Que ta volonté soit faite
Matthieu 15:21-28 , Matthieu 6:10
Culte du 12 mars 2016
Prédication de Lytta Basset
Vidéo de la partie centrale du culte
film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot
Culte du dimanche 12 mars 2017
Prédication de Lytta Basset :
Que ta volonté soit faite
(transcription du verbatim, non relue par l'auteure)
Merci à la personne qui a bénévolement transcrit l'audio de cette prédication pour en faire profiter le plus grand nombre
Des croisades à l’apartheid, de l’inquisition à la torture dans les démocraties chrétiennes, que n’a-t-on pas fait au nom de la volonté de Dieu ? Plus le dieu de devoir coïncide avec les éducateurs autoritaires de notre enfance, plus les événements négatifs de notre vie apparaissent comme la volonté d’un dieu avec lequel il est tout-à-fait inutile de discuter.
J’ai remarqué que c’était après un coup dur, un malheur, ou une catastrophe qu'on dit – en tout cas traditionnellement on disait : c’est la volonté de Dieu, ou c’était la volonté de Dieu. Et jamais après un exaucement ou une joie. Je ne sais pas si vous avez remarqué la même chose.
Dans le passé – et encore aujourd’hui, parfois – les détenteurs du pouvoir l’invoquaient – ou l’invoquent encore – cette volonté de Dieu. En fait, très souvent, pour camoufler la leur – de volonté.
Et remarquons que dans le Notre père, la demande est à la voix passive : qu’elle soit faite ta volonté. Et dans la Bible, on sait que la voix passive indique toujours la présence invisible de Dieu, qu’on ne nomme pas par respect. Donc on pourrait dire qu’elle soit faite ta volonté par Dieu lui-même, par toi-même.
Littéralement même, c’est : qu’elle soit réalisée ta volonté. Et comme le mot THELEMA veut dire à la fois le désir et la volonté, on pourrait dire : qu’il soit concrétisé ton désir.
Qu’il soit concrétisé ton désir – et littéralement c’est : comme au ciel aussi sur terre. C’est d’abord le ciel – comme au ciel – aussi sur terre. Dans le monde de l’invisible, comme ici-bas, en nous et entre nous.
Dans les premiers temps du christianisme, les prières juives sur les volontés de Dieu à observer proliféraient. Ça n’en finissait pas. Toutes les volontés de Dieu.
Et par contraste, la demande du Notre Père, elle, gardait la même sobriété. Même après plusieurs décennies de pratiques ecclésiales.
C’est que, il me semble que la volonté de Dieu est et reste toujours un profond mystère.
Un mystère aussi insondable finalement que son nom ou que son règne. C’est que nous ne la connaissons pas plus sa volonté que nous ne connaissons son nom imprononçable qu’il s’agit pourtant de sanctifier - comme nous le disons dans le Notre Père. Sanctifier veut dire mettre à part. Ne pas confondre avec le nom de quelqu’un d’autre. Que ton nom soit sanctifié, mystère insondable.
Et nous ne connaissons pas plus sa volonté que nous ne pouvons définir son règne dont il s’agit pourtant de demander la venue. Que ton règne vienne.
Et rien ne peut laisser prévoir que cette volonté sera bonne pour nous, qu’elle nous fera du bien. C’est une demande qui suppose un fameux acte de foi : mon Père invisible, je te fais confiance que quoiqu’il m’arrive –même les pires choses – tu veux infiniment, tu désires ardemment me donner cette joie dont tu as le secret, et déjà sur la terre, sur ma terre, dans cette vie.
Dans un autre passage de l’évangile il est dit : tout ce qui est à toi est à moi.
Donc je vous le disais, c’est d’abord le ciel : comme au ciel, que ta volonté soit faite, que ton désir soit concrétisé, comme au ciel, aussi sur terre. Comme si notre point de comparaison était le ciel. A croire que nous avons déjà une idée de comment ça se passe au ciel.
