Dieu dit : créons l’humain

Genèse 1 :26-28a , Jean 1 :1-18

Culte du 27 septembre 2009
Prédication de pasteur Marc Pernot

( Genèse 1 :26-28a ; Jean 1 :1-18 )

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Culte du 27 septembre 2009 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

« Dieu dit : créons l'homme à notre image et à notre ressemblance. »

À qui est-ce que Dieu s'adresse quand il dit « créons l’homme » ? Pourquoi est-ce qu’il parle au pluriel en disant « créons » ? Un peu plus tôt, quand Dieu crée la lumière il parle pas au pluriel, il dit simplement « Que la lumière soit ! Et la lumière fut ». C’est simple, direct, efficace. Alors, à qui est-ce que Dieu parle quand il dit « créons l'homme à notre image et à notre ressemblance. » ?

Une possibilité est que Dieu parle tout seul, comme dans un débat intérieur : selon certains théologiens, l’amour de Dieu discuterait avec sa justice, selon d’autres théologiens Dieu-le-Père discuterait avec Dieu-le-Fils, cette théorie a été assez en vogue dans les milieux chrétiens à partir du 3e siècle… Mais… cela me paraît assez surréaliste d’imaginer Dieu tiraillé entre plusieurs personnalités comme le premier schizophrène venu…

Je crois plutôt que si Dieu parle au pluriel cela veut dire tout simplement que Dieu ne crée pas l'homme tout seul, il a besoin que l’homme participe à sa propre création. Quand Dieu dit « créons l'homme » c'est à l'homme qu'il s'adresse, en lui proposant de le créer : Si tu le veux, ensemble, toi et moi, nous créerons un être humain. Cette hypothèse correspond à ce que dit l’apôtre Paul dans sa 1ère lettre aux Corinthiens « nous sommes ouvriers avec Dieu. Vous êtes le champ de Dieu, l’édifice de Dieu, le temple de Dieu. » (1 Corinthiens 3:9)

Dieu ne peut pas nous créer comme capable d’aimer, comme capable de créativité personnelle sans que nous soyons participants à notre propre création.

La création de l’homme est encore en cours à deux niveaux :

  • Notre évolution personnelle, notre genèse n’est pas terminée, nous sommes dans cet entre-deux qu’est le soir du 6e jour. Individuellement, nous sommes donc encore « en devenir »,
  • mais collectivement aussi : l'humanité est elle-même en voie d' « hominisation », comme le disait Théodore Monod.

Dieu ne peut pas créer une personne humaine sans elle, et il ne peut pas créer l’humanité sans nous. Il ne peut tout simplement pas. Dieu est créateur, mais selon la Bible il n’est pas « tout puissant ». Il n’est pas une seule fois question de « toute puissance » de Dieu dans la Bible hébraïque. Si dans votre traduction de la Bible vous voyez ces mots, il s’agit d’un mensonge du traducteur de la Bible, car il n’en est pas question dans le texte hébreu. C’est vrai que dans le Nouveau testament il est parfois question de la « toute puissance » de Dieu, mais très rarement et seulement dans des passages qui évoquent l’horizon de l’histoire, quand tout sera arrivé à son terme. Dans le temps présent, nous dit la Bible, et nous le voyons ici, Dieu est un créateur qui compose avec le temps et la matière pour créer le monde, et ce Dieu est encore moins « tout puissant » dans ce projet des projets qu’est la création de l’humain.

Dieu est présenté ici comme créant le monde par sa parole. Dans d’autres textes de création, Dieu est présenté au contraire comme un potier qui façonne sa créature avec les mains, il y a de la violence dans ce geste, l’argile a une certaine inertie mais ne peut pas refuser la forme que lui donne la main. Par contre, dans la première page de la Bible, reprise par Jean, l’acte de création de Dieu est comme une parole, or une parole est entendue ou non, comprise ou non, suivie ou non. Selon cette présentation, Dieu appelle ou propose une évolution avec douceur, par la persuasion.

Pour ce qui est de la création de l’homme, Dieu a un projet un peu plus délicat encore que d’habitude car il ne peut pas le réaliser tout seul. Il s’adresse à nous en disant : Si tu le veux, ensemble, toi et moi, nous créerons l’humain.

