Il y avait un homme du nom de Syméon

Luc 2:25-38 , Ésaïe 52:1-10

Culte du 23 décembre 2007
Prédication de pasteur Marc Pernot

( Évangile selon Luc 2:25-38 ; Ésaïe 52:1-10 )

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Culte à l'Oratoire du Louvre le 23 décembre 2007
par le pasteur Marc Pernot

Puisque les chrétiens ont pris l'habitude de profiter du solstice d'hiver pour s'ouvrir un peu plus au salut que Dieu nous donne en Christ, je vous propose ce matin de suivre un personnage dont nous parle l'Évangile selon Luc, Syméon qui attendait si bien le Sauveur qu'il a vraiment pu l'accueillir.

Il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit-Saint était sur lui. (Luc 2:25)

En quelques mots, nous avons ici une description de cet homme qui représente le type même de celui qui attend le Christ, le sauveur. L'Évangile nous parle de lui pour nous dire comment nous pouvons concrètement attendre le salut que Dieu nous donne en Christ, comment nous pouvons nous préparer à voir, et même à saisir ce salut, comme Syméon ici.

Syméon attend un salut qui le dépasse, mais un salut très concret, qui concerne la vie en ce monde. Il y a là quelque chose d'essentiel pour vivre, me semble t-il. Cette qualité d'attente, avant même d'entrer plus avant dans ce texte de l'Évangile, me semble devoir être remarquée. Cela demande trois choses :

  • 1) de constater qu'il y a un manque dans notre existence,
  • 2) que nos propres forces ne suffisent pas à y remédier,
  • 3) et enfin, que la situation n'est pourtant pas désespérée.

Le premier point essentiel de cette attente peut se travailler, afin de reconnaître qu'il y a un manque dans notre existence. C'est pour cela qu'il y a systématiquement une confession du péché dans le culte. Ce n'est pas une menace car le culte commence toujours par l'annonce de l'amour de Dieu, amour qu'aucun péché ne peut réduire. Et cette confession du péché ,'a pas pour but, bien sûr, de nous culpabiliser ou de nous humilier, mais tout simplement de nous aider à espérer un progrès, à espérer avec clairvoyance, avec patience, sans découragement ni culpabilisation, en sachant que Dieu est là pour nous aider à avancer.

C'est donc dans l'espérance que nous confessons nos péchés. Nous reconnaissons peut-être des gaffes que nous avons faites, ça peut commencer par là, comme un médecin se penche d'abord sur les symptômes, mais l'essentiel est plutôt d'ouvrir nos yeux sur notre manque de développement. L'Évangile nous y invite sans nous culpabiliser quand il nous dit que nous sommes comme des enfants. On ne peut en vouloir à un enfant de n'être pas bien fort, pas bien sage et de ne pas tout savoir.

Nous pouvons donc tranquillement méditer sur notre besoin de progresser, prendre quelques minutes par exemple à la fin de notre journée, après notre semaine, et quand une année s'achève.

Cela pourrait être désespérant d'ouvrir les yeux sur notre insuffisance, car il est presque impossible de se changer soi-même un tant soit peu. Même arrêter de fumer ou arriver à manger un peu moins est déjà une prouesse, alors... comment est-ce que celui qui a un triste caractère pourrait se forcer à voir la vie sous un angle plus positif, et voir le bon côté des gens plutôt que leurs défauts... comment le colérique pourrait se forcer à être plus posé et le nonchalant à trouver du tonus ?

Mais notre confession du péché n'est pas désespérante car elle est face à Dieu, face au créateur de la vie, face à ce Dieu qui est déjà, a priori, plein d'admiration pour nous, plein de respect et de bienveillance. Notre confession du péché est, dans un sens, une auto-analyse, mais elle est inspirée par Dieu qui peut nous ouvrir un petit peu les yeux sur la merveille que nous sommes déjà et la merveille encore plus merveilleuse que nous pourrions être demain. Et cette espérance que nous avons repose sur nos forces présentes, certes, mais aussi sur une force que nous n'avons pas encore et que nous attendons de Dieu, comme un miracle, comme une genèse qui vient du créateur de la vie, nous débarrassant de certaines façons d'être qui nous parasitent, et nous donnant certaines qualités d'être qui nous permettrait de nous épanouir vraiment.