Or, justement le ciel c’est important de dire que ça n’est pas quelque chose de très lointain, ni quelque chose qui est repoussé pour l’au-delà – quand nous serons de l’autre côté du voile – mais que le ciel désigne l’invisible au-dedans du visible, de notre visible de tous les jours.
C’est une dimension le ciel. Et nous avons une idée de ce ciel, de cette dimension de l’invisible, d’autant plus inspirante que Jésus est venu nous montrer comment le nom divin, son règne, son désir pouvaient prendre couleur humaine, et comment sa volonté bonne – pour nous – pouvait se concrétiser dans notre quotidien.
Alors je vous propose d’accompagner Jésus dans 4 épisodes de sa vie, les 4 seules fois dans l’évangile de Matthieu où Matthieu utilise cette même forme verbale GENETETO qu’on peut traduire par "qu’elle soit réalisée", "qu’elle advienne". Qu’elle soit réalisée.
4 fois où volonté de Dieu et volonté humaine en arrivent à coïncider parfaitement, à s’épouser d’une manière vraiment étonnante.
La première scène se déroule à Capharnaüm : un centurion – on dirait un soldat, un soldat gradé – païen nous dit le texte – on dirait aujourd’hui incroyant – supplie Jésus d’aller guérir son serviteur qui est paralysé. Et Jésus répond : moi, j’irai le guérir ? Comme s’il ne savait pas ce que Dieu attend de lui. Dis seulement un mot, rétorque le centurion et mon serviteur sera guéri.
Puissance de la parole. Puissance d’un désir tout entier tourné vers la vie et les vivants. Dis seulement un mot - comme dans la Genèse. Dieu dit, et cela fut.
Le gradé ajoute alors : moi, je suis soumis à une autorité, avec des soldats sous mes ordres. Et je dis à l’un : va, et il va ; à un autre : viens, et il vient. Et à mon esclave : fais ceci, et il le fait. Alors, Jésus ne tarit plus d’éloges sur la confiance, ou la foi même de cet homme. Pourquoi ?
Il me semble que c’est parce que ce soldat incroyant croit quelque chose. Il croit que son désir le plus profond est un désir de vie, pour lui, pour ses proches, pour son serviteur. Et que ce désir peut être entendu et exaucé par cet homme Jésus qu’il sent intuitivement habité, ou traversé par la vie justement, la vie en abondance.
Qu’il soit fait, ou qu’il soit réalisé pour toi comme tu as cru, lui répond alors Jésus.
Tournure à la voie passive pour dire que Dieu réalise pour toi, que sa volonté de vie bonne, pour toi et pour les tiens, soit réalisée à la mesure de ce que tu as cru. A la mesure de ton attente, de ton propre désir. Dans la dimension invisible comme dans ta propre maison.
Là, j’aimerais vous partager un exemple personnel : il y a un certain nombre de mois, j’ai dû subir vraiment dans l’impuissance totale, la destruction de relation par une amie, une amie de très longue date qui a tout-à- coup, brutalement, mis fin à la relation. C’était extrêmement douloureux pour moi. Et c’était une chose sans retour. C’était comme s’il n’y avait pas d’issue à vues humaines. Alors il faut encaisser ça. Et puis après se dire : spirituellement qu’est-ce que j’en fais ?
