Faire le bien, avec une tranquille détermination, à l’image de Dieu

Ésaïe 55:1-13

Culte du 2 septembre 2012
Prédication de pasteur Marc Pernot

( Ésaïe 55 :1-13 )

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Culte du dimanche 2 septembre 2012 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Dans ce texte, le prophète Ésaïe nous montre Dieu agir pour le monde et pour nous-mêmes avec une tranquille détermination. Il fait descendre sa pluie sur les justes et sur les injustes, comme le dit également Jésus, arrosant les ronces et les cyprès, les montagnes et les champs, tout cela avec plus que de l’espérance, avec une tranquille confiance que cela ne sera pas sans résultat positif.

Ce texte nous propose une réponse magistrale à une très classique question de théologie : si Dieu existe et qu’il est bon, pourquoi existe t-il plein de choses qui ne vont pas en ce monde, et que fait Dieu pendant ce temps-là ? Ésaïe affirme que Dieu agit, mais à sa façon, pas assez spectaculaire à notre goût. Car notre vie sur terre est si brève que nous sommes pressés, et nous sommes si concentrés sur le monde matériel que nous reconnaissons plus un petit résultat visible qu’un vrai travail de création. Ce dont nous rêvons c’est que Dieu soit magicien, tirant un lapin d’un chapeau dès que cela nous le lui demandons, et comme nous le lui demandons. Ça ne marche pas comme ça.

Dieu agit avec une tranquille détermination. Il agit en surpassant la mal par le bien. C’est ce qu'Ésaïe illustre en disant que Dieu n'arrache pas les ronces et les épines mais qu'il fait pousser des cyprès et de la myrte.

Dieu agit en nourrissant le meilleur et en tissant des partenariats plutôt que de travailler sur les symptômes. Chaque jour des milliers d’enfant continuent à mourir de faim, d’autres meurent sous les obus en Syrie car ils font la queue dans la rue pour avoir du pain. Et pourtant Dieu ne fait pas pleuvoir des pains du ciel pour les nourrir. C’est décevant, mais ça ne peut pas marcher comme ça, car il n’y a pas de boulangeries industrielles au ciel. Que fait Dieu ? Ésaïe nous dit que travaille sur la qualité d’être, qu’il travaille en suscitant et favorisant nos bons projets. Dieu arrose de sa Parole notre être et notre vie. Oui, le projet de Dieu est que chacun puisse avoir du pain à manger, nous dit Ésaïe, et bien autre chose, que chacun puisse avoir lui-même de bons projets et que tout exulte et chante.

Ésaïe il nous dit que :

  • Dieu ne supprime pas le méchant, il l’appelle, l’assure de son pardon et Dieu agit avec une tranquille détermination pour qu’il aille mieux.
  • Dieu ne donne pas la paix à celui qui est agité comme par magie, il lui offre de l’eau qu’il pourra prendre et boire pour calmer sa fièvre. Et Dieu ne se lasse pas d’offrir de cette eau.
  • Dieu ne fait pas grandir en une seconde l’enfant que nous sommes, il offre du lait pour nourrir notre croissance.
  • Dieu en donne pas la joie comme un objet que l’on prend dans ses mains et que l’on pose sur la cheminée du salon, mais il nous offre la joie en nous tendant une coupe de vin pour que nous la prenions et que nous la buvions, que nous assimilions sa façon d’être, vivant de sa tranquille détermination à agir en ce monde .

Dieu ne peut pas faire autrement que d’agir ainsi, car s’il est à l’origine de ce formidable élan d’évolution qui existe dans l’univers, Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres pour pétrir du pain, et que la pluie physique continue de ne pas tomber autrement qu’en suivant les lois de la physique. Dieu agit ainsi car il aime et que c’est en agissant ainsi qu’il crée. Il n’y a pas d’autres façons, car on ne peut pas forcer quelqu’un à être en paix ni à être joyeux, ni à aimer. C’est en nourrissant, en éduquant et en aimant que l’on fait grandir un enfant, pas en tirant d’un côté sur ses jambes et de l’autre sur la tête. La croissance vient de l’intérieur. Elle ne vient que par un travail en profondeur.

Dieu agit donc avec une tranquille détermination et il nous invite à entrer dans ce travail à notre façon.

Dieu offre tout gratuitement, l’eau, le lait, le vin, la pluie. Comme le dit Jésus, Dieu fait pleuvoir sue les justes et sur les méchants, ou plutôt sur ce qui est juste et ce qui est méchant en chacun de nous. Il fait pleuvoir sur les ronces et sur le cyprès, sur les broussailles et sur le myrte odorant.

