Dieu sauve Noé, ses enfants, et des animaux
Genèse 6 À 9 1 , Pierre 3:18-21
Culte du 16 novembre 2008
Prédication de pasteur Marc Pernot
( Genèse 6-9 ; 1 Pierre 3:18-21 )
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Culte du 16 novembre 2008 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot
L’histoire du déluge est un des récits les plus anciens puisqu’il remonte aux origines même de l’invention de l’écriture. Ce récit a trouvé place dans la Bible, grâce, il est vrai, à une réécriture importante, mais l’essentiel est là. Dieu en a assez de la méchanceté de l’homme et envoie une sorte de gigantesque chasse d’eau pour régler le problème. En tant que chrétiens nous avons du mal, heureusement, à reconnaître dans cette conception de Dieu cette personne pleine de tendresse que Jésus nous révèle être Dieu. Pourtant, ce texte est un des plus essentiels de la Bible, nous pouvons en faire une lecture cohérente avec l’Évangile. C’est ce que nous propose l’apôtre Pierre dans sa 1ère lettre. Et c’est intéressant à double titre, d’abord pour comprendre ce que Pierre veut nous dire du salut que Dieu nous donne en Christ, mais c’est intéressant également pour enrichir notre façon de lire la Bible, à l’école de la Bible elle-même, avec une façon de penser, une logique plus proche de celle des auteurs de la Bible.
Pour lire la Bible et en tirer quelque chose pour notre propre vie, nous sommes habitués à nous mettre à la place des différents personnages de l’histoire. Nous pouvons ainsi nous identifier à Noé lui-même et voir comment la grâce de Dieu et les qualités propres de Noé lui permettent d’être sauvé et de sauver sa famille et des animaux. Nous pouvons aussi nous identifier facilement aux contemporains de Noé, et reconnaître dans leur violence notre propre violence entre nous. Mais cette lecture est choquante, très choquante, même, tant elle est à l’opposé de l’Évangile dans la théologie et dans la façon de vivre qui en résultent.
Pierre nous propose une autre lecture, très classique à l’époque de Jésus. Pierre nous propose une relecture de l’histoire de Noé comme parlant de notre propre salut (1 Pierre 3:18-21).
Si le déluge est une figure de notre baptême, cela veut dire que Pierre invite chacun d’entre nous à s'identifier à l'humanité tout entière qui est plongée dans l'eau au déluge, et même à l’ensemble du vivant, humanité et animaux ensemble. Chacun d’entre nous étant tout cela à la fois, par certains côtés, chacun est à la fois l’homme juste qu’est Noé, chacun est de multiples façons l’humanité violente et les animaux de la terre. Tous ces êtres vivants évoquent ainsi les multiples dimensions de chaque personne individuelle.
Avec cette façon de voir, la première bonne nouvelle, c'est que Dieu n'est plus une personne qui est source de mort. Au contraire, Dieu aime, purifie, sauve, console, bénit chacun, même le plus pécheur des hommes, comme Dieu sauve dans cette histoire l’humanité et les espèces animales, malgré tout, et qu’il renouvelle son alliance de paix et sa bénédiction. Et là, on peut reconnaître le Dieu de tendresse que nous révèle Jésus-Christ. En effet, dans cette lecture où chacun est l'humanité tout entière, aucune personne ne meurt sous le jugement de Dieu, mais ce qui est éliminé, c'est l'homme mauvais qui est en chacun. Et c'est donc à chaque être humain qu'est promis ici par Dieu la vie sauve malgré notre violence, une vie sauvée, protégée et bénie. Nous reconnaissons alors, même dans ce texte terrible, le Dieu dont parle Jésus-Christ, un Père qui aime chacun de ses enfants même s'il est son ennemi, comme le dit Jésus (Matthieu 5:43-4 5)
Mais d’ailleurs, comment imaginer un Dieu qui punirait la violence des hommes et les tuant de façon violente, n’y a t-il pas dans cette lecture simpliste du récit du déluge une incohérence fondamentale ? Le texte nous dit que le problème au début, c’est la violence de l’homme (Gen. 6:11), si Dieu considère la violence comme un mal est-ce qu’il l’utiliserait tout de suite après ? C’est pourquoi il me semble que la lettre même de ce récit du déluge invite à convertir l’ancienne théologie fondée sur la crainte d’un Dieu terrible en une conception où Dieu n’est source que de vie et de bien, source de salut pour chaque personne. Dans cette version biblique du déluge, on voit Dieu se convertir, promettant à deux reprises de ne plus exterminer le vivant (8 :21, 9 :11) avant de conclure une alliance de paix et de bénir l’humain. Ce récit de conversion de Dieu nous invite à convertir notre théologie.