Et il m’est venu - il m’a été donné en quelque sorte - une prière du cœur. Par ce que nos amis orthodoxes appellent la prière du cœur, c’est-à-dire une petite parole qui est souvent inspirée de la Bible ou de la tradition chrétienne et qu’on peut se répéter, répéter, comme un mantra, de façon à ce que le mental arrête de tourner, le mental qui dit : c’est sans issue, il n’y aura pas de lendemain, c’est totalement détruit, il n’y a plus de relation, etc… Donc j’ai laissé cette prière en moi - je vais vous dire laquelle - descendre profondément. Cette parole c’était - ça s’adressait à Dieu et ça disait : tu fais ce que tu veux - à Dieu. Et ça m'a vraiment été donné : tu fais ce que tu veux. Ça venait vraiment d’ailleurs parce que ça était vraiment très libérateur et apaisant, et ça continue à l’être. Chaque fois que le mental recommence (destruction de relation, il n’y a pas d’avenir à cette relation, etc.) il venait cette phrase : tu fais ce que tu veux. Ce qui veut dire : je me tourne vers celui qui ne dépend de rien, de rien ni de personne. C’est comme si je disais à Dieu : tu ne dépends de rien, ni de mes prières, ni de ma soumission, toi-même tu n’es soumis à aucune fatalité. Le sans-issue n’existe pas pour toi. Et c’est quelque chose qui - quand ca descend profondément - est extrêmement libérateur. Et donc je sais que j'ai à refaire cette prière du cœur autant de fois que nécessaire. C’est un peu comme Jésus qui disait à ses disciples – vous savez - : pour Dieu, rien n’est impossible. C’est pareil de dire : tu fais ce que tu veux.
Alors. La deuxième scène se passe probablement aux environs de Jéricho (je ne l’ai pas lu parce que vous la connaissez très bien. Matthieu nous la raconte en 2 récits, en 2 morceaux). Il s’agit de deux aveugles qui implorent Jésus, auquel Jésus répond : que voulez-vous que je fasse pour vous ? Comme si il n’allait pas de soi qu’ils voulaient retrouver la vue, y voir clair.
Je me suis dit : mais pourquoi il a besoin de leur demander ce qu’ils veulent. Parce que c’est déterminant que nous nous connections, relions à notre désir profond, notre volonté profonde de vivre, c’est un désir profond en fait de vie heureuse, c’est-à-dire de vie relationnelle.
Dans la Bible, la vie heureuse c’est énormément - pour ne pas dire essentiellement - la vie relationnelle, la vie pacifiée avec les autres, avec soi-même, avec le tout autre.
Que voulez-vous que je fasse pour vous, et comment Dieu nous libérerait contre notre volonté. C’est déterminant que nous exprimions notre volonté, notre désir profond.
Parce qu’il se trouve quand même, assez souvent, que nous tenons à nos dysfonctionnements, à nos maladies, à nos handicaps, à notre cécité. Et que nous y tenons beaucoup plus que nous ne le savons. Parce qu’au moins c’est du connu, c’est sans surprise, ce n’est pas drôle mais c’est sans surprise. Et que nous avons quand même souvent très peur de l’inconnu.
Alors question essentielle : que voulez-vous que je fasse pour vous ? et quand les aveugles expriment leur désir, alors Jésus répond : qu’il soit réalisé pour vous – toujours ce même verbe – qu'il soit réalisé pour vous, qu’il vous advienne selon votre foi, selon votre confiance. En d’autres mots : que la volonté du vivant soit réalisé pour vous, en vous, à la mesure de ce que vous attendez de lui.
Si vos résistances intérieures sont telles que vous n’attendez rien, ou vous n’attendez plus rien, si vous ne voulez, ne désirez, n’aspirez à rien du tout, vous n’aurez rien. La volonté de Dieu ne peut pas se passer de la nôtre.
Voilà ce que j’ai cru entendre dans ces textes-là.
Pour la troisième scène, c’est l’histoire de la femme païenne que j’ai lue tout-à-l’heure. Nous nous transportons hors d’Israël, en pays étranger.
Cette femme païenne, à moitié hystérique à force d’avoir mal à sa fille, se heurte à un Jésus intraitable, vous l’avez entendu : désolé, tu es incroyante, ma mission est réservée aux juifs.
Un instant, nous nous demandons si Jésus ne va pas lourdement se tromper sur la volonté de Dieu. Mais finalement, il va faire exactement le contraire de ce qu’il croyait, de source divine, devoir faire. Et ça, c’est vraiment unique dans tous les évangiles. Ce revirement à 180°.
