Pentecôte : Dieu n’est pas pour l’unité, mais pour la diversité et la communion
Genèse 11:1-9 , Deutéronome 5:1-6 , Actes 1:1-14 , Actes 2:1-6
Culte du 24 mai 2015
Prédication de pasteur Marc Pernot
Culte de la Pentecôte 2015
prédication du pasteur Marc Pernot
Pour comprendre une langue, il faut au moins connaître un petit peu les mots et la syntaxe, normalement.
La Bible utilise la langue hébraïque et la langue grecque. Heureusement que ces textes ont été traduits en français, cela nous aide, même s’il n’y a pas de traduction parfaite. Mais cela ne suffit pas pour comprendre la Bible, car un récit comme celui de Pentecôte n’est pas seulement composé avec des mots grecs, il est aussi composé avec des citations d’autres récits bibliques. Et comme pour comprendre une langue il faut connaître les mots et la grammaire, pour comprendre un texte biblique cela aide de connaître les textes cités et de voir comment ils s’articulent.
En ce qui concerne ce récit du livre des Actes des apôtres, depuis des millénaires, les lecteurs ont remarqué sa grande proximité avec au moins deux récits de la Torah (de l’ancien testament) : l’histoire de la Tour de Babel, et l’histoire de Moïse recevant la parole de Dieu comme dans du feu. Dans ce récit de Pentecôte, ces histoires sont comme des mots qui s’assemblent dans une phrase, pour nous dire le salut que Dieu nous sonne en Christ, accomplissant ainsi les Écritures, la Torah.
D’où l’importance de connaître la Bible pour lire la Bible. Ce n’est qu’à partir de la 2e lecture personnelle de la Bible que l’on peut commencer à saisir de quoi parle le texte biblique. C’est pourquoi nous remettons une vraie Bible aux tout jeunes enfants commençant leur catéchisme à l’Oratoire. Et c’est pourquoi nous avons été exigeants pour vous, catéchumènes, au cours de votre cursus ici, à l’Oratoire, pour lire et approfondir la Bible, pour réfléchir et discuter... c’est un peu fatiguant, mais c’est pour vous libérer de ceux qui voudraient penser à votre place. Cela vous donne une grande force intérieure pour ne pas vous laisser embobiner par la première secte venue ou par les fondamentalistes qui sont champions pour dégainer un quote de la Bible hors contexte dans le but d’imposer leur point de vue aux autres. Au contraire, cette ouverture à la profondeur de sens du texte biblique est utile pour que vous puissiez développer votre propre théologie, mais aussi pour vous interroger sur l’état du monde et la part que vous aimeriez lui apporter.
Le premier texte auquel fait référence le récit de la Pentecôte dans le livre des Actes des apôtres est l’histoire de Babel, qui est tout à fait parallèle à notre récit de Pentecôte.
Babel commence par une humanité rassemblée en une ville, avec une seule langue, un seul et même grand projet. Dans les Actes, les disciples de Jésus sont rassemblés dans une même chambre haute, « tous d’un commun accord, unis dans la prière ».
L’humanité de Babel, ainsi que les disciples de Jésus ici, se renferment sur leur petite communauté soudée, bien confortablement, parce qu’ils ont peur de l’extérieur. Ils se protègent du chaos du monde en se serrant les coudes dans un endroit clos mais surtout dans une unité de pensée et de prière. Leur rempart est physique : les murs de la ville et ceux de la chambre haute. Mais ils ont aussi dressé des murs idéologiques, théologiques et spirituels qui leur permettent de se sentir bien confortables et à l’abri du chaos du monde dans une pensée unique. Ils sont une seule âme, un même projet, ils parlent la même langue, jusqu’à leur prière qui est commune.
À Babel comme dans le récit des Actes, Dieu se révèle à eux en personne, et il en ressort une grande confusion (c’est le même mot sugceo qui est employé dans les Actes 2:6 et dans la Genèse 11:7 pour parler de la conséquence de l’action de Dieu).
Pourquoi est-ce que Dieu agit ainsi ? Rien ne dit dans l’un ou l’autre texte que ce serait une punition de Dieu. Au contraire, Dieu les sauve, évidemment (car il est comme ça, en réalité), et son action directe n’est pas une punition pour ce qu’ils auraient fait mais une libération de leur enfermement. L’intervention de Dieu leur permet de passer à l’étape suivante, celle de la diversité.