L'Évangile ne nous parle que de ce Syméon et d'Anne qui attendaient le salut de Dieu. C'est presque rien par rapport à tout un peuple, mais ça suffit. Et donc même si au plus profond de nous, ou de qui que ce soit, il ne restait qu'une infime parcelle d'espérance en Dieu, c'est déjà bien, c'est suffisant pour saisir ce vrai commencement de salut que Dieu nous donne en Christ. Suivons donc ce que l'on nous dit de Syméon.

Le nom de Syméon est déjà un enseignement, Syméon veut dire “ celui qui écoute ”. Il est à l'écoute des promesses données par la Bible, ce ne sont pas pour lui des utopies pour rassurer face à la rudesse de la vie en ce monde, mais ce sont des promesses qui sont données pour que nous les recevions maintenant en ce monde, nous et nos proches, car le temps est venu. Syméon écoute, il prend ces promesses au sérieux et cela fonde sa façon d'être, avec une ouverture délibérée à l'action de Dieu dans sa vie.

Le texte nous précise que c'est à Jérusalem que Syméon attend ce salut. Le temple est le lieu symbolique de la présence de Dieu pour Israël. Bien sûr, Jérusalem et son temple ne sont que des symboles de cette présence, car Dieu est une réalité concrète mais sa présence n'est pas localisée puisqu'elle n'est pas matérielle. En fait, Jérusalem symbolise ici plutôt la religion dans ce qu'elle a de très incarné, celle qui consiste à avoir des gestes pour Dieu, des rites, des cultes, des temps de prières et de lecture, qu'importe, mais en tout cas des instants délibérément volés à notre vie quotidienne ordinaire pour faire place concrètement au salut de Dieu en nous.

Mais avant que l'Évangile ne nous dise qui était Syméon et nous donne son nom, le texte nous dit qu'il est “ un homme ”. Cela peut sembler anodin, mais dans le texte original, cette précision est lourde de sens. L'Évangile nous dit ainsi qu'il est un homme même s'il n'était pas une personne qui écoute Dieu et attend son salut, même s'il n'était pas quelqu'un de juste avec les autres... Il serait un homme de toute façon, car ce nom d'humain nous est donné par grâce, et si nous claquions la porte au nez de Dieu, si je puis dire, cela ne ferait pas de nous une bête. Dieu nous considère et nous considérera toujours comme une personne humaine, son fils ou sa fille bien-aimé.

Syméon est donc un homme, et même un homme à l'écoute, le texte nous dit ensuite qu'il était “ juste & pieux ”. Il est un homme juste, le fait d'avoir de l'espérance en Dieu ne lui enlève pas sa motivation d'agir dans le monde, au contraire. Chercher à agir avec justice, c'est le premier stade de l'espérance. Pour cela, il faut d'abord avoir réfléchi à l'idée que l'on se fait de la justice, puis se sentir concerné par l'injustice dont souffrent des gens autour de soi, et chercher concrètement à les soulager. Être juste c'est de l'espérance active. La 2e qualité de Syméon, la piété, prolonge cette façon d'être. La piété, ou plutôt le respect de Dieu, c'est tenir une vraie relation à Dieu. Syméon est ainsi à sa juste place, appartenant au monde et se tenant devant Dieu. Sa notion de la justice n'a alors pas son origine en lui-même, elle n'est pas non plus fondée sur une idéologie, pas même sur la Bible, mais en Dieu, dans une relation vivante, quotidienne, dynamique.

