Ne comprenez-vous pas encore ?
Marc 8:10-21 , Jean 6:48-52 , Jean 6:63
Culte du 14 décembre 2014
Prédication de pasteur Marc Pernot
Cet épisode de la Bible se termine sur cette question de Jésus : « Ne comprenez-vous pas encore ? » Et bien oui, les disciples de Jésus ont enfin compris, manifestement, puisque l’enseignement de Jésus s’arrête là-dessus et qu’ils n’ont aucune question.
Jésus veut, il a pour objectif, il a l’ambition pour chacun que nous puissions comprendre par nous-mêmes. Et Jésus annonce aux disciples, il nous annonce : vous avez tout pour être génial, vous avez un cœur, vous avez une véritable intelligence, vous avez des yeux pour voir et des oreilles pour entendre par vous-mêmes, vous avez votre expérience de la vie, vous avez une mémoire des choses vécues par les générations passées. Avec de telles qualités, vous avez tout pour comprendre par vous-mêmes.
Et Jésus se désole. Quelle pitié de ne pas vous servir de votre intelligence, de votre cœur, de vos yeux, de vos oreilles, de votre mémoire !
Mais il le sait bien, c’est si facile, si rapide de se laisser glisser dans l’inconscience, qu’on ne s’en rend pas compte, souvent.
Comme les disciples ici et comme les pharisiens aussi, nous avons tendance à nous inquiétez exagérément.
- Cette génération, comme dit Jésus, est celle qui cherche des garanties en béton armé avant même de commencer à chercher. Il faudrait que Dieu lui-même descende, avec sa barbe et un arc-en-ciel à la main, peut-être, et porte un certificat. Même alors, cela ne leur suffirait pas. Pourtant, des signes, ils en ont, nous en avons. Jésus lui-même est un signe de Dieu, un signe que Dieu s’intéresse à nous et nous veut tout le bien possible.
- Les disciples, eux, doutent de l’avenir. Ils sont préoccupés par ce grave problème : peut-être que nous n’avons pas pris assez de pain, alors que le voyage ne prend que quelques heures (ce n’est pas l’Atlantique qu’ils sont en train de traverser mais un lac). Pourtant, nous dit le texte, ils ont quand même un pain. Mais ce que l’on a déjà ne suffit jamais pour celui qui s’inquiète. Il voit ce qu’il aurait pu avoir en plus et donc qui lui manque, il ne voit plus que ça. Et il est malheureux. Et il s’inquiète encore plus. Et c’est comme si ce qu’il a déjà n’était plus rien.
Jésus parle de « cette génération », de la génération du 1e siècle, alors qu’on croit l’entendre parler de notre génération toujours en train de se plaindre que rien ne va plus et que demain sera pire… Mais oui, si nous continuons comme ça, à avoir un pain et à pleurer comme si nous n’avions rien, à avoir un cœur et à ne pas aimer, à avoir une intelligence et à ne pas l’exercer, à avoir des yeux et à refuser de voir, des oreilles et à ne pas entendre… alors oui nous sommes mal partis. C’est ça, le problème, nous dit Jésus.
Un pain. Ils avaient un pain avec eux dans la barque, nous dit le texte. Peut-être qu’ils avaient un bon gros pain de farine, il n’y a rien de meilleur et ça nourrit bien. Mais en tout cas, dans cette barque, il y a un pain qu’ils avaient. Comme l’explique l’Évangile selon Jean, ils avaient ce pain de vie qu’est le Christ. Et ce pain leur donne la force de passer sur l’autre bord, sur une autre façon de voir la vie.
Mais pour l’instant, les disciples sont au milieu du lac, et il leur donne à manger sa parole vive, son enthousiasme et sa confiance, et un quelque chose qui vient de Dieu et qu’ils découvrent encore. Le Christ est comme un bon pain, délicieux et qui nous donne la vie. Mais pour ça, le Christ est comme pour notre cœur, notre intelligence, nos yeux, nos oreilles et notre expérience collective de la vie : il ne suffit pas de les avoir pour en vivre, il faut que ça serve.
Moi, quand je vois une vache, je ne sais pourquoi, j’ai envie de lui dire : « tu as de beaux yeux, tu sais ». Non, elle ne le sait pas, je pense. À nous, on pourrait nous dire « tu as un beau Christ, tu sais ». C’est ce que nous dit Noël : nous avons en Jésus un sacrément joli Christ qui peut nous permettre de vivre plus libre et plus heureux, en activant notre cœur, notre intelligence, nos yeux, nos oreilles et notre expérience.
