Jésus a t-il été marié ? Le sera t-il un jour ?

2 Corinthiens 11:2-3 , Genèse 1:25-28 , Matthieu 12:46-50 , Psaume 128

Culte du 23 septembre 2012
Prédication de pasteur Marc Pernot

( 2 Corinthiens 11:2-3 ; Genèse 1:25-28 ; Matthieu 12:46-50 ; Psaume 128 )

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Culte du dimanche 23 septembre 2012 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

IIl ne s’agit peut-être que d’un faux habile, mais un papyrus chrétien qui daterait du IIIe siècle a fait grand bruit dans la presse du monde entier cette semaine. Parce que dans ce manuscrit Jésus parlerait de sa femme, avec qui il habite. Ce manuscrit a été présenté par une professeure réputée de la faculté de théologie d’Harvard à un congrès à Rome mardi dernier.

Cette révélation a relancé le débat sur le célibat de Jésus.

Débat qui comprend plusieurs questions.

  1. La 1ère question concerne l’homme historique Jésus de Nazareth. A t-il été marié ou non ? Nous cache t-on quelque chose ? Si cette première question est débattue c’est que Jésus n’est pas seulement une personne parmi les 100 milliards de personnes ayant vécu sur terre, Jésus est aussi pour nous le sauveur ultime de l’humanité, et l’humain véritable. Par conséquent, cette question toute simple sur le statut matrimonial de Jésus nous ouvre à deux autres questions bien plus brûlantes (d’où les débats théologiques et les romans à sensation) :
  2. La 2ème question concerne donc les conséquences sur le salut que Dieu nous donne en Jésus-Christ
  3. La 3ème question concerne la vie humaine en ce monde : selon Dieu, serait-il mieux d’être marié ou célibataire ?

Nous sommes attachés à la personne et à la vie de l’homme Jésus et nous serions assez curieux de mieux connaître sa vie et sa façon d’être. Sur ce plan, les évangiles nous laissent sur notre faim, ils se concentrent sur ce que Jésus nous a apporté sur le plan du salut, ils se concentrent donc sur sa fonction de Christ ce qui est bien normal car c’est cela d’abord qui nous concerne, nous qui n’avons pas vécu à son époque et dans sa région.

Il est évidemment impossible d’avoir une biographie précise et sure du personnage historique qu’est Jésus, mais ce n’est pas parce qu’il est impossible d’avoir une certitude à 100% que l’on ne sait rien sur une question. Il est possible d’évaluer la vraisemblance de chacune des hypothèses, au gré des progrès dans la connaissance de sources les plus anciennes et sérieuses possibles.

Il n’y a aucun document des deux premiers siècles qui nous disent si Jésus aurait été marié ou non, avec enfant ou non. Si ce manuscrit du IIIe siècle était authentique, la possibilité du fait que Jésus ait été marié ne serait seulement qu’un tout petit peu plus grande, car ce témoignage reste tardif. Ce qui reste de plus important pour évaluer la possibilité que Jésus ait été marié, ce sont les mœurs de l’époque.

Sur la question du mariage ou du célibat, il existait à l’époque où vivait Jésus deux sensibilités.

Les Esséniens étaient en quelque sorte des moines bénédictins de la stricte observance. Ils pratiquaient le célibat et un certain ascétisme. Jean-Baptiste pourrait avoir appartenu à cette sensibilité, mais apparemment pas Jésus, puisque sa pratique est loin d’être ascétique et coupée des autres, il est critiqué parce qu’il mange et qu’il boit trop, il est critiqué parce qu’il fraternise avec des personnes de moralité et de religion douteuses, Jésus suivant de façon très libérale les préceptes religieux en vigueur, offensant même la loi sur le respect du Shabbat.

Les Esséniens prônaient le célibat, donc, mais pour l’immense majorité des juifs de l’époque de Jésus, le mariage était quasiment obligatoire. On sait par le Talmud(b.Yebamoth 62b) que c'était alors une honte pour quelqu'un de ne pas être marié dès 18 ans. Le Talmud ajoute, textes bibliques à l’appui, que l'on n'est pas vraiment un être humain si l'on n'est pas marié, que l'on est privé de toute joie, de toute bénédiction, de toute révélation de Dieu, de toute paix. Même si le Talmud force le trait, un célibataire non Essénien devait être vraiment très rare. Et l’apôtre Paul qui était célibataire trouve le besoin de s’en expliquer par la situation particulière de cette fin des temps qu’il pensait vivre.

