Promenade de santé
Luc 24:13-35
Culte du 11 avril 2010
Prédication de pasteur James Woody
( Luc 24:13-35 )
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Culte du dimanche 11 avril 2010 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody
Chers frères et sœurs, Pâques, la résurrection, est au cœur de la foi chrétienne. La résurrection, en bonne théologie protestante, est le centre à partir duquel tout s’articule. Et pourtant, nous avons toutes les peines du monde à comprendre ce qu’est la résurrection. Nous avons toutes les peines du monde à avoir les idées claires sur ce sujet pourtant capital. Nous sommes tiraillés entre ce que nous imaginons devoir croire, ce qui nous semble être obligatoire en matière de foi, d’un côté et, de l’autre côté, ce que nous pensons vraiment, ce que notre intelligence nous dicte sans que nous n’osions l’affirmer explicitement.
Du coup, le plus souvent, nous évitons le sujet en préférant parler de l’enseignement de Jésus, de sa prédication, du projet général de Dieu pour la création, de sa volonté d’une humanité heureuse, vivant en paix. Et, pourtant, que ce soit l’apôtre Paul ou que ce soient les évangélistes, tous font de Pâques et de la résurrection le nœud incontournable de la foi chrétienne, le socle sur lequel tout le reste de l’édifice religieux repose. C’est la raison pour laquelle nous devons, de temps à autre, nous essayer à bredouiller, au moins, quelque chose à ce sujet car il en va de toute la cohérence de notre spiritualité. Ce passage de l’évangile selon Luc peut nous aider à faire ce travail de mise au clair. Et nous allons voir qu’en accompagnant les deux apôtres qui ont entrepris de se mettre en route, nous allons entreprendre une véritable promenade de santé qui peut nous faire le plus grand bien.
Le premier intérêt de ce passage biblique concerne précisément la question de la résurrection puisqu’il met en scène deux croyants et le ressuscité. Ce passage biblique nous permet de réfléchir à l’aspect qui inquiète si souvent notre foi et qui concerne la question du corps… qu’est-il arrivé au corps de Jésus ? A-t-il été réanimé ? Jésus a-t-il vécu une sorte de retour en arrière, un retour à la vie ? ou alors les disciples ont-ils été victime d’une sorte d’hallucination collective, tellement désireux que leur maître demeure présent à leurs côtés qu’ils auraient projeté leur désir dans leur imaginaire et qu’ils se seraient dupés et se seraient inventés un « happy end » à cette histoire dramatique ?
C’est à ces questions que ce passage biblique s’efforce de répondre. La première série de réponses concerne l’hypothèse d’une hallucination, d’apôtres mythomanes qui s’inventent un Jésus qui est encore en vie. Non, il n’est pas question de cela, comme l’atteste l’attitude de ces deux apôtres en route vers Emmaüs : quand le ressuscité vient à leur rencontre, ils ne lui sautent pas au coup en se réjouissant de voir Jésus effectivement vivant. Cet homme qui va faire un bout de route avec eux, ils ne savent pas qui c’est. Ils ne reconnaissent pas Jésus dans les traits de l’homme qui vient à leur rencontre, ils ne reconnaissent pas non plus sa voix, sa manière de parler ni même son enseignement. Cet homme est pour eux un parfait inconnu. Cela montre bien que les apôtres ne voulaient pas à tout prix que Jésus soit ressuscité. D’ailleurs, si cela avaient leur désir le profond, ils se seraient rendus à la tombe de Jésus, tôt le matin, avec les femmes, non pas pour embaumer le corps mais pour vérifier qu’il était effectivement ressuscité comme cela leur avait annoncé à plusieurs reprises. Le fait est que les disciples pensent que Jésus est mort et qu’il n’y a rien à espérer de plus à cette histoire qui les a plongés dans la tristesse comme il est dit au quote 17. La résurrection n’est pas une invention des apôtres qui veulent se consoler de leur malheur.
La deuxième série de réponses concerne le corps de Jésus qui pose problème dès le début de Pâques. Le fait que les deux apôtres en route vers Emmaüs ne reconnaissent pas Jésus dans l’homme qui marche en leur compagnie, qu’ils ne reconnaissent rien de sa personnalité, doit être pris avec le plus grand sérieux. Soit nous en tirons la conclusion que la résurrection transforme les traits de la personne ressuscitée, sa voix, ses manières, sa façon d’être au point qu’il en devient méconnaissable pour ses intimes, soit nous en tirons la conclusion que l’homme qui a rejoint les deux apôtres n’est pas Jésus de Nazareth, qu’il n’est pas le Jésus historique qui a constitué la communauté des disciples. Autrement dit, le ressuscité n’est pas un revenant, pas plus qu’il n’est une sorte de fantôme qui, si cela avait été le cas, aurait effrayé ces deux personnages.