Nous avons ici le mode d’emploi : Le Christ n’a d’intérêt que s’il est pour nous comme un pain unique en son genre.
Un pain ce n’est pas fait pour être adoré mais pour être mangé. Le Christ n’est pas intéressant comme signe extérieur à contempler. Il est même dangereux comme signe extérieur et ce n’est pas pour cela qu’il nous est donné. Mais Christ est comme un pain, un pain parfaitement unique, que rien ne peut remplacer. Un pain fait pour être mangé, bien sûr.
Prenons le, c’est un cadeau qui nous est offert. Mangeons le, ruminons-le, digérons ses paroles, sa façon d’être, sa façon de se retirer seul pour prier, son enthousiasme. Et que cela nous donne de nous sentir autorisé à penser et à avoir un regard neuf, que nous ayons envie de nous mettre à l’écoute de quelque chose de profond et de vrai, pas seulement le brouhaha de la foule. Et qu’enfin, ainsi, nous puissions relire notre expérience de vie avec lui et grâce à lui.
Et vivre.
Cela ne veut pas dire que le pain de farine n’a pas d’importance. Il est normal d’être inquiet quand on meurt de faim et quand on n’a rien à donner à manger à ceux que l’on aime. Mais pour régler ce problème de la faim dans le monde, nous avons largement assez sur cette planète. Alors oui, ce n’est pas simple de partager les ressources mais c’est précisément pour cela que nous avons besoin de cœur et d’intelligence pour ne pas faire n’importe quoi n’importe comment. Et des yeux pour voir ce qui pourrait être fait, une écoute des vrais besoins au-delà des cris, et une mémoire pour ne pas refaire les mêmes erreurs que dans le passé.
Notre trop grande recherche de sécurité est le premier obstacle pour empêcher Dieu d’éveiller notre conscience.
Jésus attire aussi notre attention sur deux poisons (pas poissons), deux choses nocives qui peuvent nous pourrir :
Gardez-vous avec soin du levain des pharisiens
et du levain d’Hérode
Un tout petit peu de levain suffit, il est invisible dès qu’il est mélangé à la pâte à pain, il lève, il transforme la pâte, secrètement, peu à peu. C’est donc sournois. Vu de l’extérieur, tout va bien, tout va même pour le mieux, la pâte est bien gonflée, énorme. Mais si le levain est mauvais…
Jésus ne dit pas que le levain des pharisiens ou d’Hérode seraient toujours mauvais, mais il dit de bien faire attention, de vraiment bien regarder car il y a là quelque chose qui peut être profondément nocif pour nous, et pour la société aussi, d’ailleurs.
Le premier levain dangereux c’est celui des pharisiens : c’est de se laisser contaminer par une religion de plus en plus scrupuleuse, de plus en plus formelle, où là encore les inquiétudes nous empêchent d’avancer. Ce n’est plus alors une inquiétude pour ce qui peut arriver en ce monde, mais c’est en réalité pire, c’est alors une inquiétude face à Dieu, face au salut, face à la vérité, face à la vie éternelle. Alors que la foi est quelque chose à vivre avec son cœur, son intelligence, sa propre vision et sa propre écoute des autres et de ce Dieu qui nous bénit et qui nous garde tous.
Veillez-bien que la religion ne devienne pas pour vous un venin, nous dit Jésus. C’est le risque, mais Jésus a bénéficié de la religion pour connaître la Bible et pour en discuter avec les autres. Nous le voyons souvent aller au culte à la synagogue ou prendre un temps de prière dans la solitude. Mais il le fait librement, personnellement, d’une façon souple. On peut donc user de la religion sans se laisser contaminer par le poison de l’inquiétude religieuse, sans se laisser impressionner par ces gens qui alimentent cette inquiétude pour les autres, comme les pharisiens dans ce texte.