Mais, chercher et entendre – quand ça nous arrive – la volonté du vivant, pour les vivants que nous sommes, ça n’est pas du tout de tout repos. Y compris pour Jésus lui-même. Ça passe par des combats, des crises – et là c‘est vraiment moments de crise, de combats intérieurs je pense, et puis même dans la relation avec cette femme, ça passe par des combats, des crises, des déstabilisations imprévues.
Le texte dit – enfin le texte ne le dit pas c’est moi qui ai l’impression – que cette femme est en fusion avec sa fille puisqu’elle dit : ma fille est possédée, mais, aie pitié de moi. J’ai l’impression qu’il y a un lien tellement, presque fusionnel que c’est elle-même qui se comporte presque comme si elle était possédée puisque le texte dit qu’elle crie par derrière. Le verbe crier en grec – KRAZO – raisonne un peu comme KRAO ou KAZO qui veut dire aboyer. Justement les disciples vont dire : détache-la ! Comme on détache une chienne qui crie par derrière ; voyez le symbolisme très fort. Détache-la ! Et c’est presque un cri de bête blessée qu’on entend à ce moment-là.
Or, Jésus commence par refuser la relation. Le texte dit : il ne lui répondit pas une parole. Refus de la relation. Indifférence ? Gêne ? Reflexe de défense ? Ou alors écoute profonde de ce que Dieu attend de lui ? Et pour l’instant, il n’entend rien. Comme nous, si souvent.
Il ne s’adresse pas à elle. Le texte dit : en réponse il dit. Ce n’est pas : il lui dit. C’est : en réponse il dit. Comme si il l’ignorait, et c’est d’abord une parole terriblement excluante : je n’ai été envoyé qu’aux juifs, aux brebis perdus de la maison d’Israël, donc pas à toi.
Et puis, c’est une parole dévalorisante qui vient. Parole humiliante s’il en est, puisqu’il dit - comme s’il récitait une leçon d’ailleurs – il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens.
Alors, non seulement il l’a exclue de la joie des vivants mais maintenant il justifie cette exclusion par son impureté. En effet les juifs considéraient les chiens comme des animaux impurs.
Mais la femme – ce qui est fascinant dans cette histoire – c’est que la femme s’accroche à sa volonté de guérir, à son désir de vie pour sa fille et pour elle. Quels que soient ces sentiments de rejet, d’incompréhension, d’impuissance, elle s’accroche tellement à sa volonté de guérir, ou d’être libérée que le texte dit : elle vient à nouveau et se prosterne devant Jésus.
Je me suis dit ce verbe venir. En fait elle était déjà là.
Ce verbe “elle vient” nous renvoie vraiment à la Bible hébraïque, l’ancien testament où on dit constamment de Dieu qu’Il vient. Le Seigneur est proche, Il vient. C’est un verbe central dans la pensée hébraïque. Donc je me suis mais c’est comme si Dieu Lui-même venait à travers cette femme. Elle vient à nouveau, se prosterne devant Jésus.
Alors ça va très loin, parce que c'est comme si Dieu Lui-même se prosternait devant l’être humain, dans la personne de cette femme. Le supplier, supplier Jésus d’accéder à ce désir profond de vie et de joie.
Et le verbe qui est utilisé pour dire qu’elle se prosterne c’est PROSKYNEó – si vous entendez PROSKYNEó – ça ressemble énormément à SKÝLOS – en tout cas phonétiquement – qui veut dire le chien. Donc on voit que c’est tellement proche cette attitude de se prosterner devant quelqu’un, de supplier pour que cette vie lui advienne, cette vie bonne lui advienne, et le mot SKÝLOS qui symbolise tellement ce rejet.
Elle assume d’être comparée à un chien, au petit chien, mais elle défend leur cause. Elle a donc pris distance et elle n’est plus seulement une bête blessée. Et elle dit cette phrase extraordinaire : les petits chiens mangent une partie des miettes qui tombent de la table de leur maitre. C’est qu’elle veut à tout prix entrer en relation avec Jésus.
