Le miracle que Dieu espère, c’est nous

Marc 6:1-13

Culte du 24 février 2013
Prédication de pasteur Marc Pernot

( Marc 6 :1-13 )

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Culte du dimanche 24 février 2013 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Dans ce récit, ce que je trouve de plus curieux, c’est cette phrase :

Jésus ne pouvait faire là aucun miracle,
si ce n’est qu’il guérit quelques handicapés.

Le texte dit qu’à Nazareth, Jésus manquait d’efficacité (première chose étonnante) et qu’il ne fit là aucun miracle, ou presque, et qu’il était fortement déçu du peu d’effet de son action. Qu’est-ce que ce texte entend donc par miracle si guérir plusieurs handicapés est compté pour rien ?

Visiblement, ce texte de l’Évangile semble considérer que ce n’est pas vraiment un miracle remarquable que des malades soient guéris. C’est dans l’ordre des choses, finalement, Jésus les aide à revenir ou à atteindre ce qu’ils pensent être leur état normal, rien de plus. Alors qu’un miracle, c’est quelque chose qui sort de l’ordinaire, quelque chose de formidablement bien qui n’aurait pas dû être possible.

Quels « miracles » est-ce que Jésus espérait faire et qu’il n’arrive pas à faire ? Pour le savoir, regardons d’un peu plus près, à la loupe, la phrase qui en parle, en enlevant la parenthèse sur les petits coups de mains apparemment négligeables :

Jésus ne pouvait faire là aucun miracle…
 et il s’étonnait de leur manque de foi.

Le miracle attendu et que Jésus n’arrive pas à faire c’est donc d’amener les gens à une foi plus grande, plus complète. Et c’est intéressant car nous avons plus haut quelques éléments sur la foi de ces personnes. Le texte dit que la foule de Nazareth se demande en regardant Jésus :

D’où est-ce que ça lui vient ?
Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée ?
Et comment de tels miracles se font-ils par ses mains?

Ils observent, ils admirent la sagesse de Jésus, ils admirent la puissance de ses actes, ils se posent des questions, tout cela est déjà très bien. Mieux : ils traduisent cette foi en actes en demandant à Jésus de parler à la synagogue ce jour-là et ils lui ont présenté quelques handicapés pour qu’il leur redonne de la force. On ne peut donc pas dire que ces gens n’ont pas une certaine foi en Jésus. Mais pourtant, Jésus se dit stupéfait par leur manque de foi. Et cela le bloque pour leur offrir la chose extraordinaire, le miracle qu’il voulait leur offrir.

Le problème de ces gens, selon le texte, c’est que, selon eux, cette sagesse incroyable qu’il reconnaissent en Jésus, son intelligence de la Bible et sa puissance pour guérir des malades ne peuvent pas venir de lui, ça ne peut pas venir d’un simple homme normal, d’un simple artisan charpentier. Ils pensent que cette sagesse et cette force ne peuvent venir que de plus grand que l’homme, donc soit de Dieu, soit du Diable. En réalité, c’est ça leur problème.

Ce sont d’anciens copains d’école de Jésus, ou voisins, ils savent qu’il est plutôt serviable, ils ne l’accusent pas d’avoir ces qualités grâce au Diable. Donc ils de la foi en Dieu. Ils savent que Dieu pourrait se manifester à travers un homme, comme un prophète plein de sagesse, ou un prêtre dont la prière est puissante et belle, ou un roi capable de mettre la justice et la paix ici-bas. Ils savent même que Dieu pourrait envoyer son Messie, son Christ, apportant le salut de Dieu au monde. Ils se posent la question de savoir quel rapport entre Jésus et Dieu, c’est normal.

Leur manque de foi n’est donc pas un manque de foi en Dieu, ni une foi en Jésus, mais un manque de foi en l’homme. Ils n’imaginent pas, ils n’acceptent pas qu’un homme normal puisse être doué d’une sagesse et d’une puissance extraordinaire.