Le second levain dangereux est celui d’Hérode : c’est de se laisser contaminer par le pouvoir personnel. Hérode est roi. Il vient de faire décapiter Jean-Baptiste, il le fait parce qu’il est manipulé par sa belle sœur que cela arrange pour rester proche du pouvoir… L’inquiétude mal placée est un poison, le pouvoir personnel aussi est un poison. Et pourtant il faut bien qu’il y ait dans la société des lieux de pouvoir pour que la société puisse exister. Mais Jésus nous dit qu’il nous faut là encore être vraiment vigilant car le goût du pouvoir, comme la religion, peut nous rendre sans cœur, sans intelligence, aveugle et sourd, sans mémoire.
Pourquoi est-ce que Jésus parle de cela avant de parler de ce qui nourrit vraiment ? C’est un peu comme quand on ouvre un médicament, il y a une notice fort utile qui dit comment le prendre et les risque à bien surveiller. Puis, on y va.
Jésus fait appel à leur mémoire, d’une étrange façon :
Quand j’ai rompu les 5 pains pour les 5000 personnes, leur dit Jésus,
combien de paniers pleins de morceaux avez-vous emportés? 12 !
Et quand j’ai rompu les 7 pains pour les 4000 personnes,
combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées? 7 !
Pour faire comprendre l’essentiel à ses disciples, Jésus insiste sur ces nombres de pains, nombres de personnes et nombres de paniers ou de corbeilles. L'interprétation de ces chiffres ne pose visiblement pas le moindre problème aux disciples de Jésus. Ils n'ont pas besoin de le questionner plus à ce sujet. Aujourd'hui, c'est un peu moins facile de comprendre ce qu'il y a derrière ces chiffres. Mais cela n'est pas très difficile quand même, à la lumière de la Bible elle-même. Et c’est pourquoi ce n’est pas inutile d’apprendre trois ou quatre choses pour nous aider à réfléchir par nous-mêmes.
Dans la Bible, bien souvent, un nombre ne désigne pas une quantité mais il désigne une qualité, le sens de quoi l’on parle. C’est en tout cas toujours le cas avec des nombres aussi connus que ceux qui sont ici : 5, 12, 7 et 4. D’ailleurs dans tout ce passage Jésus nous invite à passer au sens figuré et non au sens matériel comme les disciples le font au début.
La première fois que Jésus nourrit la foule, il y a 5 pains pour 5000 personnes. Ce chiffre 5 est connu comme étant le nombre de livres de la Loi de Moïse. Le 5 symbolise la religion et la morale, l’action juste. Jésus n’est pas contre cela puisqu’il considère ici que la religion et la morale sont donc nourrissantes comme du pain, il faut simplement bien veiller que ni la religion ni notre façon d’agir en ce monde ne devienne du levain d’intégrisme ou de pouvoir personnel.
Et c’est vrai que la religion et la morale, quand elles sont bien vécues, rayonnent de bonnes choses et se multiplient comme en présence de Jésus.
Jésus attire notre attention sur ce que l’on emporte après cette distribution de religion et de morale biblique : il reste alors 12 paniers de pains. Ce que l’on gagne, c’est le peuple de Dieu, ce sont les 12 tribus d’Israël, ce sont les 12 apôtres, c’est le peuple hébreu et c’est l’église chrétienne. Ce n’est pas mal. Mais ce n’est q’une première étape.
La première multiplication des pains évoquée par Jésus concerne la religion et l’éthique, sans cesse à recevoir et à distribuer, à faire circuler, à manger aussi, pour prendre des forces et pour faire du bien en ce monde, pour fonder des clubs de passionnés de discussions bibliques… mais tout cela n’est qu’une première étape, une première multiplication des pains.
L’ambition de Dieu pour la personne humaine et pour l’humanité dans son ensemble est plus grande, plus élevée. La preuve, c’est qu’il y a une seconde multiplication des pains, une seconde série de chiffres.
Cette fois-ci, ce ne sont pas 5000 personnes qui sont nourries, mais 4000. Cela semble moins, mais en réalité c’est infiniment plus. Car le chiffre 4 évoque la terre entière, les 4000 personnes figurent l’humanité entière des 4 coins de l’horizon. Alors que les 5000 personnes n’étaient que le peuple de la Bible.
Et le pain qui est donné à l’humanité ce n’est plus seulement la religion et la morale mais c’est la bénédiction de Dieu, figurée bien évidemment par le chiffre 7 des 7 pains.
