Saint-Esprit : Intériorité, Interaction, Intelligence collective

Ézéchiel 2:1-2 , Actes 2:12 , Actes 2:16-18

Culte du 15 mai 2016
Prédication de pasteur James Woody

Vidéo de la partie centrale du culte

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot

Culte de Pentecôte, 15 mai 2016
Prédication du pasteur James Woody
Saint-Esprit :  Intériorité, Interaction, Intelligence collective

Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)

Chers frères et sœurs, le Saint-Esprit, s’il est bien présent dans les textes bibliques et la tradition chrétienne, n’est probablement pas ce qu’il y a de plus facile à expliquer à quelqu’un qui n’y connaîtrait rien au christianisme. C’est pourtant, en ce dimanche de Pentecôte, la fête de l’Esprit, Esprit Saint dont furent remplis les disciples. Pour essayer de vous parler simplement de l’Esprit, j’utiliserai trois mots clefs : Intériorité, Interaction, Intelligence.

Intériorité

Ezéchiel, lorsqu’il fait l’expérience du Saint Esprit, se retrouve debout. Cela nous rappelle que l’Esprit est la traduction française de mots qui en hébreu avec rouah et en grec avec pneuma, veulent dire « souffle, vent ». Tel le matelas pneumatique dans lequel on souffle, Ezéchiel se retrouve gonflé à bloc. Il peut donc tenir sur ses pieds. Il cesse d’être avachi, il cesse d’être un pantin désarticulé, il devient un homme debout, quelqu’un qui peut prendre sa place, toute sa place, dans le monde des vivants.

L’Esprit désigne Dieu à l’œuvre pour faire de nous un être consistant. Fin du mollusque informe, bienvenue à l’être qui prend la forme d’un humain. Evidemment, le souffle, le vent, sont des images pour dire que l’Esprit divin est ce qui s’infiltre en utilisant la moindre brèche, la moindre faille, le moindre interstice. Certainement est-il possible d’être tout à fait fermé, tout à fait bouché, mais la moindre ouverture, aussi faible soit-elle, peut-être utilisée par l’Esprit. C’est la raison pour laquelle nous sommes parfois surpris d’être remis debout alors que nous étions tellement accablés, qu’il nous semblait que ça ne pourrait jamais s’arranger. Mais il suffit qu’il y ait un tout petit peu d’ouverture pour que la grâce divine change notre vie.

Cette image du vent, du souffle, est surtout une manière de donner un critère de discernement pour savoir ce qui relève de l’action de Dieu. Est divin ce qui donne de l’ampleur à notre vie, ce qui nous épanouit, ce qui agrandit notre intériorité. Toutes les expériences qui nous rendent plus petit, tout ce qui nous diminue, tout ce qui nous atrophie est contraire à la dynamique divine qui, elle, élargit l’espace intérieur de notre tente. Une religion qui nous réduirait au néant, une idéologie qui briderait nos capacités, tout engagement, toute adhésion qui réduirait notre liberté, est contraire à la perspective divine qui, par la métaphore de l’Esprit-souffle, donne de l’amplitude à notre personne.

Tel un ballon de foot qui a besoin d’être gonflé pour donner le meilleur de lui-même et permettre au PSG de montrer ce que jouer au foot veut dire, nous pouvons être sacrément gonflés, chargés d’audace et d’amour, pour mieux nous lancer dans l’aventure de la vie. La première partie de votre vie a consisté, principalement, à vous emplir de ce qui vous était nécessaire pour tenir debout : des nourritures affectives, des informations scientifiques, des données historiques, et de la théologie : de la théologie pour vous enseigner ce qui donne de la profondeur à la vie, pour vous faire découvrir comment célébrer la vie, ce qu’est la foi en Dieu, la confiance en ce qu’il y a de plus ultime, de plus absolu, de plus sacré.

Interaction

Mais il ne suffisait pas que vous fussiez. Encore fallait-il que vous existassiez. Car la dynamique de l’Esprit n’est pas seulement de vous remplir de bonnes choses. L’Esprit-souffle pousse aussi votre voile en direction de l’horizon que l’Evangile révèle. L’Esprit nous porte au-delà de ce lieu où nous sommes rendus capables de nous tenir. L’Esprit n’est pas une force statique qui nous maintiendrait sur place, mais cette dynamique qui nous propulse dans le monde et nous permet d’aller à la rencontre de l’autre. L’Esprit me rapproche de l’autre, de celui qui s’approche de moi, mon prochain. Dès lors, une relation peut commencer, qui me fera découvrir que le prochain n’est pas d’abord une menace, mais un univers à explorer, tout comme nous sommes un univers à part entière, élargi à la démesure de l’Eternel. Une relation peut commencer qui nous engage à fond, qui met en œuvre tout ce que nous avons reçu, tout ce dont nous nous sommes nourris. Une relation se tisse qui me fait me tenir hors du territoire que j’occupais jusque là. Les questions de mon prochain deviennent mes questions. Ses préoccupations, ses convictions, ses habitudes, me font réagir ; je me positionne par rapport à ce qu’il me dit, par rapport à ce qu’il me montre. Sa présence m’oblige. Elle me stimule, elle me métamorphose.

