Les cantiques de Zacharie & de Marie

Luc 1:67-79 , Luc 1:46-55

Culte du 25 décembre 2011
Prédication de pasteur James Woody
Prédication de pasteur Marc Pernot

( Luc 1:67‑79 ; 1:46-55 )

(écouter l'enregistrement)  (voir la vidéo)

Culte du jour de Noël 2011 à l'Oratoire du Louvre
prédication à deux voix par les pasteurs James Woody & Marc Pernot

1. L'archéologie de la miséricorde

( Cantique de Zacharie, le Benedictus, Luc 1:67‑79 )

prédication du pasteur James Woody

Chers frères et soeurs, comme c'est long d'attendre Noël dans l'Evangile selon Luc: ça n'en finit pas, surtout avec cette histoire de la naissance de Jean le Baptiste intercalée à chaque étape de la conception, de la gestation puis de la naissance de Jésus. C'est long.., comme d'attendre le moment où on peut enfin se jeter sur les cadeaux de Noël et arracher les emballages !

C'est long, mais ce n'est pas inutile. Nous pouvons le vérifier avec ce cantique de Zacharie. Zacharie est le futur oncle de Jésus. C'est le mari d'Elisabeth avec qui il va donner naissance à Jean, celui qui baptisera plus tard Jésus. Au moment où il apprend qu'il va être père, Zacharie n'arrive plus à parler et nous comprenons qu'il est devenu sourd, également (Luc 1/20, 62. Cela signifie qu'il n'a plus de contact avec le reste du monde autrement qu'avec des signes. Zacharie est donc contraint à interpréter les signes et c'est cela qui est intéressant. Ne pouvant plus communiquer facilement avec l'extérieur, Zacharie va interroger sa vie intérieure. Il va scruter ce qu'il a en lui et remonter aussi loin que possible dans ce qui est disponible: sa mémoire. C'est d'ailleurs le sens de son nom, Zacharie signifiant « Dieu s'est souvenu ». Po‑ (e dire autrement, Zacharie fat de l'archéologie. II fait l'archéologie de l'action divine pour essayer de comprendre quelque chose à ce qui lui arrive, à ce qui est en train de se passer sous ses yeux. Et c'est long comme est long un travail de mémoire qui met en relation toutes les pièces du puzzle de l'histoire de Dieu et des hommes afin de les mettre dans le bon ordre et de voir ce que cela représente.

Au bout de ce patient travail de mémoire, une fois le puzzle reconstitué, Zacharie exprime haut et fort ce qu'il a sous les yeux, c'est au quote 69: Dieu a ressuscité une force de salut. Oui, « ressuscité », egeirein en grec, l'un des deux verbes utilisés pour parler de la résurrection. Le travail patient de Zacharie se confond avec le travail patient de Dieu qui ne se lasse pas depuis que le monde est monde de susciter et ressusciter une force de salut. Zacharie, dans le cantique qu'il fait claquer à nos oreilles, révèle la volonté continue de Dieu qui n'a pas attendu Noël pour s'intéresser à nous. La naissance de Jésus n'est pas le point de départ de l'histoire du salut, mais une pièce qui donne sens au puzzle dont les pièces sont éparses dans notre mémoire. Zacharie nous invite à faire comme lui, à faire l'archéologie de notre mémoire collective dont les textes bibliques constituent la meilleure bibliothèque qui soit. C'est faire de l'archéologie pour retrouver le fondement de notre vie à savoir la miséricorde, la bienveillance (1/72, 78) don’t l'humanité peut faire bon usage. Ici, nous découvrons que le divin, est cette mémoire collective dans laquelle nous pouvons puiser de bonnes raisons d'espérer encore et malgré tout quand nous sommes sans voix par ce qui nous arrive, par ce que nous voyons autour de nous. Oui, par le passé, les temps ont été durs, parfois épouvantables, mais le divin est ce qui rappelle à notre mémoire les souvenirs des temps passés qui, aussi sombres qu'ils purent être parfois, ont néanmoins débouché sur un peu plus de clarté et, avec Zacharie, sur des lendemains qui ont chanté à pleine voix!