Cela n’annule pas la religion et la morale, mais cette seconde multiplication nous invite à les vivre autrement. Comme le dit Jésus selon le témoignage de Jean, le pain donné par Moïse nourrit pour avancer dans le désert, mais ce n’est pas le pain de vie.
Le pain de vie, c’est la bénédiction de Dieu manifestée en Christ. C’est une dynamique mystérieuse qui nous nourrit en profondeur, qui donne à la personne un cœur de chair à la place de son cœur de pierre, qui donne une intelligence vive, qui donne le courage et le droit de penser, de regarder et d’entendre par soi-même.
Et le résultat, le cadeau, ce que l’on emporte et que l’on garde après cette multiplication, c’est encore du 7, c’est encore de la bénédiction, plein de bénédiction au point que l’on en a jusque dans la vie éternelle, et plein à distribuer. Car ce pain-là se multiplie d’autant plus qu’on le mange et qu’on l’offre.
Le résultat, ce n’est plus un peuple élu, ce n’est plus l’église, mais ce sont des hommes et des femmes du 7e jour de la création de Dieu, des personnes qui ont du cœur, des personnes qui ont une pensée personnelle, des personnes qui voient plus loin que le bout de leur nez des personnes à l’écoute. Des personnes qui se nourrissent de la mémoire de ce que Dieu a fait pour nous, des personnes capables d’un retour sur soi-même et ce qu’elles ont fait.
Ce peuple du 7 c’est aussi une humanité, une vraie, non plus seulement soudée par des lois et des intérêts communs, mais plus encore par une saine préoccupation des autres, une humanité qui se prend en main, plus mature. Une humanité plus bienveillante, plus réfléchie.
Cette humanité du 7, c’est le cadeau qu’il nous offre et que nous pouvons emporter avec nous jusque dans la vie éternelle. C’est ce qui se réalise quand ce n’est plus seulement le venin de l’intégrisme et le venir du pouvoir personnel qui font lever la pâte. Quand ce n’est plus seulement la préoccupation de nous protéger nous-mêmes qui nous occupe. Quand la morale et la religion sont à leur juste place, ni plus ni moins. Alors la bénédiction donnée par Dieu en Christ, lève en nous, soulève notre pâte. Alors, nous comprendrons, nous aimerons, nous verrons, nous entendrons, et nous nous souviendrons.
Pour l’éternité. Joyeux Noël à tous.
Lecture de la Bible
Marc 8:10-21
(Jésus) monta dans la barque avec ses disciples, et se rendit dans la région de Dalmanutha. 11 Les pharisiens survinrent, se mirent à discuter avec Jésus, et, pour l’éprouver, lui demandèrent un signe venant du ciel. 12 Jésus, soupirant profondément en son esprit, dit: Pourquoi cette génération demande-t-elle un signe? Je vous le dis en vérité, il ne sera pas donné de signe à cette génération. 13 Puis il les quitta, et remonta dans la barque, pour passer sur l’autre bord.
14 Les disciples avaient oublié de prendre des pains; ils n’en avaient qu’un seul avec eux dans la barque. 15 Jésus leur fit cette recommandation: Gardez-vous avec soin du levain des pharisiens et du levain d’Hérode. 16 Les disciples raisonnaient entre eux, et disaient: C’est parce que nous n’avons pas de pains. 17 Jésus, le sachant, leur dit:
Pourquoi raisonnez-vous sur ce que vous n’avez pas de pains?
Etes-vous encore sans intelligence, et ne comprenez-vous pas?
18 Avez-vous le coeur endurci?
Ayant des yeux, ne voyez-vous pas?
Ayant des oreilles, n’entendez-vous pas?
Et n’avez-vous pas de mémoire?
19 Quand j’ai rompu les cinq pains pour les cinq mille hommes, combien de paniers pleins de morceaux avez-vous emportés?
Douze, lui répondirent-ils.
20 Et quand j’ai rompu les sept pains pour les quatre mille hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées?
Sept, répondirent-ils.
21 Et il leur dit: Ne comprenez-vous pas encore?
Jean 6:48-52, 63
(Jésus, enseignant dans la synagogue à Capernaüm, dit : ) Je suis le pain de vie.
49 Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts.
50 C’est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui en mange ne meure pas.
51 Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c’est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde.
52 Là-dessus, les Juifs discutaient entre eux, disant: Comment peut-il nous donner sa chair à manger?
… 63 (Jésus dit : ) Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et vie.
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