Les œuvres d’une foi passionnée
Matthieu 5:13-16 , Jacques 2:14-26
Culte du 15 janvier 2012
Prédication de pasteur James Woody
( Matthieu 5:13-16 ; Jacques 2:14-26 )
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Culte du dimanche 15 janvier 2012 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody
Chers frères et sœurs, en période de crise, chacun ressent un fort besoin de sécurité. Chacun cherche à ne pas trop perdre dans l’histoire, à ne pas perdre un « A » de plus. Chacun cherche à préserver ses acquis, à se préserver, à ne pas disparaître corps et biens. Le religieux peut alors être un recours parce que le fait d’être croyant étant souvent assimilé au fait d’être préservé des difficultés, des affres de la vie quotidienne en offrant une grande stabilité. La foi devient alors une sorte de valeur refuge. Et cela se traduit par deux attitudes qui sont deux lignes de défense le protectionnisme et l’intégrisme, deux attitudes qui me semblent récusées par Jacques.
La première manière est de se protéger aux frontières, de faire preuve de protectionnisme, d’endosser une carapace qui nous préservera des risques externes. On arrête les échanges car l’extérieur est nécessairement le lieu de la menace. On déroule le fil barbelé, on se pare d’un cœur de pierre, on s’insensibilise vis-à-vis de l’extérieur. On crée un cocon au sein duquel il ne pourra rien nous arriver, une sorte d’abri dans lequel on se calfeutre. Ce repli sur soi est destiné à se défendre des agressions qui pourraient nous ôter nos richesses, notre identité ou, dans une moindre mesure, nous égratigner. On dresse des barrières douanières aussi infranchissables que possibles pour assurer une paix intérieure.
Les prophètes de la Bible Hébraïque, déjà, critiquaient cette attitude bien illusoire qui consiste à se mettre à l’abri de forteresses figées, statiques, mortes, qui s’écroulent déjà ou qui rompent devant la pression externe. Esaïe (25/12) raillait la confiance dans les murs bien avant que l’on découvre que se cacher derrière une ligne Maginot n’était qu’une mascarade. Et cela vaut pour la plupart des défenses que l’on met en place, qu’elles soient matérielles, juridiques, incantatoires, ou psychiques : se terrer derrière une ligne de défense c’est s’enterrer vivant. Rahab l’avait bien compris, elle qui ne fait pas de protectionnisme. Chez Rahab, la foi qui ne dit pas son nom lui suggère d’ouvrir sa porte aux deux explorateurs venus observer Jéricho avant l’installation en terre promise. Si elle n’avait ouvert sa porte et sa connaissance de la ville, si elle avait maintenant sa maison close, elle aurait mis un terme à son histoire.
Et Jacques nous rend attentif au fait que la foi en l’Eternel n’est certainement pas le fait d’être insensible au sort des autres ni d’adopter une éthique en forme de « allez vous faire voir », ce qui est une traduction possible de la formule liturgique de « Allez en paix ». Autrement dit, si nous pensons que la foi c’est ce qui permet d’être impassible, de ne pas se préoccuper du réchauffement climatique, de ne pas s’intéresser aux questions de société et au sort des autres, nous faisons fausse route : nous ne sommes pas croyants au sens biblique du terme.
Intégrisme
La deuxième manière de se défendre en cas de crise, est de se renforcer à l’intérieur, et non uniquement à la frontière. Le sociologue David Martin avait relevé à quel point les périodes d’incertitude conduisent des personnes à se plonger dans l’intégrisme pour défendre leur identité. Cela consiste à revenir aux fondamentaux et à renforcer les idéologies, à durcir la doctrine, à mettre en place une orthodoxie de pensée et de conviction qui nous rendra assez fort pour ne laisser aucune prise : détenir LA VERITE contre les incertitudes du lendemain, voilà l’espoir que nourrissent les intégristes.
Abraham, fort heureusement pour son fils Isaac, n’est pas devenu intégriste, sans quoi il n’aurait pas écouté le messager divin lui demandant d’épargner son fils qu’il aurait sacrifié comme un bon intégriste qui fait toujours la volonté de Dieu, que Dieu le veuille ou non.
L’intégriste considère que l’important est de conserver la pureté de l’idéologie, que la foi est d’avoir le bon discours sur Dieu. A l’intégriste, Jacques rétorque : « tu crois qu’il y a un seul Dieu (ce qui est la base de tout catéchisme), d’accord, mais les démons le croient aussi… et ils frissonnent ». Autrement dit, tu peux être un catéchumène qui sait tout de Calvin et de Martin Luther King, qui sait ce qu’est l’ascèse intra-mondaine développée par Max Weber, maîtriser les subtilités de l’eschatologie proleptique… si tu te contentes de cela, tu ne vaux pas mieux que les démons qui en savent un rayon en théologie.