Ce qui est étrange, c’est que le projet est d’abord exprimé ainsi au pluriel, comme une proposition : « Dieu dit : créons l'homme à notre image et à notre ressemblance. » Mais le texte ajoute qu'ensuite « Dieu créa l'homme à son image ». On remarque que dans cette seconde partie du récit Dieu est alors le seul sujet, puisque le verbe créer est au singulier, mais on remarque aussi que le projet initial n'est qu'à moitié réalisé :

  • « Dieu créa l'homme à son image »,
  • Mais pour ce qui est de le « créer à sa ressemblance », c'est une autre histoire. Cela, Dieu ne peut pas le faire sans nous.

Dieu créa donc l'homme à son image. Ce n'est évidemment pas une image physique, Dieu n’a pas de corps au sens littéral du mot, et cette page de la Bible n’est donc évidemment pas un traité scientifique sur l’évolution de l’homo sapiens. Cette page de l’évolution spirituelle de l’humain, et cela nous concerne directement dans notre présent. Dieu créa l’homme à son image, cela veut dire que l'être humain a certains caractères qui sont les mêmes que ceux de Dieu. Je vous propose d'en retenir deux, parce qu'ils sont contenus dans le texte même, dans la phrase même « Dieu créa l'homme à son image » :

Le premier point c'est que Dieu est créateur, le projet est ainsi de créer un humain créateur, un être qui ne soit pas seulement le produit de ce qui a précédé, mais qui soit une source d’évolution, et même de surprises, à l’image de Dieu (même si c’est à un autre degré). Ce pouvoir de créer qu’a l’homme peut être utilisé à la ressemblance de Dieu pour créer du bon, mais ce pouvoir de créer peut tout aussi bien servir à générer du chaos, de la souffrance et de la haine. L’homme n’est alors pas du tout à la ressemblance de Dieu. Cela nous rappelle que tous les chemins ne sont pas à explorer, toutes les nouveautés, les inventions ne sont pas bonnes. Avec ce que Dieu nous offre, tout est permis, finalement, mais le problème c’est que tout ne construit pas, le problème c’est qu’il existe des voies qui nous aliènent, qui déconstruisent le monde et qui détruisent l’humain.

La grâce que Dieu nous fait c’est de nous appeler humain avant même de savoir si nous acceptons ou non sa proposition de travailler ensemble à notre propre genèse pour créer des individus plus humains, et une humanité plus humaine, au sens qualitatif du terme.

C’est la première chose qu’évoque cette phrase : « Dieu créa l’homme à son image ». La seconde chose c’est que l’homme est bizarrement créé à l’image d’un être dont la Bible nous dit sans cesse qu’on ne peut le représenter. Cela semble paradoxal, mais c’est essentiel. Pourquoi ne doit-on pas se faire d’image de Dieu ? C’est parce que ce n’est pas en réalité possible. Dieu est toujours en mouvement, l’image ne peut donc qu’être floue. Et c’est impossible de se faire une image de Dieu pour une 2e raison : Dieu est en grande partie au-delà de ce que nous pouvons concevoir.

Pourtant, il est utile de se faire une certaine idée de Dieu et d’en discuter entre nous afin de confronter nos points de vue, cela peut nous aider pour progresser dans notre envie d’être à sa ressemblance, mais aussi pour savoir qu’en réalité tout ce que nous savons de lui doit être relativisé par d’autres points de vue contradictoires. Comme nous le faisons ici chaque dimanche, nous pouvons parler de Dieu, mais nous le faisons avec un certain humour, finalement, car il serait illusoire et dangereux de croire que Dieu serait enfermé dans nos mots ou dans nos symboles, dans nos théologies ou dans nos sacrements. Seul l’homme lui-même, finalement peut donner, sous certains aspects, une petite idée de ce qu'est Dieu, parce que l’humain aussi est un être vivant complexe, un être en évolution permanente, un être qui est source de créativité.

C’est pourquoi il est également dangereux de penser pouvoir se faire une image de ce qu’est une personne, c’est pourquoi il est si dangereux de cataloguer qui que ce soit. Chacun de nous est un être complexe et toujours en évolution. C'est ce mouvement qui est la caractéristique du vivant. L'homme est la créature la plus libre, la plus capable d'inventer des choses nouvelles. Bref, l’homme est l’être le plus vivant que nous connaissions.

