Le Christ désire une vie surabondante en toutes saisons

Marc 11:12-22

Culte du 23 novembre 2014
Prédication de pasteur James Woody

(Marc 11:12-22)

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Culte du dimanche 23 novembre 2014 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, elle semble encore bien répandue l’idée selon laquelle Dieu récompenserait ceux qui agissent bien et punirait ceux qui agissent mal. Cet épisode biblique semble soutenir cette conviction que Dieu rétribuerait en fonction de nos actions. Ici, le figuier serait puni. Mais peut-on en vouloir à un figuier de ne pas donner de figue au printemps ? Comme le dit le narrateur : ce n’état pas la saison des figues… alors, quelle faute ce figuier a-t-il commise qui mérite une malédiction de la part de Jésus ?

D’abord, il aurait fallu que Jésus maudisse le figuier pour pouvoir parler de malédiction… or ce n’est pas à proprement parler le cas : quand Jésus s’adresse au figuier après qu’il a cherché des figues, le texte grec dit : Jésus répondit et lui dit « plus jamais personne ne mangera du fruit de toi ». Alors bien sûr, on peut considérer cela comme une malédiction, mais ce serait bien abusif. Quand vous dites « oh ! Il ne va pas faire beau aujourd’hui »… ce n’est pas à proprement parler une malédiction que vous lancez contre le ciel. Il s’agit plutôt d’observations, de constats, de déductions… Dans notre épisode biblique, Jésus manifeste une sensibilité au réel supérieure à ses disciples, une capacité d’analyse qui les dépasse, puisque c’est seulement le lendemain que Pierre fera un constat analogue : « Rabbi, regarde le figuier que tu as maudit, a séché ». Notez que c’est Pierre qui parle de malédiction, et, dans notre esprit, cela signifie qu’en parlant, Jésus aurait changé le destin du figuier et l’aurait asséché de manière surnaturelle.

Si nous nous en tenons au texte, Jésus n’est pas celui qui fait mourir le figuier, mais celui qui dit ses quatre vérités à cet arbre, vérités qui seront vérifiées dès le lendemain, selon le récit. Jésus s’est approché du figuier, désirant manger de son fruit. Mais le figuier n’a rien fait du désir de Jésus : il a laissé tomber son désir. Si je me permets de donner une sorte de conscience à l’arbre, c’est que Jésus va répondre à l’arbre, selon le texte grec. Cela signifie qu’une sorte de dialogue est engagé entre le figuier et Jésus. Et le résultat de ce dialogue montre clairement que le figuier n’a rien fait du désir de Jésus qui lui répond que, dans ces conditions, il ne donnera plus de fruit. Cela ne signifie pas que Jésus l’empêche de produire désormais du fruit, cela signifie que le figuier, en refusant de répondre favorablement au désir de Jésus, a décidé de ne pas relever le défi qui lui était offert. Il s’est laissé aller à sa propre nature, qui est de produire du fruit seulement au plus fort de l’été, sans plus. C’est donc le figuier qui s’inflige une existence en sous-régime par rapport à l’espérance portée par Jésus. Pour le dire avec la théologie du Process, en ne faisant rien des nouvelles possibilités suggérées par le Christ, ce figuier s’en est tenu à une existence sans relief, sans histoire, sans avenir. C’est le figuier lui-même qui a prononcé son propre jugement. Jésus s’est contenté d’en être le témoin. C’est une manière de dire que nous sommes responsables de la tournure que nous donnons à notre histoire.

Le figuier est le Temple

Evidemment, cette histoire n’est pas une petite leçon de botanique que Jésus donne à ses disciples. Le figuier est bien plus qu’un figuier et le figuier qui s’assèche bien plus qu’un arbre de moins dans le jardin de la création !

