La Réforme, comment ça marche ?
Ésaïe 1:10-18
Culte du 28 octobre 2012
Prédication de pasteur James Woody
(Ésaïe 1:10-18)
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Culte du dimanche 28 octobre 2012 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody
Chers frères et sœurs, les protestants se considèrent comme des enfants de la Réforme. Soit ! Mais la Réforme, qu’est-ce, au juste ? Comment cela fonctionne-t-il ?
La première étape consiste à observer la situation dans laquelle on se trouve, en prenant de la distance, en se considérant comme étranger à son environnement. C’est ainsi que commence ce passage biblique qui exhorte à l’écoute de la parole de l’Eternel, de la loi de notre Dieu. C’est une manière de dire qu’il faut se frotter à l’altérité, désignée par la parole de l’Eternel qui n’est pas notre parole, qui n’est pas notre loi, qui n’est pas notre point de vue, mais un point de vue décentré, extérieur, étranger. Là où certains voudraient se conforter dans leurs convictions, dans leurs choix, dans leur mode de vie, le réformateur va, non pas se conforter, mais se confronter à l’altérité, que la Bible nomme Dieu lorsqu’elle est portée à son comble.
C’est ce que fait Martin Luther en scrutant l’épître aux Romains et en s’exclamant « quoi ? on m’aurait menti ? » Luther prend conscience que l’identité humaine ne se construit pas en fonction de ses réalisations, mais en vertu d’une grâce première accueillie par la confiance. On est quelqu’un parce qu’un autre me le dit et qu’on lui fait confiance, qu’on a foi en sa parole. Cela remet en cause l’imaginaire dans lequel Luther vivait en compagnie de ses contemporains et cela va être à l’origine de son mouvement de Réforme.
Si Luther s’était de contenté de répéter ce qu’il avait reçu de ses maîtres, s’il s’était contenté de la tradition et de la religiosité ambiante, il n’aurait pas valu mieux que les perroquets de la religion qui ne valent pas mieux que n’importe quel perroquet qui se contente de répéter ce qu’il a entendu, parfois avec des fautes. C’est là la logique du même de Sodome et Gomorrhe. En scrutant les Ecritures et en essayant d’y découvrir une parole divine, une parole autre, Luther s’est décentré, il a fait quelques pas à l’extérieur, ce qui lui a permis d’entendre une autre musique que le petit refrain qu’on lui avait mis dans la tête. En faisant un détour par les Ecritures, il a pris un peu de distance pour observer son époque et entreprendre la réforme de ce qui devait être réformé.
Purifier
Après l’analyse effectuée selon un point de vue externe, la deuxième étape de la réforme est la purification. Il s’agit de se débarrasser de tout ce qui nous encombre, de faire le ménage dans nos idées, dans nos convictions, dans nos outils. Pour le dire avec ma formule habituelle, il s’agit de gratter le verni religieux qui étouffe l’élan de la foi, qui nous fige dans des images mortes d’un Dieu qui ne peut plus rien nous dire sur la vie. Pour le dire autrement, il s’agit de se débarrasser de ce qui nous entrave, de ce qui réduit notre capacité d’être, de ce qui nous empêche de donner le meilleur de nous-mêmes.
Calvin le fait très bien au sujet de la spéculation insensée sur l’au-delà. A passer son temps à s’inquiéter de ce qui arrive après la mort, de savoir si on irait en enfer ou au paradis, de savoir combien de temps on passerait au purgatoire, on n’avait plus beaucoup de temps pour se consacrer au présent. Calvin va neutraliser ces spéculations qui relevaient plus de la superstition que de la théologie en mettant en place la double prédestination, doctrine affreuse de nos jours, magnifique machine de guerre au XVI pour couper court à la fuite en avant. Avec pédagogie, il part de la conviction de ses contemporains qui pensent qu’il y a des élus et des réprouvés. Il leur dit : soit ! Seulement, c’est Dieu qui choisit au départ. Donc ce n’est plus votre affaire : vous pouvez retourner au travail.