Il me semble, d'ailleurs, que ce qui se passe autour de Zacharie et de Jean fait référence à l'épisode douloureux du déluge, dans le livre de la Genèse. Je m'explique. Le nom du fils de Zacharie, Jean, Voannan dans la version grecque, fait curieusement référence à Yonah, le nom du prophète Jonas, un prophète pour temps de crise, nom qui, en hébreu, signifie la colombe, cet animal que Noé envoya après le déluge et qui, revenant avec une branche d'olivier, signifia que la terre était à nouveau habitable. De même que le déluge se solde par le fait que Dieu se souviendra de sa promesse de iiintenir le morde vivable, le cantique de Zacharie fait mémoire de cette promesse que le monde est bel est bien vivable, en dépit de circonstances pas toujours favorables. Oui, il est bon que le nom du fils de Zacharie soit Jean, si cela fait effectivement référence à la colombe de la Genèse que l'on retrouvera d'ailleurs au moment du baptême de Jésus par Jean, car cela signifie que Jean nous précède comme le messager qui atteste que la paix est effective, que nous pouvons reprendre le cours de notre existence peut‑être malmenée, que nous pouvons sortir de notre effroi, surmonter tel ou tel choc dont nous avons été victime et retrouver voix au chapitre.

Ce travail d'archéologie nous met sur la voie d'une vie libérée de ce que le texte nomme le péché et qui n'est pas une faute morale, mais tout ce qui nous retient de mener une existence authentique, d'accéder à notre pleine humanité Le péché c'est ce qui fait de nous des fils de la méchanceté plutôt que des enfants de la miséricorde.

Concrètement, de quoi sommes‑nous libérés? qu'est‑ce que la naissance du Christ nous enseigne sur les changements que le divin opère dans notre vie? en quoi la naissance de Jésus donne‑t‑elle du sens au puzzle de l'histoire humaine? nous pouvons l'apprendre en écoutant un autre cantique d'un autre témoin biblique: Marie.

Amen

2. Dieu, le très haut et le très bas

( Cantique de Zacharie, le Benedictus, Luc 1:67‑79 )

prédication du pasteur Marc Pernot

Vive Marie ! Elle fait preuve ici d’une juste théologie, et d’une juste relation à Dieu. L’une comme l’autre sont de fort bonnes choses pour avancer et pour faire avancer.

Bien des croyants ont un gros problème avec Dieu. Et cela ne date pas d’hier.

  • Certaines personnes « croient en Dieu », mais le laissent, ou le cantonnent en dehors de leur vie concrète. Ils croient « qu’il y a quelque chose » en dehors du simple univers matériel, mais ils ne vivent, eux, que dans cet espace matériel, ils vivent sans Dieu, ils ne pensent pas à lui, ne le prient pas tellement, ne le cherchent pas concrètement, pas même une petite minute dans leur journée. Peut-être que Dieu est pour eux trop lointain, d’un autre ordre, comme origine de ce qui existe, mais sans lien direct avec notre vie. Ou peut-être fait-il un peu peur, pour ceux qui croient encore en l’enfer…
  • À l’inverse, certaines personnes comptent tellement sur le bon Dieu qu’elles le prient sans cesse pour plein de choses, pour avoir la santé, pour renverser les tyrans et faire la paix dans le monde, pour protéger notre sécurité sociale et trouver l’âme sœur…

En réalité, chacune de ces attitudes face à Dieu pose un problème à sa façon, rendant plus difficile à Dieu de nous apporter ce qu’il désire nous apporter. Marie nous propose une juste voie.

Marie dit : Mon âme exalte le Seigneur,
Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur,

Marie reconnaît à la fois :

  • que Dieu est au-dessus, infiniment au-dessus comme Seigneur,
  • et que Dieu se place en dessous de nous pour nous porter, comme sauveur.