Cette version du déluge nous parle donc du salut de Dieu pour chaque personne humaine, comparée, à cause de nos multiples facettes, à la somme de tous les humains et de tous les animaux. Comment Dieu va-t-il nous sauver ?
Il sauve la personne d’abord en la regardant et en l’aimant. C'est ainsi qu'il trouve ce petit Noé qui existe au plus profond de chaque personne. C’est d’abord cela que nous dit ce texte. Cette meilleure part de nous-mêmes est parfois bien cachée, mais elle existe, comme un petit reste de vie ou comme un petit commencement de vie que serait un seul Noé parmi des milliards de personnes. Ensuite, Dieu appelle, il mobilise Noé pour qu'il construise une arche permettant de sauver la vie.
Pour que nous apprenions à reconnaître ce Noé, le texte nous en parle, et il décrit ainsi la part essentielle de notre être sur laquelle Dieu cherche à bâtir notre salut : « Noé trouva grâce aux yeux de l'Eternel. Noé était un homme juste et sans défaut dans son temps, Noé marchait avec Dieu, Noé engendra trois fils, Sem, Cham et Japhet. » (6:8-9). Vous avez bien entendu, ce texte dit que Noé est un homme parfait ce qui est évidemment impossible pour un être humain. Mais encore une fois, ce récit de la Genèse fait de cette histoire un type, comme le dit l’apôtre Pierre, et si Noé est présenté comme impeccable, c’est pour évoquer une réalité qui existe en chacun de nous, ce qui est juste et bon en chacun de nous.
Dieu se débrouille donc pour dénicher ce qui est juste dans une personne humaine. Il y a déjà là, dans ce regard de Dieu sur nous, comme un déluge qui passe pour nettoyer la conception qu'il se fait de nous-mêmes pour garder ce qui est juste et bon en nous. La grâce de Dieu commence par ce regard, mais elle ne s’arrête pas là, elle est également pleine d’espérance pour nous et grâce à nous. Sa grâce est même active : Dieu cherche à réaliser avec nous ce que son regard espère, comme on le voit dans la suite.
Il y a donc dans ce récit une théologie : Dieu aime la personne humaine, il voit le bien, il espère et il aide. Il y a là une théologie, mais également une éthique qui nous est proposée. Nous pouvons avoir un peu de cette bienveillance vis-à-vis de nous-même, de l’espérance, aussi, pour mobiliser ce meilleur de nous-mêmes et avancer. Nous pourrions alors vivre un peu vis-à-vis des autres avec cette façon d’être nourrie par la grâce de Dieu. Ce n’est pas facile, comme le constate ce texte (8 :21), nous sommes portés à la violence depuis toujours, mais précisément, avec l’aide de Dieu, notre petit Noé peut surnager, notre violence être réduite…
Qu'est-ce que c'est que cette bonne part de nous-même qui est appelée ici Noé ? La première chose que nous dit le texte c'est que Noé est « un homme », ce mot n’est pas du tout aussi banal en hébreu qu’en français et dans la Bible il n'est pas employé à la légère. L'homme est créé par Dieu à l’image de Dieu. Dieu nous regarde donc, nous, tel que nous sommes aujourd’hui, et il arrive à reconnaître sa propre image !
Noé représente l'Homme avec un grand H, et pourtant nous dit le texte, il est un homme « de son temps ». Cette indication surprenante d’évidence au sens littéral est importante pour nous, elle montre que le salut de Dieu dont il est ici question est pour aujourd'hui, non pour je ne sais quel temps futur. Ce salut est déjà présent comme en germe dans le meilleur de nous-mêmes, il est présent même dans la personne la plus obscure, mais il y a du travail pour dégager ce Noé, le mobiliser comme source de salut, notre salut et celui de la vie autour de nous.
Ce Noé que Dieu reconnaît et espère est « un homme de son temps », mais en plus, nous dit le texte,
- c'est un « homme juste », nous appelant à affiner notre notion de justice et à faire le bien,
- c'est également un homme « pleinement développé », nous appelant à nous développer sans cesse,
- et c'est un « homme qui marche avec Dieu », qui avance grâce à lui, avec lui, et vers lui.
