L'Evangile de Noël selon l’apôtre Paul

Romains 1:1-7 , Tite 2:11-3:8

Culte du 25 décembre 2015
Prédication de pasteur James Woody
Prédication de pasteur Marc Pernot

(Romains 1:1-7 ; Tite 2:11-3:8)

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Culte du jour de Noël 2015 à l'Oratoire du Louvre
prédication à deux voix par les pasteurs James Woody & Marc Pernot

Sur cette page :
  1. Ce que le Christ provoque (Romains 1:1-7) par James Woody
  2. La grâce de Dieu a été manifestée (Tite 2:11-3:8) par Marc Pernot

Liste des prédications du 25 décembre depuis 2006, cliquer ici

1. Ce que le Christ provoque
(Romains 1:1-7)

prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, lorsque l’apôtre Paul parle de Noël, c’est précis, c’est sobre, c’est protestant. Point de merveilleux, point de magie de Noël, point de surnaturel dans la conception d’un Jésus descendant de David selon la chair. Vous vouliez savoir comment il a été conçu, comment il est né ? Circulez, il n’y a rien à voir. D’ailleurs, pour Paul, le véritable moment où le Christ vient au monde, c’est Pâques, puisqu’il dit que c’est par sa résurrection que le Fils de David est déclaré Fils de Dieu. Pour l’apôtre Paul, si Jésus est Christ, ce n’est donc pas en vertu d’une conception particulière, mais parce qu’il a incarné avec puissance l’Esprit de Dieu. Pour l’apôtre Paul, Jésus est Christ non pas parce qu’il aurait eu des molécules divines en lui, mais parce qu’il a traduit l’espérance de Dieu à travers ses paroles et ses actes. Mieux que cela, Jésus est Christ parce qu’il a ouvert de nouveaux chemins dans l’histoire de l’humanité, nous rendant capables de nous comporter d’une manière que nous appelons aujourd’hui chrétienne.

Ce qui intéresse Paul, c’est ce que Jésus provoque chez nous, ce qu’il nous autorise à vivre. Et cela se traduit dans la salutation de Paul devenue l’acte inaugural de tous les cultes chrétiens : la grâce et la paix. Ce que Jésus provoque, c’est l’introduction de la grâce et de la paix dans notre quotidien.

A la salutation classique dans la culture romaine « joie et prospérité » l’apôtre substitue la grâce et la paix. Ce sont des mots qui sont devenus tellement habituels que nous n’y faisons plus beaucoup attention. Ils font partie de la routine du culte, au même titre que les « amen » qui ponctuent les prières. Ce sont pourtant deux termes qui viennent bousculer les habitudes sociales de l’Empire romain ; ce sont deux mots qui font irruption dans un ordre établi et qui disent de quelle manière Jésus a bousculé l’histoire.

Noël peut se dire à travers la grâce. La grâce est une perspective vraiment hors du commun. S’il y a du surnaturel dans l’histoire de Noël, c’est du côté de la grâce que nous pouvons le trouver. La grâce rompt avec le fonctionnement du monde auquel nous sommes habitués. Elle affirme que notre valeur intrinsèque est acquise d’emblée, indépendamment du moindre mérite, indépendamment de ce qu’on a fait de nous. La grâce court-circuite toutes les instances humaines qui voudraient s’arroger quelque pouvoir sur les âmes. C’est de l’Eternel que nous recevons notre véritable valeur, par grâce seule.

Noël peut aussi se dire à travers la paix, qui n’est plus seulement le plaisir autocentré de la prospérité qui se fait aux dépens des autres. La paix intègre celles et ceux qui nous entourent. La paix implique de la responsabilité, dans la mesure où Jésus aura indiqué qu’il ne la donne pas à la manière du monde (Jn 14/27). La pax romana se faisait par l’usage de la force. Elle était imposée aux peuples qui devaient se soumettre de manière servile. Jésus va lui opposer la paix qui se fait par une libre adhésion, l’obéissance de la foi, selon l’expression de Paul : adhérer à une perspective commune. Plus besoin d’un ennemi commun pour assurer l’unité du peuple.

