Marc 4:25-29
Marc 4:25-29
Culte du 24 septembre 2017
Prédication de pasteur Richard Cadoux
Vidéo de la partie centrale du culte
film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot
Dimanche 24/9/2017
prédication du pasteur Richard Cadoux
Au sujet du Christ, l’Epitre aux Colossiens affirme qu’en lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance. Une telle proposition, si l’on y réfléchit bien, a quelque chose de vertigineux. Un être de chair et de sang pourrait-il détenir les clés de la connaissance et les secrets de la sagesse ? Pourrions-nous grâce à lui accéder au fond des choses ? L’homme de Nazareth serait-il l’un de ces grands initiés, pour reprendre le titre d’un livre d’Edouard Schuré, qui ont pour vocation en quelque sorte de faire passer l’humanité de l’autre côté du miroir et de lui donner ainsi accès à un état de pleine conscience et de vérité accomplie ? De ces grands initiés la liste, sans être exhaustive, est longue : Rama, Krishna, Hermès, Moïse, Orphée, Pythagore, Platon. Et parmi eux Jésus. En même temps, je remarque que l’enseignement du prophète galiléen se caractérise par la simplicité de son contenu et par sa tonalité ouverte, accessible à tous. En témoigne par exemple cette courte parabole, trois quotes tout au plus, que j’emprunte au récit de Marc. Car quoi de plus simple, en effet, que cette historiette donnant à voir un homme qui jette de la semence en terre ? En quoi cette scène d’une banalité absolue, du blé qui pousse tout seul, serait-elle porteuse d’un message de sagesse et de connaissance ?
Alors bien sûr, il convient de ne pas oublier que nous avons affaire à une parabole du royaume. Si Jésus prend le soin de nous décrire les étapes de la croissance du blé, depuis l’ensemencement jusqu’à la moisson, ce n’est pas pour le plaisir de nous donner une leçon de choses, comme le maître d’école de mon enfance qui nous faisait pousser des graines de haricots dans du coton hydrophile sur un rebord de fenêtre. Avec la parabole du grain de sénevé qui suit immédiatement, ce passage est un des seuls de l’évangile de Marc où Jésus nous livre la conception de ce qu’il appelle le Royaume. Ce royaume, ce règne, il est au cœur de sa prédication : « le règne de Dieu est tout proche, changez de regard sur le monde et faites confiance à la bonne nouvelle ». De plus cette parabole s’inscrit dans le climat global de la réception de la prédication de Jésus. En effet, en lisant Marc, on s’aperçoit que les foules sont enthousiastes et séduites par le message : Jésus enseigne avec autorité ! Mais très vite ses prises de parole suscitent des oppositions. On voit alors s’ébaucher un complot des pharisiens et des hérodiens, qui veulent le faire périr. Sa famille veut se saisir de lui. Et les scribes l’accusent d’être un possédé. C’est donc dans ce contexte de conflit et de difficulté que Jésus est conduit à s’interroger sur l’efficacité réelle de sa parole, qui est loin de subjuguer la totalité de ses interlocuteurs.
C’est pourquoi il emploie cette image du grain. Elle est quasi évidente. Il y a trois temps, trois moments, trois époques : l’ensemencement, la germination, la moisson. Jésus évoque une croissance, un phénomène qui part de peu pour atteindre l’abondance. C’est un processus qui demande du temps. Il en est ainsi de la manifestation du Royaume : ses débuts sont modestes, mais un jour viendra où il se réalisera de manière éclatante. L’enseignement de Jésus est donc fort simple. Mais là où il faut de la sagesse, c’est lorsqu’il s’agit d’identifier la pointe, l’accent majeur de la parabole. Car enfin, il y a d’autres lieux où Jésus parle de patience et d’humilité. Et s’il décrit minutieusement les sept étapes du processus : mise en terre, germination, croissance, apparition de l’herbe, de l’épi, puis du blé, et enfin la moisson, en revanche il ne s’intéresse ni à la question du rendement, ni à celle de la qualité du sol. En fait la parabole nous pousse en deux directions. Nous sommes invités à fixer notre attention d’une part sur le semeur et d’autre part sur la semence. Suivons l’un et l’autre au fil des trois grands moments du récit.