En son temps, l’apôtre Paul avait fait pareil au sujet du péché originel. Comme Calvin, il rejoint ses contemporains dans leur délire religieux. Le péché se transmet de génération en génération par la faute du premier homme, Adam ? Soit ! Seulement, notez bien que, si le péché est entré dans l’humanité par un homme, alors il en a été arraché par le Christ Jésus. Donc il n’y a plus rien à voir, vous pouvez circuler.
Jésus n’avait pas été en reste, en purifiant le sacrifice de tout ce que des générations de croyants lui avaient collé sur le dos, mais en étant peut-être un peu moins pédagogue que ses successeurs. Il dit clairement que les sacrifices ne sont pas une manière d’être quitte de ses obligations religieuses ou de s’attirer les bonnes grâces de l’Eternel : le sacrifice est une action de grâces, comme l’expose le livre du lévitique ; c’est une façon d’être reconnaissant du soin que l’Eternel prend à nous rendre plus humains. Le pardon des péchés se fait donc en vertu d’un pardon originel affirmé par Dieu, et non d’un rituel accompli selon la règle. C’est ce que fait également Esaïe. Dans une certaine mesure il chasse les marchands du temple, il envoie en l’air les comptabilités religieuses qui marchandent l’amour divin, et il rappelle aussi que le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat.
Cette deuxième étape de purification consiste à retrouver l’esprit des lois, l’esprit de ce qui nous structure ou, pour le dire avec Bultmann, il s’agit de démythologiser la religion : la nettoyer de toutes les fausses interprétations qui font écran au sens profond des symboles qu’elle contient.
Convertir
Mais il ne suffit pas d’effectuer un simple ravalement de façade pour aller au bout de la Réforme. La Réforme, ce n’est pas simplement retirer la crasse pour retrouver l’éclat d’autrefois. Il faut aussi s’attaquer à la structure. Ce n’est pas parce qu’on met « boulangerie » au dessus de son pas de porte qu’on est en mesure de faire du pain et, tant qu’à faire, du bon pain.
Prenons le cas de l’institution Eglise puisque c’est l’objet que nous avons sous la main. Ici ou là on constate que des paroissiens quittent l’Eglise. Certains mettent cela sur le compte d’un vocabulaire qui ne serait plus adapté, des formes qui ne seraient plus de notre temps. Bref, on accuse le côté vieillot ou inapproprié de certaines formes ecclésiales. Cela se peut. Dans ce cas, il faut procéder à la deuxième étape : le grand nettoyage de printemps qui précède la Pâque juive.
Je formule une autre hypothèse. Quand l’institution Eglise connait une réelle désaffection de ses membres, ce n’est pas parce que les paroissiens quittent l’Eglise, mais parce que l’Eglise quitte les paroissiens en les abandonnant en rase campagne, avec leurs questions, avec leurs projets, avec leurs incompréhensions, avec leurs angoisses ou leurs joies démesurées. Je formule l’hypothèse qu’il y a divorce non pas pour des questions de formes, mais pour des questions de fond : l’Eglise s’occupe de ses affaires, mais ne se préoccupe pas de ce que vivent ou n’arrivent pas à vivre les personnes.
Pour illustrer cela, nous pourrions imaginer Moïse qui doit organiser la sortie d’Egypte, le pays de servitude. Il a pris les consignes auprès de l’Eternel et, la nuit venue, il part dans le désert. Seul problème, il n’a pas emmené les Hébreux mais les dix plaies d’Egypte. Et les Hébreux, eux, restent sous les fouets des Egyptiens.