C’est cette foi-là qui leur manque. Et du coup Jésus ne peut faire le miracle qu’il veut faire : leur donner d’être plus que la personne ordinaire qu’ils pensent être. Ils acceptent de cultiver leur intelligence, ils acceptent volontiers le coup de main pour la santé. Mais pas plus. Le reste est inimaginable pour eux.

Or… c’est ce miracle-là que Jésus vient faire : que le fils d’artisan, le mendiant ou le théologien deviennent aussi prophètes, deviennes en plus grand prêtres, que la servante comme la femme noble devienne, chacune à sa façon, d’une sagesse et d’une puissance de transformation du monde extraordinaire.

En passant, Jésus impose les mains peut-être à un boulanger aveugle pour qu’il devienne un boulanger tout court, il peut aider un péager paralysé à devenir un péager en forme. Il n’appelle pas ça un miracle, il fait cela juste par compassion, parce que la santé vaut mieux que la maladie, et que notre corps fait partie de notre personne.

C’est bien, mais ce que Jésus espère, c’est bien autre chose que ces soins qui amènent l’homme blessé à un état ordinaire. Mais eux, comme bien des gens, ils ont peur de l’inconnu, peur de ce qui est inexploré pour eux. Tout ce qu’ils espèrent c’est que leur situation ne soit pas plus mauvaise qu’aujourd’hui, peut-être un peu mieux si possible mais pas autrement que ce qu’elle est aujourd’hui. Surtout pas.

L’espérance de Dieu est que nous soyons demain l’être génial qu’il voit déjà en nous.

Le miracle que veut faire Jésus c’est de nous faire prendre conscience que nous ne sommes pas seulement une personne avec un corps plus ou moins en bonne santé, un métier, une famille. Nous sommes cela mais aussi infiniment plus que cela, que nous pouvons être autour de nous quelqu’un qui fait des miracles pour ceux qui l’entourent.

La preuve, c’est que Jésus donne à ses 12 apôtres le pouvoir sur les esprits impurs. Ils ne sont pourtant pas différents des habitants de Nazareth, pas différents de nous. Ils auront une puissance extraordinaire pour libérer ceux qu’ils rencontreront.

Comment ça marche ? Jésus ne leur donne pas une sorte de télécommande qui leur donnerait accès à la puissance de Dieu. Là question n’est pas là car Dieu est déjà à fond pour faire tout ce qu’il peut pour embellir la vie. Mais ce que leur donne Jésus, et c’est le miracle qu’il espère faire pour nous aussi, c’est de libérer leurs propres pouvoirs à eux. Quand ils feront des miracles, quand ils parleront avec sagesse et puissance, ce ne sera pas une sagesse qui leur vient d’ailleurs ou des miracles que Dieu fera à travers eux, mais ce sera bien leurs paroles à eux, ce sera bien leurs actions, leurs projets, leur force qui transformera le monde autour d’eux.

Mais comment Jésus pourrait-il aider ces personnes qui n’imaginent pas une seconde qu’un fils de charpentier puisse être autre chose qu’une personne normale ? Jésus n’y arrive pas. Il faut avoir un peu plus de peu de foi en nous.

J’ai rencontré hier une jeune femme qui a été très haut dans le concours masterchef l’an dernier, alors que la cuisine n’était pas son métier. Si elle n’avait pas osé s’inscrire, si elle n’avait pas été encouragée par des gens qui l’aiment, bref si elle n’avait pas imaginé être capable de quelque chose d’extraordinaire, elle n’aurait pas aujourd’hui la chance de vivre sa passion. Je ne dis pas que tous nos rêves les plus fous se réalisent certainement si l’on y croit assez fort, car ce n’est pas vrai. Mais c’est comme pour un examen, si l’on vise la note de 10 sur 20, on aura peut-être entre 8 et 11, mais jamais 18. Pour avoir une bonne note, il faut viser haut, 18 ou 20.

