Tout est accompli : Maintenant fortifie-toi et prends courage, à toi d’y aller

Jean 19:30 , Josué 1:1-11

Culte du 3 avril 2015
Prédication de pasteur Marc Pernot

Culte du Vendredi Saint 2015 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Sur la croix, Jésus dit :

« Tout est accompli ! »
et, baissant la tête, il rendit l’esprit.
(Jean 19:30)

Selon le témoignage de Jean, les dernières paroles de Jésus furent de dire « tout est accompli ». Le temps de la grâce est arrivé. Le temps de la délivrance. Le temps du Royaume de Dieu qui est là, ici et maintenant. Tout est accompli. Le salut n’est plus à espérer, il est accompli. Le messie n’est plus à attendre, il est venu. L’heure ultime n’est plus dans le futur, le temps est venu.

Tout est accompli, mais pourtant, rien n’a encore changé. La preuve : quand Jésus dit cela, un innocent, lui, est précisément encore accusé, condamné, exécuté. Pourtant cet homme est un juste, et même plus encore que juste, il est source d’un salut inouï, divin, pour l’humanité de tout temps et tout lieu.

En réalité, à cet instant, tout est accompli mais tout reste à faire, tout à été donné mais tout reste à vivre.

Nous sommes alors comme le peuple hébreu qui a été conduit par Moïse à la porte de la terre promise, pays où coule le lait et le miel. Jésus sur la croix est comme Moïse sur le mont Nébo qui voit la terre promise sur l’autre versant. Jésus peut soupirer « tout est accompli ». Oui, ta mission est terminée, bien malgré toi et ta volonté. Mais le but est atteint. Le monde en a été ébranlé. Le voile du temple a été déchiré de haut en bas ouvrant un passage que nous pensions interdit. Le ciel a été ouvert pour que nous entendions la parole de l’Éternel nous parler, directement, comme jadis l’Éternel a parlé à Josué. Tout pareil.

La voix de l'Eternel nous dit, à vous, à moi, face à la croix du Christ, comme à Josué en son heure : «aujourd'hui mon serviteur est mort, maintenant lève toi, passe ce Jourdain, toi et tout ce peuple, pour entrer dans le pays que je donne. »

  • « Maintenant » : pas demain, pas l'année prochaine, pas dans un autre temps.
  • « Lève-toi » : littéralement « ressuscite », éveille-toi, explore une dimension nouvelle, celle de la verticalité. Lève-toi pour marcher.
  • « Passe ce fleuve », passe cette frontière infranchissable, ce mur de verre qui t’empêche de choisir d’être sujet de verbes d’action. Le mot même de « Pâque » signifie « un passage », Pâque c’est un franchissement, passer de l'attente à la réalisation. Passer du sommeil à la résurrection, passer du « que fait le gouvernement... que fait le bon Dieu... c’est un scandale que... », à un premier pas de pionnier, à un premier geste de bâtisseur de cathédrale.
  • « passe ce fleuve, toi et tout le peuple » : pour une fois pas « toi tout seul pour toi tout seul », mais « toi avec tout le peuple ». Désolé de la complication, mais c’est ça le cœur du projet, c’est n’oublier pas un seul de ceux qui nous sont confiés. Et cette charge n’est pas un fardeau car notre joie est d’être avec ceux que l’on aime, et de vivre tous. Et de vivre bien :
  • « passe dans le pays que je vous donne » car oui, ce pays que Dieu nous a donné en Christ est une façon d’être, une façon d’aimer d’espérer et d’être fidèle. Mais cela n’a de sens que si on le met en pratique.

Et donc, « tout a été accompli » par Christ dans sa pourtant trop courte vie, et tout reste à faire. Tout nous reste à faire maintenant. Et pour cela, comme pour Josué devant le Jourdain, il va falloir nous mouiller, car si Dieu écarte l’eau de la mer et du fleuve pour nous faire un passage, il restera des flaques. Christ a ouvert une porte devant toute personne, c’est son œuvre, immense, irremplaçable. L’ouverture est accomplie. C’est son travail de trois ans, peut-être, à témoigner en paroles et en actes. Un travail que Jésus a accompli également sur lui-même, durement, dans la prière face à ses propres tentations et encore à Gethsémanée face à sa tristesse et à ses angoisses. La traversée du désert par Moïse avec les hébreux avait elle aussi ces deux faces, avec des temps d’un face à face avec Dieu et un temps de face à face avec son peuple. Cette traversée du désert mène à la porte de la terre promise, mais ce n’est pas tant un déplacement qu’un accouchement d’une génération nouvelle qui est née de cette traversée du désert.

Jésus a fait naître une génération nouvelle. Et cette génération est devant une porte qui a été ouverte pour elle. C’est une liberté sur un vaste pays que Dieu nous donne. Je pense sincèrement que Dieu n’est pas une sorte de maître du cadastre, donnant tel lopin de terre à certains, telle montagne à d’autre. C’est à nous de nous organiser entre nous pour partager avec bonté et justice les ressources limités qu’offrent ce monde. C’est un autre pays que Dieu nous donne. L’Évangile nous dit que Christ nous conduit à la porte d’un vaste pays qu’est le Royaume de Dieu. Et Dieu a une drôle de façon de régner. Il règne en créant l’homme à son image, le rendant libre, intelligent, capable de foi, d’espérance et d’amour. En un mot, en lui donnant le pouvoir d’être christique, christ à notre façon.