Dieu agit avec douceur et confiance. Il ne nous fourre même pas de force dans la bouche de l’eau, du pain, du lait ou du vin. Il ouvre plutôt devant nous comme un magasin gratuit. Au sens spirituel, Dieu fait pleuvoir sa bénédiction sur nos plaines et neiger sur nos montagnes. La montagne évoque dans la Bible le culte, c’est un lieu où nous pouvons recevoir sa Parole comme de la neige, constituant ainsi d’utiles réserves d’eau pour le printemps. Dieu fait également pleuvoir sa bénédiction sur les plaines de notre vie quotidienne.

Dieu agit avec une tranquille détermination, avec calme et confiance. En définitive, l’eau versée produira son effet. Peut-être pas un effet énorme mais toujours au moins un certain effet. Dieu est le premier à être triste et déçu si ça ne donne pas grand-chose, mais il a l’habitude. Sa méthode à lui c’est de persévérer à instiller le bien avec une tranquille et généreuse détermination.

Il espère une lente germination suivie d'une croissance. On ne fait pas pousser un grand cyprès en une seconde et un homme ne devient pas un peu meilleur non plus en un clin d'œil. Cela peut nous décevoir que l'œuvre de Dieu prenne ainsi du temps, mais ayons confiance, nous dit Ésaïe, Dieu est à l'œuvre dans l'univers et dans les cœurs.

Si l'on sait regarder, on peut discerner cet immense mouvement d'évolution et de vie qui germe dans l'univers. Mais, nous dit ce texte, il arrive que l’on ne voie pas grand-chose. Peut-être parce que notre vie est si brève que 100 de nos générations est comme un mois de croissance pour notre cyprès dont la croissance est si lente qu’elle semble arrêtée à cette échelle. Ou peut-être est-ce parce que nous ne savons pas bien regarder ? Faut-il désespérer de Dieu pour autant ? Non, nous dit Ésaïe, car la tranquille détermination de Dieu à faire le bien a une véritable efficacité.

Comme la pluie et la neige descendent des cieux,
Et n’y retournent pas Sans avoir fécondé la terre,
Sans avoir donné de la semence au semeur
Et du pain à celui qui mange,
Ainsi en est-il de ma parole, qui sort de ma bouche:
Elle ne retourne point à moi sans effet.
Oui, vous sortirez dans la joie
et vous avancerez dans la paix.

Vous sortirez dans la joie, vous connaîtrez l’accomplissement de votre être, cette promesse est traduite au futur. Cela pourrait faire penser que cette promesse serait pour une autre vie. Mais le futur n’existe pas en hébreu, et les verbes « vous sortirez dans la joie, vous avancerez en paix », ces verbes sont à l’inaccompli qui exprime une action qui commence dans le présent et qui est toujours en cours de développement. Il n’y a pas marqué qu’un jour, si nous sommes bien sage, nous gagnerions le prix. Non. Dieu agit maintenant, et son travail d’irrigation produit au moins un petit effet, et déjà nous pouvons sortir un petit peu de notre état, nous pouvons sortir avec un peu de joie, ne le sentez-vous pas ? Nous avons un peu de cette joie qu’il y a être autorisé à sortir à l’air libre avec l’envie de faire quelque chose, sentant déjà que quelque chose ou quelqu’un nous garde et nous fait avancer vers une certaine vérité de notre être ?

Parfois, nous sommes comme ce Dieu qu’Ésaïe fait parler ici. Nous essayons de faire du bien en ce monde, comme nous le pouvons, nous avons fait des efforts, avec notre cœur en bandoulière. Et il nous arrive trop souvent d’être déçu, voire désespéré. Parce qu’il nous est arrivé trop souvent d’en prendre plein la figure. Parce qu’il nous arrive de nous demander si ce que nous faisons sert à quoi que ce soit. Parfois il nous arrive d’en douter comme l’Ecclésiaste et son cri qui est le nôtre : vanité des vanités, tout est vanité. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil de ce monde, les fleuves vont à la mer et la mer n’est jamais remplie, le soleil se lève, il tourne, il se couche et le lendemain, il recommence, toujours et toujours… alors à quoi bon ? Des professeurs font leurs cours, ils essayent d’éveiller leurs élèves de tout leur cœur et pour le bien des jeunes eux-mêmes, et parfois les professeurs désespèrent. Un croyant sincère essaye d’intéresser un ami à Dieu et il est déçu  du peu d’effet de sa parole. Des associations essayent de réinsérer des prisonniers, secourir des pauvres, et sans cesse les prisons se remplissent et d’autres pauvres, ou les mêmes, arrivent encore en détresse…

Ce texte nous dit de ne pas désespérer. Toute bonne action, visant la profondeur, est comme l’eau de la Parole de Dieu, elle produit son effet et elle produira son effet, elle change les choses en profondeur. Et c’est vrai. Toute bonne parole change le monde. Tout acte sincère et vrai, toute marque et même toute pensée pour le bien d’un autre n’est pas sans produire un effet positif sur l’équilibre profond du monde.

