Pâques, la résurrection selon Matthieu
Matthieu 28:1-18
Culte du 5 avril 2015
Prédication de pasteur James Woody
Prédication de pasteur Marc Pernot
Vidéo de la partie centrale du culte
Culte du jour de Pâques 2015 à l'Oratoire du Louvre
prédication à deux voix par les pasteurs James Woody & Marc Pernot
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1. La résurrection de la vraie religion, l’éveil de l’humanité
prédication du pasteur James Woody
Chers frères et sœurs, cette fin d’évangile montre un travail de manipulation organisé par les chefs des prêtres. Tout y est : la corruption, les éléments de langage et l’intimidation. Objectif : faire un contre feu à ce qui sera appelé Pâques ; faire sortir cette religion de l’espace publique en détruisant sa réputation. L’évangile selon Matthieu se termine quasiment sur le récit de cette manipulation qui a une certaine saveur deux mille ans plus tard, en ce jour où il est question de Pâques en termes positifs, sur tous les continents. Le moins que nous puissions dire, c’est que la tentative d’étouffer Pâques a largement échoué. La tentative de liquider le christianisme naissant a échoué. Et cet échec tient en un mot : malentendu. Ce récit met en évidence un énorme malentendu que le temps n’a toujours pas dissipé, en dépit des efforts produits par les évangélistes.
Ce malentendu tient à ce que l’on entend par religion. Les chefs des prêtres de l’époque de Jésus ont confondu la religion avec la religiosité qui n’en est que l’écume, la trace que laisse la spiritualité sur son passage. En fixant toute leur attention sur le corps de Jésus, les opposants à la foi chrétienne ont montré que leur vision du monde ne parvenait pas à dépasser la dimension matérielle de la vie. Pour eux, c’est la présence ou l’absence du corps physique qui est déterminante. Pour eux, ce sont les signes visibles qui comptent. Ils font une lecture littérale de la vie.
Pour ma part, je n’ai pas besoin que le tombeau soit matériellement vide pour croire en la résurrection ! Je n’ai pas besoin que le corps de Jésus ne soit plus dans le tombeau pour adhérer de toute ma personne à ce désir de vivre incarné par Jésus, un désir infini qui ne croupira pas au fond d’un tombeau, d’autant qu’il est déjà à l’œuvre, de nouveau, en cette première matinée pascale. Quelle erreur de penser que la religion ne peut s’exprimer que dans la matérialité ! Quelle erreur de penser que la religion est enfermée dans des objets, dans un vocabulaire, dans des signes particuliers, alors que la religion voltige de signe en signe, caressant celui-ci, stimulant celui-là, repoussant cet autre, donnant sens à ce qui fait notre monde et donnant vie à une chorégraphie magnifique de tout ce qui le constitue ! On peut tuer les corps, on peut détruire les lieux, on peut brûler les livres, cela n’enterre pas l’appel divin à l’extase.
Ce qui préoccupe les chefs des prêtres, c’est le visible, le palpable. En fait, les chefs sont obsédés par les reliques, par les objets que l’on peut exhiber et qui donnent le sentiment du pouvoir, comme autant de trophées, comme autant de galons sur lesquels ils entendent fonder leur autorité. Souvenons-nous qu’ils ont condamné Jésus au prétexte qu’il a remis en cause la pérennité du temple. C’est ainsi que ces chefs passent à côté de la véritable puissance à l’œuvre à ce moment-là. Ils ignorent tout de la vérité qui se répand, malgré la mort de Jésus, et qui est capable de faire se lever à nouveau des personnes effondrées par le chagrin, des personnes accablées par leurs conditions de vie. Ils ignorent tout de la vérité qui gagne peu à peu les cœurs et qui transcende infiniment les choses, les lieux, les institutions. Ils ignorent tout de la vraie religion qui ne cherche pas à régenter, qui n’utilise pas la violence, ni les rapports de pouvoir, ni les démonstrations de force pour faire peur, pour terroriser, pour asservir, pour soumettre. Ils ignorent tout de la vérité de la religion qui est tout à l’opposé une puissance d’amour, d’encouragement, de libération, qui sublime les êtres, qui métamorphose les situations, qui transfigure le quotidien. Oui, les chefs veulent manipuler le peuple, ils veulent endormir les consciences pour asseoir leur situation, mais voilà : résurrection ! Ce qui veut dire éveil. Jésus a éveillé des consciences capables de discerner les ambitions personnelles du bien commun. Oui, les chefs veulent manipuler le peuple, ils veulent écraser les âmes qui risqueraient de ne pas les reconduire dans leur fonction, mais voilà : résurrection ! Ce qui veut dire lever, relever. La relève est déjà là au matin de Pâques ; elle va prendre le chemin de la Galilée, là où Jésus avait exercé l’essentiel de son ministère, manière de dire que l’action de Jésus va être poursuivie, après quoi elle sera démultipliée. C’est l’idée même d’humanité qui est ressuscitée à Pâques, contre la tentative d’endormir le monde.