La Bible nous dit même que Dieu nous donne la vie éternelle, et c'est bien une qualité divine. S’il est question de vie, c’est au sens que nous voyons ici. La vie éternelle que Dieu nous donnerait, ce n'est pas d'être transformé en statue dans un paradis de marbre et de verre, ce n’est pas être gardé dans une mémoire figée, mais c'est précisément être en évolution et être source de création de bonnes choses.

La vie est un mouvement d’évolution. Il y a deux attitudes possibles face à cette réalité :

  • On peut freiner des 4 fers contre ce mouvement, se raidir en gardien d’une orthodoxie, en gardien du statu quo, replâtrer les fissures, regretter sans cesse le bon vieux temps… c’est une mission impossible et ce n’est pas choisir la vie.
  • Mais, au contraire, il est possible de choisir de s’associer pour créer de l’humain, non pas en se prenant pour des petits dieux, mais en étant avec Dieu tournés vers la vie.

Dieu a créé l’humain à son image, comme un être qui est en évolution et qui est capable de créer, doué d’une certaine liberté.

Cette liberté ne va pas de soi, et ce que l’on en fait non plus. Bien souvent nous passons sans même voir que nous avions le choix. Bien souvent nous choisissons n’importe comment. Bien souvent nous négligeons notre capacité créatrice personnelle, notre pouvoir de faire évoluer le monde. C’est le hiatus entre un être humain simplement, si je puis dire, à l’image de Dieu et un être humain à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Dieu lui-même ne peut nous faire passer du premier au second niveau si nous ne sommes pas ouvrier avec lui de ce que nous serons demain. C’est ainsi que l’être humain est mis en chantier. Et c’est ainsi que l’humanité est en genèse. Pour l’instant, comme le dit Théodore Monod, nous sommes préhominiens. Nous avons certains traits de l’humain qui nous a été donné d’apercevoir en Jésus de Nazareth, mais en même temps, il reste du travail à faire, pour Dieu et pour nous, afin qu’individuellement et collectivement nous évoluyions.

« Créons l’humain à notre image et à notre ressemblance », nous dit Dieu, faisant appel à notre bonne volonté, à notre espérance et à notre confiance. À chaque page des évangiles, nous pouvons lire et méditer sur ce que l’on peut entendre par ouverture à ce projet de création de l’humain par Dieu. Dans l’Évangile selon Jean, cette ouverture est souvent désignée par le verbe « croire », comme dans l’ouverture de son évangile : «  À ceux qui croient en son nom, la Parole a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu lui-même. » (Jean 1 :13) Mais là encore, nos traductions sont fautives, ou pour le moins ambiguës. Le verbe « croire » qui est ici n’est pas le verbe de la croyance à un dogme, mais c’est le verbe de la confiance, de l’espérance, de la fidélité. Il vaudrait mieux traduire ce texte en disant que l’essentiel n’est pas de croire mais plutôt d’espérer en cette source de vie qu’est Dieu, l’essentiel c’est de le chercher toujours encore, bien qu’il nous étonne toujours avec des inventions toujours incroyables, avec des cadeaux merveilleux que nous n’avions pas demandé, des bonnes nouvelles que nous n’imaginions même pas… Finalement la foi dont il est question ici, c’est une fidélité à ce qu’est Dieu tout en renonçant à s’en faire une image. C’est donc un agnosticisme priant, aimant, cherchant Dieu, et répondant à son appel en disant :« parle, Seigneur, avec toi, je sais que nous créerons l’humain ».

Amen.

Lecture de la Bible

Genèse 1 :26-28

Puis Dieu dit: Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.

27 Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme.

28 Dieu les bénit, et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et assujettissez-la; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre.

Jean 1 :1-18

Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement avec Dieu.
3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.

6 Il y eut un homme envoyé de Dieu: son nom était Jean.
7 Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui.
8 Il n’était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière.

9 Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.
10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue.
11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue.
12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés,
13 non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
14 Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.

15 Jean lui a rendu témoignage, et s’est écrié: C’est celui dont j’ai dit: Celui qui vient après moi m’a précédé, car il était avant moi.
16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce;
17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
18 Personne n’a jamais vu Dieu. Dieu, le Fils unique qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître.

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