Va, vends tout ce que tu as, et donne-le ?

Matthieu 5:21-48

Culte du 6 janvier 2008
Prédication de pasteur Marc Pernot

(Matthieu 19:16-26 ; Matthieu 5:21-22, 38-48)

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Culte à l'Oratoire du Louvre, le 6 janvier 2008
par le pasteur Marc Pernot

Quelle bonne résolution pour ce Nouvel an ?

Je vous propose ce vœu, auquel Christ nous encourage : "Soyons parfait" !

Jésus dit au jeune homme:
Si tu veux être parfait,
va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres,
tu auras alors un trésor dans le ciel.
Puis viens, et suis-moi. (Matthieu 19:21)

Pourquoi est-ce que Jésus donne ce commandement impossible ? Parce que oui, c’est impossible de “ tout donner ” comme le dit Jésus à ce jeune homme. Il faudrait ne pas exister, car manger ne serait-ce qu'une bouchée de pain c'est déjà posséder quelque chose. C'est donc impossible de “ tout donner ”, et cela ne peut évidemment pas fonder un modèle de société. D’ailleurs, on sait que Jésus ne l'appliquait pas lui-même, puisqu'il avait une belle tunique et autres affaires que les soldats romains se sont partagées avec intérêt lors de son exécution.

Ce que propose Jésus au jeune homme est donc étrange. Si nous avions été à la place de Jésus, qu'est-ce que nous aurions donné comme principe dans ce domaine ? Nous aurions pu dire qu'il est bon de donner 10 % de ce que l'on a gagné, comme Abraham choisit de le faire, ou nous aurions pu dire de "partager" son bien avec ceux qui en ont besoin. Mais non, Jésus ne dit pas cela. Nulle part.

Ce genre de bonnes petites morales est à la fois inspiré par l'Évangile et contraire à l'Évangile. Une certaine générosité va dans le sens de ce que propose Jésus, mais ce qui est contraire à sa façon d'être c'est d'enfermer cette générosité dans un cadre. Ce qu'il nous propose, ce n'est pas de "partager" avec les autres, ni de donner la dîme, mais de donner sa vie pour ceux que l'on aime ! Ce qu'il nous donne comme loi morale, c'est ce genre de conseils : “ Va, vends tout ce que tu as, et donne-le ”, ou ailleurs “ Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. ” (Matthieu 5:48). Ces commandements impossibles de Jésus sont à la fois source de libération et d'inspiration, alors que si Jésus nous avait donné des conseils bien raisonnables, cela aurait été moins bon.

Le premier inconvénient qu'aurait un bon commandement bien raisonnable comme, par exemple de donner la dîme, c'est que n’aurions pas à réfléchir, il faudrait le faire et c’est tout. Le problème c'est qu'une morale bien raisonnable comme ça prend les gens pour des imbéciles incapables de réfléchir, ou plutôt elle transforme les gens en imbéciles puisqu'ils n'ont plus à réfléchir mais seulement à appliquer : donne tant pour les pauvres, donne tant pour que l'Église puisse annoncer l'Évangile, brosse-toi les dents 3 fois par jour, prie au moins autant, va au culte...

Au contraire, Jésus nous dit : l'idéal serait de donner 100% de ce que l'on a, de prier 100% du temps, de rendre service aux autres à 100 % de ses forces... C'est impossible à faire parfaitement, et c'est pour ça que c'est un excellent conseil. Jésus nous donne ainsi de bonnes questions à nous poser, tout en nous laissant libre de voir ce que l'on peut faire au mieux.

La première chose que l'on peut dire, c'est qu'avec ces paroles choc, Jésus ne nous prend pas pour des imbéciles mais comme des personnes responsables. C'est une bonne idée de chercher auprès de lui des indications sur ce que l'on doit vivre, comme le fait ce jeune homme riche et comme nous le faisons ce matin. Mais Jésus ne réfléchira pas à notre place, il ne décidera pas à notre place. Il nous donnera plutôt des questions à nous poser. Oui, il est bon de donner. Mais pour ce qui est de savoir combien, comment, à qui, à quel moment... c'est à nous de voir, de réfléchir, de décider.

Ce jour-là, à ce jeune homme-là, Jésus dit de tout donner aux pauvres. À notre connaissance, c’est l'unique fois où Jésus le dit à quelqu’un. Il ne l’a pas demandé à Zachée qui était très riche, il ne l’a pas demandé à l’apôtre Pierre qui avait une entreprise de pêche et qui l'a encore après les années passées auprès de Jésus, il ne l'a pas demandé au centurion romain qui est venu lui demander un coup de main. Et quand Marie-Madeleine répand une fortune en parfum sur ses pieds, Jésus la montre en exemple au lieu de dire qu'elle aurait mieux fait de donner cet argent pour nourrir des affamés ! À chacune de ces personnes que Jésus a croisée, il a dit autre chose. Il leur a dit ce dont chacune avait besoin, à ce moment-là, pour progresser, pour grandir, pour aller mieux, pour aimer un peu plus.