Si, pour ma part, cette seconde hypothèse me semble être celle qui est digne de foi, c’est parce que la réaction (ou plutôt l’absence de réaction) des apôtres laisse entendre que cet homme n’est pas le Jésus qu’ils ont connu : c’est bien le Christ, nous allons y revenir, mais ce n’est pas le Jésus de Nazareth qu’ils ont côtoyé tout au long de son ministère. Autrement ils auraient pu faire comme Euryclée, la veille nourrice qui reconnait Ulysse après sa longue Odyssée par la cicatrice caractéristique qu’il porte sur son corps. Les yeux des apôtres ne reconnaissent pas Jésus parce que ce n’est pas lui, ils ne reconnaissent pas encore le Christ car ils n’ont pas encore eu les moyens de le discerner, de le reconnaître à travers l’inconnu qui les a rejoints.
Pour dire cela autrement, avec la formule de la réforme calvinienne : si Jésus est totalement Christ, Jésus n’est pas la totalité du Christ. Cela veut dire que le Christ peut se manifester en dehors de la personne historique de Jésus. Le Christ peut aller à la rencontre de l’humanité autrement qu’à travers le Jésus né des entrailles de Marie, parce que le Christ est la manière dont Dieu se rend présent parmi les hommes, nous explique la Bible, ce n’est pas un homme en particulier, même si nous confession bien volontiers que Jésus de Nazareth a été totalement Christ durant sa vie.
La Résurrection, c’est bien la résurrection du Christ, la résurrection de Dieu à l’œuvre dans notre histoire, la résurrection de Dieu qui vient croiser les pas des hommes c’est ce qui va leur être expliqué tout au long de l’étude de texte dont ils vont bénéficier, depuis Moïse en passant par tous les prophètes qui, s’ils parlent du Messie qui est le mot hébreu pour désigner le Christ, ne parlent pas de Jésus. Si le narrateur présente bien le nouveau compagnon de route comme étant Jésus, ce n’est pas le Jésus que les apôtres ont pu voir et toucher mais le Christ, tel qu’il s’est exprimé à travers Jésus, le Christ qui a manifesté la vie selon Dieu à travers la vie de Jésus. Ici, les disciples ne sont pas face à Jésus revivifié mais face à Dieu qui prend chair dans l’histoire de l’homme, ainsi qu’il l’a fait de façon totale, exemplaire, en Jésus de Nazareth. Les apôtres doivent encore découvrir que Pâques n’est pas la réactivation des cellules d’un corps humain mais le relèvement de l’action de Dieu qui gisait au fond d’un caveau.
Discerner le Christ sur notre propre chemin
Dire que, sur le chemin vers Emmaüs, c’est Dieu agissant qui vient à la rencontre de l’humanité s’appuie sur un autre élément du texte biblique, le nom même du village qui est au bout du chemin, ce village dans lequel la reconnaissance du Christ va avoir lieu. Emmaüs : un village qui n’existe pas. Les archéologues émettent au moins cinq hypothèses différentes de localisation et il n’est pas évoqué ailleurs dans la Bible, du moins pas sans faire un bout de chemin pour le retrouver. La version grecque de ce passage biblique qui semble la plus sûre est le texte occidental, mieux connu sous le nom de codex de Bèze. Cette version indique que le nom du village est Oulammaous qui fait penser à Oulamalous qui est le nom grec de Louz. Et Louz… c’est Béthel, comme nous l’apprenons dans l’épisode de la Genèse (28) avec la vision de l’échelle qui se termine par cette exclamation de Jacob : « Dieu est en ce lieu et je ne le savais pas ! » (Gn 28/16) Nous sommes ici dans la même ambiance de révélation, de mise à jour de la présence de Dieu. C’est la raison même de cette promenade de santé qui est d’abord un voyage intérieur : devenir capable de reconnaître Dieu à l’œuvre dans notre histoire personnelle.
Pour tout vous dire, je ne suis pas sûr que ces deux apôtres aient marché pendant une dizaine de kilomètres. Il est fort probable que cette promenade de santé destinée à leur faire voir l’invisible n’ait pas demandé d’effort visible mais qu’importe. Il est effectivement un voyage qu’ils vont devoir faire et c’est le ressuscité qui prend les choses en main.
Nous le sentons bien, les apôtres sont trop enfermés dans leur deuil, dans leur tristesse, pour être suffisamment sensible à la présence du Dieu agissant, du Christ. Leur yeux sont forcés de ne pas le reconnaître (v. 16) dit explicitement le texte grec par cette force terrible qu’est le chagrin et, probablement le désespoir. Leur intelligence est comme anesthésiée, incapable de la moindre vivacité… leur cœur est lent à croire (v. 25). Pour déverrouiller leur être, le Christ va ouvrir une brèche et leur faire faire un voyage qui leur permettra de franchir la distance qui les sépare d’une autre réalité que celle que leurs sens leur permettent d’atteindre. Pour cela, il ouvre les Ecritures, c’est du moins ce que les apôtres auront perçu et la manière dont ils en parleront à la fin (v. 32). En fait, le Christ fait bien plus que cela. Le texte grec précise au quote 27 que le Christ fait ce qui pourrait s’apparenter au travail d’Hermès, dans la mythologie grecque : faire le voyage entre le ciel et la terre pour transmettre à l’humanité le message divin. C’est ce qui donne le mot herméneutique. Le Christ ouvre un chemin de sens en interprétant les Ecritures, en leur donnant du sens, en relisant justement la trajectoire du Christ à la lumière des textes bibliques. On peut imaginer qu’il interprète notamment l’épisode de la Croix parce qu’il n’en est pas question dans les prophéties du premier Testament… il faut donc aider les disciples à réinterpréter tout ce qu’ils ont vu et entendu à la lumière des textes bibliques pour révéler le caractère Christique de Jésus et pour remettre les disciples sur un chemin d’espérance.