Il est donc plutôt vraisemblable que Jésus ait été marié. Pourquoi ne l'aurait-il pas été ? Il n'y a aucune raison pour que cela nous choque, il aurait vécu ainsi cette relation mystérieuse et complexe que constitue le couple.

Mais encore une fois ce n’est qu’une possibilité dont la vraisemblance ne s’appuie que sur une statistique. Par ailleurs, nous n’avons que quelques textes du IIIe ou IVe siècle : Clément d’Alexandrie qui aurait dit que Jésus était célibataire, l’Évangile de Philippe qui dit que Marie-Madeleine était la compagne de Jésus, et peut-être donc le fragment de papyrus révélé cette semaine qui pourrait laisser penser que Jésus avait une femme…

Mais les évangiles ne nous en disent rien. Pas un mot.

Est-ce qu’ils nous cachent quelque chose ? Oui, car les évangélistes connaissaient certainement la réponse et la question était plus importante à l’époque que maintenant. Ce silence est lourd de sens. Il nous permet de répondre facilement à notre deuxième question, bien plus importante pour nous que celle de la vie privée de l’homme Jésus :

2) Quelle importance pour notre salut
que Jésus ait été marié ou non ?

La réponse est facile : cela n’a aucune importance. Si cela avait la moindre importance les évangiles nous en auraient bien touché un petit mot quelque part, non ? D’autant plus que, comme nous venons de le voir, aussi bien les Esséniens que les autres juifs faisaient toute une histoire de cette question d'être marié ou d'être célibataire, d'avoir des enfants ou non. Le silence unanime des quatre évangile sur cette question du célibat et sur la situation personnelle de Jésus est sûrement voulu, l’Évangile nous propose une troisième voie originale. Cela veut dire, précisément, que le fait d'être marié ou non, d'avoir ou non des enfants n'a aucune influence du point de vue du salut, que l'on n'est pas plus béni, saint, ou proche de Dieu parce que l'on soit marié ou non, que l'on a des enfants ou non. Pour Jésus, la question essentielle est ailleurs. La clef est la même pour tous, pour les mariés et les célibataires, les veufs, les divorcés, les couples stériles et ceux qui ont 12 enfants.

Pourtant, si l’on regarde mieux ce que dit l’Évangile, nous pouvons savoir que le Christ était fiancé et quel est le nom de la fiancée du Christ (j’ai lu ce texte tout à l’heure) ? Nous pouvons même facilement voir un portrait de cette fiancée en nous regardant dans le miroir : cette fiancée, c’est vous, nous dit l’Évangile, et le Christ est l’époux qui vient vers nous. C’est ce que dit la parabole des 10 vierges qui a été commentée ici dimanche dernier, c’est ce que dit Jean-Baptiste (Jean 3:29), et ce que nous écrit l’apôtre Paul: «Je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pur » (2 Corinthiens 11:2)…

L’Évangile déplace l’enjeu dans le domaine spirituel et il nous libère des moralismes pour que nous puissions ensuite tracer notre chemin d’une façon singulière. Quelle que soit notre situation, l’Évangile nous appelle donc à être la fiancée du Christ, et il nous appelle par ailleurs à être son frère ou sa sœur, et à être sa mère. Toutes ces images, dans leur diversité nous éclairent sur le salut que Dieu nous donne et comment le vivre.

Être frère ou sœur du Christ, c’est se laisser enfanter par Dieu comme son enfant, comme Christ était fils de Dieu par une grâce et qui nous est donnée également, mais aussi par l’écoute de la Parole de Dieu, en la laissant nous activer, et porter du fruit en nous.