Qu’ils sont pathétiques ces chefs qui s’évertuent à lutter contre les signes extérieurs de religion, ces religiosités qui sont toujours en retard de plusieurs années sur la foi vivante qui, elle, est déjà en train de faire venir au monde de nouveaux élans de générosité, qui met en évidence de nouveaux défis à relever, qui révèle de nouvelles ressources. La matérialité n’est pas ce qui préoccupe les évangélistes : voyez comme les évangélistes font passer le ressuscité à travers la roche, à travers les portes ; voyez comme ils lui donnent un nouveau visage méconnaissable des disciples qui vont à Emmaüs et une silhouette que Marie-Madeleine ne reconnaît pas… Si le tombeau est vide, ce n’est pas du corps de Jésus, mais du Jésus crucifié, de cette trajectoire de vie qui a été une incarnation absolue de l’espérance de Dieu. Non, le Jésus crucifié n’est pas là. Celui qui a embrasé la vie de ceux qu’il a rencontré, celui qui a soigné les identités blessées, celui qui a restauré l’espérance déçue n’est pas dans le tombeau. Christ est ressuscité en ce sens que la vie selon l’espérance de Dieu n’est pas morte à Jérusalem avec Jésus. Sa parole, qui a été semée largement sur les chemins rocailleux, dans les buissons d’épines, dans la bonne terre, commence déjà à germer au matin de Pâques. Et aujourd’hui encore, malgré ceux qui voudraient faire taire la voix de la vie, cette parole continue à s’incarner et à susciter ce désir impérieux de vivre.
2. Un ange, des pieds et un joyeux salut
prédication du pasteur Marc Pernot
Dans son témoignage sur la résurrection, Matthieu nous donne des détails que les autres évangiles ne nous donnent pas. Il est le seul à nous raconter l’ouverture du tombeau par l’ange, et il le fait très en détails. Pourtant Matthieu n’a pas assisté à cet événement, et il a eu les mêmes informations que les autres disciples de la bouche des deux seules personnes présentes, Marie-Madeleine et l’autre Marie.
Pourquoi les deux Marie viennent voir le tombeau de Jésus ? Matthieu n’en parle pas mais à leur attitude quand elles « saisissent les pieds de Jésus et l’adorent »(v.9) montre que leur espoir était d’être tout le temps accroché à leur Jésus. Nous savons tous que la mort finit par nous emporter ou emporter ceux que l’on aime. Cet espoir était donc un peu irréfléchi. À la mort de Jésus, elles sont rattrapées par la réalité, leur rabbi adoré n’est plus. Elles sont passées de l’espoir au désespoir, à la révolte et à la peur.
Peu après, pourtant, elles reviennent devant les autres disciples en témoignant non pas d’un espoir nouveau ou d’un retour de leur espoir passé, mais elles témoignent de la réalisation de cet espoir qui semblait déraisonnable.
Ce qu’elles vivent alors est bien décrit dans la conclusion de l’Évangile selon Matthieu : Jésus disant « Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (v.20) pas seulement pour quelques apparitions, mais sans fin et quotidiennement.