La foi suscitée par l’Eternel
Pour nous résumer : on peut se penser croyant à l’image d’un verre qui établit une séparation et une protection avec l’extérieur. On se barricade dans une haute citadelle. On peut aussi se penser croyant en se remplissant d’un savoir pur jus, en se remplissant d’une idéologie qui nous donne une contenance. Mais pour ce verre, tout est terminé : fin de l’histoire. Plus rien ne bouge. Tout est mort. Dans quelques jours, cela commencera à moisir.
Si nous sommes appelés à être le sel de la terre, ce n’est pas en restant enfermé dans notre salière confortable que nous répondrons à notre divine vocation. La foi, c’est ce que Dieu suscite en nous. C’est ce supplément de vie qu’il injecte en nous pour que notre vie ne reste pas enfermée dans les limites auxquelles nous sommes habitués. La foi est ce qui fait déborder la vie du croyant. La foi, c’est ce que l’Eternel injecte en nous, pour que nous soyons plus grands que notre corps, plus grands que notre histoire personnelle, plus grands que nos rêves, plus grands que ce que nos parents projettent sur nous. La foi, c’est ce que Dieu injecte en nous pour nous donner le goût de l’au-delà !
Ce que Jacques essaie de nous faire comprendre, c’est que la foi est ce qui nous pousse à sortir de la vie ordinaire, ce qui nous pousse à fréquenter des chemins dont nous n’aurions pas eu idée tout seul. La foi, c’est ce qui nous pousse à l’action, c’est ce qui nous relève, ce qui nous met en marche et nous fait avancer : un pas de plus en direction des autres. La foi est un élan qui nous mène vers l’extérieur. La foi conduit à l’effervescence, pas à la platitude.
Voilà pourquoi Jacques dit que « le corps sans esprit est mort, de même que la foi sans les œuvres est morte ». Par conséquent, le christianisme ne pourra jamais être seulement une religion de salon. Le christianisme se vit aussi dans l’action, dans l’engagement pour les autres. Dans la perspective de Jacques, on ne peut pas être croyant et non pratiquant : ce serait contradictoire. Jacques écrit que la foi et les œuvres agissent ensemble. Il utilise le verbe sunergein qui a donné en français « synergie ». Les deux sont unis dans une même dynamique. Il n’y a pas d’un côté la foi, la vie spirituelle, les belles prières, les beaux discours et de l’autre les actes, le service du prochain, la charité. Les œuvres découlent naturellement de la foi, elles sont le fruit produit par cette sève qui lance nos branches un peu plus loin à chaque saison.
De même que le sel, s’il perd son goût, c’est-à-dire s’il n’est plus en mesure d’interagir avec ce qui est à son contact, est juste bon à être jeté, de même la foi qui ne produit plus d’œuvre, qui n’engage pas à agir autour de soi, devient un encombrant dont il vaut mieux se débarrasser. Du sel sans saveur n’est plus du sel, de même que la foi qui ne transformerait plus le monde, qui cesserait de le rendre plus vivable, plus agréable, ne serait plus la foi : la foi qui serait un dogme intégriste, sans être en interaction avec la vie quotidienne, ne serait plus la foi.
Une lumière qui serait cachée sous un seau ne serait plus une lumière, de même que la foi qui servirait à se tenir à distance du monde, à nous isoler pour nous protéger ne serait plus la foi. La foi qui serait une posture protectionniste ne serait plus la foi.
La foi nous expose au grand jour, à tous les sens du terme. La foi nous fait œuvrer, elle nous fait agir au cœur du monde, indiquant en cela la passion des croyants pour le monde, pour les affaires du monde, pour tout ce qui concerne le monde. La foi besogne, la foi nous fait retrousser les manches, la foi nous ouvre à notre environnement et les traces que nous laissons dans l’histoire signalent à quel point les croyants sont des êtres passionnés par leur entourage, s’impliquant personnellement dans les affaires de la cité pour se mettre au service de la communauté humaine dans son ensemble. C’est bien pour cela que des Henri Dunant, des Albert Schweitzer, des Mère Thérésa, des sœur Emmanuelle, des Desmond Tutu nous inspirent un si grand respect : c’est que nous sentons bien que leur altruisme est l’accomplissement naturel de l’élan divin qu’ils n’ont pas cherché à maîtriser ni à retenir pour eux-mêmes.