Au lieu de tous parler une langue unique dans un lieu unique, avec un projet unique, après l’action de Dieu, chacun parle alors sa propre langue et ils sont envoyés par Dieu aux 4 coins du monde.
Mais il y a une différence quand même entre les deux récits :
- Dans le récit des Actes des apôtres, chacun s’exprime dans sa propre langue mais les autres la comprennent quand même parfaitement bien.
- Alors qu’à Babel, l’intervention de Dieu sonne la fin de la langue et de la pensée unique, chacun parle sa propre langue et les autres ne comprennent plus rien.
Dans les deux récits, Dieu fait passer de l’unité à la diversité, mais à la Pentecôte, le miracle c’est que malgré cette diversité les gens se comprennent, il y a diversité et communion.
La Pentecôte est la suite de Babel, c’est son aboutissement. L’auteur des Actes lit donc positivement le projet des humains dans le récit de Babel. Ils ont compris qu’il faut s’entendre ensemble, avoir un projet commun comme le font les habitants d’une ville, et au cœur de leur communauté cette tour qui s’élève vers le ciel est relue par les Actes des apôtres comme une prière commune lancée vers Dieu.
Cette unité est comme une première étape, une bonne préparation permettant à Dieu de les ouvrir à une étape plus belle et plus élevée. L’unité est une bonne chose, mais juste temporairement. C’est la diversité que Dieu aime.
Mais en réalité ce récit de Babel est une énigme, il peut être lu positivement, comme le fait Luc, mais il peut aussi être lu négativement, avec cette horreur qu’est la pensée unique imposée à chacun, comme dans les pires dictatures où ceux qui pensent différemment sont éliminés. Il y aurait aussi la folie d’orgueil de vouloir s’élever au ciel pour être dieu à la place de Dieu (cela existe dans toutes les entreprises, tous les groupes, même dans l’église). Cette interprétation négative de l’humanité de Babel n’est pas impossible, Dieu interviendrait alors non pas pour les punir, mais pour nous guérir de cette pensée unique et de cet orgueil.
Et puisqu’au moins deux interprétations de ce texte sont possibles, il nous pose une question intéressante pour notre propre façon de vivre et d’espérer. Un même projet peut être dans une chose positive ou négative, il peut être un beau projet commun ou une tyrannie, c’est si vite fait de passer le l’un à l’autre. Est-ce que ce que notre but va réellement dans le sens d’une élévation ou est-ce un orgueil, c’est si vite fait de passer de l’un à l’autre, par exemple de sacraliser notre doctrine en faisant de la théologie, de sacraliser nos pratiques, nos lois, notre drapeau ou notre chapelle et de se prendre ainsi un peu pour Dieu. Peut-être encore, nous dit Babel, que dans notre refus du mal et du chaos nous nous sommes renfermé dans une tour d’ivoire laissant crever ceux du dehors, et faisant étouffer ceux du dedans ?
Le texte biblique, dans sa diversité des interprétations possibles est un miroir très utile pour nous découvrir nous mêmes. La Bible est un miroir. La Bible est aussi des portes vers la vie, de multiples portes.
Babel pose la question de savoir comment réagir face au chaos du monde. Il y a déjà un grand progrès par rapport aux épisodes précédents de la Genèse : l’assassinat d’Abel par Caïn, la violence de l’humanité du temps de Noé. Babel apporte une autre réponse, celle de la communauté. Comme le dit Martin Luther King : « Il nous reste encore ce choix à faire aujourd’hui : coexistence non-violente ou co-annihilation violente. Ce pourrait être pour l’humanité sa dernière chance de choisir entre chaos et communauté » pour cette maison commune qu’est ce monde. Avec Babel, la Genèse nous ouvre une porte : dans notre peur face au chaos du monde, nous pouvons choisir la communauté.
Mais quelle communauté ? Comme Babel, nous pensons d’abord nous réunir, faire une commission, se mettre d’accord sur le projet commun, et puiser dans cette union une force, une élévation. Puis dans un 2e temps, s’ouvrir, étendre cette bonne disposition au monde, être comme un levain mélangé dans la pâte à pain du monde.