Être mère du Christ c’est se laisser féconder par la dynamique d’évolution qu’est Dieu pour que du Christ naisse en nous, que nous ayons de plus en plus quelque chose de cette qualité de fidélité, d’espérance et de bienveillance que l’on voit en Jésus de Nazareth.

Mais peut-être que la plus belle des images est celle de ces fiançailles entre Christ et nous-mêmes, individuellement. Oui, nous sommes connu et reconnu par Dieu en Christ, nous sommes aimés et choisis. Dieu est amoureux de nous comme Roméo l’est de Juliette, qu’aurions nous à craindre ? Aucun de nos défauts ne lui sera odieux, aucune de nos faiblesses et de nos manques ne le laissera en repos, il court nous chercher, nous soigner, nous aider. Nul chantage, nul examen, nulle épreuve, rien de négatif peut venir de cet époux, puisqu’il aime.

Nous ne savons donc pas si l’homme Jésus était marié, mais le Christ, si. Il nous aime et nous est fiancé, et il ne tient qu’à nous de l’épouser. Que ceux qui sont mariés en ce monde n'aient aucune crainte, évidemment, car épouser le Christ se situe à un autre niveau, ils peuvent épouser le Christ quand même.

Nous pouvons d'abord l'épouser comme l'on dit que « l'on épouse une cause », c'est-à-dire que l'on prend l'Évangile du Christ comme notre raison de vivre personnelle. Ce n'est déjà pas une mauvaise idée car il y a dans les paroles et dans les actes de Jésus des choses extraordinaires qui méritent bien d'inspirer notre existence, que l'on soit par ailleurs marié ou non. Mais épouser le Christ c'est bien plus que cela encore. Quand on est marié, on partage le quotidien de sa vie, la vaisselle et les vacances... La foi est aussi une question de vie quotidienne, c'est choisir de vivre les petites comme les grandes choses de la vie en les partageant avec le Christ, dans la foi, en pensant à lui, par la réflexion et par la prière.

Mais épouser le Christ c'est plus que cela encore. Quand on est marié, on peut espérer avoir des enfants, comme le dit le Psaume 128, c'est une bénédiction de Dieu. Selon l’Évangile, le don de Dieu qu’est la fécondité de notre vie est donnée de la même façon à ceux qui ont des enfants et à ceux qui n'en ont pas, aux mariés et aux célibataires... Ce psaume est donc lu par Jésus d'une façon spirituelle. Peut-être aurons-nous 12 enfants en chair et en os, le Christ nous accompagnera et par lui, ce sera un projet magnifique. Peut-être n'aurons-nous ni conjoint ni enfant selon la chair, le Christ nous accompagnera, et fera que notre vie sera féconde autrement, d’une fécondité telle que le bien que nous aurons fait nous survivra, et nous aurons de toute façon une vie vraiment bénie par Dieu.

Le salut est ainsi : ce n'est pas seulement une belle idée ou des valeurs que nous épousons, c'est plutôt comme une vie que nous épousons, une vie qui rend notre être capable de donner la vie.

3) Selon Dieu, serait-il mieux pour une personne
d’être mariée ou célibataire ?

En nous montrant que la question du salut est tout à fait indépendante du fait que nous soyons marié ou non selon la chair, l’Évangile nous propose ainsi une relecture spirituelle de ce fameux quote que les maîtres du Talmud utilisaient pour justifier le mariage obligatoire : « Dieu créa l’humain à son image, il le créa homme et femme. Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et dominez-la » (Gen. 1:27-28).

Il est possible de bâtir plusieurs conceptions de l’humain à partir de ce texte.

Je ne peux même pas compter le nombre de personnes rencontrées qui ont été blessées, et même démolies par une anthropologie qui se limite à une lecture de ce texte « à la lettre ». Oui, un couple formé d’un homme et d’une femme qui ont des enfants est un beau projet béni par Dieu. Mais dès lors que l’on interprète ce passage biblique en disant que le plan de Dieu se limiterait à ce modèle-là, tous ceux qui sont seuls ou qui sont stériles risquent de se sentir en échec personnel ou penser que Dieu les aurait oubliés. D’autres personnes risquent de s’inventer une vocation au mariage ou à enfanter, avec de lourds dégâts humains, alors qu’un autre chemin pour eux aurait été bien meilleur.