Par delà l’appel lancé par Jésus, dont parle Paul, Noël fait retentir un appel à la vie selon l’Eternel. Bien plus grand, bien plus important qu’un sursaut républicain, bien plus conséquent que les appels à resserrer les rangs, à faire preuve de citoyenneté – ce qui revient souvent à dresser les uns contre les autres, d’une manière ou d’une autre – Noël fait retentir l’appel à vivre par delà les clivages, par delà les tendances.

La grâce nous appelle à faire valoir notre liberté individuelle, à ne jamais la sacrifier, parce que notre liberté est le meilleur moyen d’offrir à la communauté humaine notre génie propre et empêcher l’histoire de s’épuiser dans une inlassable répétition.

La paix nous invite à être responsables à l’égard des autres. La paix selon l’Eternel bannit les égoïsmes. Elle récuse les petites combines, les intérêts particuliers. La paix est la recherche solidaire du bien commun, sans esprit de parti, sans chercher à défendre une chapelle particulière.

Noël inaugure l’histoire de la liberté d’agir dans un esprit de service. Noël affirme que nous sommes capables de transcender nos instincts de survie qui sont si souvent des replis sur soi qui nous stérilisent sur place. Noël est une invitation à l’apostolat, dit l’apôtre Paul. L’apostolat, être apôtre, c’est être envoyé. C’est un envoi aux confins de la vie, aux confins des expériences humaines, là où la vie est peut-être devenue inhumaine, souvent insupportable : là où la vie n’est plus une vie, de l’aveu même de ceux qui subissent une histoire qui n’a plus rien d’exaltant, où tout semble joué d’avance… une vie où ils n’ont plus leur mot à dire.

La grâce affirme que chacun a justement son mot à dire, que personne ne peut être déchu de sa dignité de fils de David, fils d’Adam, ultimement

fils de l’Homme. La paix, quant à elle, nous indique comment orienter nos paroles pour que nous servions bien l’Eternel et pas nos seuls intérêts.

La grâce nous autorise à nous exprimer, à peser dans la balance. La paix nous invite à renoncer aux discours et aux agissements qui sèment la division, qui favorisent le désespoir.

L’apôtre Paul a raison : Noël est bien moins un problème gynécologique que la grande ouverture d’une nouvelle histoire où chacun, chacune, se trouve investi de la responsabilité de susciter la foi, c’est-à-dire l’adhésion aux dynamiques qui permettent de porter la vie à son incandescence.

Amen

2. « La grâce de Dieu a été manifestée »
(Tite 2:11-3:8)

prédication du pasteur Marc Pernot

L' apôtre Paul envoie Tite dans des églises aux 4 coins de l’empire romain pour les aider à progresser, en Corinthe ou en Crète, il lui arrive de tomber sur une situation passagère difficile, avec plein de mensonges, de coups par derrière, de petits chefs qui profitent de leur pouvoir... Paul conseille de repartir avec la base de la base : avec ce que Jésus a apporté de beau à l’humanité. Nous devrions pouvoir y entendre quelque chose de l’Évangile de Noël.

La grâce de Dieu,
source de salut pour tous les humains,
a été manifestée !

C’est l’Évangile de Noël. Et c’est une grande nouveauté, c’est peut-être même la spécificité de l’enseignement du Christ dans le judaïsme qui était sa religion, par rapport aussi à ces grandes religions que sont l’islam et le bouddhisme, par rapport aux philosophies grecques.

« La grâce » est une façon d’être, une manière de fonctionner. C’est une certaine conception de Dieu, de ce qu’il offre et de ce qu’il attend. Cela nous enseigne une certaine façon d’être en relation avec les autres humains, et de concevoir notre propre existence.

Le verbe traduit ici par « manifestée » (« la grâce a été manifestée ») rend bien ce large champ d’impact de la nouveauté apporté par le Christ : le verbe « épiphaino » (ἐπιφαίνω qui a donné le mot français épiphanie) veut dire « illuminer les alentours ». Notre texte insiste à deux reprises (2:11-3:4) et il explique ce qu’est cette grâce de Dieu si éclairante sur la vie, c’est « la bonté de Dieu, notre sauveur, son amour pour les humains », littéralement, « sa philanthropie ». C’est une qualité de Dieu, on n’y peut rien, et lui non plus, en réalité. Il est comme ça. Et c’est ainsi que Dieu est « source de salut pour tous les humains ». Vous avez bien entendu « salut pour tous les humains », sans condition. C’est ce qui a été manifesté comme une lumière qui illumine notre théologie, notre compréhension du salut, et notre façon d’être, notre éthique, notre compréhension de ce qui est juste.

Mais alors, à quoi est-ce que ça servirait de prier, de se fatiguer d’aller au culte, ou de faire le bien au lieu de faire le mal si tout le monde est sauvé par la bonté de Dieu ? Si nous nous appliquons à agir le mieux possible, c’est tout simplement parce que « c’est beau et que c’est utile aux humains ! », nous dit en conclusion ce passage. Quelle meilleure raison de faire le bien ? Quelle plus joyeuse, enthousiasmante façon de vivre ? Faire le bien juste parce que c’est beau et utile. Du coup, l’existence humaine ne ressemble plus à une corvée, mais on vit et on agit en cherchant l’occasion d’avoir un geste beau et utile.

Mais avant même de nous apprendre comment mettre cette beauté au cœur même de notre vie, la première chose que « la grâce de Dieu nous enseigne » c’est d’avoir le courage, la force et la sagesse de voir ce qui est moche dans notre façon de vivre. C’est comme dans les évangiles, avant la grâce de Dieu manifestée en Christ, il y a l’appel de Jean-Baptiste à changer de vie. C’est comme un bain qui cherche à éliminer ce qui est moche dans notre vie, dans notre théologie, dans notre façon d’être.

La question n’est plus d’avoir peur de Dieu, mais à la lumière de la grâce, savoir faire la différence entre ce qui est beau et ce qui est moche, puis d’aimer grâce à lui ce qui est beau et trouver désagréable ce qui est moche. Le reste appartient à Dieu, à sa grâce active. C’est pourquoi, ce bain est appelé « bain de régénération et de renouvellement du Saint-Esprit ». La puissance de transformation vient ainsi de Dieu, comme un bain de jeunesse, d’enthousiasme renouvelé pour le beau.

Cette grâce de Dieu, nous dit Paul, nous enseigne à vivre. Ce verbe « enseigner » (παιδεύω) qu’emploie l’apôtre Paul a donné le mot français de « pédagogie », d’éducation d’un enfant. Cela aussi nous dit la douceur de Dieu à notre égard et son inlassable patience. S’il est le Maître, c’est à l’image de ces professeurs géniaux que nous avons pu avoir eu la chance de croiser et qui arrivent à éveiller le meilleur de leur élève. À nous de prendre ce virus de cette bonne pédagogie de Dieu.

C’est ainsi que Dieu nous sauve en Christ, par cette formidable manifestation de sa bonté, de sa philanthropie. Et cela éclaire bien des choses dans la théologie chrétienne du salut. En particulier sur ce que vaut cette idée que le Christ aurait payé (à qui ?) une rançon par sa mort pour nous libérer de la condamnation. Rien n’est plus étranger à la grâce que l’idée de ce marchandage morbide. La grâce est l’exact opposé à toute comptabilité de fautes, de peines et de mérites. L’origine de cette théorie est juste une question de traduction malheureuse de quelques notions hébraïques. Certaines versions de la Bible gagneraient à être corrigées, remplaçant « Christ nous a racheté » par « Christ nous a libéré », remplaçant Christ « victime expiatoire » par Christ « signe du pardon de Dieu », etc.

Mais, au delà de la théologie, c’est notre vie entière qui est enseignée par cette grâce lumineuse. Nous pouvons travailler à remettre cette source de la beauté au cœur de notre humanité selon trois axes : la sagesse, la justice et la piété.

