Arrogance & Humiliation
Sophonie 3:8-20
Culte du 9 novembre 2014
Prédication de pasteur Marc Pernot
Avec les enfants de l’éducation biblique, nous allons suivre cet après-midi le personnage de Salomon dans ce qu’il a de formidable. C’est un roi magnifique, brillant d’intelligence et d’amour de Dieu, riche. Et sa grande œuvre est la construction du Temple à Jérusalem.
Salomon est dans une démarche humble quand il construit ce temple, il sait bien que Dieu est infiniment plus grand que l’univers entier, il n’est pas idiot, il sait bien que ce temple ne sera pas la « maison de Dieu » au sens propre, comme s’il pouvait enfermer Dieu dans une boîte, le posséder. Ce temple n’est qu’un symbole, une aide pour que chacun sache qu’il peut compter sur Dieu.
Donc bravo à Salomon ? Mais quand on a eu beaucoup de chance comme Salomon, quand on a réalisé plein de belles choses comme lui aussi, le risque est de devenir arrogant, orgueilleux.
C’est ce que dénonce quelques siècles plus tard le prophète Sophonie.
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Dans cette conclusion à son livre, le prophète Sophonie nous annonce que Dieu vient au secours à la fois des arrogants et des humiliés. Ou plutôt il vient à notre secours dans nos arrogances et dans nos humiliations.
L’arrogance et l’humiliation ont une même cause, celle de ne pas être heureux de sa propre valeur. L’arrogant est dans la spirale de fausses valeurs, dans des élévations de pacotilles et dans une humiliation de ses frères qui lui laisse un goût amer. Cette arrogance n’est qu’une fuite en avant, et même au cœur de l’arrogance quand elle nous prend, nous sentons bien que cela n’est que de l’apparence, de l’illusoire et du temporaire, et que cette arrogance ne nous soulage en rien. L’humilié, lui, perd pied, doutant de sa propre valeur et de la vie. Lui aussi, sait bien que cela n’est qu’une illusion, mais une illusion dont il est parfois tout aussi prisonnier que l’arrogant de la sienne.
Est-ce que cela ne vous arrive jamais, de vous sentir glisser dans cette spirale de l’arrogance ? ou dans cette spirale de l’humiliation ? Et d’en souffrir ?
Ce n’est souvent ni la faute de l’arrogant ni la faute de l’humilié, nous sommes parfois pris dans cette spirale du doute sur nous-même.
L’Éternel vient à notre secours, nous dit Sophonie. Il nous fait sentir notre valeur réelle, et il nous permet d’arriver à l’exprimer dans le monde qui nous entoure, de sorte que les derniers mots du prophète Sophonie sont cette parole de l’Éternel qui nous dit :
En ce temps-là, je ferai de vous
un sujet de gloire et de louange
Parmi tous les peuples de la terre.
C’est ainsi que je convertirai votre situation
Oracle de l’Éternel.(20)
L’arrogance et l’humiliation nous submergent quand nous n’avons pas ou quand nous n’avons plus conscience de notre valeur, bien réelle. Et quand cette valeur n’arrive pas à s’exprimer, à sortir.
L’Éternel nous dit « attendez-moi donc », on pourrait traduire aussi par « supportez-moi un peu ». C’est la seule consigne qui nous est donnée dans cette conclusion du message du prophète Sophonie. Pour le reste, c’est l’Éternel qui travaille à notre salut et c’est pour cela qu’il est utile de supporter l’Éternel. De le supporter comme on supporte le travail du dentiste qui opère un détartrage ou une carie. Parce que c’est utile et que nous allons mieux vivre ensuite. Il est donc sage de le supporter. J’ai vu dans la rue une personne qui avait un tee-shirt humoristique où était marqué en gros « J’¤ mon dentiste ». Oui, Sophonie nous dit que cela vaut la peine d’aimer l’Éternel car il nous fait du bien (Ps 116). C’est une assez bonne idée de supporter l’Éternel dans son travail pour soigner nos arrogances et nos humiliations. Mais finalement, Dieu ne nous fait pas mal comme le dentiste et Dieu ne nous anesthésie pas non plus. Il y a donc plus de peur que de mal. Supporter Dieu, c’est en réalité seulement supporter d’évoluer grâce à lui, ce qui est un peu déstabilisant, au début, d’être comme dans un manque de repères stables. Mais cela nous fait un bien fou.
Cette prière que Dieu nous adresse : « supportez-moi », c’est aussi « attendez-moi », oui, il y aussi à attendre, attendre que son travail fasse de l’effet, qu’il se déploie comme la graine semée n’est pas immédiatement un arbre qui porte du fruit. Mais ça viendra en sa saison. Le résultat de cette action de Dieu dont nous parle ici Sophonie est à attendre en partie au futur, mais déjà ce salut s’exprime au passé comme quelque chose qui a été accompli :
L’Éternel a détourné les conséquences de tes fautes,
Il a éloigné ton ennemi,
Le roi d’Israël, l’Éternel, est au milieu de toi,
Tu n’as plus de malheur à éprouver. (15)
La clef pour lever notre arrogance et notre humiliation, c’est peut-être dans cette sagesse de l’attente de l’Éternel, cette sagesse d’ouverture puis de confiance. Et laisser le temps au temps, avec ce qui nous a déjà été donné et ce qui est encore à venir. Et sentir cette puissante dynamique qui est à l’œuvre, à la fois en nous et au milieu de nous, au cœur de notre humanité en tant que personne et au cœur de notre humanité en tant que peuple, en tant qu’église. L’Éternel qui est au milieu de nous, qui est en nous. L’Éternel qui est entre l’arrogant et l’humilié pour sauver l’un comme l’autre.