Ce matin en relisant cette prédication, j’ai remarqué qu’il y avait 5 fois le verbe "répondre" dans ce texte. Ce qui est fascinant parce que c’est un peu le fil rouge de l’histoire, cette volonté à tout prix d'entrer en relation. Nous voulons, nous aussi, à tout prix une réponse. Qu’est-ce que c’est une réponse, c’est un vis-à-vis. Avoir un vis-à-vis, quelqu’un en face de nous. Le pire de la souffrance étant je n’ai personne en face. Elle veut à tout prix cette réponse, c’est-à-dire un vis-à-vis.
Et là, c’est à ce moment que Jésus entend pour la première fois que c’est Dieu Lui-même qui suscite sa volonté, sa volonté humaine à lui, Jésus, à travers cette femme. Que c’est Dieu Lui-même qui veut qu’il réponde, qu’il lui réponde.
Il change complètement d’avis et c’est complètement limpide pour lui : ô femme, grande est ta foi, ou ta confiance. De nouveau, qu’il soit réalisé pour toi comme tu veux, qu’il advienne comme tu veux. On a exactement les termes du Notre Père, là. Bon, vous ne pouvez pas trop le voir mais je fais exprès de dire : soit réalisé, parce que c’est vraiment le terme dans le Notre Père et ici on ne demande pas à Dieu que ta volonté soit faite mais c’est Dieu Lui-même en Jésus qui dit à cette femme : que ta volonté soit faite ! C’est quand même fascinant, non ? Que ta volonté soit faite parce que c’est une volonté de vie, c’est une volonté de liberté, c’est tout ce que Dieu voudrait justement lui donner.
Comment dire plus clairement que si Dieu exauce le désir le plus profond – même d’une incroyante – un désir de vie libre et authentique en relation avec les autres, et avec l’Autre - grand A – là où elle était possédée – c’est-à-dire prise dans un lien fusionnel terriblement mortifère, alors si c’est comme ça, c’est que notre volonté humaine a été créée à l’image de la volonté divine. A son image.
Et si nous voulons une confirmation, nous feuilletons notre Bible et qu’est-ce que nous voyons après cette histoire ? qu’est-ce qui suit cette histoire ? Figurez-vous, après cette demande de miettes, ce qui suit cette histoire, c’est la multiplication des pains. Pas mal, hein !
La multiplication des pains, en territoire païen, précise Marc (dans l’évangile de Matthieu), et j’ai envie de dire la multiplication des miettes. Dont l’origine est une femme. Et Dieu sait combien la volonté des femmes, justement, a été et est encore étouffée dans bien des cultures, et même dans la nôtre. Trop souvent.
Et c’est un peu comme pour la multiplication du vin dans l’épisode des noces de Cana où c’était également une femme, Marie – la mère de Jésus – qui avait suscité la volonté profonde ou le désir profond de Jésus.
Multiplication des miettes, du pain et multiplication du vin.
Alors il reste une scène qui menace de détruire les trois autres, c’est Gethsémané.
On est dans le temps du carême, donc c’est bien d’évoquer ça aussi ce matin.
Au moment où Jésus va être arrêté, il supplie son père de lui épargner le supplice de la croix.
Pour la première fois, la volonté de Dieu semble s'opposer au désir humain bien légitime de ne pas souffrir. De ne pas être torturé : Mon père, s'il est possible, dit Jésus, que cette coupe passe loin de moi. Pourtant, il ne le dit pas tout de suite, il le dit à la fin, au bout de trois fois : pourtant non pas comme je veux, mais comme toi. C’est intéressant ! non pas comme je veux, mais comme toi.
Traditionnellement, on en a conclu : Dieu a planifié la crucifixion. Jésus aurait donc pu, comme nous tous, à un moment donné ou à un autre douter que Dieu ne lui veuille que du bien.
Mais il termine sa prière à Gethsémané avec, exactement, la même demande que celle du Notre Père : quelle soit réalisée ta volonté. Qu’il se concrétise ton désir.