C’est pourquoi il est bon d’avoir une relation personnelle avec Dieu. C'est pourquoi il est utile de se laisser interroger par la Bible, en particulier par ces paroles chocs de Jésus, cela nous aide à nous ouvrir à la nouveauté de ce que Dieu nous propose aujourd'hui. Car il a quelque chose à proposer à chacun de nous, quelque chose qu'il ne peut donner nous donner qu'en particulier. Cette parole qu'il a pour nous, c'est bien souvent comme cette parole qu'a Jésus ici pour ce jeune homme, c'est souvent plus une piste de réflexion que vraiment un ordre, c'est comme un nouveau facteur à prendre en compte, ou une personne à comprendre, comme Jésus ce jour-là.

Pour un enfant tout jeune, il est bon de poser des règles simples à appliquer toujours et absolument. Mais progressivement, l'éducation vise à développer une capacité d'adaptation car la vie n'est presque faite que de cas particuliers dont il faudra tenir compte, mais aussi parce qu'il faut qu'il y ait place pour sa personnalité et sa vocation personnelle.

Jésus est plutôt dans ce registre-là, il ne cherche pas à nous mettre sur les rails d'une morale, mais il cherche à aider à nous construire comme quelqu'un de bon par lui-même. Et quand Jésus lui dit de donner tout ce qu'il a pour les pauvres, tant mieux si ça aide à vivre des pauvres gens, mais c'est d'abord le jeune homme fortuné que Jésus veut aider en disant cela. Parce que le plus misérable pour lui, ce jour-là, c’est ce jeune homme prisonnier de son argent. C'est sur lui que Jésus pleure. C’est de cette maladie qu'il veut le guérir pour qu’il puisse avancer plus librement, et devenir d'une certaine façon source de vie.

Quand Jésus lui dit “donne tout ce que tu as et donnes-le aux pauvres”, il pose de façon provocante cette question : Est-ce que c’est toi qui possède ton argent, ou est-ce que par hasard, ce ne serait pas ton argent qui te possèderait ? Nous pouvons nous poser utilement ce genre de questions avec bien des choses. Est-ce que je possède une télé, ou bien est-ce que c'est la télé qui me possède, ou bien mon travail, ou bien telle passion, ou bien mon agenda ?

Qu'est devenu ensuite le jeune homme riche ? Est-il finalement revenu vers Jésus pour qu'il l'aide à se libérer ? Est-ce que Jésus s'est débrouillé pour recroiser une autre fois sa route ? Comme souvent dans l'Évangile, nous ne connaissons pas la fin de l'histoire, comme si elle était à écrire nous-mêmes avec notre propre vie.

Le conseil que Jésus lui a donné est impossible à appliquer à la lettre, mais il a pour but de mieux se connaître soi-même. Est-ce que je serais capable de tout donner, ou même seulement une somme d’argent déraisonnable pour le bien de personnes que je ne connais même pas ? La question n'est pas forcément de le faire, mais de savoir si, personnellement, nous en serions capables.

Jésus ne fait pas cela pour nous culpabiliser. Au contraire. Il y a rien de moins culpabilisant et de plus libérant que ce qu'il nous propose. Comment pourrait-on en vouloir à quelqu'un de ne pas arriver à appliquer un commandement impossible ? Si Jésus nous donnait des règles bien raisonnables, par contre là, on risquerait d’être culpabilisé ou au contraire trop fier de nous. Par exemple, si Jésus nous avait repris la règle des juifs de son temps de donner la dîme. Si on n'y arrive pas parce que l'on est déjà étranglé par son loyer ou que l'on a pas assez de force, nous risquerions alors de penser que nous sommes mauvais. Par contre, si on arrivait à donner ce qui nous aurait été commandé, nous serions tentés de nous dire : “ je suis vraiment un bon-chrétien, Dieu peut être fier de moi, heureusement que je ne suis pas comme Monsieur Machin, qui devrait avoir honte...” Et donc si les commandements de Jésus étaient bien raisonnables, nous risquerions d’être soit trop culpabilisé soit trop fier de nous. Et cela ne serait pas bon pour nous dans aucun des deux cas.

Au contraire, l'idéal infini que nous propose Jésus nous fait réfléchir sur nous-mêmes et sur ce que nous voudrions faire. Il nous parle d'un amour parfait, d'un don total et d'un pardon infini... Bien sûr, c'est impossible, et l'on sait que personne ne peut nous en vouloir de ne pas y arriver, ensuite, on peut chercher à faire au mieux et chercher à faire mieux. Cela nous donne une juste dose d'idéal et de pragmatisme. Cela nous permet de nous sentir frère des autres et de compter sur l'aide et le pardon de Dieu, pour eux comme pour nous.

L'idéal que Jésus nous propose c'est Dieu lui-même. Par définition, il n'y a pas d'idéal plus impossible à atteindre. Ce n'est pas grave, Jésus ne nous demande pas d'y arriver mais simplement de nous placer face à cet idéal, sachant que de toute façon, où que nous en soyons, que nous arrivions à avancer ou que nous régressions, Dieu nous aimera toujours comme un enfant tendrement aimé, comme Jésus aime ce jeune homme riche alors même qu'il est prisonnier de son attachement à sa fortune.

