Ascension : un effort de concentration et de consécration
Actes 1:1-14
Culte du 14 mai 2015
Prédication de pasteur Marc Pernot
Culte de l'Ascension 2015
prédication du pasteur Marc Pernot
Être chrétien, c’est bien entendu une certaine relation au Christ, chacun à sa façon.
Dans ce début du livre des actes des apôtres, le mode de relation des disciples au Christ évolue.
- Il est question au début d’apparitions de Jésus, pendant 40 jours, parlant de ce qui concerne le Royaume de Dieu.
- Ensuite, Jésus est élevé et disparait à leurs yeux, mais il reste des anges qui leur parlent de lui, on pourrait dire une relation par la mystique.
- Enfin, il n’y a même plus les anges, juste des hommes et des femmes unis par leur foi.
Il y a donc différentes relations possible au Christ, et il est possible d’évoluer, et l’on a le droit de panacher, c’est très libérant d’être chrétien.
La fête de l’Ascension nous propose de faire mémoire de cette évolution vécue par les apôtres dans leur mode de relation à Jésus.
Un détail montre que, selon Luc, l’essentiel est dans cette évolution des apôtres : c’est ce nombre de 40, bien connu dans la Bible, 40 jours pendant lesquels, selon Luc, Jésus se montre aux apôtres et leur parle de ce qui concerne le Royaume de Dieu.
Cette durée de 40 jours ou 40 ans jalonnent la Bible, à commencer par les 40 jours du déluge de Noé (Genèse 8:15-9:1), les 40 ans dans le désert du peuple hébreu entre l’esclavage et la terre promise (Exode 16:35), les 40 jours de Moïse sur la montagne pour recevoir les dix Paroles (Exode 24:18), les 40 jours de marche d’Élie entre le désespoir et la rencontre avec Dieu (1 Rois 19:7), les 40 jours dans le désert de Jésus à lutter contre ses tentations et recevoir l’apaisement (Marc 1:12).
Dans la Bible, quand apparaît ainsi un de ces quelques nombres remarquables, cette indication ne renseigne pas sur une quantité mais sur la qualité de ce dont il est question, sur son sens. Quand Luc parle de ces 40 jours entre la passion et l’ascension du Christ, il n’est clairement pas question de nous renseigner sur une durée de 40 fois 24 heures mais c’est une interprétation qu’il nous propose en convoquant les textes bibliques associés à ce nombre. D’ailleurs, pour ce qui est de la période historique entre la mort de Jésus sur la croix et le don de l’Esprit aux apôtres, l’Évangile selon Jean elle ne dure pas plus de deux fois 24 heures. Mais qu’importe, donc, ce qu’ont vécu les apôtres il y a 2000 ans, nous dit ici Luc avec ses 40 jours d’apparitions de Jésus à ses apôtres, l’important c’est ce qu’il lui semble devoir être retenu de cette expérience afin que nous puissions en profiter nous-mêmes, nous une ou une ami de Dieu (« Théophile »), lecteur de son livre.
Toujours, que ce soit pour Noé, pour les hébreux, pour Moïse, pour Élie, ou pour Jésus, cette période qualifiée par le nombre 40 marque une période difficile de transformation, quelque chose de long, de pénible, mais qui débouche finalement sur un état de leur être où ils sont dans une juste alliance avec Dieu et prêts pour accomplir leur vie, leur mission. Avant cette difficile évolution, chacun de ces héros bibliques a été préparé par Dieu, équipé, nourri afin de la rendre possible.
Marquer du nombre 40 la période des apparitions de Jésus aux apôtres relativise finalement ces apparitions de Jésus aux apôtres comme un temps de maturation, un temps d’évolution des disciples, un temps de cheminement intérieur, une gestation entre leur fécondation et leur naissance.
Quand Luc met en parallèle ces 40 jours d’apparitions de Jésus ressuscité avec Noé sur son arche, cela dit que cette période de maturation est comme un purification afin que le Noé qui est en chacun de nous puisse être libéré de sa propre violence. C’est ainsi que l’apôtre Pierre interprète au sens figuré l’histoire du déluge comme parlant de la même chose que notre propre baptême :
L’eau du déluge était une figure du baptême,
qui n’est pas la purification des souillures du corps,
mais qui est l’appel d’une bonne conscience vers Dieu,
et qui maintenant vous sauve, vous aussi,
par la résurrection de Jésus-Christ,
qui est à la droite de Dieu
depuis qu’il est allé au ciel... (1 Pierre 3:21-22).
Pierre remet les choses en place. Ce qui est accompli en Christ pour nous n’est pas comme une purification externe de notre être, ni comme un effacement de notre compte de fautes & péchés, ce n’est pas la question, l’amour de Dieu est au-delà de ça. Mais Pierre nous dit que ce qu’apporte la résurrection du Christ c’est un enrichissement de notre propre conscience, c’est un profond questionnement qui peut nous faire choisir d’avancer vers Dieu personnellement. Effectivement, l’histoire de Noé, comme tout ce qu’a fait et dit Jésus, est un appel à convertir notre théologie, à ne plus penser Dieu comme pouvant nous détruire. Cette histoire nous dit que le projet de Dieu est de nous protéger dans le danger, et de nous inviter à sortir librement de notre arche quand il n’y a plus de danger. C’est un appel à une libre fécondité, un appel à remplir la terre de merveilles.
C’est ce que reprend Luc dans ce récit de l’ascension. Ils sont dans un temps de maturation comme Noé dans son bateau qui attend, qui médite et observe. Luc nous invite à méditer sur ce qu’a dit et fait Jésus, et en être purifié, être émerveillé par l’arc en ciel qui nous dit la tendresse de Dieu pour nous, et entendre son projet avec nous, son alliance.
Cette durée de 40 jours dont parle Luc fait encore référence aux 40 ans dans le désert du peuple hébreu dans le désert, cette référence est centrale puisque cette mort de Jésus coïncide avec la date de Pâque, mémoire de la sortie d’Égypte. Et ce temps jusqu’à l’ascension est un temps pour que nous cheminions, que nous puissions nous extraire de tout ce qui nous aliène encore, et que nous acceptions d’être libre, adulte, pensant par nous-mêmes, simplement confiant, prêt pour franchir le Jourdain.
Cette durée de 40 jours dont parle Luc fait encore référence aux 40 jours de Moïse sur la montagne pour recevoir les dix Paroles. Et cela nous appelle non pas tant à apprendre par cœur les paroles de Jésus mais à être grâce à lui comme Moïse, libre, en étant nous-mêmes inspiré directement par Dieu et prenant pour cela des temps de retraite, comme le faisait aussi Jésus, d’ailleurs, seul sur la montagne le temps qu’il faut, et ne redescendre qu’ayant reçu ce que Dieu voulait nous donner.
Cette durée de 40 jours dont parle Luc fait encore référence aux 40 jours de marche d’Élie. Avant de partir, Dieu l’a nourri miraculeusement d’une galette et d’une cruche d’eau alors qu’il était désespéré, à bout de forces. Christ est pour nous cet ange, cette nourriture miraculeuse et ce repos donnés, de sorte que maintenant, comme Élie, nous avons la force de marcher 40 les jours jusqu’à la montagne de l’Horeb, où Élie rencontrera le souffle de Dieu. Ces 40 jours, là encore, sont des jours où il ne se passe pas grand chose de spectaculaire, tout a été donné avant comme forces et le sera après dans une extraordinaire rencontre avec Dieu, comme pour Élie, comme pour Noé, pour les hébreux, ou pour Moïse. Cette référence des 40 jours dans le témoignage de Luc nous dit que les apparitions de Jésus parlant du Royaume de Dieu, c’est quelque chose de cet ordre, de digestion de tout ce que Jésus a dit et fait dans son ministère, pour que nous en vivions, que cela entre dans notre qualité d’être et de relation.