Le texte termine cette description de Noé en nous disant qu’il a trois fils dont on nous donne les noms, ce qui nous invite à les interpréter comme des valeurs importantes, de la même façon qu’un peu plus haut dans le texte le nom de Noé est expliqué littéralement comme évoquant « notre consolation » (5:29). Les trois fils, Sem, Cham et Japhet sont ainsi trois dimensions de la vie humaine, trois dimensions excellentes que Dieu bénit, qu’il cherche à sauver et avec qui il compte :
- Shem, en hébreu, c'est « le nom ». Shem évoque ainsi la pensée, la capacité à nommer, à donner du sens.
- Rham, en hébreu, c'est « le chaud », ce qui évoque les sentiments et les émotions.
- Et Iaphet, veut dire « l'ouverture » vers ceux qui nous entourent et vers un idéal.
Chacune de ces trois dimensions peut être un vrai problème si elle se développe pour la violence, que ce soit la pensée, les sentiments ou les idéaux. Mais quelle richesse quand la pensée, les sentiments et l'ouverture sont unis dans une personne par la justice et par la foi, quand elles visent le développement et la consolation de l'homme en relation avec Dieu.
Le projet de Dieu n’est pas de sauver seulement Noé, mais de sauver notre être dans toutes ses excellentes dimensions. Dieu ne sauve pas que le spirituel en nous mais également la pensée personnelle, il sauve aussi, bien sûr, la capacité à s'émouvoir, il sauve enfin cette extraordinaire capacité que nous avons de nous ouvrir aux autres et à un idéal, à un futur. Dieu sauve ainsi 8 personnes, car en réalité ce sont 4 couples qu'il sauve, 8 hommes et femmes. Ce chiffre de 8 sur lequel Pierre insiste lourdement évoque la résurrection, Pierre n'a même pas besoin de le dire tant c'était évident. C’est pour cela que chaque baptistère était à l’époque construit avec 8 côtés et que le dimanche était appelé « le 8e jour ». Dans un temps qui est rythmé sur la base d’une semaine en 7 jours, ce chiffre 8 évoque la vie éternelle. Pierre nous dit ainsi que Dieu nous donne la vie éternelle « dans notre temps », aujourd’hui même et que la vie éternelle concerne tout notre être, dans ses multiples excellentes dimensions.
Dieu fait ainsi appel au meilleur de nous-mêmes pour sauver notre être des griffes de notre propre violence. Il sauve ces 4 excellentes dimensions de l'Homme en nous, mais dans ce récit Dieu sauve aussi toutes sortes de bêtes pures et non-pures. Dieu fait même alliance avec tout ce petit monde, pas seulement avec Noé et ses enfants. Dieu fait bénit et fait alliance avec ce qui est à son image en nous, avec ce qui est juste, créateur et fidèle. Dieu bénit et fait alliance avec notre pensée personnelle, notre capacité à nous émouvoir et à nous ouvrir, à nous projeter. Dieu fait aussi alliance avec notre être de chair car en ce monde, en ce temps, nous sommes aussi un corps, c’est avec lui que nous agissons pour la justice, que nous avançons, pensons et prions. Et il en sera ainsi, nous dit le texte, « tant que subsistera la terre, les semailles et la moisson, le froid de l’hiver et la chaleur de l’été, le jour et la nuit » (8:22). Notre dimension animale est à sauver pour ce temps. Dieu fait alliance également avec elle, mais ce ne sont que les 8 personnes qui sont bénies, ces 4 couples qui engendreront l’humanité de demain. Et selon cette alliance entre Dieu et notre être tout entier, il faut que l'animal qui est en nous obéisse à l’homme qui est en nous. Car quand c’est l’inverse, ça ne va plus.
C’est ainsi que Dieu s’efforce de nous ressusciter chaque jour un peu plus. Et à l'image de Dieu nous espérons et nous agissons pour sauver toute personne qui nous est confiée, et de sauver toute la personne, en l’aimant et en lui faisant découvrir peut-être ce Noé qu’elle est par certain côté, ce Noé père de Sem, Sham et Japhet.
Amen.
