas facile me disent-ils, mais c’est là l’occasion d’écouter ce qu’ils ressentent et croient être des conflits, des impossibilités de conciliations, des impossibilités de pardon, et c’est dans la Bible que nous trouvons ensemble des réponses.
C’est vraiment dans ces moments de discussions et d’échanges que l’opportunité de présenter la Bible comme la parole de Dieu qui nous vient en aide tout au long de notre vie est primordiale pour leur avenir.
J’ai vraiment à ce moment le sentiment de leur avoir donné des clés pour leur cheminement spirituel, qu’ils puissent choisir leur voie.
J’entends souvent des parents dire qu’ils ne veulent pas influencer leurs enfants, que, dans un noble esprit de respect, ils les laissent choisir leur voie qui sera ou non dirigée vers Dieu. Comment espérer qu’ils puissent choisir entre rien et la force médiatique de tous les courants de pensées matérialistes consuméristes et mal intentionnées ?
Si l’on ne veille pas à bien nourrir cette quête, qui sait vers quelles formes spirituelles ils s’orienteront ? Tout petits déjà les enfants aiment qu’on leur lise des récits bibliques appropriés et en grandissant leur curiosité s’affine et naît une quête spirituelle.
Nous commençons toujours par un moment de silence pour arriver à la prière. L’un d’entre eux m’a dit tout simplement que c’était difficile de prier et j’ai senti en lui ce besoin. Soulagé d’entendre que ce n’était pas facile de prier et que cela demandait de la pratique et du temps, il s’est détendu, est devenu plus attentif et demandeur.
La prière les intéresse. Certains d’entre eux me glissent des petits papiers pliés avec minutie, savamment enveloppés dans du ruban adhésif avec la mention : Secret. Il s’agit de leur prière qu’ils me passent comme on passe un bâton de relais.
Je suis émue de leurs attentions dont chaque semaine ils me font part, des sujets qui les préoccupent et qu’ils veulent déposer dans la prière. Je suis en effet frappée de sentir à quel point tout ces jeunes sont demandeurs, sont en quête de spiritualité. C’est à nous de leur répondre simplement et avec notre foi, de lire avec eux des passages de la Bible. De leur faire part de notre joie sans cesse renouvelée d’être chrétien, fidèle à Dieu par Jésus Christ.
Je repars de ces moments de partage, enrichie, et prier pour eux m’est évident. Je m’efforce de toujours être attentive, de veiller sur eux dans la prière et de les aimer. Écouter aussi les enseignants et le personnel de l’établissement m’éclaire et permet de lancer des passerelles entre les élèves et les adultes.
Je voudrais vous dire combien je me suis sentie une fois encore appelée à être veilleur.
Écouter les autres pour prier ; les écouter, mais aussi écouter le bruit qu’ils font, le chahut qu’ils occasionnent pour se manifester.
Remarquer enfin leurs soucis et comprendre que notre silence et nos incompréhensions les rendent nerveux et parfois violents.
J’entends leur quête d’Espérance et leur besoin d’apaisement. Au fil du temps et grâce aux liens qui se tissent nous pouvons cheminer vers Dieu et apprendre à prier ensemble.
Je rends grâce à Dieu d’être là où je suis et d’être veilleur parmi eux.
Écouter et prier, c’est aimer.
Joëlle C.
Expérience spirituelle
Accueillir et veiller sur le petit enfant : témoignage
Au cours de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, notre paroisse a vécu un partage œcuménique portant sur la présentation du petit enfant Jésus au Temple, suivi d’une prière silencieuse de vingt minutes. Au cours de ce temps de silence, Dieu m’a fait une grâce, un cadeau merveilleux et inattendu : il m’a révélé que je pouvais recevoir l’enfant Jésus dans mes bras comme Siméon l’avait fait au Temple devant Marie et Joseph. Et j’ai compris que je pouvais même le garder, en veillant sur lui comme une mère veille sur son petit enfant. Quel immense privilège !
Cette idée tout à fait nouvelle pour moi ne cesse de m’habiter depuis ce jour, et me conduit aujourd’hui à faire cette prière :
Merci Seigneur pour le cadeau immense et immérité que tu m’as fait. J’accepte de prendre chez moi l’enfant et de veiller sur lui, afin qu’avec ton Esprit il grandisse en sagesse et en intelligence. Quel privilège, mais aussi quelle responsabilité ! De même qu’une mère pense sans cesse à son enfant, de même me faudra-t-il penser sans cesse à toi, O Christ ! De même qu’un père, ou une mère, à chaque pause dans son travail, se souvient de l’enfant et se soucie de lui, de même il me faudra, dans la prière, penser à toi, O Christ. Comme on fait silence dans la maison pour ne pas troubler l’enfant qui dort, je ferai silence en moi à chaque fois qu’il le faudra. Et quand il se promènera dans la chambre, je veillerai à écarter tout danger, à maintenir la propreté et retirer tout ce qui pourrait le blesser.
Oui Seigneur, j’ai accepté avec joie ton immense cadeau, mais serai-je capable de l’honorer ? Serai-je capable de veiller sur l’enfant comme le père ou la mère sur le sien ? Ou comme le jardinier sur la plante qui traverse l’hiver et le printemps avant de donner les fleurs et les fruits en été ?
Accorde-moi Seigneur un cadeau supplémentaire : Ton Esprit, afin qu’il me rendre capable de veiller sur l’enfant que j’ai pris, un soir, dans mes bras.
Christian, de Paris
Prier
Il y a mille et une façons de prier
Autant qu'il y a de prieurs, autant qu'il y a de jours pour chaque prieur, autant qu'il y a de teintes dans chaque jour pour chaque prieur.
Aussi, la prière ne s'écrit pas. Elle s'écrie. Elle se murmure,
elle se bégaye. Elle se rit, elle se pleure. Elle se tait.
Pourquoi alors la figer dans des mots ?
Peut-être parce que la prière n'est pas une dynamique seulement intime, mais aussi collective.
Elle est souvent une danse qu'on ne veut pas danser.
On se tient, boudeur ou timide, en marge de la ronde ;
on se met au ban soi-même, aigri ou impressionné,
distrait ou pétri d'une indignité dont on fixe soi-même les critères.
Jusqu'à ce que quelqu'un vous attrape par la manche
et vous entraîne avec lui dans le déroulement de chaque pas.
Dieu nous donne la Parole, nous la lui rendons par la prière.
Ainsi circulent le Verbe, la Grâce, nos louanges et nos rages.
C'est un faisceau démentiel que tracent en tous sens
les élans de nos prières.
Si ces sillons ne devaient contenir que trois lettres,
ce serait sans doute
OUI. (...)
Je me dis souvent que j'aimerais mourir comme je prie.
En disant Oui."
Proposé par Benjamin B.
Texte d'introduction du recueil de prière :
« Comme la première foi - prier » de Marion Muller-Colard,
Éditions Passiflores, 2013
Prière
(…) En cette nuit noire,
nous étions
totalement perdus.
Mais
au matin de Pâques,
ta Parole Libératrice
a éclaté.
Elle a éclaté
comme
la plus belle des fleurs
au début du printemps,
comme
le soleil radieux
d’un jour d’été.
Et te voilà
maintenant
debout,
devant nous,
en pleine clarté,
prêt à nous revêtir
de ton vêtement blanc
et de ta lumière.
Tu nous dis encore :
« Je suis le chemin,
la vérité et la vie ! »
Donne-nous
d’être des témoins
de ton Amour. (…)
Jacques M.
Site de la fraternité des veilleurs : fraternite-spirituelle-des-veilleurs.org
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