Dieu est très haut mais aussi celui qui s’approche très bas. Nous découvrons en Christ qu’il est notre serviteur, mais il est aussi le très haut, celui dont la sagesse, et la puissance sont infiniment au-delà de ce que nous pouvons saisir, à une échelle qui dépasse encore celle des milliards de galaxies sur les milliards d’années de leur lente évolution.

Et Marie ne rejette ni n’oublie aucune de ces deux réalités vivifiantes, à la fois la grandeur et la proximité de Dieu. Et Marie écarte les deux exagérations qui perturbent profondément la juste relation à Dieu. Marie reconnaît que Dieu est « le Seigneur », pas seulement son-Seigneur-à-elle mais « le Seigneur » de l’univers entier, elle reconnaît cette seigneurie et elle la valorise délibérément, elle l’exalte, elle magnifie encore Dieu comme Seigneur de son âme, Seigneur de son existence. Mais elle reconnaît aussi Dieu comme Sauveur, et même son Sauveur, et cela la remplit de joie. Elle sent que ce Dieu infini s’intéresse à elle, qu’il s’est penché, abaissé à elle, qu’il a fait pour elle, si petite, de si grandes choses qu’elles sont complètement hors de sa portée, hors de ses mérites.

Si nous exagérons la grandeur de Dieu, cela nous conduite à la soumission et à la crainte devant lui. Heureusement que, comme le dit Marie parce qu’elle l’a expérimenté par la foi, Dieu « étend sa miséricorde, c’est-à-dire tout simplement sa tendresse maternelle, sur ceux qui le craignent ». Ceux qui étaient dans la crainte d’un Seigneur terrible sentant sa tendresse ne peuvent que constater qu’il descent de son trône de gloire pour s’approcher et s’intéresser vraiment à eux, et ils ne peuvent alors plus le craindre mais ils entrent, et nous entrons alors dans la confiance de celui qui se sait vraiment aimé.

C’est ainsi que Dieu « a renversé les tyrans », comme le dit Marie. Oui, Dieu a renversé nos images terribles de Dieu, notre crainte du jugement impitoyable, notre crainte de l’enfer qu’il aurait réservé, selon certaines personnes,  pour ceux qui ne sont pas bien performant du point de vue de la religion, des croyances ou de la vie. Tout cela, Dieu le balaye en s’abaissant pour visiter les petits, ceux qui sont petits par la foi, ceux qui sont petits par l’espérance ou petits par l’amour, ceux qui ont une mauvaise théologie, ou pas de théologie du tout.

C’est ainsi que Dieu détrône les puissants, c’est en nous visitant et en envoyant des anges, des témoins de son amour, témoins du Christ pour que telle blessure ancienne qui nous empêchait d’avancer, ou tel présupposé foireux sur Dieu, sur nous-mêmes, sur les autres ou sur la vie… Que tout cela soit transformé en foi, en espérance et en amour.

C’est ainsi que Dieu « a renversé les puissants de leurs trônes ». Parce que sinon, au sens littéral, économique ou politique, Dieu n’a pas renversé les tyrans, il n’a pas fait dégringoler les puissants de leurs trônes, il n’a pas rassasié de pain ceux qui ont le ventre creux, il n’a pas renvoyé les riches égoïstes à vide… Quand Marie prie cette prière, Les César les Hérode sont en place, et quand ils perdront leurs trônes d’autres tyrans prendront leurs places, des Attila et des Gengis Kahn, des Kim Jeong Il et des Hitler. Ce n’est pas que Dieu s’en désintéresse, mais les humains ne sont pas des marionnettes pour lui, et la terre ne peut pas être arrangé, même par Dieu, comme une pendule. Dieu travaille autrement, en amont de cela, il travaille au cœur de l’humanité. Il vient vers nous, vers chacun de nous. Son projet c’est que nous ayons, le plus possible un cœur de chair et un Esprit prophétique. Son projet est, qu’en dignes successeurs d’Abraham, nous recevions la bénédiction que Dieu nous donne, que nous nous mettions à cheminer et que nous soyons une bénédiction ne serait-ce qu’une fois, un petit peu, pour une seule personne, et de là, nous serons une bénédiction pour une multitude de personnes de toutes les nations. Car le bien fait boule de neige plus encore que le mal.

