( Évangile selon Marc 7:31-37 )

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Culte du 11 janvier 2009 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Un des principes de base de la lecture de la Bible c’est qu’elle est écrite pour nous, pour chacun de nous. Cet Abraham que Dieu béni, c’est nous. Ce peuple que Dieu libère de l’esclavage, c’est nous. Ce prophète que Dieu appelle, c’est chacun de nous.

Dans le texte de l'Évangile que nous lisons aujourd’hui, nous voyons Jésus guérir un sourd-muet. C’est également pour nous que ce texte est écrit. Ce sourd muet, dans un certain sens, c’est nous-mêmes, et ce Jésus qui l’aide à guérir, ça peut également être nous, à notre mesure.

En première lecture, il n’est pas facile de comprendre la logique de ce que Jésus fait ici. Mais il suffit de regarder d’un peu plus près ce que chaque détail veut dire pour comprendre quelle guérison nous pouvons recevoir ce matin de Dieu et peut-être un peu aussi comment aider d’autres personnes à avancer.

Ce geste n'exprime pas un mépris du groupe. L’homme pourra être sauvé parce que certaines personnes ont vu sa détresse, qu’elles se sont senties concernées et ont pris l'initiative de l'amener à Jésus en qui elles avaient confiance. C’est bien. Mais maintenant, pour guérir cet homme, Jésus commence par le prendre à l'écart de la foule, en privé.

Ce geste a une portée essentielle du point de vue théologique et humain. C'est même peut-être le point essentiel de l'Évangile : Dieu se préoccupe de chacun individuellement, il nous distingue de la masse, il agit pour nous, il nous parle, il nous écoute, et même parfois Dieu change lui-même pour tenir compte de notre avis (cela n’est pas rare dans la Bible de le voir faire ça). Ce n'est pas seulement l'humanité qui a du prix aux yeux de Dieu, nous pourrions craindre alors de n’avoir pas beaucoup d’importance parmi les six milliards d'êtres humains et les quelques millions de milliards de planètes dispersées un peu partout dans l’univers... Mais en réalité, si, nous avons vraiment du prix aux yeux de Dieu, et en Christ, Dieu nous reçoit en privé, et c'est à nous qu'il s'adresse, c'est nous qu'il sauve, en privé.

C’est cela d’abord qu’il est apparemment important d’avoir compris pour que nous ne soyons plus sourd et muet. Si l’on saisit bien à quel point chacun de nous est unique cela peut nous aider à entendre le cri de la personne qui est à côté et qui a besoin de nous, cela peut nous aider à entendre les promesses que Dieu nous fait et les appels qu’il nous adresse. Cela peut aussi nous ouvrir la bouche pour lui dire notre point de vue personnel.

Jésus mène donc l’homme à l’écart de la foule. C’est le premier geste, plein de sens, que Jésus donne à cet homme pour le faire avancer dans la guérison.

2) Le deuxième geste de Jésus est de « avancer ses doigts vers ses oreilles »

Pour comprendre le sens de ce geste, j’ai demandé à mon ordinateur de chercher où il est question dans la Bible de faire quelque chose avec ses doigts. Mais en réalité, pas besoin d’ordinateur pour cela, car il en est question dans un passage très très connu, c’est quand Dieu écrit les tables de la loi avec son doigt avant de les donner à Moïse, ces tables qui contiennent les 10 paroles essentielles pour nous guider dans notre relation à Dieu et dans notre relation avec les autres humains (Ex. 31:18).

Jésus avait déjà donné un 1er message à cet homme pour le guérir, un geste pour lui fait savoir que, tel qu'il était, il avait du prix aux yeux de Dieu. Le 2e geste lui montre que Dieu a pour lui comme des « tables de la loi » écrites rien que pour lui, et comme mises par Dieu directement dans ses oreilles. Ce que Dieu nous dit ainsi en privé, c’est son amour, et c’est le fait qu’il compte sur nous pour faire de grandes choses.

Peut-être que nous ne sommes pas sourds physiquement, nous-mêmes, ce n’est pas la question ici, et ce n’est pas en répétant ces gestes de Jésus que l’on va guérir ce genre de handicaps. Mais nous sommes tous plus ou moins un petit peu sourd au sens d’être fermé à Dieu et aux autres. Ces 2 premiers gestes de Jésus nous ouvrent les oreilles sur Dieu et sur le monde. Les 2 gestes suivants cherchent à nous aider à avoir notre mot à dire devant Dieu et devant les autres.

3) Le troisième geste de Jésus est de
« cracher et toucher sa langue avec sa salive »

Quand notre langue est sèche, Jésus nous donne sa propre salive. Cela peut sembler un peu dégoûtant, mais cela veut dire que quand notre prière est sèche, nous pouvons commencer par mettre dans notre bouche les paroles du Christ ou celles de la Bible. Nous pouvons mettre par exemple sur nos lèvres le « Notre Père » donné par Jésus. Pour remercier Dieu nous pouvons mettre sur nos lèvres les Psaumes 8 ou 117, pour dire à Dieu notre espérance en Dieu nous pouvons dire les Psaumes 23 ou 121, nous pouvons dire les Psaumes 51 ou 130 pour nous aider à reconnaître nos fautes devant lui… Nous pouvons déjà commencer comme cela en attendant d’arriver à avoir nos propres paroles de louange, d’espérance ou de repentance devant Dieu.