Dans la Bible, le figuier représente le lieu de la méditation de la parole de Dieu, le lieu de l’instruction. C’est sous le figuier que l’homme médite la parole de Dieu. Ainsi, dans l’Evangile selon Jean, Jésus reconnaît en Nathanaël un grand Israélite car il l’a vu un peu plus tôt sous le figuier (Jn 1/48), il parlait avec Philippe de la loi de Moïse et des prophètes, autrement dit de ce qui allait devenir la Bible hébraïque. Et, à l’époque de Jésus, quel est le lieu privilégié pour être au plus près de la parole de Dieu ? Le temple de Jérusalem. Et, comme par hasard, entre le moment où Jésus cherche des figues sur le figuier qui représente le lieu où l’on médite la parole divine, et le moment où le figuier est sec, que se passe-t-il ? Jésus va faire le ménage au temple…

Pour ceux qui auraient perdu de vue que le figuier est l’image du lieu où l’on se met à l’écoute de la parole de Dieu, le rédacteur de cet évangile se charge de mettre les points sur les i en insérant ce passage où Jésus fait le constat que la maison de son père n’est plus la maison de prière qu’elle devrait être. Ce texte est donc, du début jusqu’à la fin, une véritable polémique contre le temple de Jérusalem tel qu’il fonctionnait à l’époque. C’est un lieu de culte qui a été perverti, qui n’est plus utilisé pour sa fonction initiale de permettre la relation entre Dieu et les hommes. On y fait du commerce, on y achète une bonne conscience en payant des animaux et des prêtres qui sacrifieront ces animaux de telle sorte que nous soyons quittes de nos obligations religieuses. C’est le supermarché du religieux où l’on obtient les faveurs de Dieu contre quelques pièces. Vous avez besoin de vous faire pardonner ? Achetez-ça… c’est du premier choix. Vous voulez guérir… nous vous conseillons ceci : produit haute gamme… vous m’en direz des nouvelles… Nous pouvons lire ici la critique de toute religion qui oublie qu’elle est là pour mettre l’homme directement en relation avec le Dieu vivant dont Jésus témoigne, sans en passer par le moindre intermédiaire, ni quelque commerce que ce soit. Il n’est pas impossible qu’une religion qui oublie de se reformer de temps en temps finisse par perdre de vue qu’elle n’est qu’un moyen que Dieu et les hommes se donnent pour faire route ensemble.

Jésus, en observant le fonctionnement du Temple, en constatant la distance qui s’est installée entre ce qu’un temple devrait être et ce qu’il est devenu, ne peut que dire que ce n’est pas ici que les Hommes trouveront leur nourriture spirituelle… oui, cela a l’allure d’un figuier, mais pas de fruit à espérer d’un tel repaire d’escrocs. Autant aller acheter un électromètre à l’Eglise de scientologie ou faire un test de personnalité avec cure de purification à la clef…

La « foi de Dieu »

Dans cet épisode biblique, Jésus disqualifie le temple et son commerce. Il disqualifie cette religiosité qui empêche d’être vraiment en contact avec Dieu. Jésus entreprend une profonde réforme religieuse qui, bien entendu, lui vaudra les foudres des responsables religieux de l’époque. Que fait-il ? Il conseille à ses disciples de prendre leurs distances avec ce lieu terrible et de se recentrer sur l’essentiel : la foi de Dieu. Je dis bien la « foi de Dieu » (et non la foi en Dieu comme nos Bibles françaises traduisent abusivement). « Ayez une foi de Dieu », dit Jésus à ses disciples. Autrement dit… arrêtez de vous bricoler une foi à votre mesure ; mettez fin à tous les intermédiaires, mettez-vous en lien direct avec l’Eternel, mettez-vous vraiment à son écoute au lieu de n’écouter que ceux qui parle à sa place, et laissez-vous inspirer par l’Eternel lui-même.

« Ayez une foi de Dieu », plutôt que d’avoir la foi des hommes. Soyez remplis de cette confiance que Dieu fait grandir en chaque être humain plutôt que d’être remplis des systèmes de croyance que les hommes construisent pour se rassurer, pour se donner du cœur à l’ouvrage ou pour rendre la vie moins dure, et qui ne sont que des rustines au regard de la vie que Dieu révèle. Soyez remplis de cette présence de Dieu lui-même, dit Jésus à ses disciples, plutôt que remplis de ce qui a l’allure de la foi, de ce qui a la couleur de la foi, de ce qui a le son de la foi, mais qui n’est qu’un produit de contrebande qui vous laissera bien plus qu’un terrible mal de crâne au final. De même qu’un arbre peut se contenter d’avoir l’allure d’un figuier, une religion peut se contenter d’en avoir les apparences.