Lecture de la Bible
Genèse 6:5 à 9:11
L’Eternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur coeur se portaient chaque jour uniquement vers le mal. 6 L’Eternel se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre, et il fut affligé en son coeur. 7 Et l’Eternel dit: J’exterminerai de la face de la terre l’homme que j’ai créé, depuis l’homme jusqu’au bétail, aux reptiles et aux oiseaux du ciel; car je me repens de les avoir faits. 8 Mais Noé trouva grâce aux yeux de l’Eternel. 9 Voici la postérité de Noé. Noé était un homme juste et intègre dans son temps; Noé marchait avec Dieu. 10 Noé engendra trois fils: Sem, Cham et Japhet. 11 La terre était corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence. 12 Dieu regarda la terre, et voici, elle était corrompue; car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre. 13 Alors Dieu dit à Noé: La fin de toute chair est arrêtée devant moi; car ils ont rempli la terre de violence; voici, je vais les détruire avec la terre. 14 Fais-toi une arche de bois de gopher; tu disposeras cette arche en cellules, et tu l’enduiras de poix en dedans et en dehors. 15 Voici comment tu la feras: l’arche aura trois cents coudées de longueur, cinquante coudées de largeur et trente coudées de hauteur. 16 Tu feras à l’arche une fenêtre, que tu réduiras à une coudée en haut; tu établiras une porte sur le côté de l’arche; et tu construiras un étage inférieur, un second et un troisième. 17 Et moi, je vais faire venir le déluge d’eaux sur la terre, pour détruire toute chair ayant souffle de vie sous le ciel; tout ce qui est sur la terre périra. 18 Mais j’établis mon alliance avec toi; tu entreras dans l’arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi. 19 De tout ce qui vit, de toute chair, tu feras entrer dans l’arche deux de chaque espèce, pour les conserver en vie avec toi: il y aura un mâle et une femelle....
8:1 Dieu se souvint de Noé, de tous les animaux et de tout le bétail qui étaient avec lui dans l’arche; et Dieu fit passer un vent sur la terre, et les eaux s’apaisèrent. 2 Les sources de l’abîme et les écluses des cieux furent fermées, et la pluie ne tomba plus du ciel. 3 Les eaux se retirèrent de dessus la terre,....
9: 15 Alors Dieu parla à Noé, en disant: 16 Sors de l’arche, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils avec toi. 17 Fais sortir avec toi tous les animaux de toute chair qui sont avec toi, tant les oiseaux que le bétail et tous les reptiles qui rampent sur la terre: qu’ils se répandent sur la terre, qu’ils soient féconds et multiplient sur la terre. 18 Et Noé sortit, avec ses fils, sa femme, et les femmes de ses fils. 19 Tous les animaux, tous les reptiles, tous les oiseaux, tout ce qui se meut sur la terre, selon leurs espèces, sortirent de l’arche. 20 Noé bâtit un autel à l’Eternel; il prit de toutes les bêtes pures et de tous les oiseaux purs, et il offrit des holocaustes sur l’autel. 21 L’Eternel sentit une odeur agréable, et l’Eternel dit en son coeur: Je ne maudirai plus la terre, à cause de l’homme, parce que les pensées du coeur de l’homme sont mauvaises dès sa jeunesse; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l’ai fait. 22 Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront point.
9:1 Dieu bénit Noé et ses fils, et leur dit: Soyez féconds, multipliez, et remplissez la terre. 2 Vous serez un sujet de crainte et d’effroi pour tout animal de la terre, pour tout oiseau du ciel, pour tout ce qui se meut sur la terre, et pour tous les poissons de la mer: ils sont livrés entre vos mains. 3 Tout ce qui se meut et qui a vie vous servira de nourriture: je vous donne tout cela comme l’herbe verte. 4 Seulement, vous ne mangerez point de chair avec son âme, avec son sang. 5 Sachez-le aussi, je redemanderai le sang de vos âmes, je le redemanderai à tout animal; et je redemanderai l’âme de l’homme à l’homme, à l’homme qui est son frère....
1 Pierre 3:18-21
Christ aussi a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu; il a été mis à mort quant à la chair, et rendu vivant quant à l’Esprit, 19 dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison, 20 qui autrefois avaient été incrédules, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé, pendant la construction de l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est-à-dire huit, furent sauvées à travers l’eau.
21 Cette eau était une figure du baptême, qui n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, et qui maintenant vous sauve, vous aussi, par la résurrection de Jésus-Christ.