Ce que l’Ascension dit de nos capacités

Actes 2:29-36

Culte du 5 mai 2016
Prédication de pasteur James Woody

Vidéo de la partie centrale du culte

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot

Culte de l'Ascension, 5 mai 2016
prédication du pasteur James Woody

Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)

Chers frères et sœurs, l’ascension était une nécessité pour sortir Jésus de l’histoire. D’autres solutions auraient certainement été possibles pour expliquer que Jésus n’était physiquement plus présent parmi nous, mais l’ascension est la manière biblique de faire sortir les personnages quand l’inhumation est trop commune. C’est le cas du personnage Hénoc dont la Genèse dit que Dieu le prit (5/24), ce qui sera explicité plus amplement dans un livre non biblique ; c’est le cas du prophète Elie en 2 Rois 2/1 qui monte dans un tourbillon. Par ce processus littéraire, le rédacteur des Actes des Apôtres a une manière pour le moins élégante de raconter la disparition de Jésus de notre horizon. Cela lui permet également de développer une théologie autour de la personne de Jésus, que nous pouvons maintenant examiner et qui comporte quatre aspects.

Liberté

L’ascension de Jésus nous libère de Jésus. J’ai déjà eu l’occasion de développer cet aspect ici-même, à l’occasion de l’Ascension, je n’y reviendrai pas, sinon pour rappeler que l’absence physique de Jésus nous donne l’occasion de pouvoir exercer notre pleine responsabilité. Durant sa vie, Jésus faisait écran entre les disciples et la vie, les difficultés, les opposants, les détracteurs, les misères etc. En son absence, les disciples –nous- sont en première ligne, sans filet. Ils sont libres de faire valoir tous leurs talents, libres d’exercer leur pleine responsabilité.

L’humanité accomplie

Le deuxième aspect tient au fait que Jésus soit élevé au ciel alors que tout le monde finit plutôt 6 pieds sous terre. Cette différence est particulièrement importante pour le rédacteur qui va comparer Jésus à David, le roi David, David l’immense, David figure ultime pour le peuple juif, qui, au regard de Jésus, est finalement bien peu de choses. La valeur de Jésus s’affirme par sa supériorité sur l’illustre David dont la postérité devait offrir le messie à Israël. En le plaçant au ciel plutôt que dans le sous-sol, le rédacteur indique la qualité hors du commun de Jésus. C’est une manière d’attirer l’attention du lecteur, de l’apprenti croyant que nous sommes, vers le caractère exemplaire de Jésus. C’est une manière d’indiquer l’intérêt majeur de Jésus pour quelqu’un qui cherche à savoir où porter son regard pour découvrir comment devenir pleinement humain.

A la manière d’Henoc ou d’Elie qui sont emportés au ciel, l’ascension de Jésus indique que cet homme est particulièrement reconnu par Dieu. Nous pourrions dire qu’il y a une forme de légitimation par Dieu de cet homme. Un peu plus tôt, lors de son procès, Ponce Pilate avait dit « ecce homo », voici l’homme, voici l’homme dans toute sa plénitude, voici l’homme comme on ne peut imaginer l’être plus. Désormais, c’est Dieu qui dit « voici l’homme », voici celui que je reconnais comme accomplissant pleinement ma volonté, voici celui dont l’existence est inaltérable – ce que dit l’expression « la chair n’a pas vu la corruption » (v.31). L’Ascension est une manière d’exprimer la qualité incomparable de Jésus et de valider ce qu’il a dit, ce qu’il a fait, ce qu’il a montré. Avec la prédication de la résurrection, l’Ascension accorde à Jésus une valeur unique en son genre qui montre que le modèle de David n’était pas le summum puisqu’il est finalement surpassé, selon le désir de Dieu.

Nous avons là une théologie qui évalue la façon d’être messie, c’est-à-dire la façon d’incarner la volonté de Dieu dans la vie quotidienne. Si la manière d’être de David avait pu être envisagée comme la forme parfaite, le ministère de Jésus aura révélé une voie supérieure à celle de David. Dire que Dieu agréée la vie de Jésus, par cette ascension, c’est dire que l’éthique de Jésus, telle qu’elle nous a été dévoilée par le récit de l’évangile, a une dimension universelle propre à inspirer notre propre éthique parce que Jésus est placé comme référence supérieure.

Familiarité avec Dieu

Outre la liberté et l’humanité accomplie, l’Ascension dit quelque chose de la filiation entre Dieu et Jésus et donc entre Dieu et nous. Nous avons, avec ce récit, une autre manière de parler de Jésus comme fils de Dieu. Cela se constate par le fait que les récits bibliques attachent une très grande importance à l’au-delà de la mort, à ce qui se passe après la mort. Contrairement à l’idée populaire qu’on se fait du message biblique, quand un humain meurt, les textes de la Bible ne font pas un développement extraordinaire au sujet d’une nouvelle vie dans un lieu paradisiaque. Les spéculations sur un monde parallèle n’ont pas vraiment cours dans la Bible. En revanche bien des récits bibliques racontent avec soin ce qui se passe après la mort d’un personnage, en l’occurrence ce que l’on fait de son cadavre et, plus précisément, de ses ossements. A l’exception de ceux qui ont été emportés au ciel et de Moïse dont le Deutéronome dit qu’il a été enterré par Dieu lui-même (Dt 34/6), ce qui caractérise les enfants d’Israël, c’est que leurs ossements sont enterrés avec les ossements de leurs pères.

