La promesse s'accomplit

Jérémie 33:14-16 , Marc 5:25-34

Culte du 29 novembre 2009
Prédication de professeur Raphaël Picon

( Jérémie 33:14-16 ; Marc 5:25-34 )

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Culte du dimanche 29 novembre 2009 à l'Oratoire du Louvre
prédication du professeur Raphaël Picon
Faculté de théologie protestante de Paris

Oui, un jour, la promesse sera accomplie. Un jour, justice sera faite. Un jour, le temps des exils sera révolu. Un jour, tout ce qui nous brise, tout ce qui nous rend esclaves, tout ce qui nous met en incapacité d’exister, un jour, tout cela, sera du passé. Oui, un jour, la promesse sera accomplie. Voici la leçon majestueuse du premier testament ; la leçon magistrale de toute la tradition prophétique. Un jour, la promesse, enfin, accomplie. Non pas une espérance creuse et facile. Non pas une utopie vaseuse et une aliénation de plus. Non pas une dérive dans l’irréel et un peu d’opium pour supporter le temps présent. Non. Une promesse pour relever la tête et pour remettre debout. Une promesse qui nous engage et qui nous mobilise. Une parole d’avenir. Une parole qui crée de l’avenir, parce qu’on a envie d’y croire, de lui donner raison, de se laisser porter par elle, stimuler, animer, transformer.

Il est bon de relire ces textes un premier dimanche de l’avent et d’inscrire ainsi toute l’année d’Eglise à venir sous l’auspice de cette espérance incroyable. Une promesse qui nous emportera d’ailleurs bien au-delà de Noël et de la naissance de celui que l’on pourra plus tard reconnaître comme Christ.

Ce que Noël va nous raconter, ce vers quoi l’avent nous porte, n’est pas l’accomplissement de cette promesse de justice. Noël ne va pas réaliser tous nos rêves de justice. Jérémie parle d’un « germe » de justice à venir. La justice dont il parle restera encore à venir, en devenir, en chemin. Cette justice reste encore une promesse. C’est ainsi que Noël ne rend pas caduque la promesse de Jérémie, mais ravive cette promesse, lui redonne de l’éclat, la rend encore plus crédible. 

Cette fête de Noël que nous allons vivre dans quelques semaines, cette fête célèbre la naissance d’une nouvelle manière de penser Dieu et de croire en Dieu. Non pas tant un Dieu descendu du ciel. Non pas tant un Dieu devenu un homme. Non pas tant un Dieu né dans une mangeoire. Mais bien la naissance, le germe, d’une manière originale de penser Dieu et de croire en lui. « Voici comment on l’appellera : Iahvé notre justice ». Dieu peut désormais s’appeler justice. Dieu s’appelle justice, parce qu’il justifie, parce qu’il rend juste, parce qu’il rend justice à celui qui est privé de justice. C’est tout cela que Jésus le Christ va enseigner, incarner et rendre vrai.

Pour parler ce matin de ce Dieu de justice, j’aimerai m’arrêter sur quatre expressions. Quatre expressions qui sont en réalité quatre titres de livres. Quatre titres de livres qui sont quatre titres emblématiques de quatre penseurs français. Quatre auteurs français qui sont relus, analysés pour nous dans ce livre de Laurent Gagnebin, L’athéisme nous interroge. Comme vous le savez peut-être, nous aurons à l’issue de ce culte l’occasion de fêter cette publication, qui est la réédition de quatre livres de critique littéraire écrits par Laurent Gagnebin dans les années 60 et 70.

Quatre expressions pour parler de ce Dieu de la justice. De ce Dieu du prophète qui nous permet de croire en l’avenir et qui nous permet de relever la tête. Quatre expressions pour parler de ce Dieu de justice, de ce Dieu de Jésus-Christ qui nous permet de croire que nos espérances ne sont pas vaines, que oui, la justice est, grâce à Dieu, une possibilité.

  • Les nourritures terrestres
  • Le deuxième sexe
  • L’homme révolté
  • Les chemins de la liberté

La nouveauté du Christ, c’est la nouveauté d’un Dieu qui nous rejoint là où nous sommes, tels que nous sommes, dans nos heures sombres comme dans nos instants de grâce, dans nos mangeoires comme dans nos maisons, dans le désordre et la laideur de nos vies, comme dans la beauté dont nous sommes capables. La nouveauté du Christ, c’est celle d’un Dieu qui fait de l’humanité son espérance. « L’homme est l’espérance de Dieu», disait magnifiquement le pasteur Wagner. L’homme est l’espérance de Dieu. Et c’est ainsi qu’il exerce sa justice, en nous justifiant, en nous rendant justes devant lui, en nous rendant « plaisants à ses yeux », comme le dit Luther, l’un des chantres de la justification par la grâce seule. Ce Dieu qui fait sienne notre l’humanité, ce Dieu qui nous nous rend plaisants à ses yeux, c’est un Dieu qui nous permet à notre tour de nous trouver plaisants et de jouir du monde et de la vie. Si Dieu aime le monde, pourquoi alors le fuir et lui faire la guerre. Oui, Dieu, c’est aussi les nourritures terrestres. Ces nourritures, c’est aussi ce à quoi Dieu nous nourrit. Lui qui nous rejoint là où sommes pour nous libérer de l’obligation de chercher ailleurs, dans je ne sais quelle utopie impossible.

La nouveauté du Christ, c’est aussi la nouveauté d’un Dieu qui rend visibles ceux qui ne le sont pas, ceux qui n’étaient plus. Les pages de nos Evangiles constituent un véritable parcours de la reconnaissance. Celle de celui qui n’est plus rien et qui se retrouve enfin debout. L’Evangile enseigne cette reconnaissance et redonne une visibilité sociale à ceux que nous ne voulions plus voir, le laid, le hors-norme, le disparate, le marginal. C’est dans ce sens aussi que Dieu est un Dieu de justice, qui répare, relève, réanime, ressuscite. Son prophète, son Christ, son Evangile, son Eglise, sa prédication, tous, sont là pour dire et pour redire encore, que chacun à une infinie valeur, aux yeux de Dieu. Et dans ce sens, oui, Dieu, c’est aussi le deuxième sexe. Celui de la conquête d’une identité sortie de l’ombre. Celui de la reconnaissance offerte, celui de l’émancipation, d’une justice que l’Eglise prédicatrice de Dieu est appelée à rendre possible

La nouveauté du Christ, c’est aussi la nouveauté d’un Dieu qui ne reste pas les bras croisés devant la souffrance, le mal, la désespérance. Jésus le Christ est l’emblème de cette action transformatrice de Dieu dans le monde. De cette action par laquelle Dieu lutte pour rendre le monde plus habitable, plus juste, plus accueillant, de rendre l’existence plus épanouissante. On se rappelle ici ces paroles de Wilfred Monod, tenues ici même : « j’appelle Dieu l’effort partout manifesté pour transformer la réalité ». « Avoir foi en Dieu, dit-il encore, ce n’est pas une simple croyance intellectuelle, c’est un acte héroïque, c’est un enrôlement personnel au service de la justice, de la vérité, de la beauté, de l’amour. Dieu est un effort, un appel, à transfigurer le réel. » Oui, Dieu, c’est aussi l’homme révolté. Salutaire révolte, celle par laquelle nous relevons la tête, celle par laquelle nous refusons les résignations trop rapides, celle par laquelle nous oeuvrons, nous aussi, à cette transfiguration du réel. Il est des combats, pour la justice, la vérité, et la beauté que Dieu conduit et auquel il nous appelle. Salutaire révolte, ultime bastion de l’espérance, aussi.

La nouveauté du Christ, c’est aussi la nouveauté d’un Christ qui nous libère de ce qui nous opprime, de ce qui nous aliène, de ce qui nous met en incapacité d’exister. La prédication de Jésus est une prédication qui crée de l’espace, qui fait respirer, qui ouvre, qui dénoue, qui libère. Cette prédication est une lutte contre le déterminisme, contre la fatalité, contre nos enfermements intérieurs. C’est une prédication qui nous dit que nous ne sommes pas réductibles aux images que nous nous faisons de nous-mêmes. C’est une prédication qui nous dit que nous ne sommes pas prisonniers du regard des autres. C’est une prédication qui nous dit que nous sommes plus que ce que nous croyons être. Que nous sommes ce que Dieu aime. La prédication de Jésus veut nous libérer de ce qui entrave nos libertés. Nos libertés de créer, d’aimer, d’entreprendre, de croire, de ne pas croire. Dieu, c’est aussi, les chemins de la liberté. Une liberté qui est en marche, vers laquelle on avance, une liberté qui n’est jamais totalement acquise et qui reste en partie toujours à conquérir.