C’est pour éviter cela que le prophète Esaïe alerte le peuple : assez de religieux ! Faites de la théologie. Intéressez-vous à l’être humain à l’aune du divin, au lieu de faire briller vos outils religieux. « Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la veuve, convertissez vos péchés en puissance de service, de diaconie ! »
La troisième étape de la réforme, c’est orienter notre vie, nos actions, de telle manière que nous traitions les vrais sujets. La troisième étape, c’est la conversion. Qu’il s’agisse de la techouvah hébraïque qui consiste à retourner à l’essentiel ou qu’il s’agisse de la metanioa grecque qui consiste à pousser notre intelligence pour qu’elle aille au-delà de la surface des choses.
L’étape précédente libère notre présent pour qu’à cette troisième étape nous puissions réinvestir ce présent avec les vraies questions. Encore faut-il ne pas se tromper en remettant illico presto des questions secondaires au centre de nos préoccupations. La théologie qui nous replace face à l’absolu nous aide à y voir plus clair. La fréquentation des textes bibliques aiguise notre conscience quant ce qui est fondamental. Genèse 1 nous dit qu’il faut aider l’homme à prendre sa place sur terre et qu’il convient de prendre soin de la création. Genèse 4 nous exhorte à être le gardien de notre prochain. L’Exode nous appelle à nous affranchir de toutes les servitudes. Esaïe 1 nous met sur la voie d’une diaconie sans laquelle notre foi n’est que bon sentiment stérile. Concrètement, nous sommes des entrepreneurs et des cadres affrontés à une situation économique et politique extraordinairement complexe. Nous sommes des professions libérales et des responsables politiques affrontés à des revendications individualistes exacerbées. Nous sommes des agents techniques pris entre l’enclume et plusieurs marteaux. Nous sommes des parents qui mettons au monde des petits d’hommes qui sont nus et qu’il faut équiper. Nous sommes des étudiants ou des jeunes adultes auxquels le monde du travail ne fait pas la charité. Nous sommes des personnes étrangères qui ne possédons pas tous les codes culturels d’une société dont l’aspect administratif a pris le pas sur toute autre considération. Nous sommes des citoyens qui avons du mal à repérer le contrat social qui fait consensus. Nous sommes des croyants qui constatons que le particulier veut prendre la place de l’universel. Nous avons notre superbe, mais nous avons aussi nos fragilités, nos difficultés et nos fêlures.
Alors allons, et plaidons ! dit l’Eternel. En avant ! et plaidons pour une Réforme véritable qui ne s’arrête ni à une analyse pertinente, ni à un gentil ravalement de façade. En avant ! et plaidons pour l’honneur de l’Eternel qui fait primer la foi sur la loi, qui relativise les institutions pour valoriser une active fraternité entre les hommes qui sont tous, sans distinctions, enfants de Dieu. Plaidons pour l’Eternel qui appelle l’homme à la liberté… l’Eternel qui nous rend un peu plus humain.
Amen
Lecture de la Bible
Ésaïe 1:10-18
Écoutez la parole de l’Eternel, chefs de Sodome!
Prête l’oreille à la loi de notre Dieu, peuple de Gomorrhe!
11 Que m’importe la multitude de vos sacrifices? dit l’Eternel.
Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux;
Je ne prends point plaisir au sang des taureaux, des brebis et des boucs.
12 Quand vous venez vous présenter devant moi,
Qui vous demande de souiller mes parvis?
13 Cessez d’apporter de vaines offrandes:
J’ai en horreur l’encens,
Les nouvelles lunes, les sabbats et les assemblées;
Je ne puis voir le crime s’associer aux solennités.
14 Mon âme hait vos nouvelles lunes et vos fêtes;
Elles me sont à charge; Je suis las de les supporter.
15 Quand vous étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux;
Quand vous multipliez les prières, je n’écoute pas:
Vos mains sont pleines de sang.
16 Lavez-vous, purifiez-vous,
Otez de devant mes yeux la méchanceté de vos actions;
Cessez de faire le mal.
17 Apprenez à faire le bien,
recherchez la justice,
Protégez l’opprimé;
Faites droit à l’orphelin,
Défendez la veuve.
18 Venez et plaidons! dit l’Eternel.
Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige;
S’ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine.