L'idolâtrie pour les abrutis

Jérémie 10:8-16

Culte du 15 juillet 2012
Prédication de pasteur James Woody

(Jérémie 10:8-16)

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Culte du dimanche 15 juillet 2012 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, si la naissance du protestantisme eut lieu au moment où Martin Luther afficha ses 95 thèses contre les indulgences, le premier cri du bébé protestant se fit au moment où Luther brûla l’excommunication décidée par le pape. Dès les origines, le protestantisme fut un acte de rébellion qui n’avait rien d’une crise d’adolescence qui s’oppose à tout, aussi systématiquement que de manière irraisonnée. Il s’agissait d’une posture clairement ancrée dans sa compréhension des textes bibliques et qui consistait à mener une lutte résolue contre l’idolâtrie. La lutte contre l’idolâtrie fut un trait particulièrement caractéristique de la Réforme religieuse du XVIème siècle et des siècles suivants. Les catholiques traitaient ceux de la Religion prétendue réformée d’hérétiques qui le leur rendaient bien en les considérant comme des idolâtres.

Les protestants français sont réputés pour avoir cassé les statues et pour s’être dispensés de toute forme de représentation divine en vertu du décalogue qui le stipulait. Ils ne se sont pas limités à la question des images figuratives : ils ont aussi repensé la théologie pour libérer le Christ de l’hostie qui était censée enclore le divin dans un petit cercle de céréales. N’en restant pas au degré zéro de la lutte contre les idoles, ils ont aussi battu en brèche quelques idoles théologiques, parmi lesquelles Marie qui allait connaître une véritable mariolâtrie en compagnie de bien des personnes qui au lieu d’être qualifiées de saints allaient redevenir des figures de référence, sans plus. Jésus de Nazareth ne fut pas épargné par cette œuvre anti-idolâtrique. En distinguant le Jésus de l’histoire, le prêcheur de Galilée, du Jésus de la foi et en distinguant Jésus, l’homme, du Christ, cette fonction bien particulière dont on dit qu’elle fut tout particulièrement incarnée par ce Jésus, le protestantisme s’efforçait d’en finir avec la Jésus-lâtrie qui en venait à faire de toute vie la pâle imitation de Jésus, qui consistait à faire de Jésus le point de convergence de toutes les attentions, de toutes les intentions, de tous les regards, lui qui, pourtant, n’avait eu de cesse de s’effacer pour que chaque croyant puisse se placer directement face à Dieu.

A Dieu seul la gloire ! fut un mot d’ordre particulièrement fort de la Réforme protestante qui, par là-même, relativisait toute forme de pouvoir qui pouvait prétendre soumettre la conscience des fidèles alors que les textes bibliques ne cessent d’exprimer l’effort inlassable du divin pour que nous soyons toutes et tous libres à l’égard de tout et responsables à l’égard de tous.

Allant encore plus loin, la réforme protestante dans son aile libérale, celle qui est si chère au cœur de la plupart des pasteurs qui occupent cette chaire de l’Oratoire, s’est évertué à casser les idoles qu’étaient devenus les mots du vocabulaire religieux, refusant d’utiliser les mots fourre-tout de la foi chrétienne (grâce, amour, Dieu, résurrection, cène, Eglise, Christ, Esprit Saint, miracle, etc.) sans les interroger, sans lever les ambiguïtés de langage, sans les réinvestir d’un sens compréhensible de tous. Faisant craquer le verni religieux pour retrouver le souffle de la foi en l’Eternel dont les héros bibliques sont les témoins, le protestantisme libéral n’a pas tenu pour un acquis définitif les dogmes du passé, fussent-ils élaborés par les Pères de la Réforme. Il n’a pas hésité à revenir sur des doctrines utiles en leur temps, mais qui n’avaient plus de raison d’être comme la double prédestination, à revenir sur des images de Dieu destinées à faire courber l’échine au lieu de relever l’âme, à refuser de continuer à considérer les femmes comme impropres au ministère pastoral, les personnes homosexuelles comme impropres à la vie de la communauté, les croyants d’autres religions comme impropres au dialogue et à l’estime mutuelle, les incroyants comme des personnes impropres au moindre intérêt, les sciences non théologiques comme des disciplines impropres à dire des choses intéressantes sur la marche du monde etc.

Bref, la lutte contre les idoles fut une manière de mettre en œuvre le programme de la Réforme : se réformer sans cesse, non pas à cause d’une bougeotte chronique, mais pour ne pas laisser les choses en l’état, pour ne pas s’enfermer dans une vision statique du monde, de la vie, qui ne cessent pas, eux, de se métamorphoser.

Pour cela, le protestantisme, mais aussi le catholicisme, il convient de le dire, entreprirent une lutte contre les idoles qui n’étaient pas seulement dans le champ de la religion. Bien souvent vous entendez des critiques contre Mammon, l’idole qui représente l’argent-roi, parfois hissé au rang de Dieu qui déciderait de tout dans la marche du monde. Les idoles dans le champ politique ont été l’objet de paroles prophétiques, parfois, que ce soit par Karl Barth qui fut à l’origine de la confession de foi de Barmen qui récusait que le pouvoir nazi soit en quelque sorte divinisé, que ce soit par Martin Luther King qui a fait tomber l’idole raciale pour ouvrir à l’ensemble de la population américain l’accès à l’intégralité des droits et d’autres encore.

Idolâtrie scientifique

La lutte contre les idoles ne s’est donc pas cantonnée au domaine strictement religieux, pour ne pas dire cultuel. Elle s’est étendue à d’autres aspects de la vie. Mais osons-nous suffisamment appliquer nos talents en matière de chasse aux idoles ? Ne sommes-nous pas trop frileux pour dénoncer des idolâtries coupables d’abrutir nos contemporains et de leur faire prendre des vessies pour des lanternes ? ne sommes-nous pas en deçà de ce que nous pourrions offrir à la société dite civile en matière d’outils et de compétences pour lutter efficacement contre des vanités qui se parent d’or et trompent leur monde ? Ne sommes-nous pas les mieux équipés, en fait, pour lutter efficacement contre les idoles qui ne sont que mensonges, qui n’ont pas de souffle, qui n’ont aucune capacité à nous aider à vivre ?

J’aimerais soutenir cette hypothèse en m’appuyant sur des exemples pris au domaine qui, à première vue, semble le plus opposé à la théologie : la science, notamment physique et biologique. En empruntant des situations exposées par le journaliste scientifique Michel de Pracontal, j’aimerais montrer que ce qu’il appelle des impostures scientifiques, nous pourrions non seulement en parler en termes d’idolâtrie, mais être à même, nous, chrétiens, de les débusquer et de les dénoncer.

Qualifier l’idolâtrie

Certes, la plupart du temps, en tant que théologien, nous n’avons pas les moyens de savoir si une théorie scientifique est juste ou fausse, à la simple lecture d’un article ou d’un compte-rendu sur la question. Ceci étant, c’est vrai aussi pour les scientifiques qui n’ont pas d’autre moyen que de faire une confiance aveugle ou de faire une contre-expertise, c’est-à-dire d’essayer de reproduire les expériences réalisées pour vérifier que la théorie est juste. La confiance aveugle, ce n’est pas notre pain quotidien. Nous préférons le doute qui permet de vérifier que ce qui est affirmé a bien un rapport avec la terre et le ciel et que nous ne sommes pas dans une création de toute pièce d’un univers parallèle qui n’aurait plus aucun rapport avec le réel (v.11). Le plus souvent, nous, théologiens, n’avons pas les moyens objectifs de faire ces contre-expertises. Nous n’avons pas les moyens, par exemple, de dire que la tête de l’Eoanthropus, soi-disant découverte par Arthur Smith Woodward au début du XXème siècle et qui devait constituer le chaînon manquant entre le singe et l’homme était en fait un assemblage entre une mâchoire d’âne et un crâne humain. Nous n’avons pas les moyens de découvrir que William Summerlin qui disait avoir réussi à greffer de la peau de souris blanches sur des souris grises (ce qui est a priori provoque des rejets), maquillait en fait les souris grises avec un colorant blanc, lui qui fut pris sur le vif dans la nuit du 27 mars 1974. Nous n’avons pas non plus les moyens d’infirmer que l’eau aurait une mémoire, ainsi que l’affirma le biologiste Jacques Benveniste qui, après avoir introduit dans de l’eau une molécule réactive à un produit tiers, puis avoir procédé à une vingtaine de dilution de ce liquide à raison d’une goutte du produit de base diluée dans cent gouttes d’eau, la manipulation étant reproduite une vingtaine de fois de telle sorte que la molécule de départ n’est plus présente au final, constatait que la solution obtenue continuait à être réactive au produit tiers en l’absence de la molécule active. Une équipe d’experts indépendants, faisant reproduire cette expérience sous son contrôle à Jacques Benveniste, constata que le biologiste n’obtenait pas les résultats publiés.

Nous pouvons avoir de sérieux doutes, mais nous n’avons pas les moyens de confirmer ou d’infirmer. Dans tous ces cas, nous n’avons pas les moyens de déceler l’imposture scientifique, mais nous sommes capables de qualifier l’idolâtrie, une fois la supercherie mise à jour par d’autres scientifiques : idolâtrie de l’Empire britannique pour Arthur Smith Woodward qui pouvait difficilement supporter que l’homme de Néandertal et l’homme de Cro-Magnon aient été découverts en France, et que les britanniques n’aient rien à se mettre sous le microscope. Idolâtrie de la race pour l’expérience sur les souris, étape suivante étant de greffer de la peau blanche sur des personnes ayant la peau noire. Idolâtrie de l’homéopathie qui procède des mêmes méthodes de dilutions, et qui n’a pas la caution des scientifiques, par Bernard Poitevin, un jeune médecin de l’équipe de Benveniste qui réussit à convaincre son directeur de laboratoire de sa thèse.

Débusquer l’idolâtrie

En revanche, il est des cas où nous, les théologiens, nous sommes en mesure de mettre en évidence l’idolâtrie ou l’imposture scientifique. Ainsi, lorsque Cyril Burt voulu savoir si l’intelligence était héréditaire, il étudia des paires de vrais jumeaux qui avaient été élevés dans des familles différentes. Entre 1943 et 1966, Burt publia les résultats des tests de Quotient Intellectuel effectués sur 15 puis 21 puis 30 puis 53 paires de vrais jumeaux. A chaque fois, à chaque étape, les résultats étaient identiques à la troisième décimale près. Pas besoin d’être un féru de statistiques pour comprendre qu’il y a là une supercherie. Lorsque nous disons que chaque être est singulier, ce n’est pas un effet de langage, une application de la méthode Coué pour nous convaincre que nous sommes uniques. C’est parce que notre expérimentation de l’humain, en dialogue avec l’épaisseur d’expérience contenue dans les textes bibliques, nous permet d’établir cette théorie, que nous pouvons poser que deux jumeaux sont différents sur le plan de l’intelligence, notamment (intelligence qui, d’ailleurs, n’est pas réductible à un QI qui pourrait être aussitôt une idole, sinon). Il n’était pas nécessaire d’attendre la mort de ce psychologue et de lire dans ses notes personnelles que les cas étudiés à partir de la deuxième étape étaient en fait des inventions, pour repérer qu’il s’agissait de ce qu’on appelle vulgairement un bidonnage de la part d’un individu idolâtrant le gène, le tout génétique, et voulant préparer la voie à l’eugénisme.

Comme Jérémie nous le rappelle, la théologie s’intéresse au vrai et pas au crédible. Ce qui compte, c’est la capacité d’une théorie, d’un discours, à rendre le monde plus compréhensible, pas à le conformer à ses idées, à ses schémas, à ses idoles (vv14-15). En théologie, un discours ne peut pas se contenter d’être vrai sur le seul plan grammatical ; il faut qu’il le soit aussi au regard du vivant. Jérémie nous encourage à ce que nous fassions un usage massif de nos neurones pour ne pas être du côté de ceux qui sont facilement abrutis par des discours qui sonnent joliment et qui ne distinguent plus ce qui décrit le réel de ce qui décrit des fantasmes (vv. 9-10). Parce que l’imposture scientifique, au même titre que toute imposture intellectuelle relève, pour une part, de l’idolâtrie, nous sommes en mesure d’apporter des réfutations sérieuses à ceux qui s’évadent dans des mondes imaginaires sans rapport avec la Création. De nos jours, les idoles ne sont plus faites de bois, mais elles restent de la matière de ce dont on fait des pipeaux (v.8). Pour ce qui nous concerne, notre adhésion va au Dieu de vérité (v. 10) qui nous donne les moyens de transcender notre condition d’abruti potentiel et de hisser notre science à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes affrontés.

Amen


Lecture de la Bible

Jérémie 10:8-16

Tous ensemble, ils sont stupides et insensés; Leur science n’est que vanité, c’est du bois! 9 On apporte de Tarsis des lames d’argent, et d’Uphaz de l’or, L’ouvrier et la main de l’orfèvre les mettent en oeuvre; Les vêtements de ces dieux sont d’étoffes teintes en bleu et en pourpre, Tous sont l’ouvrage d’habiles artisans.

10 Mais l’Eternel est Dieu en vérité, Il est un Dieu vivant et un roi éternel; La terre tremble devant sa colère, Et les nations ne supportent pas sa fureur.

11 Vous leur parlerez ainsi: Les dieux qui n’ont point fait les cieux et la terre Disparaîtront de la terre et de dessous les cieux. 12 Il a créé la terre par sa puissance, Il a fondé le monde par sa sagesse, Il a étendu les cieux par son intelligence. 13 A sa voix, les eaux mugissent dans les cieux; Il fait monter les nuages des extrémités de la terre, Il produit les éclairs et la pluie, Il tire le vent de ses trésors. 14 Tout homme devient stupide par sa science, Tout orfèvre est honteux de son image taillée; Car ses idoles ne sont que mensonge, Il n’y a point en elles de souffle, 15 Elles sont une chose de néant, une oeuvre de tromperie; Elles périront, quand viendra le châtiment.

16 Celui qui est la part de Jacob n’est pas comme elles; Car c’est lui qui a tout formé, Et Israël est la tribu de son héritage. L’Eternel des armées est son nom.

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