Il s’est donc passé quelque chose qui les a changées pour que la réalisation de leur espoir soit possible. Manifestement, Matthieu les a suivies dans ce changement puisqu’il s’approprie la démarche des 2 Marie dans un récit personnel. Il ne parle pas à la première personne, rendant ainsi hommage aux Marie qui l’ont inspiré, mais il place son témoignage personnel dans le récit enchâssé des aventures de l’ange, nous disant la réalisation de son propre espoir en Christ. Nous donnant peut-être envie d’essayer.
Matthieu est un converti que l’on voit se décrire lui-même au chapitre 9 de son livre alors qu’il était un fonctionnaire corrompu. La rencontre avec Jésus est comme un électrochoc qui va le faire prendre une route nouvelle à sa suite, mais il a pu rester à Matthieu la honte de son passé parmi les 12 apôtres. Dans sa relation à Jésus, il y a d’autres blessures, il a manqué rien de moins que la totalité des 3 théophanies, ces épisodes où Dieu se manifeste directement pour désigner Jésus comme essentiel. Matthieu n’était pas là pour entendre la voix de Dieu lors du baptême de Jésus. Il n’était pas là sur la montagne pour cette expérience mystique que vivent Pierre, Jacques, et Jean qui voient Jésus transfiguré et encore la voix de Dieu disant d’écouter Jésus. Matthieu a aussi manqué la crucifixion, alors que nos 2 Maries, elles, ont suivi Jésus jusque là et vont sentir le monde trembler, se fendre.
Matthieu est comme nous quand nous avons perdu un être cher et que la mort rend impossible d’espérer rattraper les occasions manquées. Matthieu va être frappé par le témoignage des 2 Maries, il est touché par cette traversée victorieuse de leur propre désespoir pour aller au delà de l’espoir, aller à la réalisation même de leur espoir, qui était d’être avec Christ.
Comme dans son évangile Jean raconte ses propres tentatives pour suivre Marie dans son expérience de la résurrection, Matthieu, manifestement, les a suivies aussi, à sa façon. À son tour, il « trouvera le truc », pourrait-on dire, mais peut-être faudrait-il dire qu’alors, c’est plutôt « le truc », Dieu, qui l’a trouvé. Matthieu raconte cette résurrection qu’il a expérimenté à son tour avec ce récit d’ange clignotant de lumière, de pieds de Jésus et de sa joyeuse salutation.
Les juifs de l’époque parlaient souvent d’anges pour dire l’expérience de la présence de Dieu. En français courant, on dirait une expérience spirituelle. C’est donc dans la prière que Matthieu confie son désespoir, tout ce qui le déçoit de lui-même, son passé chargé qu’il n’arrive pas à se pardonner, et d’avoir raté les épisodes où Dieu faisait de Jésus le Christ pour nous, laissant Matthieu avec une foi en Jésus de bien moindre portée. Un Jésus qui cesse trop vite d’apporter quelque chose, un Jésus qui meurt. Matthieu confie cela dans la prière, il va lui aussi voir son désespoir traversé.
Le tremblement de terre rappelle celui qui a eu lieu à la crucifixion du Christ (Mt 27:51,54), et c’est le désespoir de Matthieu c’est son monde ancien, douloureux, qui se fendille. Comme une promesse du monde nouveau. Le fait que l’ange roule la pierre et s’asseye dessus est plus énigmatique. Quelle importance peut voir Matthieu quand il nous dit que l’ange s’assied ? J’y vois une allusion au passage de son évangile où Matthieu se décrit lui-même assis à son bureau alors qu’il était un fonctionnaire corrompu entrain de voler les autres (Mt 9:9), et la brûlure cuisante du contraste avec Jésus donnant sa vie pour les autres. L’ange qui s’assied sur la pierre roulée est comme le pardon de Dieu qui le rejoint sur ce banc où il était assis pour faire le mal. Pour Matthieu, le remord, le dégoût de lui-même l’enfermait comme dans un tombe. Elle est maintenant ouverte.