Première étape : la mise en terre. Le grain est jeté. Il est passif. C’est l’homme qui agit « Il en est du royaume de Dieu comme d’un homme qui jette de la semence ». La parabole met en relief l’action du paysan, du semeur qui est sorti pour semer. La parabole ne vise pas seulement à évoquer la naissance et la croyance du royaume, mais ce qui, dans son avènement, dépend de l’homme. On peut identifier l’ensemencement à la proclamation de la parole. Le semeur, c’est celui qui prêche la venue du royaume. Cette étape est indispensable : si le semeur ne sème pas, rien ne se produira. Si l’Evangile n’est pas annoncé, la cause du royaume ne progressera pas. Deuxième étape : le temps de l’enfouissement. Maintenant l’agriculteur ne fait plus rien. Il est réduit à l’impuissance. Ce qui se passe le dépasse : « Qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et croît ». D’elle-même. Toute l’action est déportée du côté de la semence. Car c’est la terre qui se charge de tout. On ne sait comment d’ailleurs. Mais ça marche ! La parabole oppose la passivité du paysan au dynamisme de la croissance, que l’on saisit comme dans un film en accéléré. Le message est fort : Le royaume est porteur d’un dynamisme interne sur lequel le sujet humain n’a pas de prise et qui sans intervention extérieure parviendra à son accomplissement. Troisième étape : la moisson. La balle repasse dans le camp de l’agriculteur, qui entre dans son champ une faucille à la main. Certains commentateurs y voient une image du jugement final évoqué par le prophète Joël : « Lancez la faucille car la moisson est mûre ! »
La victoire finale de Dieu au terme de l’histoire se traduirait dans le jugement et l’établissement de son règne. Mais si c’est Dieu qui moissonne, c’est lui aussi qui aurait dû semer. Or ce n’est pas ce que suggère le début du récit qui fait de l’ensemencement une responsabilité humaine. Et comment admettre que pendant la période de croissance, Dieu reste dans l’inaction et dans l’ignorance de ce qui se passe ? Interpréter la parabole à partir de la fin et interpréter la moisson comme jugement de Dieu fausse les perspectives et la rend incohérente. En fait, il faut repartir du début. C’est une parabole de semence. Semer, c’est annoncer la parole. Et annoncer la parole, c’est la mission de Jésus. Tout laisse donc à penser que l’agriculteur de la parabole est Jésus lui-même accomplissant sa vocation d’évangéliste. Donc, en cet instant, en évoquant la moisson, Jésus exprime sa plus intime conviction : le règne qu’il annonce parviendra à maturité, quoi qu’il en soit.
De cette parabole, je me plais à tirer alors trois significations, trois horizons de sens. La première est fondamentale. Il faut regarder le grain. La semence germe et croît, on ne sait comment. Jésus souligne le dynamisme propre au royaume de Dieu. La vitalité et le développement du règne, ne relèvent pas de ceux qui l’annoncent, pas plus que de ceux qui l’accueillent. Cela relève de la grâce. C’est Dieu qui agit. Apollos a planté, Paul a arrosé, mais c’est Dieu qui donne la croissance. Quand on parle de l’Evangile, on n’est pas devant une entreprise dont le succès dépend des hommes. Quelque chose d’autre que nous ne savons d’ailleurs pas nommer, un je en sais quoi qui ne relève pas de nous, est à l’œuvre et nous conduit vers une plénitude de vie. Paul dit d’ailleurs aux corinthiens qu’ils sont le champ de Dieu. C’est bien, de temps en temps, de se dire et de se redire que le royaume n’est pas notre propriété. La deuxième signification concerne l’homme, le croyant. Il faut quand même travailler ! Il faut semer, même si les résultats sont mitigés, même si la moisson est modeste. Le royaume possède son dynamisme mais encore faut-il qu’il soit annoncé ! L’annonce conditionne radicalement l’avenir du royaume, tout comme l’ensemencement conditionne la croissance et la production, où par ailleurs, on n’est pour rien. Ce qui est demandé aux croyants c’est d’oser une parole. Sur le reste, ils n’ont aucune prise. Cette parabole souligne la responsabilité de l’homme dans l’avènement du règne de Dieu. La mission de l’Eglise, c’est de proclamer l’Evangile et c’est la finalité même de notre rassemblement. La troisième signification est relative à la moisson. Celle-ci a lieu. L’aboutissement est assuré. Jésus, en cet instant, nous ouvre l’horizon de la confiance. A quoi bon annoncer l’Evangile ? C’est la question même qui se pose à Jésus au moment où il se heurte aux toutes premières oppositions des religieux de son temps. Et Jésus répond : Oui, il vaut la peine de s’engager parce que l’issue finale ne fait pas de doute. Le temps de la moisson viendra. Parce qu’il y a une force de croissance inhérente au règne annoncé. Ce qui vaut pour le temps de Jésus vaut aussi pour le temps de l’Eglise. Ce temps, notre temps, est traversé de tensions, d’ambiguïtés et de conflits. Il y a souvent un décalage entre nos espoirs, nos attentes et la réalité. Notre foi est mise au défi. Mais nous croyons qu’une énergie, celle de l’amour de Dieu, traverse notre monde et le conduit vers un accomplissement final. L’évangile peut se heurter à l’indifférence ou à l’opposition. Il n’en reste pas moins que, portés par le dynamisme de Dieu, les croyants, dans leur responsabilité de témoins, vivent d’un souffle d’espoir qui les entraîne comme une force qui va.
