De la pénurie à la surabondance
Luc 18:1-8
Culte du 1 juin 2014
Prédication de pasteure Régina Muller
Luc 18, 1-8
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Culte du dimanche 1er juin 2014 à l'Oratoire du Louvre
prédication de la pasteure Régina Muller
Ah ! Encore un miracle propre à nous faire sourire ! Hop ! on passe de la pénurie à une situation d’abondance, comme par magie !
Pas même une parole pour rendre visible l’invisible ! Entendez : pas de label divin pour attester que c’est bien le Dieu d’Israël qui en est le commanditaire.
Le récit ne nous donne pas la preuve que ce renversement de situation soit le fait du Dieu d’Israël, lui qui, selon ses antiques manières, reste soucieux de l’histoire de chacun.
Ici, tout va très vite et on n’y voit que du feu, comme dans les numéros de foire mille fois rodés. L’huile miraculeuse arrête de s’écouler au bon moment et il n’y a pas de gâchis.
Et ce n’est rien encore ! Si on suit le prophète Élisée dans les récits merveilleux qui lui donnent la vedette, on a le sentiment de quelque chose d’un peu trop facile. Il faut dire qu’il fallait bien ça pour asseoir sa légitimité de successeur d’Élie, le grand prophète. Les auteurs de sa geste lui font faire aussi bien, voire mieux que son prédécesseur. Il lui a d’ailleurs fallu un double adoubement pour se distinguer dans la confrérie des prophètes qui luttaient contre l’imprégnation du culte de Baal en Israël. Il a reçu une double dose d’Esprit de Dieu et deux fois le manteau d’Élie.
Élisée, l’ancien laboureur devenu faiseur de miracles, plaît au petit peuple par son sens du service. Mais il sait aussi se frotter à des affaires politico-militaires d’envergure ; il est écouté des princes. Il n’est pas interdit de laisser son imagination faire le grand écart dans le temps et de voir en notre prophète très « people », un homme qui sait travailler son image : serrer une main par-ci, jeter une poignée de farine par là pour faire avaler un bouillon empoisonné, être proche des gens de peu tout en sachant s’arranger avec les grands. Ce conseiller du prince participe à des coups d’État comme celui de Jéhu au chapitre 9.
Pourtant, ce n’est pas ce faiseur de rois qui a la vedette de notre récit. L’histoire avance vite certes, mais à l’économie de moyens, en mettant en avant une femme de peu et de peu de mots. Dans son anonymat et dans son dénuement, c’est elle qui prend l’avantage sur notre faiseur de miracles.
Une femme de peu donc, car que lui reste-t-il pour assurer le lendemain ? En mourant, son prophète de mari, lui qui appelait à la liberté, lui qui ne dépendait que de Dieu, voilà qu’il lie le sort de sa famille au bon vouloir d’un créancier !
Rien n’est assuré pour cette femme ! Ni l’avenir : ses deux fils vont être réduits en esclavage, eux qui devraient remplacer son défunt mari pour subvenir à ses besoins. Ni le recours à la justice : le créancier est dans ses droits. Ni l’appui du voisinage : les restes de moissons, de vendanges et de cueillettes d’olives qui reviennent aux déshérités (Deut. 24, 17-22) ne suffisent pas à sa subsistance, puisqu’elle a du acheter à crédit.
Que lui reste-t-il pour faire avancer son histoire ? Sa bouche pour crier ; crier d’une voix qui klaxonne comme celle du peuple d’Israël quand il ployait sous le joug de l’esclavage en Égypte. Voilà de quoi mettre Dieu en alerte ! Les dispositions du code de l’Alliance ne prévoient-elles pas la protection des veuves, des orphelins et des émigrés exposés à la saisie des usuriers ? (Ex. 22, 21-26)
Résumons : la maison est vide de biens mais pleine d’un mal qui augmente au rythme des intérêts de la dette. C’est un avoir négatif. Toutefois, le malheur a oublié cette fiole d’huile. Un peu d’huile, sans aucun doute de grand prix, mais en quantité si négligeable qu’elle l’évoque in extremis quand elle fait l’inventaire de ce qui lui reste. Mais c’est un avoir négatif, car osons le dire ! C’est la mort du mari qui a mis de côté cette huile parfumée puisqu’elle est d’un usage inconvenant lorsqu’on est en deuil (2 Sam. 12,20).
Et à partir de là, tout peut être renversé, le mécanisme des enchaînements fatals peut s’enclencher, mais dans un autre sens. Pourvu seulement qu’il y ait un peu de confiance ! La confiance n’est pas d’usage à l’heure des pleurs ; la confiance, c’est ce peu d’huile précieuse que l’attention laisse de côté, toute occupée qu’elle est dans ces circonstances, à faire l’inventaire du mal et de la perte. Pourvu qu’il y ait un peu de foi ! Car le voilà, le signe du divin : cette manière de faire grand avec le trop peu. L’avenir découle de ce qui est trop dérisoire pour être vendu ou échangé, de ce à quoi on ne pense pas immédiatement.