A notre mesure, dans notre contexte particulier, nous sommes invités à faire de même. Alors tous pourront admirer, au travers de ce que nous ferons et accomplirons au service de nos prochains, la foi dont nous sommes animés et, tous, selon le mot de Jésus, pourront glorifier notre Père qui est dans les cieux.
Amen
Prière d'intercession
issue du recueil d'Alain Houziaux "mon silence te parlera"
O notre Dieu, tu es le Dieu des choses impossibles, c’est pourquoi nous venons vers toi.
Dieu de Moïse, on nous a dit et nous avons cru que, dans les temps anciens, tu avais su ouvrir la mer infranchissable pour ton peuple en marche. C’est impossible. Mais puisqu’il en a été ainsi, viens aujourd’hui encore, rendre possible l’impossible. Devant nous aussi il y a la mer infranchissable, celle des peurs, des mauvaises volontés, des pessimismes, des ignorances de toutes sortes.
Nous t’en prions, Dieu des choses impossibles, viens ouvrir la lassitude où nous nous épuisons. Et conduis-nous vers une terre où coulent le lait et le miel pour tous et pour chacun. C’est impossible, Seigneur, c’est pourquoi nous venons vers toi.
O toi, le Dieu de la vie, on nous a dit et nous avons cru que dans les temps anciens, tu savais faire tomber le pain du ciel pour les affamés et jaillir l’eau du rocher pour les assoiffés. C’est impossible.
Ecoute-nous. Aujourd’hui, nous foulons un désert sans fin ; nous avons faim d’un pain qui rassasie vraiment ; nous avons soif d’une eau qui rafraîchisse nos lèvres des mots que nous n’aurions pas dû dire.
Nous t’en prions, Dieu des choses impossibles, donne-nous la paix du cœur. Donne-nous la réconciliation. C’est impossible. C’est pourquoi nous venons vers toi.
O toi, Dieu fécond, on nous a dit et nous avons cru que, dans les temps anciens, tu savais rendre fécondes les entrailles des femmes stériles et redonner aux vieillards la vie d’un sang rénové. C’est impossible Seigneur.
Ecoute-nous. Aujourd’hui, l’indifférence nous guette, nos cœurs deviennent de pierre et nous en venons à prendre plaisir dans notre solitude et dans nos certitudes.
Nous t’en prions, Dieu des choses impossibles, ouvre notre être à la souffrance que nous côtoyons, libère notre espérance pour que nous en fassions un phare dans la nuit de ceux que nous rencontrons, augmente notre confiance en toi afin qu’elle devienne savoureuse pour ceux dont nous nous approchons. C’est impossible Seigneur, c’est pourquoi nous venons vers toi et que nous nous faisons l’écho de ces paroles que Jésus-Christ a confiée à ses disciples pour qu’elles éclairent d’un jour nouveau le monde où nous vivons :
Notre Père qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ;
pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Ne nous soumets pas à la tentation mais délivre-nous du mal,
car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire,
aux siècles des siècles.
Amen
Lecture de la Bible
Matthieu 5:13-16
Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes.
14 Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée; 15 et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.
16 Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes oeuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.
Jacques 2:14-26
Mes frères, que sert-il à quelqu’un de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les oeuvres? Cette foi peut-elle le sauver? 15 Si un frère ou une soeur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour, 16 et que l’un d’entre vous leur dise: Allez en paix, chauffez-vous et rassasiez-vous! et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il? 17 Il en est ainsi de la foi: si elle n’a pas les oeuvres, elle est morte en elle-même. 18 Mais quelqu’un dira: Toi, tu as la foi; et moi, j’ai les oeuvres. Montre-moi ta foi sans les oeuvres, et moi, je te montrerai la foi par mes oeuvres.
19 Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien; les démons le croient aussi, et ils tremblent.
20 Veux-tu savoir, ô homme vain, que la foi sans les oeuvres est inutile?
21 Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié par les oeuvres, lorsqu’il offrit son fils Isaac sur l’autel? 22 Tu vois que la foi agissait avec ses oeuvres, et que par les oeuvres la foi fut rendue parfaite. 23 Ainsi s’accomplit ce que dit l’Ecriture: Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice; et il fut appelé ami de Dieu.
24 Vous voyez que l’homme est justifié par les oeuvres, et non par la foi seulement.
25 Rahab la prostituée ne fut-elle pas également justifiée par les oeuvres, lorsqu’elle reçut les messagers et qu’elle les fit partir par un autre chemin?
26 Comme le corps sans esprit est mort, de même la foi sans les oeuvres est morte.