Cette durée de 40 jours dont parle Luc fait enfin référence aux 40 jours de Jésus dans le désert à lutter contre ses tentations et à les vaincre, avec l’aide de Dieu. Jésus sort à peine de l’eau de son baptême où la voix de Dieu lui a fait prendre toute la mesure de l’incroyable merveille qu’il est aux yeux de Dieu, comme nous pouvons aussi prendre conscience de notre propre valeur. Mais quel est ce potentiel et qu’en faire ? tout est ouvert, toute est permis à la fois par nos dons et par le chèque en blanc qu’est la grâce de Dieu.
Ce temps de 40 jours est ainsi un temps de combat et d’interrogation, un temps où tout s’entrechoque dans notre tête, dans nos tripes.
- Comme Noé : entre la peur et l’enthousiasme et choisir l’enthousiasme avec Dieu ;
- comme les hébreux : entre le traintrain de l’esclavage et le trouble de la marche vers la nouveauté... et choisir la marche avec Dieu ;
- comme Moïse : entre la pensée unique et l’esprit prophétique, et choisir d’écouter et de dire des paroles neuves et vraies, et de choisir Dieu plutôt que les veaux d’or
- comme Élie : entre la tristesse d’être mal aimé et la découverte que Dieu est un souffle qui nous est donné et qui nous visite, Dieu lui-même nous donnant de vivre...
Tant nous a été donné en Christ que nous avons encore beaucoup à assimiler, digérer, intégrer dans nos façons d’être, d’espérer et d’agir. Nous avons appris que vivre c’est aimer, nous savons que c’est mauvais pour le monde et pour nous de faire des petites vacheries, qu’il serait bon de vivre fidèlement avec Dieu en étant une fontaine de bonnes surprises pour les autres et pour le monde. Nous avons appris qu’il est bon d’espérer et de pardonner. Nous avons entendu parler de cette dynamique de la grâce en voyant Jésus vivre. Mais il reste à l’intégrer et à le vivre.
Ce temps des 40 jours nous appelle à nous concentrer sur l’essentiel, délibérément.
Alors que Jésus se trouvait avec eux,
il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem,
mais d’attendre ce que le Père avait promis,
ce que je vous ai annoncé, leur dit-il;
car Jean a baptisé d’eau,
mais vous, dans peu de jours,
vous serez baptisés du Saint-Esprit. (v.4)
Dans un certain sens, Jésus nous anime aussi puisque c’est sa parole, sa personne et sa vie qui nous ont poussés à ouvrir la Bible aujourd’hui, à la recherche de quelque chose qui vienne de Dieu et qui nous animera vraiment. Comment cette idée nous est-elle venue de compter sur Jésus-Christ pour cela ? C’est très personnel pour chacune et chacun. Cela peut être le souffle de Dieu, déjà, qui nous a ouvert à une recherche spirituelle, cela peut être le souvenir de notre grand-mère, ou de la parole d’un ami, ou un reportage sur sœur Emmanuelle, François d’Assise ou sur les Cévennes. Qu’importe. Il y a eu ensuite ces textes incroyablement puissants qui sont dans la Bible et qui nous parlent de son Évangile.
Mais en tout cas, quelque chose de Jésus nous a touché. Quelque chose du Christ est apparu dans notre vie nous parlant du Royaume de Dieu, d’une action de Dieu qui viendrait tisser en nous quelque chose qui nous rendrait un petit peu fort et bon.
« Ne pas s’éloigner de Jérusalem » ce n’est pas camper dans cette terre problématique, mais c’est se concentrer délibérément, volontairement, consciemment sur le cœur de notre foi, sur ce qui nous a touché en Christ. Et le ruminer, attendre que cela s’incarne en nous.
Après cette période qui dure symboliquement 40 jours et qui est en relation à notre Jésus agissant en ce monde, vient une période où Jésus est élevé et disparait à leurs yeux, leur faisant lever les yeux au ciel, mais il reste des anges qui les invitent à changer de regard. C’est une période de complexification, de trouble, où à la fois notre Jésus disparait et nous renvoie à Dieu, mais où ce même Dieu nous renvoie à Jésus et à ce monde. Quelque chose se tisse de plus libre et de plus complexe, de plus intérieur et de plus dynamique. Une tension entre le spirituel et ce monde.