Le Temple est l’Eglise

A l’époque de Jésus, le Temple est bien plus qu’un bâtiment. C’est l’institution mise en place pour organiser le culte israélite. Aujourd’hui, en christianisme, ce serait l’Eglise. La prédication de Jésus nous fait entendre que l’Eglise n’a pas à se contenter d’avoir la forme d’une Eglise. L’Eglise qui transpire de la prédication de Jésus est un lieu pour expérimenter l’infini et l’insondable et non un lieu figé à jamais dans la superbe d’un temps déterminé. Pour reprendre l’expression du théologien Nicolas Berdiaev, « l’Eglise est dynamique, elle est un processus créateur », et « l’arrêt de ce processus est un péché humain » (Esprit et liberté, p. 286).

Ce n’est pas l’enveloppe qui compte, car l’Eglise n’est pas une coquille. Ce n’est pas le feuillage extérieur, ce n’est pas la forme, qui compte, mais la matière, ce qui la compose à l’intérieur. L’Eglise est un alliage de ce que nous sommes ; l’Eglise est un alliage de nos matières propres. L’un de nous venant à manquer, l’alliage change de propriétés. C’est pour cela qu’il est important de tenir sa place dans un temple… c’est que nous avons tous besoin les uns des autres pour éviter que notre figuier se dessèche et vienne à dépérir jusqu’aux racines. Etre présent, tenir sa place au sein de la communauté, c’est participer à cette réforme permanente dont l’Eglise a besoin pour rester aussi vivante que le Dieu du rabbi Jésus auquel nous entendons nous référer.

S’il est important, aussi, de tenir sa place dans la communauté, c’est qu’il est encore plus risqué de vivre sa spiritualité tout seul dans son coin, sans jamais en parler à personne, sans jamais se confronter à d’autres croyants, sans jamais s’interroger à plusieurs sur les grands défis à relever dans la vie et sur les moyens que Dieu met à notre disposition pour y parvenir, sans jamais nous confronter à ce prochain qui pourrait être porteur du désir du Christ, porteur de l’amour du Christ, porteur de l’intelligence du Christ, porteur de ce qui pourrait renouveler notre vie, la faire changer de régime. Je dis cela parce que la « foi de Dieu » a besoin d’altérité pour ne pas étouffer de n’avoir que soi comme horizon. La « foi de Dieu » a besoin des autres pour ne pas être seulement une foi à notre mesure, une foi qui ne serait que la projection de ce dont nous sommes capables, alors que la « foi de Dieu » est l’ouverture de notre vie à la démesure dont une communauté d’individus est capable.

La foi chrétienne, avant d’être ce que nous croyons, est bien plutôt « la foi de Dieu », c’est-à-dire la foi que Dieu suscite en nous et qu’il fait s’épanouir au fil des rencontres que nous faisons. La foi, c’est communiquer avec une multitude de personnes avec lesquelles nous pouvons enrichir notre connaissance du Dieu-humanité, des personnes avec lesquelles nous pouvons célébrer la vie de toute notre âme, une âme renouvelée par d’autres manières d’être incarnées par celles et ceux qui se tiennent à nos côtés, face à nous, une âme renouvelée par de nouveaux sens révélés dans la confrontation avec celles et ceux qui se tiennent à nos côtés, face à nous, et qui expriment un aspect du désir du Christ que la vie soit surabondante, quelle que soit la saison !

Amen

Lecture de la Bible

Marc 11:12-22

Le lendemain, après qu’ils furent sortis de Béthanie, Jésus eut faim. 13 Apercevant de loin un figuier qui avait des feuilles, il alla voir s’il y trouverait quelque chose; et, s’en étant approché, il ne trouva que des feuilles, car ce n’était pas la saison des figues.

14 Prenant alors la parole, il lui dit: Que jamais personne ne mange de ton fruit! Et ses disciples l’entendirent.

15 Ils arrivèrent à Jérusalem, et Jésus entra dans le temple. Il se mit à chasser ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons; 16 et il ne laissait personne transporter aucun objet à travers le temple.

17 Et il enseignait et disait: N’est-il pas écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs.

18 Les principaux sacrificateurs et les scribes, l’ayant entendu, cherchèrent les moyens de le faire périr; car ils le craignaient, parce que toute la foule était frappée de sa doctrine.

19 Quand le soir fut venu, Jésus sortit de la ville.

20 Le matin, en passant, les disciples virent le figuier séché jusqu’aux racines.

21 Pierre, se rappelant ce qui s’était passé, dit à Jésus: Rabbi, regarde, le figuier que tu as maudit a séché.

22 Jésus prit la parole, et leur dit: Ayez foi en Dieu.

Traduction NEG

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