Nous sommes à cette porte. Il n’y a plus qu’à être ce christ que nous sommes faits pour être. Mais comme Josué, nous ne voyons pas trop comment faire. L’Éternel nous dit « maintenant, toi, lève toi, passe ce Jourdain avec tout ce peuple pour entrer dans le pays que je donne. » mais voilà, précisément, il y a le Jourdain en travers, et une vie inconnue devant.

Et il y a les doutes vis à vis de Dieu. Son serviteur est mort. Jésus lui-même s’est senti soit abandonné par Dieu, soit trahi par l’incapacité de Dieu à lui éviter le pire. Puis il est mort, la bouche ouverte, cherchant de l’air comme un poisson sur le bord de la plage. Mort à la porte d’un idéal magnifique où l’on trouve son bonheur dans la faim et la soif de plus de justice, bonheur d’être reconnu par Dieu, pardonné, encouragé par lui. Et puis cette liberté d’aller vers chacun pour lui porter le meilleur de la part de Dieu : une attention, un soin, une parole, un encouragement. Jésus, le Serviteur de l’Éternel a ouvert cette porte, mais il est mort. Et il n’a pas visité un millionième des pauvres laissés sans espérance, comment aurait-il pu, lui-même n’avait que 24 heures par jour et si peu de jours à vivre. Pire que cela, fondamentalement, le monde et ses habitants n’ont pas changés par l’action du Christ. C’est normal car chaque personne doit revivre dans sa propre histoire l’évolution de l’humanité tout entière, depuis la première cellule, puis quelque chose comme un têtard, puis apprendre à marcher sur les pattes de derrière, à parler... puis à apprendre la Loi de Moïse et son annonce que Dieu nous libère pour vivre et pour faire vivre. Cette porte que le Christ a ouverte, c’est une évolution nouvelle qui nous est donnée à vivre, pour que maintenant nous nous levions, nous ressuscitions, que nous passions un cap, nous avec et pour ceux que nous aimons.

En réponse à nos doutes et à ceux qu’a vécu Jésus sur la croix, l’Éternel nous donne une promesse et quelques conseils tout simples. Cette parole nous est dite par le livre de Josué, et nous pouvons donc la méditer. Le fait que ce soit une parole mise dans la bouche de l’Éternel et non pas un enseignement théologique nous invite à recevoir cette parole dans notre propre prière et non pas seulement par notre sagesse. Cette parole, beaucoup l’ont entendu, d’autres l’ont ressentie, cela dépend de la sensibilité de chacun, et peut-être aussi de la façon d’en témoigner. Mais dans la prière, je pense que nous pouvons tous vivre l’exaucement de cette parole d’encouragement et de sagesse. Et se rendre compte après-coup, que l’ange de l’Éternel est passé et que nous en avons été transformé.

Une promesse qui engage l’Éternel

La première Parole de Dieu est une promesse qui l’engage, l’Éternel nous dit :

Je serai avec toi,
je ne te délaisserai pas,
je ne t’abandonnerai pas (v.5)

Cette parole est comme en écho à ces doutes qui font souffrir la foi de Jésus sur la croix. Non, Dieu n’abandonne pas son enfant. Et cette parole est sans condition suspensive, sans petites notes illisibles au dos du contrat. Dieu annonce, comme aux patriarches une bénédiction qui est plus forte que tout, plus forte même que nos égarements. Et c’est ce qui fonde une liberté dans cet avenir que Dieu ouvre devant nous. C’est le droit d’explorer, c’est le droit à l’erreur, c’est le droit à la sincérité.

Mais cette promesse est-elle que la chance et le succès nous seraient assurés tous les jours de notre vie ? Bien sûr que non. Il est clair que quand on trace une route nouvelle cela ne plaira pas à tout le monde, Jésus en est la dramatique victime, mais il n’est pas une victime naïve, il sait qu’il est normal de rencontrer de l’opposition quand on est prophétique, et il nous annonce qu’il en sera de même pour nous (Jean 15:18-25).

Cette promesse que « Personne ne tiendra devant ta face » est plutôt celle de pouvoir être son propre chef, d’être plus fort que le désir de chercher l’approbation des autres (dont nous avons tellement soif), plus fort que leurs regards en biais et leurs injures (qui nous font tant de mal). Cette soif et cette peur fermaient la porte à notre liberté, à notre sincérité. Mais cette porte la nous a également été ouverte par Christ. Nous choisirons alors notre route face à Dieu et d’une certaine idée de la justice, non pas face aux autres. Ni en opposition ni pour chercher l’approbation des autres mais pour les autres, nous dit l’Éternel. Telle est notre vocation, et il nous est promis : « c’est toi qui mettras ce peuple en possession du pays que j’ai juré à leurs pères de leur donner ! ».