  • D’abord la sagesse : à la lumière de la grâce nous savons que Dieu n’a pas de légion d’anges affectés à la police de la pensée, surveillant si nos croyances sont bien conformes ! Mais que travailler notre pensée théologique et éthique peut véritablement être beau et utile pour l’humain. Et oui, les anges dont parlent les merveilleux récits de Noël de l’Évangile selon Luc évoquent combien Dieu peut éclairer de l’intérieur cette recherche de sagesse. La grâce transforme aussi notre façon de débattre avec les autres, à la fois pour trouver ce qui nous enrichit mutuellement mais aussi pour vivre nos désaccords de façon féconde.
  • Ensuite la justice. N’est ce pas beau et utile de chercher à vivre en ce monde en cohérence avec ce que nous pensons être juste à la lumière de la grâce de Dieu manifestée en Christ ? Puis de chercher avec Dieu quelle situation, quelle personne en particulier pourrait nous être confiée, quelle parole ou quel silence, quel geste, quel combat sera le plus porteur d’une justice croissante pour ce monde ? Sous la grâce, par la grâce de Dieu, cette justice sera toute teintée de bonté, de beauté et de philanthropie, d’amitié et de respect. Autant que possible.
  • Paul propose enfin la piété . Cela aussi est sauvé par la grâce. Là encore, ce n’est plus parce qu’« il faut » mais pour la beau et agréable de rechercher Dieu, de s’ouvrir de plus en plus à son étrangeté si vivifiante. La piété est un peu de temps, de concentration, de disponibilité accordée à la prière, c’est le troisième et essentiel pilier de la vie en ce monde. Où peut-être faudrait-il dire le premier puisque c’est par la piété que la grâce de Dieu pourra le mieux infuser notre sagesse, notre justice, notre façon d’être même dans les petites choses.

Mais... surtout : que cet Évangile de la grâce de Dieu ne soit pas un oreiller de paresse pour nous ! Ce serait une réponse bien moche et vaine à cette façon d’être de Dieu si belle, si utile, si féconde et si joyeuse.

Amen


Lecture de la Bible

Romains 1:1-7

Paul, serviteur du Christ-Jésus, appelé à être apôtre, mis à part pour l'Évangile de Dieu, 2— cet Évangile, Dieu l'avait promis auparavant par ses prophètes dans les saintes Écritures, 3il concerne son Fils, né de la descendance de David selon la chair, 4et déclaré Fils de Dieu avec puissance selon l'Esprit de sainteté, par sa résurrection d'entre les morts : 5 Jésus-Christ notre Seigneur. C'est par lui que nous avons reçu la grâce et l'apostolat pour amener, en son nom, à l'obéissance de la foi toutes les nations, 6parmi lesquelles vous êtes aussi, vous qui avez été appelés par Jésus-Christ, — 7à tous ceux qui, à Rome, sont bien-aimés de Dieu, appelés à être saints : Que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ !

Tite 2:11-3:8

La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée.

12 Elle nous enseigne à renoncer à l'impiété, aux désirs de ce monde, et à vivre dans le siècle présent d'une manière sensée, juste et pieuse,13 en attendant la bienheureuse espérance et la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, le Christ-Jésus. 14 Il s'est donné lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité, et de se faire un peuple qui lui appartienne, purifié par lui et zélé pour les œuvres bonnes.

15 Ainsi dois-tu parler, exhorter et reprendre avec une pleine autorité. Que personne ne te méprise.

1 Rappelle-leur d'être soumis aux gouvernements et aux autorités, d'obéir, d'être prêts à toute œuvre bonne, 2 de ne médire de personne, d'être paisibles, conciliants, pleins de douceur envers tous les hommes.

3 Car nous aussi, nous étions autrefois insensés, désobéissants, égarés, asservis à toute espèce de désirs et de passions, vivant dans la méchanceté et dans l'envie, odieux et nous haïssant les uns les autres.

4 Mais lorsque la bonté de Dieu, notre Sauveur, et son amour pour les hommes, ont été manifestés, 5 il nous a sauvés — non parce que nous aurions fait des œuvres de justice, mais en vertu de sa propre miséricorde — par le bain de la régénération et le renouveau du Saint-Esprit ; 6 il l'a répandu sur nous avec abondance par Jésus-Christ notre Sauveur, 7afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers dans l'espérance de la vie éternelle.

8 Cette parole est certaine, et je veux que tu insistes là-dessus, afin que ceux qui ont foi en Dieu s'appliquent à exceller dans les œuvres bonnes. Voilà qui est beau et utile aux humains !

(Cf. Traduction Colombe)

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