Syméon est donc un homme juste et se souvenant de Dieu. La troisième dimension de l'espérance de Syméon c'est “ d'attendre la consolation d'Israël ”. Il attend quelque chose qui dépasse ce que l'on peut espérer de l'activité humaine, qu'elle soit matérielle ou spirituelle. Syméon est certain que Dieu va agir mais cela ne le pousse pas à cesser d'agir dans ce monde. Ces deux dimensions sont complémentaires. Cela nous invite à réfléchir et à agir en ce monde comme si nous ne pouvions compter que sur nos propres forces, et en même temps, à nous tourner vers Dieu comme si nous ne savions rien et que ne pouvions rien attendre de nous-mêmes. C'est se juste équilibre entre l'action et l'espérance, entre l'autonomie et la confiance en Dieu, entre l'estime de soi et l'humilité qui est la clef du salut.

“ L'Esprit Saint était sur lui ” nous dit enfin l'Évangile pour conclure le portrait de Syméon. L'Esprit c'est la dynamique de création de Dieu pour créer l'homme et pour lui donner d'être créateur lui-même. L'Esprit est donné à toute personne humaine, nous dit la Genèse (2:7), c'est le principe même de l'humain, mais on peut "attrister l'Esprit en soi", comme le dit Paul (Éphésiens 4:30). Syméon n'attriste pas l'Esprit, il en est ouvert à ce qui vient du créateur, ce qui lui donne d'être créateur lui-même, dans la justice, la piété et l'espérance.

La première dimension, c'est l'action juste. La deuxième, c'est de se tenir face à Dieu, la troisième dimension c'est l'attente du secours de Dieu. Comme je le disais au début, cette attente du secours de Dieu ne peut se faire que dans la confession du péché pour reconnaître ce qui nous manque et l'incapacité de nous sauver par les seules ressources de l'humanité, qu'elles soient matérielles, intellectuelles ou même spirituelles. Mais il ne faut pas non plus exagérer dans le domaine de la confession du péché au point de perdre de vue ce que nous avons déjà de force, de sagesse et de foi pour être nous-mêmes créateurs de bonnes choses, source de justice.

La clef de l'équilibre entre la confession du péché et la connaissance de notre réelle valeur, c'est Dieu. Il est l'idéal, le point ultime de notre cheminement. En plaçant notre vie devant lui nous pouvons reconnaître notre manque mais aussi reconnaître qu'au fond de nous-mêmes il y a quelque chose qui est de cet ordre, au moins en germe, une capacité à être une source de vie, de bonté, d'action juste.

Syméon attend donc l'action de Dieu pour lui et pour les siens. Dans le même temps, il agit pour améliorer le monde et le sort de son peuple par l'action juste. Il agit, mais il attend quand même quelque chose de plus, quelque chose d'inconnu qui dépasse infiniment ce qui est à la portée de l'humain. Il attend le salut de Dieu. Comme Syméon, nous pouvons attendre de Dieu qu'il nous surprenne, et avec Dieu nous pouvons essayer de surprendre le monde par notre capacité à créer.

Peut-être que la meilleure traduction du mot “ Évangile ” n'est peut-être pas “ la Bonne Nouvelle ”, mais “ la Bonne Surprise ”, la meilleure et la plus surprenante des surprises parce qu'elle vient de Dieu, et qu'il est une source de bonté et de nouveauté qui dépasse tout ce qu'il est possible d'imaginer.

Syméon nous dit que ces bonnes surprises qui viennent de Dieu ne sont pas une vague espérance pour un au-delà utopique, mais qu'elles sont à attendre pour maintenant, en cette vie. La façon dont Syméon attend le salut de Dieu permet à Dieu d'exaucer cette espérance.

Déjà son espérance du salut de Dieu a nourri la façon qu'il avait d'agir dans ce monde pour qu'il soit un peu plus juste autour de lui. C'est déjà immense.