L’ange, porteur de la Parole de Dieu est une réplique de la voix de Dieu désignant le Christ comme son fils (Mt 3:17), faisant saisir à Matthieu que nous sommes enfant de Dieu parce qu’il nous adopte, nous déclare enfant de Dieu. L’apparence lumineuse et même clignotante rappelle le Christ transfiguré(Mt 17:2-5), discutant avec Moïse et Élie sur la montagne, et Matthieu saisit que Christ est la clef de l’interprétation des Écritures, et qu’en l’écoutant c’est la voix de Dieu que nous entendons.
Maintenant, pour Matthieu, Christ sera vraiment, celui à qui « tout pouvoir a été donné » (v.18) et celui qui « l’accompagne chaque jour », sans occasion manquées. Et cela fait vivre.
Mais ensuite, ce n’est plus seulement un ange, une expérience mystique qui transforme le désespoir des 2 Marie et celui de Matthieu. C’est Jésus si présent que les femmes peuvent se saisir de ses pieds. Ce récit parle alors de quelque chose de bien plus matériel, de plus corporel qu’une expérience mystique. C’est un Jésus ont on saisit les pieds, dont on saisit la démarche, un Jésus dont on sent vraiment le corps, ce corps que nous constituons quand nous courrons vers les autres pour partager nos joies et nos craintes, notre foi et la réalisation de notre être. C’est ce que font les 2 Marie, et Matthieu quand il écrit son évangile. Et vous aussi, en venant ici, mais aussi au hasard d’une conversation.
Nous entendons ce Jésus nous dire « Salut », familièrement. Il y a bien des façons de dire bonjour en grec. Ça pourrait être « εὖ πράττε » pour souhaiter du succès, ou « uγίαiνε » pour souhaiter la santé, mais le « salut » de Jésus dit notre joie « xαῖρε ». Ce « salut » dit la joie d’une relation à Christ solide et concrète, et cet enthousiasme joyeux qui permet de traverser même la maladie et les échecs. Peut-être pas en rigolant tous les jours, mais en ayant la puissance d’avancer, comme avec les pieds du Christ.
Amen.
Lecture de la Bible
Évangile selon Matthieu 28
1 Après le sabbat, à l’aube du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie allèrent voir le sépulcre.
2 Et voici, un grand tremblement de terre survint, car un ange du Seigneur descendit du ciel, il s’approcha, il écarta la pierre et s’assit dessus. 3 Son aspect était comme l’éclair, et son vêtement était blanc comme la neige.
4 Les gardes tremblèrent de peur, et devinrent comme morts.
5 Alors l’ange prit la parole et dit aux femmes : Vous, ne craignez pas, car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié. 6 Il n’est pas ici, car il a été réveillé comme il l’avait dit. Venez, voyez le lieu où il était couché, 7 et allez vite dire à ses disciples qu’il a été réveillé des morts. Et voici, il vous précède en Galilée : c’est là que vous le verrez. Voici, je vous l’ai dit.
8 Elles s’éloignèrent vite du sépulcre, avec crainte et avec une grande joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
9 Et voici, Jésus vint à leur rencontre, et dit: Je vous salue (réjouissez-vous). Elles s’approchèrent et saisirent ses pieds, et elles se prosternèrent devant lui. 10 Alors Jésus leur dit : Ne craignez pas; allez annoncer à mes frères de se rendre en Galilée : ils me verront là-bas.
11 Pendant qu’elles étaient en chemin, quelques hommes de la garde entrèrent dans la ville, et annoncèrent aux principaux sacrificateurs tout ce qui était arrivé. 12 Ceux-ci, après s’être assemblés avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une forte somme d’argent, 13 en disant: Dites: Ses disciples sont venus de nuit le dérober, pendant que nous dormions. 14 Et si le gouverneur l’apprend, nous l’apaiserons, et nous vous tirerons de peine. 15 Les soldats prirent l’argent, et suivirent les instructions qui leur furent données. Et ce bruit s’est répandu parmi les Juifs, jusqu’à ce jour.
16 Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait désignée. 17 Quand ils le virent, ils l’adorèrent. Mais ils eurent des doutes.
18 Jésus, s’étant approché, leur parla ainsi: Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. 19 Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, 20 et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.
Traduction cf. NEG
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