Cette anthropologie est à mon avis cruelle et fausse.

L’Évangile nous propose une autre anthropologie. Car Jésus n’est pas seulement pour nous une personne historique, il est aussi l’Homme avec un grand H, fondant une autre anthropologie, c’est-à-dire une conception de la personne humaine idéale. L’homme que Dieu espère, l’humain « normal », c’est Christ. Cela oriente la lecture du quote de la création de l’humain dans la Genèse. Nous ne savons pas si Jésus a été marié et s’il a eu des enfants, c’est que le critère pour définir l’humain normal ne comprend pas ces critères là, ils appartiennent à la vocation de chacun, à la vie de chacun.

La fécondité dont il est question dans cette mission de se multiplier peut s’accomplir de toute façon qui augmente la vie, l’approfondit, l’élève ou l’embellit. Tout ce qui renforce la fidélité, l’espérance et l’amour, la réconciliation et la paix… à la façon et selon les circonstances et la personnalité de chacun.

La lecture traditionnelle « à la lettre » lisait ce texte « Dieu créa l’humain… homme et femme » l’obligation de fonder un couple et de faire des enfants, les évangiles par contre ne nous interdisent pas d’être célibataire mais plutôt nous invitent à ne pas être solitaire. La vie du Christ nous invite à ne pas nous enfermer dans des schémas étroits, ni pour notre vie, ni pour notre vocation, ni dans notre démarche vers les autres, ni pour que les autres pensent et vivent comme nous. Ce texte nous dit que l’extraordinaire diversité qui existe entre les humains est voulue par Dieu et il la bénit pour que nous puissions vivre cette diversité et la rendre féconde. Oui, parfois, notre prochain nous semble être un extra-terrestre, si différent et étrange que peut l’être les hommes pour un femme et les femmes pour un homme. Et pourtant, quand nous sommes uni au Christ comme par un mariage d’amour, de fidélité et de fécondité, alors nous voyons les autres, si différents et si semblables, comme des frères et sœurs du Christ.

Et si ce texte nous appelle à « dominer la terre », nous voyons en Christ que ce n’est pas par la force, mais pour que ce qu’il y a en nous de meilleur et de spirituel gouverne nos autres dimensions humaines, ces forces profondes qui nous viennent de l’aube de notre évolution.

 

Lecture de la Bible

Genèse 1:25-28

25 Dieu fit les animaux de la terre selon leur espèce, le bétail selon son espèce, et tous les reptiles de la terre selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.

26 Puis Dieu dit: Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.

27 Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. 28 Dieu les bénit, et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et assujettissez-la; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre.

Psaume 128

Psaume des montées.

Heureux tout homme qui cherche l’Eternel, Qui marche dans ses voies!

2 Tu jouis alors du travail de tes mains, Tu es heureux, tu prospères.

3 Ta femme est comme une vigne féconde A l’intérieur de ta maison;
Tes fils sont comme des plants d’olivier, Autour de ta table.

4 C’est ainsi qu’est béni L’homme qui cherche l’Eternel.

5 L’Eternel te bénira de Sion, Et tu verras le bonheur de Jérusalem Tous les jours de ta vie;

6 Tu verras les fils de tes fils.
Que la paix soit sur Israël!

Matthieu 12:46-50

46 Comme Jésus s’adressait encore à la foule, voici, sa mère et ses frères, qui étaient dehors, cherchèrent à lui parler. 47 Quelqu’un lui dit: Voici, ta mère et tes frères sont dehors, et ils cherchent à te parler.

48 Mais Jésus répondit à celui qui le lui disait: Qui est ma mère, et qui sont mes frères? 49 Puis, étendant la main sur ses disciples, il dit: Voici ma mère et mes frères. 50 Car, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère.

2 Corinthiens 11:2-3

Je suis jaloux de vous d’une jalousie de Dieu, parce que je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure.

3 Toutefois, de même que le serpent séduisit Eve par sa ruse, je crains que vos pensées ne se corrompent et ne se détournent de la simplicité à l’égard de Christ.

Audio

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