Dieu, lui, vise pour nous le miracle. Il nous espère avec une note de 1000 sur 20. Il sait qu’on en est capable, il peut nous en rendre capable. Son ambition est de nous donner la sagesse et la puissance de création du Christ lui-même.

Mais ce qu’il y a de certain c’est qu’avec la philosophie des voisins de Jésus à Nazareth, un fils de charpentier restera au mieux un charpentier, juste bon à raboter des planches. Alors que Dieu a besoin de son point de vue personnel pour éclairer le monde ! Alors que Dieu espère en lui pour libérer d’autres personnes d’esprits impurs qui transforment leur vie en souffrance.

Si comme les habitants de Nazareth, le seul miracle que nous attendons de Dieu c’est un petit coup de main pour la santé, d’abord ça ne marche pas toujours, mais en plus nous n’avons rien compris. Allons voir un médecin pour soigner notre genou ou notre estomac si ça ne va pas, mais ayons pour nous-mêmes et pour nos proches cette foi que nous propose Jésus ici, ayons l’ambition que Dieu a pour nous : que chacun de nous soit génial, plein d’une sagesse et d’une puissance extraordinaire malgré toutes les négativités.

Et le but du catéchisme des jeunes, le but du culte et des études bibliques n’est pas de vous apprendre quelque chose, ce n’est qu’un des éléments parfois utiles. Mais le but, c’est d’avoir ensemble et les uns pour les autres cette ambition que Dieu a pour chacun de nous : d’être quelqu’un de génial. Que vous ayez cette audace qui consiste à avoir une sagesse plus grande que tout ce que vous avez reçu, d’avoir une foi plus grande que celle dans laquelle vous sommes nés, et d’avoir l’espérance, comme Jésus, de transmettre à d’autres cette ouverture à l’extraordinaire.

Les disciples reçoivent cette puissance de chasser les esprits impurs. Ils partent deux par deux et ce nombre indique que leur force sera avant tout la parole. Ils sont juste équipés comme pour une petite balade de l’après-midi, pour que les personnes qu’ils rencontreront voient bien qu’ils sont des gens tout ce qu’il y a de plus normaux, faits de la poussière du sol comme tout en ce monde.

Ils partent, deux à deux, et ils parlent. On ne sait pas ce qu’ils disent, et Jésus ne leur a pas donné un discours à répéter car la foi n’est pas une connaissance. Mais on connaît le but de leurs paroles et de leurs gestes : certaines traductions disent qu’ils « prêchent la repentance ». Cette traduction est trompeuse, comme s’il fallait culpabiliser les gens, les menacer peut-être de la colère de Dieu s’ils ne changent pas. C’est tout le contraire, le texte nous dit que les apôtres parlent aux gens « afin de les aider à avoir un point de vue neuf ». Et le geste que font les apôtres montrent quel est ce point de vue neuf. Ils oignent d’huile la tête des personnes qui manquent de force. Ce signe est tout ce qu’il y a de plus clair dans la Bible.

Il porte un regard neuf sur Dieu : si ces gens craignaient le jugement de Dieu, ils reçoivent d’emblée ce signe qui dit l’infinie bénédiction de Dieu, que Dieu les aime comme il aime le Christ, rien de moins,car ce geste fait d’eux un christ, littéralement (même si ce n’est pas LE Christ, qui a une vocation unique).

Enduite, cette onction d’huile n’a rien d’une pommade magique pour guérir une maladie physique, ce n’est pas non plus la potion magique d’Astérix qui donne de la force pour taper sur les Romains. La force que donne cette onction est tout autre. Elle est signe de la force extraordinaire que nous avons, selon Dieu.

Ce geste apporte un nouveau regard sur nous-mêmes et sur notre rôle en ce monde : il dit de la part de Dieu que nous avons un rôle à jouer, comme un grand champion de la foi : parce que nous sommes un grand prophète comme Moïse, un grand prêtre comme Aaron, ou un roi David, rien de moins.

Les apôtres sont prêts.