Adam et Ève sont des figures qui parlent de notre propre valeur. Ils ont été créés et sont bénis par Dieu, tous les deux. Ils ont tout reçu, leur être et ses qualités, et ce monde magnifique qui leur est confié avec la mission de le garder mais aussi de le cultiver et de faire preuve ainsi de créativité personnelle avec notre propre sensibilité. Adam et Ève sont bourrés de talents, pourquoi l’arrogance leur monte t-elle au nez en cherchant à égaler Dieu ? En réalité, l’idée n’est pas si mauvaise que cela puisque le projet de Dieu est de nous créer à son image. Mais Adam et Ève se disent : comme c’est triste, je ne suis pas Dieu. Ils sont déjà extraordinaires, ils sont dans un monde où ils peuvent vraiment faire avancer les choses, ils ont des qualités de liberté et de créativité proprement divines… mais puisqu’ils n’ont pas tout, tout de suite, c’est pour eux comme s’ils n’avaient rien. Ils se sentent humiliés par ce manque, par ce délai. Et l’arrogance les aveugle, les prend. Une arrogance contre Dieu, puis l’arrogance d’Adam humiliant Ève, puis l’arrogance de Caïn contre son frère…
Il faut attendre un peu, nous dit l’Éternel. Il y a du travail, il y a un développement en cours. Pour ne pas désespérer, il suffirait de discerner le déjà-là de notre valeur, bien réelle, et cette réalité d’une puissante dynamique à l’œuvre « l’Eternel, est au milieu de toi, il est en toi. », nous dit Sophonie. Et dans le présent, cette évolution est loin d’être un coup de roulette de dentiste, ce n’est ni une anesthésie ni une douleurs que nous pouvons ressentir, mais plutôt :
Pousse des cris de joie, fille de ma montagne sainte !
Pousse des cris de bonheur, Israël !
Réjouis-toi et triomphe de tout ton cœur,
fille de Jérusalem ! (14)
Salomon, au début de son règne, maîtrise bien cette situation de l’homme qui est un être en devenir. Salomon est bien conscient de sa valeur, sans arrogance ni humiliation. Il est alors bien lui-même devant les autres et devant Dieu. Il se sait puissant mais ayant encore à apprendre comme un enfant. Il sait ce qu’il doit à l’Éternel et à son père, mais sans se sentir humilié, il est simplement reconnaissant. Il se sait roi mais ce que cette fonction évoque alors pour lui c’est de chercher à servir son peuple et lui faire du bien (1 Rois 3 :7-9). Salomon a ainsi à la fois une connaissance de sa valeur et de ses limites, sans humiliation ni arrogance. Il attend l’Éternel.
Mais pour nous, il est difficile d’être ainsi, bien dans notre valeur telle qu’elle est réellement, et bien dans le temps du déploiement de cette valeur et de ses fruits dans le monde. Et du coup, nous souffrons souvent de l’arrogance et de l’humiliation, de notre arrogance et de celle des autres, de notre humiliation et de celle que les autres, parfois, vivent à cause de nous.
Selon le prophète Sophonie, l'Éternel nous promet : « j’enlèverai du milieu de toi ceux qui triomphaient avec arrogance » Cette promesse est à double sens, elle signifie :
que l’Éternel nous délivrera de la morsure de l’arrogance des autres qui sont autour de nous. Et c’est vrai que si nous prenons conscience de notre vraie valeur, présente et à venir, grâce à Dieu, alors l’arrogance des autres, et leurs injures glissent sur nous comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Juste parfois, le temps de ressentir une pique, sous l’effet de la surprise.
mais cette promesse de Dieu « d’enlever l’arrogant du milieu de toi » parle aussi de notre arrogance à nous. Alors, nous dit l’Éternel, « tu ne feras plus l’orgueilleux sur ma montagne sainte ». L’arrogant qu’il nous arrive d’être quand je cherche à me rassurer, et l’autre en face, qui me fait me sentir écrasé.
Et donc la promesse est à la fois pour nous délivrer de notre arrogance, quand il nous arrive de l'être... et pour nous délivrer aussi de notre humiliation, quand il nous arrive de nous sentir humilié, écrasé :
Voici, en ce temps-là,
j’agirai contre tous tes oppresseurs,
Je délivrerai les boiteux
Je recueillerai ceux qui ont été chassés,
Je ferai d’eux un sujet de louange et de gloire
Dans tous les lieux où ils sont méprisés.(19)
Dieu vient au secours de ces deux problèmes fondamentaux : soit de l'arrogance soit de l'humiliation. Et même parfois, les deux en même temps, les deux ayant la même cause. Ni l'arrogant ni l'humilié n'a vraiment conscience de sa propre valeur ni ne sait qu'en faire ni ne sait comment travailler avec, ni comment mettre en valeur ce qu'il est déjà.