Le tyran que Marie a vu chuter effectivement, c’est un tyran qu’elle avait dans la tête et dans le cœur, comme nous en avons en chacun de nous. Quelque chose qui nous empêchait, plus ou moins, d’aimer, ou d’espérer, qui nous empêchait de faire confiance à Dieu mais qui nous le font plutôt craindre ou oublier, ou au contraire le prendre pour le Père Noël.

Et « cet affamé que Dieu rassasie de biens » c’est le cœur et l’intelligence de Marie, c’est pour sa propre expérience qu’elle rend grâce à Dieu. C’est notre cœur et notre intelligence que Dieu vient secourir c’est son prophète en nous, cet esprit qui voit clair, cet esprit qui voit Dieu tel qu’il est et qui s’en réjouit extraordinairement. Ce « trop petit que Dieu a élevé », c’est le petit prophète qui est en chacun de nous, mais souvent humilié par les prétendues vérités éternelles que l’on nous a assénées. Le trop humble que Dieu élève, c’est celui qui ne voyait pas à quoi il pourrait être utile en quoi que ce soit pour l’avancement du monde, celui qui n’osait pas les humbles petits commencements qui pourtant changent tout.

Avec Marie nous rendons grâce à Dieu pour cette vie qu’il a fait naître et qu’il ressuscite en Christ.

Amen

Lecture de la Bible

Luc 1:67-79

Zacharie, son père, fut rempli du Saint-Esprit, et il prophétisa, en ces mots:
68 Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, De ce qu’il a visité et racheté son peuple,
69 Et nous a suscité un puissant Sauveur Dans la maison de David, son serviteur,
70 Comme il l’avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens, -
71 Un Sauveur qui nous délivre de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent!
72 C’est ainsi qu’il manifeste sa miséricorde envers nos pères, Et se souvient de sa sainte alliance,
73 Selon le serment par lequel il avait juré à Abraham, notre père,
74 De nous permettre, après que nous serions délivrés de la main de nos ennemis, De le servir sans crainte,
75 En marchant devant lui dans la sainteté et dans la justice tous les jours de notre vie.
76 Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut. Car tu marcheras devant la face du Seigneur, pour préparer ses voies,
77 Afin de donner à son peuple la connaissance du salut Par le pardon de ses péchés,
78 Grâce aux entrailles de la miséricorde de notre Dieu, En vertu de laquelle le soleil levant nous a visités d’en haut,
79 Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, Pour diriger nos pas dans le chemin de la paix.

Luc 1:46-55

46 Et Marie dit:
Mon âme exalte le Seigneur,
47 Et mon esprit se réjouit
en Dieu, mon Sauveur,
48 Parce qu’il a jeté les yeux
sur la bassesse de sa servante.
Car voici, désormais
toutes les générations
me diront bienheureuse,
49 Parce que le Puissant
a fait pour moi de grandes choses. Son nom est saint,
50 Et sa miséricorde
s’étend d’âge en âge
Sur ceux qui le craignent.
51 Il a déployé la force de son bras;
Il a dispersé ceux qui avaient dans le coeur des pensées orgueilleuses.
52 Il a renversé les puissants de leurs trônes,
Et il a élevé les humbles.
53 Il a rassasié de biens les affamés, Et il a renvoyé les riches à vide.
54 Il a secouru Israël, son serviteur,
Et il s’est souvenu de sa miséricorde, -
55 Comme il l’avait dit à nos pères, -Envers Abraham et sa postérité
pour toujours.

Audio

Écouter la prédication (Télécharger au format MP3)