Paul, apôtre de la banalité de Dieu

Actes 17:22-29

Culte du 19 juillet 2015
Prédication de pasteur James Woody

(Actes 17:22-29)

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Culte du dimanche 19 juillet 2015
prédication du pasteur James Woody

 

Chers frères et sœurs, l’apôtre Paul est en mission en Grèce, à Athènes. Il y rencontre des philosophes épicuriens et stoïciens qui se mettent à parler avec lui et lui demandent de s’expliquer sur cet enseignement étrange qu’il dispense – l’Evangile. C’est dans ces circonstances que Paul va s’adresser à cet aréopage en commençant par leur dire qu’il les trouve en toutes choses ô combien superstitieux (δεισιδαίμων désignant cette religiosité empreinte de superstition, v. 22).

Libération de la superstition

Cette critique de l’apôtre Paul mérite que nous nous arrêtions un instant sur le reproche qu’il formule. La remarque de Paul est une critique comme le montre la dernière phrase que nous avons lue qui disqualifie des images de Dieu, des représentations du divin qui correspondent à ce que Paul avait sous les yeux, à Athènes : sculptures, dorures, argenterie… tout un ensemble d’objets à caractère religieux qui constituaient l’atmosphère dans laquelle baignaient les interlocuteurs de Paul. « Tout ce qui fait l’objet du culte » des Athéniens correspond à ce que Paul rejette : tout ce qui enferme Dieu dans des objets, tout ce qui l’objectivise. Seule la mention du Dieu inconnu trouve grâce aux yeux de Paul qui y voit là un point commun possible avec le Dieu qu’il prêche.

La superstition revient à penser Dieu comme un être se tenant au dessus des lois, au dessus du cours de l’histoire. La superstition, c’est croire en une puissance –Dieu- qui s’affranchit des lois de la physique et de l’ensemble de nos contingences. C’est, par exemple, croire en un Dieu capable de faire un bâton avec un seul bout. C’est croire en un Dieu capable de sortir quelqu’un du coma dès lors qu’on lui demande avec ferveur. La superstition, c’est cette attitude religieuse qui fait de Dieu un grand horloger qui vient remettre les pendules à l’heure, qui vient rectifier ce qui ne va pas.

La superstition, c’est comme arrêter son regard sur le doigt qui montre la lune ; la superstition c’est arrêter sa réflexion sur les éléments surnaturels alors que ces éléments surnaturels ne sont que des images qui indiquent que la foi peut modifier le cours naturel des choses. La superstition est la source de bien des désillusions quand un homme, qui n’a pas été plus mauvais que son voisin, dont la foi est authentique, vient à perdre son travail, ou que l’être aimé ne revient pas, que les ennuis s’accumulent. Car il est possible d’être sincèrement superstitieux.

Lorsque nous lisons les textes bibliques, nous faisons ce que faisaient nos ancêtres dans la foi, les Hébreux : nous cassons les idoles ou, pour le dire avec le théologien Paul Tillich, nous cassons les symboles, pour en faire sortir le sens qu’il contient. Pour le dire avec le théologien Bultmann, nous démythologisons les récits en cherchant ce que ces textes veulent nous dire à travers les éléments merveilleux : un homme qui marche sur l’eau pour faire comprendre qu’on peut ne pas sombrer dans la première difficulté venue ; des personnes soignées sans médicaments pour rappeler la dimension humaine, seule capable de ramener les parias au cœur de la société humaine ; un Jésus ressuscité parmi les disciples pour proclamer que la prédication de cet homme avait révélé ce qu’est vraiment la parole de Dieu que rien, pas même la mort, ne peut nous ravir. Ce même Jésus, élevé au ciel pour bien faire comprendre qu’il n’est plus là pour agir à notre place.

Mais ce que nous faisons pour les textes bibliques, le faisons-nous pour notre théologie personnelle ? Ce que nous faisons aux textes bibliques, le faisons-nous pour nos représentations personnelles de Dieu ? Tout en sachant très bien interpréter un texte, ne restons-nous pas superstitieux une fois que la Bible est refermée ?

Dans ses lettres de prison, le théologien Dietrich Bonhoeffer s’interrogeait sur l’avenir du christianisme, sur les impulsions et les orientations qu’il convenait de donner à la théologie chrétienne pour qu’elle soit à même de faire face aux problèmes du moment. Bonhoeffer avait en tête ce travail de démythologisation de Bultmann, et voici ce qu’il en pensait : « Je ne dirais pas qu’il a été trop loin, mais qu’il n’a pas été assez loin. Ce n’est pas seulement les conceptions mythologiques, comme les miracles, l’ascension et les choses semblables qui sont problématiques, mais les conceptions ‘religieuses’ elles-mêmes. Vous ne pouvez pas, comme Bultmann l’imagine, séparer Dieu et les miracles, mais vous devez être à même d’interpréter et de proclamer les deux à fois dans un sens ‘non religieux’ (Résistance et soumission, p.336) ». Pour Bonhoeffer, cela implique à la fois dépasser les idéologies partisanes, notamment le libéralisme ou l’orthodoxie, mais aussi réformer notre conception de Dieu, et pas uniquement notre lecture des textes bibliques. Lire la Bible ne doit pas nous donner un savoir que nous pouvons étaler en société, mais nous donner l’occasion de penser à nouveaux frais notre théologie, notre discours sur Dieu.