Mais la Bonne surprise du salut de Dieu est infiniment plus que cela encore, c'est le miracle de la venue du Messie, d'un salut radical qui dépasse notre petit cercle de famille. Et lui, Syméon, peut voir ce salut de ses yeux, il peut le tenir dans ses bras. La première surprise, c'est que ce salut est un bébé, un petit salut en herbe mais un immense salut bien réel à tenir dans ses bras, un salut à attendre encore et toujours mais un salut qui est pourtant déjà là tout entier, il est juste à soigner et à nourrir, à protéger et à recevoir.

Dès que Syméon reçoit ce Salut, il a une autre surprise, c'est que le Christ est un salut paradoxal. Comme le dit Syméon : “ Cet enfant est destiné à amener la ruine et la résurrection d'une multitude en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction. ” Cette ruine et cette résurrection est un salut qui traverse toute personne, c'est une puissance de purification et de résurrection à recevoir aujourd'hui et chaque jour. Ce salut est la naissance et la résurrection de certaines qualités d'être qui nous permettront de nous épanouir vraiment. C'est alors que nous serons enfin nous-mêmes et pleinement vivant.

Mais avant, n'est-il pas nécessaire de vivre la ruine de certaines façons d'être détestables qui nous parasitent ? 

Lecture de la Bible

Luc 2:25-38

Voici, il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit-Saint était sur lui. Il avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu le Christ du Seigneur.

Il vint au temple, poussé par l’Esprit. Et, comme les parents apportaient le petit enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qu’ordonnait la loi, il le reçut dans ses bras, bénit Dieu, et dit:

Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur S’en aller en paix, selon ta parole.
Car mes yeux ont vu ton salut,
Salut que tu as préparé devant tous les peuples,
Lumière pour éclairer les nations, Et gloire d’Israël, ton peuple.

Son père et sa mère étaient dans l’admiration des choses qu’on disait de lui.

Siméon les bénit, et dit à Marie, sa mère: Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction, et à toi-même une épée te transpercera l’âme, afin que les pensées de beaucoup de coeurs soient dévoilées.

Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était fort avancée en âge, et elle avait vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité. Restée veuve, et âgée de quatre vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le temple, et elle servait Dieu nuit et jour dans le jeûne et dans la prière. Etant arrivée, elle aussi, à cette même heure, elle louait Dieu, et elle parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.

Ésaïe 52:1-10

Réveille-toi! réveille-toi! revêts ta parure, Sion!
Revêts tes habits de fête, Jérusalem, ville sainte!
Car il n’entrera plus chez toi ni incirconcis ni impur.
Secoue ta poussière, lève-toi,
Mets-toi sur ton séant, Jérusalem!
Détache les liens de ton cou, Captive, fille de Sion!
Car ainsi parle l’Eternel:
C’est gratuitement que vous avez été vendus,
Et ce n’est pas à prix d’argent que vous serez rachetés.
Car ainsi parle le Seigneur, l’Eternel:
Jadis mon peuple descendit en Egypte, pour y séjourner;
Puis l’Assyrien l’opprima sans cause.
Et maintenant, qu’ai-je à faire, dit l’Eternel,
Quand mon peuple a été gratuitement enlevé?
Ses tyrans poussent des cris, dit l’Eternel,
Et toute la durée du jour mon nom est outragé.
C’est pourquoi mon peuple connaîtra mon nom;
C’est pourquoi il saura, en ce jour,
Que c’est moi qui parle: me voici!
Qu’ils sont beaux sur les montagnes,
Les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles,
Qui publie la paix!
De celui qui apporte de bonnes nouvelles,
Qui publie le salut!
De celui qui dit à Sion: ton Dieu règne!
La voix de tes sentinelles retentit;
Elles élèvent la voix,
Elles poussent ensemble des cris d’allégresse;
Car de leurs propres yeux elles voient Que l’Eternel ramène Sion.
Eclatez ensemble en cris de joie, Ruines de Jérusalem!
Car l’Eternel console son peuple, Il rachète Jérusalem.
L’Eternel découvre le bras de sa sainteté,
Aux yeux de toutes les nations;
Et toutes les extrémités de la terre verront
Le salut de notre Dieu.

 

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