L'Évangile permet d'assumer cet idéal infini avec pragmatisme. Oui, nous sommes loin d'être parfait, mais compris et accompagné par Dieu, nous pouvons comprendre notre situation comme étant en chemin entre le néant d'où nous sommes issus et cette bonté parfaite qu'est Dieu.

Lui seul peut vraiment être appelé "bon". Jésus lui-même refuse qu'on l'appelle "bon", dans le cadre de ce cheminement que nous propose ici Jésus, c'est intéressant.

  1. Bien sûr, nous qui ne sommes qu'en chemin, nous ne risquons pas de pouvoir un jour être bon à 100%. C'est la première différence entre Dieu et nous.
  2. Mais même si nous étions un être humain parfaitement accompli, nous ne pourrions pas être d'une bonté totale, parce que nos ressources sont limitées contrairement à Dieu. Par exemple, si nous consacrons un euro pour aider telle personne, nous en privons telle autre qui en aurait eu également besoin. Il nous a bien fallu faire un arbitrage, un choix, qu'il nous faut assumer avec pragmatisme. L'aide et le pardon de Dieu sont irremplaçables face à cela. Il nous aide pour que le peu dont nous sommes capable soit utilisé avec le maximum possible de bonté et d'efficacité. Le pardon de Dieu nous aide à assumer de ne pas avoir pu tout faire. Jésus lui-même était lié par les limites physiques des capacités humaines et sa bonté, par conséquent, était contrainte.
  3. Il y a une troisième limite à la bonté, même d'un homme qui serait parfait, c'est que la vie en ce monde est complexe. Bien souvent il n'y a pas de solution parfaitement bonne mais seulement des solutions meilleures, ou moins mauvaises que d'autres. Même Jésus était soumis à cela. Par exemple quand il est face à une personne malade le jour du Sabbat. Soit il fait attendre cette personne avant de la guérir, soit il fait attendre Dieu avant de lui rendre un culte. Jésus est ainsi pris dans cette contradiction où toutes les solutions comportent une faute, guérissant le malade passant pour un mépris de Dieu, et ne le guérissant pas tout de suite passant comme un mépris de son prochain qui souffre.

On ne peut donc pas dire que Jésus est sans péchés au pluriel, c'est-à-dire sans fautes morales. Ce n'est pas possible en ce monde. Mais l'humain véritable qu'incarne le Christ est, lui, sans péché au singulier, c'est à dire que dans son propre cheminement il est et il reste tourné vers Dieu, pour qu'il le secoure et l'accompagne dans cette difficulté qu'il y a à vivre en ce monde. C'est la clef.

Comme chrétien, devant une nouvelle année qui s'ouvre devant nous, puisque Jésus nous encourage à cette audace, je vous propose ce vœu : Soyons parfaits comme notre Père Céleste est parfait. Et comme il nous encourage aussi au pragmatisme, au moins : faisons pour le mieux, au moins : espérons faire mieux grâce à Dieu.

Nous pouvons cheminer ensemble vers cette perfection de bonté qu'est Dieu. C'est impossible d'y arriver pour un humain seul, mais Dieu fait des miracles, son pardon et son aide nous donneront certainement d'avancer d'un pas ou de mille dans sa bonté.

Grâces lui soient rendues !

Lecture de la Bible

Matthieu 5:21-22, 38-48

Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens: Tu ne tueras point; celui qui tuera est passible de jugement. Mais moi, je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère est passible de jugement; que celui qui dira à son frère: Raca! mérite d’être puni par le sanhédrin; et que celui qui lui dira: Insensé! mérite d’être puni par le feu de la géhenne.

...

Vous avez appris qu’il a été dit: oeil pour oeil, et dent pour dent. Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre. Si quelqu’un veut plaider contre toi, et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Si quelqu’un te force à faire un mille, fais-en deux avec lui. Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi.

Vous avez appris qu’il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.

Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les publicains n’agissent-ils pas de même? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire? Les païens n’agissent-ils pas de même? Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.

Matthieu 19:16-26

Un homme s’approcha, et dit à Jésus: Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle?

Il lui répondit: Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon? Un seul est le bon. Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. Lesquels? lui dit-il.

Et Jésus répondit: Tu ne tueras point; tu ne commettras point d’adultère; tu ne déroberas point; tu ne diras point de faux témoignage; honore ton père et ta mère; et: honore ton père comme toi-même.

Le jeune homme lui dit: J’ai observé toutes ces choses; que me manque-t-il encore?

Jésus lui dit: Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi.

Après avoir entendu ces paroles, le jeune homme s’en alla tout triste; car il avait de grands biens.

Jésus dit à ses disciples: Je vous le dis en vérité, un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux. Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu.

Les disciples, ayant entendu cela, furent très étonnés, et dirent: Qui peut donc être sauvé?

Jésus les regarda, et leur dit: Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible.

 

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