Selon les textes bibliques, les ossements de Jésus sont au ciel, auprès de Dieu, qui est donc reconnu comme son père. Cette métaphore est une manière de dire que Jésus est donc bel et bien Fils de Dieu, non pas au sens biologique du terme, puisque ce ne sont pas les molécules de calcium qui sont en orbite au dessus de nous, mais au niveau de la signification de ce que fut la vie de « ce Jésus ». L’Ascension fait entendre que Jésus est Fils de Dieu puisqu’il est réuni à Dieu après sa mort, selon l’usage biblique qui veut que les morts soient réunis à leurs parents, ce qui explique qu’on rapporte les ossements du patriarche Joseph pour les enterrer en terre promise. Que Jésus soit déclaré Fils de Dieu corrobore son haut degré d’humanité, et le fait que Jésus incarne celui qui avait été promis à David en 2 S 7/12-14 : « Quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j'élèverai ta postérité après toi, celui qui sera sorti de tes entrailles, et j'affermirai son règne. Ce sera lui qui bâtira une maison à mon nom, et j'affermirai pour toujours le trône de son royaume. Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils. »

La familiarité de Jésus avec Dieu est pour nous une sorte d’évidence. Dire que Jésus est fils de Dieu pourrait même être un tic de langage chez les chrétiens. Mais il faut bien avoir conscience que cela n’allait pas de soi au temps des disciples qui faisaient de Jésus celui que le judaïsme attendait pour que s’accomplisse l’ensemble des promesses divines. Outre cet aspect polémique qui reste un motif de clivage entre judaïsme et christianisme, cette familiarité dit que les êtres humains ne sont pas hors de la famille de Dieu, mais en font partie. Le thème de la famille de Dieu est une manière un peu naïve de dire que nul être n’est privé de Dieu, du sacré, de ce qui confère à notre vie un haut degré de réalisation. Indépendamment de ce que dit le baptême, l’Ascension dit notre parenté avec Dieu, c’est-à-dire notre capacité à mener une vie marquée par le bonheur et la grâce qui caractérisent, dans le psaume 23, la vie auprès de l’Eternel.

La droite de Dieu

Enfin, ce récit évoque le fait d’être assis à la droite de Dieu, ce qui s’inspire de différents psaumes. Si l’image de la droite de Dieu n’honore pas les gauchers qui n’ont pas spécialement démérité, elle dit principalement la Seigneurie de celui qui l’occupe. Evidemment, si nous ne prenons pas garde à lire ce récit pour ce qu’il est, un récit mythologique qui veut frapper l’imagination du lecteur pour que celui-ci se souvienne du message qu’il y a derrière les images, nous risquons de créer un système extravagant où Jésus détiendrait un pouvoir qu’il exercerait sur notre monde.

Dire qu’il est assis à la droite de Dieu revient à lui conférer une autorité, mais pas à lui reconnaître un pouvoir. L’autorité, c’est le fait d’autoriser quelqu’un ou quelques uns à agir. Le pouvoir, c’est le fait de pouvoir contraindre une personne ou un groupe. Le règne de Jésus, dans les conditions qui sont décrites, est un règne passif. Dans les métaphores bibliques, ce sont les verbes qui sont le plus significatifs. Dans le cas présent, nous découvrons un Jésus qui est au bénéfice de l’action divine. A la limite, nous pourrions dire qu’il est soumis voire qu’il subit. L’important est qu’il n’est pas présenté comme un souverain despote qui aurait un penchant pour diriger l’histoire, les êtres, la Création. Ce n’est pas lui qui agit. Il est pourtant dans la position de celui qui est en mesure d’agir, le bras droit, et non le bras gauche, celui qui pense, celui qui prépare. C’est dire si la Seigneurie de Jésus ne saurait être comprise comme une tyrannie, c’est dire comme le christianisme ne saurait justifier la dictature comme mode de gouvernement. La théologie de l’Ascension montre que c’est du côté des vivants, du côté des êtres humains, de notre côté, que se trouve l’action, l’éthique, la capacité d’engagement.

Que reste-t-il à Dieu ? Il reste ce que souligne le dernier quote : « Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié (v. 36). » L’œuvre divine consiste à donner ou redonner du sens à ce qui est vécu ou à le remettre dans le bon sens, lorsque c’est nécessaire. Ressusciter et élever ce qui doit l’être, ce qui signifie accorder de la valeur à ce qui concourt à la vie bonne, reconnaitre comme Seigneur, Christ, celles et ceux qui font avancer le Royaume des Cieux, celles et ceux qui transforment le monde pour le rendre plus juste. L’Ascension affirme que le souverain bien consiste à rendre le monde vivable. L’Ascension affirme que nous sommes libres en conséquence de quoi nous sommes capables d’être humains, capables de mener une vie heureuse, capables de mener une vie éthique.

Amen

Lecture de la Bible

Actes 2:29-36

Frères, qu'il me soit permis de vous dire franchement, au sujet du patriarche David, qu'il est mort, qu'il a été enseveli et que sa tombe existe encore parmi nous jusqu'à ce jour. 30Comme il était prophète et qu'il savait que Dieu lui avait juré par serment de faire asseoir un de ses descendants sur son trône,

31 il a prévu par ses paroles la résurrection du Christ qui, en effet, n'a pas été abandonné dans le séjour des morts et dont la chair n'a pas vu la corruption. 32Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité ; nous en sommes tous témoins. 33Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l'Esprit Saint qui avait été promis, et il l'a répandu, comme vous le voyez et l'entendez. 34Car David n'est pas monté dans les cieux, mais il dit lui-même : Le Seigneur a dit à mon Seigneur ; Assieds-toi à ma droite, 35 Jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied.

36 Que toute la maison d'Israël sache donc avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié.

(Trad. Colombe)

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