Dès lors tout est en place pour discerner la présence effective de Dieu à leur côté, pour les rendre sensibles au fait que Dieu, que certains ont voulu figer définitivement, est toujours à l’œuvre, qu’il n’en finit pas de poursuivre son œuvre créatrice. Il ne manque plus que l’élément déclencheur, l’élément qui va permettre la reconnaissance. Cet élément, c’est le partage du pain. Pour reprendre l’exemple d’Ulysse qui revient chez lui au bout d’une vingtaine d’années et qui doit se faire reconnaître, c’est par un secret partagé, que Pénélope, sa promise, le reconnaîtra définitivement parce qu’il sait, lui, que son lit a été taillé dans le tronc d’un olivier planté. Le partage du pain rappelle ce qui s’était passé lors du vendredi saint. Seul un petit groupe de personnes savait ce qui s’était passé dans cette chambre haute. C’est cette connaissance commune agit comme un symbole qui ouvre le regard des apôtres en leur donnant un pouvoir de déchiffrement et leur permet d’aller plus loin que ce que le regard permet. D’ailleurs, le regard ne leur est plus d’une grande utilité à ce moment-là.
A ce point de cette promenade, il en ressort que la présence de Dieu n’est définitivement pas enfermée dans un corps particulier ; la présence agissante de Dieu est bel et bien libérée des cellules, qu’elles soient physiques comme les cellules de prison ou physiologiques comme les cellules d’un corps. La présence de Dieu n’est pas limitée à un individu particulier ni à un temps particulier, ni à un espace particulier. L’Eternel est celui qui vient vers nous en abolissant toutes ces limites qui pourraient en faire un Dieu particulier, un Dieu national par exemple, le Dieu d’une religion particulière. Pâques est ce moment où l’Eternel abolit une bonne fois pour toutes ces limites que les hommes posent trop souvent.
Le deuxième enseignement, est que Dieu nous rend capable, à la suite des apôtres, de comprendre les signes des temps, de décrypter l’histoire pour y discerner de quelles manières ses pas croisent les nôtres. L’Eternel s’emploie à nous faire faire le voyage intérieur du sens en ouvrant notre intelligence à plus grand que nos obsédantes frayeurs, plus grand que nos obsédantes tristesses. Et c’est en ce sens que l’Eternel se révèle à nous comme la puissance de résurrection qui est encore à l’œuvre aujourd’hui.
Amen
Lecture de la Bible
Luc 24:13-35
Deux disciples allaient à un village nommé Emmaüs, éloigné de Jérusalem de soixante stades; 14 et ils s’entretenaient de tout ce qui s’était passé.
15 Pendant qu’ils parlaient et discutaient, Jésus s’approcha, et fit route avec eux. 16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
17 Il leur dit: De quoi vous entretenez-vous en marchant? Et ils s’arrêtèrent, l’air attristé.
18 L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit: Es-tu le seul qui, séjournant à Jérusalem ne sache pas ce qui y est arrivé ces jours-ci?
Quoi? leur dit-il.
19 Et ils lui répondirent: Ce qui est arrivé au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en oeuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, 20 et comment les principaux sacrificateurs et nos magistrats l’on livré pour le faire condamner à mort et l’ont crucifié. 21 Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël; mais avec tout cela, voici le troisième jour que ces choses se sont passées. 22 Il est vrai que quelques femmes d’entre nous nous ont fort étonnés; s’étant rendues de grand matin au sépulcre 23 et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges leurs sont apparus et ont annoncé qu’il est vivant. 24 Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au sépulcre, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit; mais lui, ils ne l’ont point vu.
25 Alors Jésus leur dit: O hommes sans intelligence, et dont le coeur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes! 26 Ne fallait-il pas que le Christ souffre ces choses, et qu’il entre dans sa gloire? 27 Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.
28 Lorsqu’ils furent près du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin. 29 Mais ils le pressèrent, en disant: Reste avec nous, car le soir approche, le jour est sur son déclin. Et il entra, pour rester avec eux.
30 Pendant qu’il était à table avec eux, il prit le pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna. 31 Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent; mais il disparut de devant eux. 32 Et ils se dirent l’un à l’autre: Notre coeur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures?
33 Se levant à l’heure même, ils retournèrent à Jérusalem, et ils trouvèrent les onze, et ceux qui étaient avec eux, assemblés 34 et disant: Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon. 35 Et ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu au moment où il rompit le pain.