Le récit de la Pentecôte va plus loin, il ouvre une autre porte, celle de la diversité et de la communion. La diversité seule est un chaos, la communion dans l’unité est un étouffement, une tyrannie. L’une comme l’autre, seule, est contraire à la volonté de Dieu.
Ce que crée l’Esprit à la Pentecôte, c’est la diversité et de la communion et c’est là que la 2nde importante citation de ce récit de Pentecôte est essentielle. L’Esprit de Dieu se sépare en autant de petites flammes qu’il y a de personnes dans la communauté assemblée en prière. Ce feu est donné individuellement à chaque personne présente, sans distinction entre le savant et le plus simple des hommes et des femmes. Ce récit fait de chacun un Moïse. Alors que dans l’histoire de Moïse, le peuple avait eu peur du feu et que seul le héros, Moïse, avait eu le courage d’avancer puis il s’était élevé sur la montagne à la force de ses petites jambes. Et du coup, Moïse « se tenait entre l’Éternel et le peuple » (Deutéronome 5:5), C’est lui qui entendait ce que Dieu disait pour le transmettre ensuite au peuple. Quand le peuple avait quelque chose à dire à Dieu c’est vers Moïse qu’ils allaient pour qu’il le transmette à Dieu. Et quand le peuple fait une bêtise, c’est Moïse qui allait leur sauver la mise en allant supplier Dieu de ne pas les abandonner... Ils sont comme des bébés. C’est une première étape, Dieu veut aller plus loin avec nous disent les prophètes (Jérémie 31 :31), c’est ce qui se réalise à la Pentecôte, nous dit ce texte..
Ce qui est neuf en Christ, c’est que nous sommes chacune et chacun ce que Moïse était. L’humanité de la Nouvelle Alliance est un peuple entier de Moïse et de Moïsette.
Cette claire allusion à Moïse dans ce récit de Pentecôte, fait qu’en quelques mots, en une image, celle du feu, quelque chose d’immense est dit, et pour savoir ce qui nous est promis comme pouvoir et comme privilège nous est donné par Dieu, il suffit de nous souvenir de cette figure de Moïse, voyant Dieu face à face, discutant avec lui de philosophie et de théologie au feu du buisson ardent (Exode 3), osant se lever malgré ses faiblesses, pour sauver son peuple des griffes du grand pharaon, faisant des miracles, écoutant la Parole de Dieu et osant se révolter contre elle, discutant argument contre argument avec Dieu. Aimant, pardonnant, partageant son pouvoir et sachant faire preuve d’autorité... tout cela au service de ceux qui lui sont confiés par Dieu. Nous sommes appelés à être ce Moïse, ce prophète immense voyant Dieu face à face (Deut. 34:10), c’est tout cela et mille choses encore qui nous sont dites sur notre dignité et sur notre mission. Et cela nous permet de relire les livres de l’Exode, des Nombres et du Deutéronome qui maintenant nous parlent de ce qui nous est donné en Christ, individuellement.
Catéchumènes, vous êtes Moïse, vous êtes même plus grand que Moïse parce que vous arrivez après lui et qu’en l’étudiant vous pouvez monter sur les épaules de ce géant.
Vous êtes, chacune et chacun, digne de recevoir l’Esprit de feu. Nous ne sommes plus des bébés pour que ce soit l’Église qui nous dise quoi penser et que croire. Nous ne dépendons plus de soit disant experts pour nous dire quelle est la seule véritable interprétation des écritures. Car c’est individuellement que l’Esprit est donné. Dieu veut, cherche, espère notre interprétation de l’écriture, une interprétation subjective, en fonction de ce que nous sommes et de ce que nous vivons, une parole neuve, aussi, selon ce que l’Esprit nous donnera.
Mais l’image pour parler de cette révélation qui est donnée au Moïse que nous sommes est significative. L’image n’est pas celle de Moïse recevant une table de pierre inscrite du doigt de Dieu mais c’est un souffle qui nous est donné, c’est à dire un geste de Dieu qui nous aide à grandir, à évoluer positivement. Une évolution qui fait reculer le chaos qui nous habite encore un peu. Et c’est une flamme qui nous est donnée par Dieu, ce n’est pas un texte, ni une parole, c’est une mise en lumière de notre monde, c’est une lucidité et une intelligence plus vives. C’est une flamme qui nous purifie, c’est une chaleur qui nous réchauffe le cœur.