Martin Buber nomme Dieu ce processus par lequel la présence d’un « Tu » fait de moi un « Je ». Je ne suis plus seulement un individu, droit dans ses bottes, je deviens une personne, un être de relation. L’Esprit désigne alors cette interaction, cette relation divine qui exalte notre caractère, nos talents. L’Esprit désigne ce qui réalise les promesses de l’Evangile, à savoir que nous sommes enfants de Dieu (Rm 8/16), c’est-à-dire membres d’une même fratrie, mais aussi un être d’une infinie richesse. La présence de l’autre me fait découvrir qui je suis et me fait découvrir que je suis plus que ce que j’imaginais. L’autre me révèle à moi-même. Je prends alors conscience de ma personnalité. La présence de l’autre me rend infiniment plus grand que ce que je pouvais envisager, dans la mesure où cette relation est divine ou, pour utiliser notre métaphore, qu’elle est l’œuvre de l’Esprit. Comme au jour de Pentecôte, une interaction divine nous donne le sentiment d’être hors de nous, ce qui se dit « exister » en grec.

Intelligence collective

Être, exister, et puis mieux comprendre le monde qui nous entoure, mieux comprendre la vie, voilà ce que réalise l’Esprit. L’Esprit rend prophète. Le prophète, dans la Bible, n’est pas celui qui est capable de dire le futur, de prédire les prochains numéros du loto. Le prophète est celui qui accède à la vérité du présent, au réel. Le prophète a partie liée à la vérité. Quand le souverain sert ses intérêts personnels au lieu de rendre service, le prophète lui brandit la vérité. Quand le peuple désespère d’une situation, le prophète l’aide à mieux comprendre les signes des temps et à discerner la vérité qui se cache derrières les analyses faussées. Si nous suivons l’affirmation d’Emmanuel Lévinas qui prétendait que le propre de l’intellectuel est de dire la vérité, être prophète, c’est être un intellectuel : c’est chercher avec passion la vérité d’une situation, la vérité d’un être, la vérité d’une vie.

Dans la Bible, le prophète n’est pas un être isolé, de même que l’intellectuel n’est pas enfermé dans sa suffisance. Le prophète est un être qui est au bénéfice de l’Esprit-souffle ; il est donc au bénéfice des interactions avec son entourage. Il n’est pas seul face à une situation, mais en compagnie d’une multitude d’autres qui font face à la vie, chacun ayant un rapport spécifique à ce qui arrive, chacun ayant une vision particulière. La vérité est la communion de toutes ces visions particulières. La vérité s’élabore dans le dialogue, dans le débat, dans ce que Paul Ricœur appelait le conflit des interprétations. C’est ce que nous pouvons appeler la compréhension.

Cette image de l’Esprit qui se répand sur toute chair, fils et filles, jeunes et vieux, est une manière biblique de parler de l’intelligence collective. Cette image affirme la nécessité de ne pas s’en tenir à son seul avis pour percer l’énigme de la vie. La métaphore biblique du Saint Esprit abord la vérité par la pluralité des expériences, par la multitude des réalités. L’Esprit dit l’interaction des différentes perceptions qui permet d’accéder au plus près de la vérité, qui permet d’avancer un peu plus loin sur le chemin de la vie véritable.

Le don de l’Esprit à toute chair affirme que nous avons tous droit à la vérité. Il n’y a pas d’un côté ceux qui auraient le droit de savoir au prétexte qu’ils seraient bien nés, ou qu’il auraient atteint un âge canonique ou encore qu’ils auraient montré d’une manière ou d’une autre qu’ils méritent la vérité. Le don de l’Esprit est un don universel, qui affirme que nul ne saurait être tenu à l’écart de ce qui rend la vie authentique. Il n’y a pas d’un côté les intellectuels et, de l’autre, des ignorants, des imbéciles, des attardés, des sous-hommes. Chacun est reconnu comme ayant une part de vérité à faire valoir, à frotter à la vérité de ses contemporains pour faire émerger une vérité plus grande. L’intelligence des situations, l’intelligence du monde, se précise à plusieurs.

Parler du travail de l’Esprit sur votre intériorité c’est dire que chacun de vous est un individu, un être à part entière. Parler du travail de l’Esprit, c’est énumérer les interactions dont vous avez bénéficié et qui ont fait de vous une personne, c’est-à-dire un individu doté d’une conscience. Parler du travail de l’Esprit c’est reconnaître que votre intelligence a été aiguisée à chaque fois que vous avez confronté votre approche de la vie à d’autres approches ; cela a fait de vous une personne dotée d’une compréhension. Ce processus n’est pas achevé. Il est appelé à se poursuivre. Chers catéchumènes, nous sommes heureux de vous compter parmi nous. Nous sommes heureux de poursuivre notre bout de chemin en votre excellente compagnie. Avec vous, nous serons plus à même de donner à la vie sa véritable dimension.

Amen

Lecture de la Bible

Ézéchiel 2:1-2

1 Il me dit: Fils de l’homme, tiens-toi sur tes pieds, et je te parlerai.
2 Dès qu’il m’eut adressé ces mots, l’Esprit entra en moi et me fit tenir sur mes pieds; et j’entendis celui qui me parlait

Actes 2:12

12 Ils étaient tous dans l’étonnement, et, ne sachant que penser, ils se disaient les uns aux autres: Que veut dire ceci?

Actes 2:16-18

16 Mais c’est ici ce qui a été dit par le prophète Joël:
17 Dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair; Vos fils et vos filles prophétiseront, Vos jeunes gens auront des visions, Et vos vieillards auront des songes.
18 Oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes, Dans ces jours-là, je répandrai de mon Esprit; et ils prophétiseront.

(Trad. NEG)

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