Les nourritures terrestres, Le deuxième sexe, L’homme révolté, Les chemins de la liberté, ces quatre titres racontent un Dieu de justice. Ce Dieu de justice que Jérémie le prophète et que Jésus le Christ nous invite à aimer, à redécouvrir, à proclamer.

Si je dis cela de Jésus, c’est parce que l’Evangile m’y autorise. Les évangiles racontent ce Dieu de justice. A travers ses paroles et ses actes, Jésus-Christ incarne cette promesse que Jérémie nous transmet. Il lui fait écho, lui donne de l’écho, du retentissement, un avenir.

C’est ainsi que ce Dieu de justice trouve une magnifique incarnation dans un détail de ce texte de Marc que je viens de lire. L’attention dont Jésus fait preuve à l’endroit de cette main posée sur lui. Malgré la foule, malgré la cohue, malgré le vacarme, Jésus sent la main de cette femme se poser sur lui. Cette attention restaure la femme, la ressuscite au monde, lui redonne goût à la vie et à ses nourritures. Cette attention sauve la femme de l’insignifiance et du rien, elle lui redonne une visibilité. Elle, ce deuxième sexe, qui n’était rien et qui devient. Cette attention nous invite à croire que, malgré les apparences, un souffle de créativité peut irriguer le monde. Un souffle qui passe par l’homme révolté, par le refus de la résignation, des statu-quo, à l’instar de cette femme qui transgresse les codes de bonnes conduites pour se porter à Jésus. Cette attention ouvre, pour les femmes, les chemins de la liberté. Il est des attentions qui sauvent le monde.

Oui, chères sœurs, chers frères, il est des attentions qui sauvent le monde. Une attention portée sur des choses simples, banales, fugaces. Cette attention elle peut sauver le monde, elle peut sauver Judas et sécuriser Jérusalem, elle peut sauver le monde parce qu’elle incarne la justice de Dieu. 

Cette justice de Dieu, pour y croire, il faut lui donner sa chance, il faut lui donner de l’espace. Il faut s’en inspirer, se laisser motiver par elle. C’est ainsi qu’elle s’incarne en nous. Comme quand on est touché par une main tendue. 

Amen !

Lecture de la Bible

Jérémie 33:14-16

Voici, les jours viennent, dit l’Eternel,
Où j’accomplirai la bonne parole
Que j’ai dite sur la maison d’Israël et sur la maison de Juda.
15 En ces jours et en ce temps-là,
Je ferai éclore à David un germe de justice;
Il pratiquera la justice et l’équité dans le pays.
16 En ces jours-là, Juda sera sauvé,
Jérusalem aura la sécurité dans sa demeure;
Et voici comment on l’appellera:
L’Eternel notre justice.

Évangile selon Marc 5:25-34

Il y avait une femme atteinte d’une perte de sang depuis douze ans. 26 Elle avait beaucoup souffert entre les mains de plusieurs médecins, elle avait dépensé tout ce qu’elle possédait, et elle n’avait éprouvé aucun soulagement, mais était allée plutôt en empirant.

27 Ayant entendu parler de Jésus, elle vint dans la foule par derrière, et toucha son vêtement. 28 Car elle disait: Si je puis seulement toucher ses vêtements, je serai guérie. 29 Au même instant la perte de sang s’arrêta, et elle sentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal.

30 Jésus connut aussitôt en lui-même qu’une force était sortie de lui; et, se retournant au milieu de la foule, il dit: Qui a touché mes vêtements? 31 Ses disciples lui dirent: Tu vois la foule qui te presse, et tu dis: Qui m’a touché? 32 Et il regardait autour de lui, pour voir celle qui avait fait cela. 33 La femme, effrayée et tremblante, sachant ce qui s’était passé en elle, vint se jeter à ses pieds, et lui dit toute la vérité.

34 Mais Jésus lui dit: Ma fille, ta foi t’a sauvée; va en paix, et sois guérie de ton mal.

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