En fin de compte ces trois significations nous renvoient à ce qui est constitutif de l’existence chrétienne. Nous sommes invités à reconnaître le dynamisme créateur de Dieu : c’est la foi. Avoir la foi, c’est comme voir ce qui est invisible, ce qui échappe à l’évidence. C’est dépouiller le monde de ses masques et reconnaître en toutes choses les marques du Dieu qui se cache. Croire, c’est parier sur Dieu alors que les autres nous demandent : « Où est-il ton Dieu ? » Être adulte dans la foi, c’est accepter l’absence de Dieu en ce monde comme une modalité de sa présence. La foi soutient la marche, et par le Christ, raconte ce qu’est une vie vraiment humaine. Elle offre un repos : auprès du bon Pasteur, du seul maître qui se fait serviteur. Là où tous nos masques peuvent tomber sans crainte. Mais nous sommes également sollicités de croire en la victoire finale de Dieu, c’est l’espérance. Cette petite espérance qui n'a l'air de rien du tout, comme l’écrivait notre cher Péguy. Mais à dire vrai, c’est elle qui entraîne tout le monde. L’espérance, c’est un risque. L’épitre aux Hébreux nous dit qu’elle est comme une ancre. Jeter l’ancre, ça permet d’accrocher le bateau soit au rivage, soit au fond. Cela l’empêche de dériver. Mais le mouillage reste une opération délicate. Si les chrétiens ont repris cette image, c’est qu’ils ont conscience que l’espérance les arrime aux rivages de Dieu, ces rivages qui peuvent nous paraître si lointains et tellement inaccessibles. Et puis enfin nous avons à mettre en œuvre notre responsabilité de chrétien, par nos paroles et pas nos actes. Et là il s’agit bien de cet amour dont Paul nous dit qu’il ne fanfaronne pas, qu’il retrousse ses manches et qu’il rend service. Bref, ce à quoi nous invite cette parabole, c’est à croire, à espérer et à aimer. La foi, l’espérance et l’amour nous font tendre vers autrui et vers Dieu, elles nous mettent aussi en relation avec nous-mêmes, de manière renouvelée. Elles constituent ce que Paul désigne comme un chemin infiniment supérieur à toute autre chose. Croire, espérer, aimer, c’est le plus beau et le plus fondamental des projets de vie. Croire, espérer, aimer, c’est vivre en Christ. En lui, il se pourrait bien que soient cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance.
AMEN
Lecture de la Bible
Marc 4:25-29
Car on donnera à celui qui a ; mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a.
26 Il dit encore : Il en est du royaume de Dieu comme d'un homme qui jette de la semence en terre ; 27 qu'il dorme ou qu'il veille, nuit et jour, la semence germe et croît sans qu'il sache comment. 28 La terre produit d'elle-même, premièrement l'herbe, puis l'épi, enfin le blé bien formé dans l'épi ; 29 et dès que le fruit est mûr, on y met la faucille, car la moisson est là.(Traduction Colombe)
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