Moïse est mort. Jésus est mort. Maintenant, nous dit cette parole de l’Éternel : c’est vous, c’est toi le patron, c’est à toi d’inventer la route nouvelle, car c’est toi maintenant le Serviteur qui doit ouvrir une route nouvelle pour ceux qui te sont confiés. Pour qu’ils vivent et qu’ils vivent mieux. Dieu nous rendra capable de notre vocation.

Quelques conseils pratiques

Dieu nous en rendra capable, et pour cela aussi il a besoin de nous. Cette promesse d’avenir est assortie de deux ou trois petits conseils très simples, très concrets :

Fortifie-toi et prends courage (v.6)

Et c’est manifestement un point clef, car il répète :

Fortifie-toi seulement et aie bon courage (v.7)

Puis encore cet ordre est encore répété une troisième fois en l’appuyant sur deux choses, sur une méditation quotidienne de la Bible et sur la confiance que l’Éternel est là. Depuis toujours nous savons combien nous recevons de force et de courage dans cette nourriture quotidienne à la source de la Bible et de l’ouverture à cette présence de Dieu auprès de nous, en nous.

Premiers préparatifs

Et déjà, Josué prend courage. Déjà il se lève en prophète, et déjà il se préoccupe d’aider ceux qui lui sont confiés à se fortifier eux-mêmes et à prendre courage :

Préparez-vous des provisions,
car dans trois jours vous passerez ce Jourdain
pour aller conquérir le pays dont l’Eternel,
votre Dieu, vous donne la possession.

C’est un appel à mobiliser du temps de préparation. Trois jours pour se préparer avant d’avoir le courage d’entreprendre un voyage que nous pensions impossible, et le faire en étant le héros de cette épopée. Trois jours pour faire des provisions.

Comme le Père m’a aimé, nous dit Jésus-Christ,
je vous ai aussi aimé, demeurez dans mon amour...
aimez-vous les uns les autres. (Jean 15:9-12)

Nous pouvons ainsi faire provision de l’amour dont nous avons été aimé quand on y fait attention, quand on se le remémore, quand on se laisse créer comme plus aimant et plus motivé pour aimer.

Jésus nous dit aussi :
Le consolateur, l’Esprit-Saint,
que le Père enverra en mon nom,
vous enseignera toutes choses,
et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. (14:26)

Ce que Jésus a dit et fait est à méditer dans la prière, par l’Esprit, et de cela aussi, nous pouvons faire provision dans notre cœur, dans notre mémoire, dans notre façon de nous comprendre comme un Josué pour ce monde en pour cet aujourd’hui.

Nous puiserons dans ces provisions une force et un courage pour avancer déjà un premier pas pour traverser le Jourdain, même si, comme le peuple, nous y croyons pas encore. C’est le premier pas qui coûte le plus, voyant les eaux reculer, voyant l’invraisemblable promesse s’accomplir encore une fois, nous prendrons courage enfin, et nous serons forts.

Avec la grâce de Dieu, et en nous soutenant les uns les autres.

Amen

Lecture de la Bible

Jean 19:30

Jésus dit : Tout est accompli. Et, baissant la tête, il rendit l’esprit.

Josué 1:1-11

Après la mort de Moïse, serviteur de l’Eternel, l’Eternel dit à Josué, fils de Nun, serviteur de Moïse:

2 Moïse, mon serviteur, est mort, maintenant, lève-toi, passe ce Jourdain, toi et tout ce peuple, pour entrer dans le pays que je donne aux enfants d’Israël...

5 Nul homme ne tiendra devant ta face tous les jours de ta vie. Je serai avec toi, comme j’ai été avec Moïse; je ne te délaisserai pas, je ne t’abandonnerai pas.

6 Fortifie-toi et prends courage, car c’est toi qui mettras ce peuple en possession du pays que j’ai juré à leurs pères de leur donner.

7 Fortifie-toi seulement et aie bon courage, en agissant fidèlement selon toute la loi que Moïse, mon serviteur, t’a prescrite; ne t’en détourne ni à droite ni à gauche, afin de réussir dans tout ce que tu entreprendras.

8 Que ce livre de la loi ne s’éloigne pas de ta bouche; médite-le jour et nuit, pour agir fidèlement selon tout ce qui y est écrit; car c’est alors que tu auras du succès dans tes entreprises, c’est alors que tu réussiras.

9 Ne t’ai-je pas donné cet ordre : Fortifie-toi et prends courage ? Ne t’effraie pas et ne t’épouvante pas, car l’Eternel, ton Dieu, est avec toi dans tout ce que tu entreprendras.

10 Josué donna cet ordre aux officiers du peuple:

11 Parcourez le camp, et voici ce que vous commanderez au peuple: Préparez-vous des provisions, car dans trois jours vous passerez ce Jourdain pour aller conquérir le pays dont l’Eternel, votre Dieu, vous donne la possession.

(cf. Traduction NEG)

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