L’arrogant comme l’humilié se battent, front contre front contre les autres, contre la vie, contre eux-mêmes.
Sophonie nous propose plutôt de faire épaule commune, d’unir notre effort.
« Attendez-moi donc », dit l’Éternel.
« Attendez », ce pluriel est significatif, c’est ensemble que nous pouvons prendre conscience de notre propre valeur, à chacun. Dans la prière, Dieu nous révèle notre vraie valeur. D’autres parfois, et nous n’y prêtons pas assez attention, nous donnent parfois un signe d’encouragement, nous révélant un peu quelque chose de notre vraie valeur. Et nous pouvons aussi être comme Sophonie, prophète de l’Éternel pour un autre et lui révéler, lui annoncer sa valeur. Et quand, au lieu de chercher à écraser l’autre nous aidons un autre, nous mesurons notre capacité à aimer et à créer, nous expérimentons alors en nous des qualités divines.
Au lieu de cette formidable perte d’énergie et de talents que sont nos combats dans l’arrogance et dans l’humiliation, ensemble, nous pouvons soulever des montagnes quand nous faisons épaule commune
Je laisserai au milieu de toi,
nous dit l’Éternel,
un peuple humble et petit,
Qui trouvera son refuge dans le nom de l’Eternel.(12)
Il n’est pas question de comprendre ce texte comme si Dieu nous débarrassait de notre arrogance et de notre humiliation pour nous soumettre à sa propre arrogance et donc à une humiliation encore plus terrible. C’est impossible car la prophétie de Sophonie nous montre au contraire un Dieu qui fait tout pour notre service, nous libérant, nous aidant à avancer, nous recueillant, nous valorisant, faisant de nous un sujet de gloire et de louange pour lui et pour les peuples.
Mais c’est la possibilité de se sentir petit mais non humilié devant Dieu. C’est la tranquille possibilité de renoncer à nos arrogances et à nos paillettes, pour une véritable estime de soi-même. C’est la possibilité de reconnaître ce que les autres ont de grand, sans en être humilié. C’est considérer l’ampleur du travail à faire pour rendre ce monde plus vivable, et oser porter notre petit geste de création, notre offrande. C’est ne rien négliger des petits bonheurs, des petites bénédictions. C’est oser entrevoir la vérité tout en renonçant à croire la posséder. C’est construire peut-être un temple comme Salomon, quelque part sur une petite montagne, mais juste comme un signe pour nous rappeler d’attendre Dieu, d’attendre l’Éternel tous ensemble.
Et faire place en nous pour son souffle de vie, et nous laisser le temps, et laisser le temps aux autres, à leur rythme, et laisser le temps à Dieu de nous élever.
Comme une mère donne vie à son enfant.
Amen.
Lecture de la Bible
Sophonie 3:8-20
Attendez-moi donc,
oracle de l’Éternel,
Au jour où je me lèverai pour toujours…
9 Alors je changerai,
pour les peuples (il y aura) une lèvre pure,
Afin qu’ils invoquent tous le nom de l’Éternel, Pour le servir d’une même effort…
11 En ce jour-là,
tu n’auras plus à rougir de toutes tes actions
Par lesquelles tu as péché contre moi,
Car alors j’enlèverai du milieu de toi
ceux qui triomphaient avec arrogance,
Et tu ne feras plus l’orgueilleux
sur ma montagne sainte.
12 Je laisserai au milieu de toi
un peuple humble et petit,
Qui trouvera son refuge dans le nom de l’Eternel.
13 Il y aura un reste d’Israël :
Ils ne commettront pas d’injustice,
Ils ne diront pas de mensonges...
Mais ils se construiront, ils se reposeront,
et personne ne les menacera.
14 Pousse des cris de joie, fille de ma montagne sainte !
Pousse des cris de bonheur, Israël !
Réjouis-toi et triomphe de tout ton coeur,
fille de Jérusalem !
15 L’Éternel a détourné les conséquences de tes fautes,
Il a éloigné ton ennemi,
Le roi d’Israël, l’Eternel, est au milieu de toi,
Tu n’as plus de malheur à éprouver.
17 L’Éternel, ton Dieu, est au milieu de toi,
comme un héros qui te sauve,
Il fera de toi sa plus grande joie,
Il gardera le silence dans son amour,
Il aura pour toi des cris de bonheur…
19 Voici, en ce temps-là,
j’agirai contre tous tes oppresseurs,
Je délivrerai les boiteux
Je recueillerai ceux qui ont été chassés,
Je ferai d’eux un sujet de louange et de gloire
Dans tous les lieux où ils sont méprisés.
20 En ce temps-là, je vous ramènerai,
En ce temps-là, je vous rassemblerai,
Car je ferai de vous
un sujet de gloire et de louange
Parmi tous les peuples de la terre…
Oracle de l’Éternel.
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