Encore faut-il qu’il y ait une confiance à la hauteur. Une confiance qui ne cherche pas le sensationnel, qui n’est pas rassurée par les seules « paroles- recettes » par les remèdes miracles et autre poudre de perlimpinpin… une confiance simple et terrible qui reconnaît la fine trace de Dieu en sa sollicitude, qui le prend au mot, qui s’active et sort pour demander ce que les voisins n’utilisent pas. Pour la veuve, l’entourage n’avait que du manque, peut-être un silence gêné ou un silence de compassion ; en tous cas, une incapacité à aider matériellement. Ce vide là, ces objets disponibles parce que vides, vont devenir capacité au double sens de contenance et de possibilité.
Comment alors ne pas penser à « la grâce qui donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Cor. 12,9). Faiblesse non comme vertu misérabiliste, mais comme aptitude à recevoir cette pleine mesure débordante. La quantité d’huile versée ou la grâce donnée, n’aura de limite que celle de l’aptitude humaine à la recevoir. La grâce de Dieu laisse à la confiance de cette femme le pouvoir de lui donner sa limite ? « Ne te contente pas d’un petit nombre » avait prévenu le prophète. Les évangiles disent eux « prenez garde à ce que vous entendez .C’est avec la mesure à laquelle vous mesurez (ce que vous entendez là) qu’on mesurera pour vous, et on y ajoutera encore pour vous » (Marc 4,24) quelle confiance Dieu accorde-t-il à notre confiance en lui ! Et qu’elle responsabilité nous échoit alors dans l’intervention de Dieu ! Une once de scepticisme, un rapide calcul de probabilité, une évaluation de la faisabilité de ses promesses… autant de restrictions qui inhibent la générosité de Dieu ?
On comprend pourquoi le miracle est ici soustrait aux yeux des curieux : à l’abri des évaluations, la prodigalité de Dieu est infinie parce qu’indéfinie tant elle dépend de la générosité de notre confiance, tant elle est soumise à notre aptitude à lui prêter des aptitudes pour nous. Ici, l’abondance de l’huile tient à l’espérance de cette femme qui ne peut plus compter que sur Dieu.
C’est alors que la vedette lui est volée par Celui qui se tient dans le secret de la confiance, Lui qui n’opère pas aux heures de grande audience mais qui aime être là où les mots se taisent et s’écartent devant son passage, là où son passage opère des transformations intimes et décisives. Dieu se tient au fors intérieur pour donner et laisser couler l’abondance de sa présence, il se tient dans le saint des saint de chacun et avec ce qui est notre peu à vivre, notre peu à espérer, notre peu à donner, notre peu à risquer, il opère LE miracle par excellence : nous devenons aptes à le recevoir et de ce fait, ouverts à un avenir incalculable. Laisser couler librement la générosité de ses dons, l’abondance de sa présence en nous, et on ne peut plus limiter notre avenir à nos seuls pronostics, on ne peut plus cantonner notre existence aux seules limites de nos dispositions naturelles.
Voyez ici : avec cette huile qui s’écoule généreusement, la dette sera payée, le passé soldé et l’avenir de toute une famille, indéfiniment assuré. Comme s’il n’y avait, pour retourner l’abondance du mal, que ce qui est en surabondance : l’excès de la grâce d’abord, et par elle, notre capacité inestimable à la recevoir. Avec la même surabondance, le sens de cette histoire peut nous faire vivre longtemps, si nous laissons couler depuis notre intimité avec Dieu, le flux de sa grâce vers toutes nos situations d’impossibilité. Pourvu qu’il ne nous reste plus qu’un peu de confiance en Lui !
Lecture de la Bible
Luc 18:1-8
Jésus leur adressa une parabole, pour montrer qu’il faut toujours prier, et ne point se relâcher.
2 Il dit: Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait point Dieu et qui n’avait d’égard pour personne.
3 Il y avait aussi dans cette ville une veuve qui venait lui dire: Fais-moi justice de ma partie adverse.
4 Pendant longtemps il refusa. Mais ensuite il dit en lui-même: Quoique je ne craigne point Dieu et que je n’aie d’égard pour personne,
5 néanmoins, parce que cette veuve m’importune, je lui ferai justice, afin qu’elle ne vienne pas sans cesse me casser la tête.
6 Le Seigneur ajouta: Entendez ce que dit le juge inique.
7 Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard?
8 Je vous le dis, il leur fera promptement justice. Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?
Traduction NEG
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