C’est ainsi que nous pouvons travailler, même en ne voyant pas le résultat, en confiance. Et si parfois le résultat est éclatant ce sera comme par grâce, ça arrive aussi parfois, et oui, cela fait du bien aussi de pouvoir se réjouir ainsi.

Mais déjà, simplement, vivre dans cette tranquille sérénité de faire ce que l’on peut. Il y a déjà de la joie à sortir et à semer. Nous pouvons compter sur Dieu pour arroser de sa bénédiction nos semailles. Ésaïe, d’expérience, nous dit qu’avec la bénédiction de Dieu cela ne restera pas sans effet, qu’il y aura de la semence pour le semeur, de nouveaux projets possibles pour prolonger encore celui d’aujourd’hui, et qu’il y aura du pain à manger.

Vivre déjà cette calme détermination de l’action, selon ce que l’on pense être juste.

C’est ainsi que Martin Luther a eu la force de répondre aux envoyés du pape et de l’empereur Charles Quint réunis : désolé, mais je ne puis dire autrement, je ne puis agir autrement, car il n’est ni sage ni juste d’agir contre sa propre conscience (il ne dit pas « contre Dieu », car il ne confond pas sa propre pensée et celle de Dieu, quand même). Luther se mettait en danger ainsi alors qu’il n’y avait aucune perspective raisonnable de changer les choses en quoi que ce soit. Et pourtant l’histoire du monde va être profondément transformée par ce geste. Pourtant Luther n’était pas Dieu, ni le Christ, et il pensait pas mal de bêtises aussi. Mais il y a mis son cœur, sa détermination, sa foi et sa pensée.

Alors nous ne sommes pas non plus Dieu, pas tout à fait. Nous ne sommes pas Luther non plus. Nous ne sommes pas Galilée qui libère la science en marmonnant dans sa barbe son « et pourtant elle tourne ». Nous ne sommes pas Richard Simon qui, ici même à l’Oratoire, libère la lecture de la Bible de sa prison de traditions et de dogmes. Il était chargé de dresser l’inventaire des manuscrits anciens dans la bibliothèque de la congrégation de l’Oratoire, juste derrière ce coin de mur, et au lieu de faire simplement cela, il va tout lire, étudier, comparer, il va réfléchir de façon personnelle et publier son Histoire critique [de la Bible] qui va révolutionner bien des choses. Nous ne sommes pas non plus Gandhi ou Martin Luther King… mais nous sommes nous-mêmes et c’est immense. Quand nous faisons ce que nous pensons être bien, après avoir simplement un peu réfléchi et prié et discuté, quand nous faisons ce que nous pouvons avec nos forces, notre intelligence et notre cœur, cela ne restera pas sans effet. Dieu y veille. D’une certaine façon, il y aura de la semence pour semer, il y aura du pain pour celui qui mange, il y aura une libération, il y aura une joie et une paix qui n’existaient pas avant.

Ésaïe nous dit que Dieu nous établit comme témoin pour parler, et que notre parole sera efficace, que nous appellerons des peuples et des dimensions de l’être qui nous étaient inconnues, que Dieu donne à notre parole une puissance créatrice. Ce ne sera pas non plus une puissance de magiciens, mais notre parole sera comme une pluie qui ne reste pas sans effet sur la campagne.

Agissons avec une tranquille détermination, comme Dieu. Il travaille et continue à agir pour le monde et pour nous aussi, pour que tout jubile et s’embellisse. C’est ce qu’Ésaïe exprime avec cette incroyable image de montagnes qui dansent de joie et d’arbres qui battent des mains. Cette vision nous dit ce beau projet que toutes les dimensions de l’humain soient joyeuses et vives. Il nous dit que le projet de Dieu est même que l’univers entier soit comme un seul corps dont l’humain, dans un certain sens, serait la tête et le cœur, un univers entier se réjouissant « devant nous », avec nous, et également un peu grâce à nous.