Voilà pourquoi Paul ramène les Athéniens à une forme d’humilité à l’égard de leur religiosité débordante en attirant leur attention sur cette inscription pour le Dieu inconnu, qui est celui que Paul prêche. Combien de fois m’est-il arrivé, encore récemment, d’avoir le sentiment d’être un ignare à l’égard de Dieu, au regard de discours émanant de personnes qui donnaient l’impression d’être familier au point de se brosser les dents avec l’Eternel ? Mais le retour, humble, aux textes bibliques, me rappelle à chaque fois que la forte religiosité qui confine à la superstition n’est pas la plus haute fidélité qui soit au Dieu de Jésus-Christ. Et Paul, ici, prétend que c’est ce Dieu-là qu’il annonce, un Dieu agnotos, pour reprendre le qualificatif dans la langue grecque. Etre agnostique est bien mieux considéré par Paul que la superstition qui dénature Dieu, qui le ravale au rang d’objet, de production humaine sans commune mesure avec le Dieu de Jésus-Christ dont il esquisser quelques aspects.

Un Dieu banal

Ce que je retiens comme trait caractéristique de Dieu, c’est que Paul dit qu’il est de la même race que nous. C’est un autre point qui montre que Paul n’a pas foi en un Dieu surnaturel, qui serait totalement différent de nous, totalement hermétique à ce que nous sommes, qui serait hors de notre univers. Reprenant un vers du poète Aratos de Soleus (IVème siècle avant notre ère) dans ses Phéonomènes, Paul dit que nous sommes de la race de Dieu, ce qui implique que Dieu n’est pas semblable à l’or, l’argent, les créations artistiques, ce qui implique que Dieu partage notre condition, qu’il est on ne peut plus banal.

Si les Athéniens placent Dieu dans les objets religieux, Paul va repérer le divin dans l’ordinaire, dans ce qui fait notre vie quotidienne, comme Jésus l’avait fait avant lui. Les paraboles du Royaume utilisent des éléments de la vie quotidienne pour montrer que le quotidien prend une nouvelle dimension lorsqu’il est pensé au regard du divin. Ainsi, une toute petite graine devient la plus grande plante potagère et les oiseaux du ciel viennent y faire leur nid. De même, une femme qui avait perdu une pièce la retrouve et connaît une joie à partager avec son entourage. Pour revenir à Paul, un repas quelconque, un repas ordinaire, devient l’occasion de célébrer l’amour de Dieu et de connaître une communion profonde. Le baptême… ce n’est après tout que de l’eau. Certes, l’une des choses les plus fondamentales pour vivre, mais aussi l’une des choses les plus banales à l’échelle de la terre (cela est moins vrai dans des régions qui en sont cruellement privées). Le baptême, avec ce geste banal que nous faisons finalement tous les jours ou presque, dit bien la banalité de Dieu ; cela dit bien que Dieu est ce qui porte notre vie quotidienne, l’ordinaire de nos journées, à son point d’accomplissement. Une personne, de l’eau, quelques paroles bien choisies qui font sens, et la vie n’est plus la même, elle prend une autre ampleur.

Pour le dire avec les termes de l’apôtre Paul, en Dieu, ce que nous sommes devient la vie, le mouvement, l’être. Le corps que nous sommes n’est plus seulement un corps, c’est aussi un temple qui célèbre la vie ; notre vie n’est plus seulement une vie, mais un mouvement qui donne un sens à l’histoire ; notre mouvement n’est plus seulement un mouvement, mais l’être, c’est-à-dire le fait que nous sommes présent au monde – présent au sens temporel et spatial qui sont deux approximations, deux « tâtonnements » de la vie éternelle, être en Dieu.

Le superstitieux croit en Dieu comme en un être transcendant, hors du monde, alors que Dieu est révélé comme ce qui permet la transcendance, ce qui désigne la possibilité pour chacun de nous d’atteindre un degré supérieur d’accomplissement. Pensons à Moïse qui rencontre le buisson ardent. Un buisson en feu est on ne peut plus banal. En disant que le buisson ne se consume pas, le rédacteur biblique affirme que la présence de l’Eternel peut s’éprouver dans un fait banal, sans s’épuiser. Quant à Moïse, le bègue, celui qui se considère incapable de prendre la parole en public, il se découvrira autrement plus capable que ce qu’il imaginait. Voilà le sens de la transcendance. Nous sommes de la race de Dieu, nous sommes de la trempe de ces personnages bibliques qui donnent de la couleur à la vie, qui donnent du sens à ce qui peut sembler insignifiant ou dérisoire. Nous sommes de la race de Dieu qui souffle dans la banalité de la vie pour lui donner du volume, de l’amplitude, de la grâce. Nous sommes de la race Dieu qui donne à notre quotidien une valeur infiniment supérieure à l’or ou à l’argent.

Amen

Lecture de la Bible

Actes 17:22-29

Paul, debout au milieu de l’Aréopage, dit: Hommes Athéniens, je vous trouve à tous égards extrêmement religieux. 23 Car, en parcourant votre ville et en considérant les objets de votre dévotion, j’ai même découvert un autel avec cette inscription: A un dieu inconnu! Ce que vous révérez sans le connaître, c’est ce que je vous annonce.

24 Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, étant le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite point dans des temples faits de main d’homme; 25 il n’est point servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses. 26 Il a fait que tous les hommes, sortis d’un seul sang, habitent sur toute la surface de la terre, ayant déterminé la durée des temps et les bornes de leur demeure; 27 il a voulu qu’ils cherchent le Seigneur, et qu’ils s’efforcent de le trouver en tâtonnant, bien qu’il ne soit pas loin de chacun de nous, 28 car en lui nous avons la vie, le mouvement, et l’être. C’est ce qu’ont dit aussi quelques-uns de vos poètes: De lui nous sommes la race... 29 Ainsi donc, étant la race de Dieu, nous ne devons pas croire que la divinité soit semblable à de l’or, à de l’argent, ou à de la pierre, sculptés par l’art et l’industrie de l’homme.

Traduction NEG

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