Et puisque Jésus met dans la bouche de cet homme sa propre salive, puisqu'il lui propose ainsi par signe de le suivre dans la prière, Jésus se met alors à prier :

4) Le quatrième geste de Jésus est de
« regarder en haut vers le ciel et soupirer »

Nous n'avons pas besoin d'attendre de savoir quoi dire pour prier. Lever les yeux vers le ciel, c'est l'essence même de la prière. Lever les yeux vers le ciel et soupirer, c'est dire à Dieu, comme Jésus sur la croix « Père je remets mon souffle, ma vie, entre tes mains ! » (Ps.31:6, Lu.23:46). Cette prière muette de Jésus est une prière qui reconnaît que Dieu est au-dessus de nous et qu'on lui fait confiance pour qu’il nous fasse vivre vraiment, vivre malgré tout ce qui pourrait nous arriver. Cette prière toute simple, c'est celle des hébreux gémissant de peine quand ils étaient esclaves du Pharaon d’Égypte(Ex.2:23-25). Ce soupir, c'est la prière du Christ souffrant à nos côtés quand nous souffrons, se faisant muet pour accompagner et soutenir les sans voix, les sans prières, ceux que personne n’écoute. Cette prière du regard et du souffle que Jésus nous propose vaut mieux qu’une prière qui dit ou qui demande mille choses à Dieu.

Jésus nous aide ici à commencer à parler devant Dieu et à commencer à nous taire aussi car c’est lui qui est Dieu et que nous pouvons lui faire confiance.

Ces premiers gestes ouvrent nos oreilles et nos lèvres devant Dieu. Jésus nous donne alors un dernier geste :

5) Le cinquième geste de Jésus est de lui dire :
« Ephphatha, c’est-à-dire ‘Ouvre-toi’ »

Puisque Jésus lui parle maintenant à haute voix au lieu de lui parler par des signes, c’est que l’homme a maintenant des oreilles qui entendent.

Jésus lui dit « ouvre-toi » en araméen, il lui parle dans sa langue à lui, avec des mots de tous les jours.

Jésus lui conseille de s'ouvrir. Il ne lui dit pas de s'ouvrir à Dieu, mais de s'ouvrir (tout court), et donc de s’ouvrir à Dieu et de s’ouvrir aux autres, de s’ouvrir à l’avenir et au changement. C'est la base de notre capacité à aimer Dieu, à aimer les autres, à aimer la vie telle qu’elle est, puis chercher à avancer et à faire avancer.

Pour recevoir les merveilles que Dieu a en réserve pour nous, il faut avoir l’esprit et le cœur ouverts. Dieu est un inventeur absolument incroyable, avec lui, il faut s’attendre à tout. C’est une des raisons qui fait qu’il vaut mieux ne pas trop lui dire ce qu’on aimerait qu’il nous fasse pour nous, il est préférable de s’ouvrir à lui et de lui faire confiance pour qu’il fasse au mieux. Être ouvert à tout car de sa part il ne peut venir que de bonnes surprises, et s’il y en a un qui est ouvert aux autres, et donc à nous, c’est bien lui : Dieu.

À son image, Dieu nous propose, ou nous conseille, de nous ouvrir aux autres. Dieu crée en nous, si nous le voulons bien, une capacité à nous ouvrir aux autres. Bien sûr, il ne faut pas nous ouvrir n’importe comment et accepter n’importe quoi.

Mais on peut, oui, s’ouvrir aux autres, à leur souffrance et à leurs problèmes, à leurs qualités et à leurs points de vue, leurs projets pour les entendre. Bien sûr, nous ne sommes pas Dieu et nous ne pouvons pas personnellement nous ouvrir à toutes les misères de toutes les personnes du monde entier, mais il faut bien que chaque personne ait au moins une autre personne qui s’ouvre à elle pour la reconnaître, il faut que personne ne soit oublié, et certainement Dieu compte sur chacun de nous pour nous ouvrir un petit peu à telle ou telle personne.

C'était donc cela, le problème de cet homme sourd et à moitié muet, cet homme trimbalé par les autres comme un paquet, il était handicapé d'être trop fermé. Ce n’est pas forcément facile de progresser sur ce plan sans l’aide de Dieu. Il y a mille raisons qui peuvent faire que nous sommes trop fermés. Parfois c’est parce que nous n’avons pas encore assez grandi, comme un poussin dans son œuf. Parfois c’est parce que nous avons été blessé, ou que nous avons honte, ou que nous sommes trop sensible. Et puis parfois nous sommes trop fermés à Dieu, voulant être le roi des rois, et n'avoir ni dieux ni maîtres, et surtout ne pas avoir à aider qui que ce soit, mais plutôt que ce soit les autres qui nous servent en toutes choses…

Jésus s'adresse à cet homme fermé avec 4 signes et 1 mot, ce qui fait en réalité 5 paroles au total pour qu'il ait la force de s'ouvrir, d’ouvrir ses oreilles et sa bouche, d’ouvrir son cœur et sa vie, pour qu'il puisse avoir envie de s’ouvrir et un peu moins peur. Il lui donne 5 paroles pour lui apprendre qu'il est aimé et qu'il peut aimer.

Comme ce chiffre 5 bien connu le confirme, Jésus, pour cet homme, ce jour-là, écrit une Bible tout entière, une Bible toute neuve rien que pour lui. Et l’homme sera libéré.

Vraiment, comme le remarque la foule, dans l’étonnement le plus total :

Il fait toute chose à merveille,
il fait entendre les sourds,
et parler les muets.(7:37)

Louange à toi, ô Dieu créateur.