Puisqu’il est question d’anges, cette seconde étape de leur construction est de l’ordre de l’expérience spirituelle, quelle qu’en soit la forme, il y a bien des sortes d’anges, bien des lieux où ils parlent, dans la prière, dans la réflexion ou dans la discussion, dans le culte ou dans la lecture, la méditation.
Cette étape est déjà une incarnation de ce qu’est le Christ dans leur vie. Elle est cette voix de Dieu qui dit à Noé de sortir de son arche, qui dit à Moïse de descendre de sa montagne, aux hébreux de franchir le Jourdain, à Élie de sortir de sa grotte, à Jésus de terminer son temps de retraite spirituelle.
Enfin, même les anges disparaissent, il y a juste des hommes et des femmes unis par leur foi. Et cette promesse, cette vocation d’être porteur d’une parole personnelle jusqu’aux extrémités de la terre. C’est la bonne vielle alliance de Dieu avec Noé et ses enfants, celle « d’être fécond, de nous multiplier et de remplir la terre ». C’est la mission donnée à Moïse d’aller vers son peuple et de lui proposer un cheminement avec l’Éternel. C’est la vocation d’Élie à reprendre son chemin par le désert jusqu’à Damas et d’oindre des rois pour agir en ce monde et d’oindre Élisée comme prophète à sa place pour prolonger encore son témoignage, au nom de l’Éternel (1 Rois 19:15-16).
Christ devient pour eux de moins en moins physiquement présent, il disparait pour eux, et au fur et à mesure de cette évolution, les femmes et les hommes qui pensent à lui vont devenir eux mêmes plus acteurs dans le programme divin de salut du monde. Chacun à sa façon.
Comme le dit Jésus dans l’Évangile selon Jean :
Il vous est avantageux que je m’en aille. (Jean 16:7)
Ce n’est alors plus, ou plus seulement, la personne de Jésus, la personne historique qui compte, mais la dynamique qu’il a portée et qui nous anime maintenant, qui nous envoie, chacun et tous ensemble, jusqu’à ce que l’univers entier en soit animé.
Être un chrétien de l’Ascension, c’est ainsi un effort délibéré de concentration sur l’essentiel et de consécration à cet essentiel.
Lecture de la Bible
Actes 1:1-14
Théophile, j’ai parlé, dans mon premier livre, de tout ce que Jésus a commencé de faire et d’enseigner dès le commencement
2 jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel, après avoir donné ses ordres, par le Saint-Esprit, aux apôtres qu’il avait choisis.
3 Après qu’il eut souffert, Jésus leur apparut vivant, et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu.
4 Comme il se trouvait avec eux, il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis, ce que je vous ai annoncé, leur dit-il; 5 car Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit.
6 Alors les apôtres réunis lui demandèrent: Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël?
7 Il leur répondit: Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité.
8 Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.
9 Après avoir dit cela, il fut élevé pendant qu’ils le regardaient, et une nuée le déroba à leurs yeux.
10 Et comme ils avaient les regards fixés vers le ciel pendant qu’il s’en allait, voici, deux hommes vêtus de blanc leur apparurent, 11 et dirent: Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu allant au ciel.
12 Alors ils retournèrent à Jérusalem, de la montagne appelée des Oliviers, qui est près de Jérusalem, à la distance d’un chemin de sabbat.
13 Quand ils furent arrivés, ils montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient d’ordinaire; c’étaient Pierre, Jean, Jacques, André, Philippe, Thomas, Barthélemy, Matthieu, Jacques, fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude, fils de Jacques.
14 Tous d’un commun accord persévéraient dans la prière, avec les femmes, et Marie, mère de Jésus, et avec les frères de Jésus.
(cf. Traduction NEG)
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