Associée à nouveau à l’image de la coupe : mon père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, quelle soit réalisée ta volonté.
C’est comme si, sans chercher à comprendre, avec la confiance quasiment aveugle d’un petit enfant envers son parent, Jésus avait laissé sortir de lui une parole plus puissante que sa propre angoisse. Une parole venue d’ailleurs, et surgie pourtant du plus intime de lui.
En français on dit, boire la coupe jusqu’à la lie. La coupe amère.
Mais dans la Bible hébraïque, ce que j’ai découvert avec bonheur, c’est que dans la Bible hébraïque, avant d’être la coupe de la destinée, ou du châtiment ou de la colère de Dieu, c’est la coupe des délivrances. C’est là le premier sens : c’est la coupe des délivrances. La coupe de reconnaissance qu’on élève au cours du rituel juif de la Pâque.
Et boire à la coupe de quelqu’un était - dans ce monde juif - un signe de grande intimité.
Alors j’entends cette phrase : non pas comme je veux mais comme toi. Je l’entends ainsi : nous la boirons ensemble cette coupe, jusqu’a ce qu’elle devienne la coupe des délivrances.
Il suffit d’une expérience, et nous savons que c’est la même coupe.
Il m’est venu un incident qui s’est produit il y a quelques années, j’attendais parce que c’était presque l’heure de donner une conférence sur le thème : a-t-on le droit d’être heureux ?
Et il y avait une jeune fille de 18 ans qui passait par là que je connaissais, et qui m'a dit : c’est quoi le sujet de la conférence ce soir ? Je lui ai dit : a-t-on le droit d’être heureux ? Elle a éclaté de rire et elle a dit : mais c’est n’importe quoi ! bien sûr qu’on a le droit d’être heureux ! Je me suis dit : elle est jeune. Parce qu’à force d’entendre les gens me dire qu’ils ressentent un interdit sur la vie, j'ai su que c’est bien répandu, ce n’était pas seulement que moi. Moi, j’avais eu le sentiment de ne pas avoir le droit d’être heureuse depuis fort longtemps, mais j'y aspirais de tout mon être. Ça c'est ma volonté divine en moi, qui y aspirait depuis fort longtemps. Et je devais bien pressentir que c’était aussi la volonté divine. C’était la volonté divine en moi, son désir, sa volonté. Parce que les plus petits exaucements, les plus petites pépites de joie, les plus petites miettes de pain, je les recevais - même en ce temps-là - comme venant de sa volonté, de son désir de vie pour moi. La coupe que je buvais - Dieu sait qu’elle était amère au quotidien - mais je crois, j’ai toujours su qu’il n’y avait pas d’autre chemin possible. Pour que, un jour, cette coupe devienne aussi la coupe de ma délivrance, de mon apaisement, de ma joie.
Alors en ce temps de carême que nous traversons, il me semble que nous ne pouvons pas faire semblant d’ignorer que la volonté de Dieu au bout du compte est plus savoureuse que le lait et le miel.
Car il y a eu Pâques. Et Pâques, c’est Dieu quand il fait ce qu’il veut.
Amen.
Lecture de la Bible
Matthieu 15:21-28
Jésus, étant parti de là, se retira dans le territoire de Tyr et de Sidon.
22 Et voici, une femme cananéenne, qui venait de ces contrées, lui cria: Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David! Ma fille est cruellement tourmentée par le démon.
23 Il ne lui répondit pas un mot, et ses disciples s’approchèrent, et lui dirent avec insistance: Renvoie-la, car elle crie derrière nous.
24 Il répondit: Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël.
25 Mais elle vint se prosterner devant lui, disant: Seigneur, secours-moi!
26 Il répondit: Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens.
27 Oui, Seigneur, dit-elle, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres.
28 Alors Jésus lui dit: Femme, ta foi est grande; qu’il te soit fait comme tu veux. Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.
Matthieu 6:10
que ton règne vienne; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
(Cf. Traduction NEG)
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