Alors ? Notre église est-elle face au chaos du monde un bunker de croyances sacralisées, valables pour tous et toutes, et présentant le monde extérieur comme horrible ? Non, l’église est plutôt cette chambre haute où nous nous retrouvons un instant pour que chacune et chacun s’apprête à recevoir l’Esprit, et puisse ainsi devenir lui-même grâce à une relation personnelle à Dieu, dans le secret de son cœur, de ses pensées, de ses rêves. Et que chacun puisse se sentir autorisée et appelé à apporter quelque chose d’authentiquement neuf à la belle et riche diversité que Dieu espère manifestement.
Mais nous sommes partis d’un monde en chaos, cette multiplication des Moïse, cette brisure de l’unité par Dieu lui-même pour créer la diversité des interprétations et des langues n’est elle pas un nouveau chaos ? Non, nous promet le récit de Pentecôte. Faisons confiance à Dieu, l’Esprit nous crée à son image, à la fois libre mais ayant un profond attachement aux autres. Le projet de Dieu en Christ c’est la diversité d’être chacun un Moïse, mais c’est aussi la communion.
C’est cette paire magique de la diversité et de la communion qui permet que la communauté ne soit pas un enfermement mais un véritable intérêt pour l’autre et être curieux de l’entendre parler une autre langue, la sienne, sa foi, sa façon de faire de la politique, son opinion, ses goûts. L’Esprit, non content de nous donner un souffle neuf, cherche à nous rendre capable de vivre cette diversité, d’entendre la vérité qui est dans ce que l’autre a d’unique, l’Esprit cherche à nous rendre capable d’aimer, de pardonner, de servir, d’écouter, de dialoguer, de respecter et même de ne pas être d’accord sans pour autant tuer. Car cela, c’était avant, bien avant Babel, et maintenant, nous en sommes à la Pentecôte, L’Esprit accomplissant en nous les écritures. Grâce au Christ de Dieu.
Lecture de la Bible
Actes 1:1-8, 14, 2 :1-6
3 Après qu’il eut souffert, Jésus leur apparut vivant, et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu.
4 Comme il se trouvait avec eux, il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis, ce que je vous ai annoncé, leur dit-il; 5 car Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit.
6 Alors les apôtres réunis lui demandèrent: Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël?
7 Il leur répondit: Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité.
8 Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.
...
14 Tous d’un commun accord persévéraient dans la prière, avec les femmes, et Marie, mère de Jésus, et avec les frères de Jésus.
...
2:1 Le jour de la Pentecôte s’acomplissant, ils étaient donc tous ensemble dans le même lieu.
2 Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis.
3 Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. 4 Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.
4 Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.
5 Or, il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel.
6 Au bruit qui eut lieu, la multitude accourut, et elle fut confondue parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue.
Genèse 11:1-9
Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots.
2 Comme ils étaient partis de l’orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Schinear, et ils y habitèrent. 3 Ils se dirent l’un à l’autre: Allons! faisons des briques, et cuisons-les au feu. Et la brique leur servit de pierre, et le bitume leur servit de ciment. 4 Ils dirent encore: Allons! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre.
5 L’Eternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. 6 Et l’Eternel dit: Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté.
7 Allons, descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue les uns des autres. 8 Et l’Eternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre; et ils arrêtèrent de bâtir la ville. 9 C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Eternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Eternel les dispersa sur la face de toute la terre.
Deutéronome 5:1-6
Moïse convoqua tout Israël, et leur dit: ...
2 L’Eternel, notre Dieu, a traité avec nous une alliance à Horeb. 3 Ce n’est pas avec nos pères que l’Eternel a traité cette alliance; c’est avec nous, qui sommes ici aujourd’hui, tous vivants.
4 L’Eternel vous parla face à face sur la montagne, du milieu du feu. 5 Je me tins alors entre l’Eternel et vous, pour vous annoncer la parole de l’Eternel; car vous aviez peur du feu, et vous n’êtes pas monté sur la montagne. Il dit:
6 Je suis l’Eternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude...
(Voir aussi Exode 19)
(cf. Traduction NEG)
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