Si vous êtes bien reçus, leur dit Jésus, soyez fidèles et ne zappez pas la personne dès qu’elle a compris le truc. Ce n’est pas juste un déclic, c’est un cheminement, une croissance. Et eux aussi connaîtront des hauts et des bas. Comme moi, comme vous.

Jésus sait ce que c’est que l’échec, il sait que ce n’est pas facile pour les gens d’imaginer que Dieu peut faire ce miracle que la personne ordinaire que nous sommes puisse être source d’un bien extraordinaire, et même divin.

Et, s’il y a quelque part des gens
qui ne vous reçoivent ni ne vous écoutent,
retirez-vous de là, et secouez la poussière qui est sous vos pieds, dans un geste de témoignage pour eux.

L’attitude que propose Jésus et qu’il a d’ailleurs adopté lui-même vis à vis de Nazareth, c’est d’abord de laisser l’autre libre, sans colère ni menaces, ni d’un coup de bâton, ni de la foudre de Dieu, ni d’un enfer éternel… Bien sûr. Mais Jésus leur propose de changer de mode de communication. Si leurs oreilles ne marchent pas, utilisez le langage des signes, parfois un geste est plus parlant qu’une sermon interminable.

Le but est de leur montrer que oui, nous sommes tous faits d’atomes tout bêtes, nous sommes faits de poussière du sol, des enfants d’Adam « fils et filles de la terre », et que pourtant ils sont aussi enfant de Dieu, à son image. Rien de moins. Prince et princesse du Royaume de Dieu, et déjà dans de royaume par une certaine sagesse et un certaine puissance contre ce qui est négatif et désespéré en ce monde.

Pour dire ce long sermon en un geste, Jésus leur propose de lever un pied et de le secouer un peu pour que de la poussière s’en détache, un geste pour montrer que par les forces que nous avons déjà reçues, nous ne sommes pas seulement un enfant de la terre que Dieu nous a déjà rendu capable de nous en détacher un peu, de nous élever un peu au dessus de cela, par exemple de lever un pied, puis l’autre, au moins un peu, pour commencer.

Et saisir que Dieu veut faire de nous un miracle.

Amen

 

Lecture de la Bible

Marc 6:1-13

1 Jésus partit de là, et se rendit dans son pays. Ses disciples le suivirent.

2 Quand le sabbat fut venu, il se mit à enseigner dans la synagogue. La multitude de personnes qui l’entendirent étaient étonnées et disaient:
D’où est-ce que ça lui vient ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée ? Et comment de tels miracles se font-ils par ses mains? 3 N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joses, de Jude et de Simon? et ses soeurs ne sont-elles pas ici parmi nous? Et il était pour eux une occasion de chute.

4 Mais Jésus leur dit: Un prophète n’est méprisé que dans son pays, parmi ses parents, et dans sa maison.

5 Il n’a pas pu faire là aucun miracle, si ce n’est qu’il imposa les mains à quelques malades et les guérit. 6 Et il s’étonnait de leur manque de foi.

Jésus parcourait les villages d’alentour, en enseignant.

7 Alors il appela les douze, et il commença à les envoyer deux à deux, en leur donnant pouvoir sur les esprits impurs. 8 Il leur prescrivit de ne rien prendre pour le voyage, si ce n’est un bâton; de n’avoir ni pain, ni sac, ni monnaie dans la ceinture; 9 de chausser des sandales, et de ne pas revêtir deux tuniques.

10 Puis il leur dit: Dans quelque maison que vous entriez, restez-y jusqu’à ce que vous partiez de ce lieu.

11 Et, s’il y a quelque part des gens qui ne vous reçoivent ni ne vous écoutent, retirez-vous de là, et secouez la poussière qui est sous vos pieds, dans un geste de témoignage pour eux.

12 En partant, ils prêchèrent afin que les gens changent de mentalité. 13 Ils chassaient beaucoup de démons, et ils oignaient d’huile de nombreuses personnes qui manquaient de force et les guérissaient.

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