Mais ces images sont précisément des images, elles nous donnent une vision de notre existence selon Dieu, ce qu’il éveille avec ses dons qu’il offre pour que nous nous en nourrissions :

  • Il nous est promis que Dieu fera neiger sa bénédiction sur nos montagnes, sur notre culte, sur notre étude de la Bible, notre réflexion et notre prière personnelles. Il nous est promis que Dieu fera pleuvoir sur nos collines, c’est-à-dire sur nos priorités de moindre importance, certes, mais qui ont leur importance. Il nous est promis que Dieu fera pleuvoir sur la campagne de notre vie tout entière, physique, intellectuelle, artistique, spirituelle. Et montagnes et collines seront en fête, et la campagne produira son fruit.
  • Il nous est promis que nos semailles produiront de la semence pour le semeur. Même si ce n’est pas très nourrissant tout de suite, ce travail rend possible d’autres projets futurs. Il nous est promis que nos semailles produiront quelques pains, quand même, parfois, pour nous nourrir et pour nourrir ceux qui nous avons à nourrir.
  • Il nous est promis que le cyprès s’élèvera au-dessus de nos ronces. Le cyprès ne produit pas de fruit mangeable, mais sa belle forme allongée qui se dresse vers le ciel évoque l'image d'un homme qui n'est plus rampant sur la terre comme les ronces, mais qui est dressé vers le ciel. Il évoque un arbre qui est doux au toucher et non pas violent avec les autres comme les ronces, il évoque un arbre vert en toute saison, et grandissant sans cesse.
  • Il nous est promis que le myrte odorant poussera à la place de nos broussailles. Un parfum, ce n’est pas nourrissant, cela ne se voit même pas… et pourtant, nous dit Ésaïe, c’est comme le point culminant de cette création entière qui exulte et chante selon le projet de Dieu. Ce parfum est celui de l’Esprit. C’est un léger parfum de bienveillance qui flotte autour de celui qui fait ce qu’il peut en y mettant son cœur, ses convictions, et un peu de ses forces. C’est un léger parfum qui flotte, invisible, autour de celui qui a prié et qui est tout arrosé encore de cette pluie dont Dieu l’a arrosé, ce parfum du lait qu’il a tété au sein de Dieu, et ce vin de vie et de joie que le Christ nous a donné par l’Évangile.

C’est pour nous aussi que Dieu agit avec cette tranquille détermination, avec cette confiance qu’il a en notre bonne nature.

Lecture de la Bible

Ésaïe 55:1-13

Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, Même celui qui n’a pas d’argent! Venez, achetez et mangez, Venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer!

2 Pourquoi pesez-vous de l’argent pour ce qui ne nourrit pas? Pourquoi travaillez-vous pour ce qui ne rassasie pas? Ecoutez-moi donc, et vous mangerez ce qui est bon, Et votre âme se délectera de mets succulents.

3 Prêtez l’oreille, et venez à moi, Ecoutez, et votre âme vivra: Je traiterai avec vous une alliance éternelle, Pour rendre durables mes faveurs envers mon bien-aimé.

4 Voici, je l’ai établi comme témoin auprès des peuples, Comme chef et commande aux peuples.

5 Voici, tu appelleras des nations que tu ne connais pas, Et les nations qui ne te connaissent pas accourront vers toi, A cause de l’Éternel, ton Dieu, Du Saint d’Israël, qui te glorifie.

6 Cherchez l’Éternel pendant qu’il se trouve; Invoquez-le, tandis qu’il est près.

7 Que le méchant abandonne sa voie, Et l’homme d’iniquité ses pensées; Qu’il retourne à l’Éternel, qui aura pitié de lui, A notre Dieu, qui ne se lasse pas de pardonner.

8 Car mes pensées ne sont pas vos pensées, Et vos voies ne sont pas mes voies, Dit l’Éternel. 9 Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, Autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, Et mes pensées au-dessus de vos pensées.

10 Comme la pluie et la neige descendent des cieux, Et n’y retournent pas Sans avoir arrosé, fécondé la terre, et fait germer les plantes, Sans avoir donné de la semence au semeur Et du pain à celui qui mange,

11 Ainsi en est-il de ma parole, qui sort de ma bouche: Elle ne retourne point à moi sans effet, Sans avoir exécuté ma volonté Et accompli ce pour quoi je l’ai envoyée.

12 Oui, vous sortirez avec joie, Et vous serez conduits en paix; Les montagnes et les collines éclateront d’allégresse devant vous, Et tous les arbres de la campagne battront des mains.

13 Au lieu de l’épine s’élèvera le cyprès, Au lieu de la broussaille croîtra le myrte; Et ce sera pour l’Éternel une gloire, Un monument perpétuel, impérissable.

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