La Maîtrise de l'Oratoire (1934-2001)

par Édith Weber

                La vie musicale à l’Oratoire, concentrée autour de l’orgue, a connu un rayonnement accru lorsqu’en 1962 la tribune a été agrandie de manière à accueillir les choristes à côté de l’instrument et leur maître de chapelle. Mais des activités musicales existaient bien antérieurement : « C’est de la tribune de l’église de l’Étoile qu’est parti, sous la direction d’André Cellier, le mouvement de restauration de la musique chorale protestante à Paris. La maîtrise de l’Étoile et celle de l’Oratoire, sous la direction de Horace Hornung, donnent périodiquement des concerts spirituels d’œuvres anciennes et modernes. »

                Déjà pendant la Première Guerre mondiale, comme l’atteste une affiche de concert récemment retrouvée, le chœur de l’Oratoire s’était produit au profit du Comité protestant d’entraide pour les régions envahies (28 décembre 1915).

                En 1934, le pasteur André-Numa Bertrand prit contact avec Horace Hornung, qui avait fondé en 1930 la chorale du Foyer de l’Âme. Nommé maître de chapelle à l’Oratoire, il prit ses fonctions en même temps que Henriette Roger accédait au poste d’organiste, suivie en 1941 par Marie-Louise Girod. Horace Hornung mena alors une double activité de violoniste à l’orchestre Pasdeloup et de chef à la tête de la chorale qui devait respecter les objectifs assignés par le pasteur Bertrand :

Destinée à participer à toutes les cérémonies importantes de l’Église, cette chorale doit aussi avoir l’ampleur suffisante pour donner des concerts spirituels consacrés, suivant les évènements, à des œuvres chantées a capella ou accompagnées à l’orgue, peut-être encore plus ambitieusement = des messes ou oratorios avec solistes et orchestre. La musique au culte comme la prière au concert représentent pour tous – paroissiens et chanteurs – un double enrichissement spirituel parfaitement in dissociable.

                La maîtrise s’attacha à réaliser ces objectifs centrés sur la défense et l’illustration de la musique religieuse issue de la Réforme ou créée par des compositeurs réformés. Les rares documents d’archive consultables font état d’une intense activité pendant la Seconde Guerre mondiale.

                Le 17 avril 1945, l’Association des Amis de la maîtrise de l’Oratoire fut déclarée à la Préfecture de police. Elle poursuivit largement ses activités après la guerre dans le cadre des concerts spirituels de l’Oratoire du Louvre, rayonna pendant des cultes radiodiffusés, des interventions dans les hôpitaux et lors de nombreux déplacements en France et à l’étranger. À son programme figuraient des œuvres luthériennes (chorals et Passions) et des Psaumes français de la Réforme (Goudimel, Le Jeune, Jambe de Fer). Pour son 100e concert, le 17 décembre 1952, elle interpréta à l’Oratoire la Messe en si mineur de J.-S. Bach et pendant plusieurs décennies, Horace Hornung ne cessa de programmer des œuvres appartenant au patrimoine protestant, du XVIe siècle à nos jours.

                La maîtrise célébra à Orléans en 1957 le quatrième centenaire de la Réforme, à l’Oratoire en 1958 le cinquantenaire de sa création, en 1962 l’inauguration du grand orgue : elle chanta le Psaume 47, dans la version de Claude Goudimel, le motet Jésus, ma joie de J.S. Bach et l’« Alléluia » du Messie de Haendel, en présence du pasteur Marc Boegner qui assurait la liturgie et la prédication et avec le concours des organistes Marcel Dupré, Alexandre Cellier, Henriette Puig-Roger et Marie-Louise Girod.

                Des concerts commémoratifs furent organisés : en 1972, pour le quatrième centenaire de la mort de Gaspard de Coligny et de Claude Goudimel, Horace Hornung choisit d’illustrer « le Psaume polyphonique de Goudimel à nos jours » ; le 10 octobre 1985, commémorant d’une part d’édit de Fontainebleau qui révoquait l’édit de Nantes (1685) et d’autre part, les anniversaires de naissance de Heinrich Schütz (1585), Jean-Sébastien Bach (1685) et Georg Friedrich Haendel (1685), le concert à l’Oratoire, sous la présidence du pasteur Vassaux, permit d’entendre un choix de Psaumes de la Réforme, de chorals luthériens et le chœur final de la Passion selon saint Matthieu de H. Schütz.

                Bilan éloquent : plus de 2000 cérémonies, les cultes lors des grandes fêtes religieuses, plus de 200 concerts, des participations musicales à des films et trois disques. Il est exceptionnel qu’un même chef soit à la tête d’une chorale depuis sa fondation et pendant plus d’un demi-siècle. Horace Hornung dirigea son denier concert le 11 mars 1986, avec la Passion selon saint Jean de J.S. Bach, avant de céder la baguette à son successeur, Florian Hollard. Le pasteur Mazel lui a rendu hommage en ces termes : « Depuis le 28 avril 1934, Horace Hornung a été le serviteur de cette église et a apporté à l’Oratoire le meilleur de sa technique, le développement sans limite de son amour pour la musique et le langage bouleversant de sa foi. »

                Le 11 avril 1986, le nouveau chef prenait contact avec les choristes, parmi lesquels de nombreux paroissiens.

                Florian Hollard, petit-fils de pasteur, avait suivi des cours de direction d’orchestre avec Fritz Münch ; il était aussi instrumentiste (percussion et basson) et avait joué dans les orchestres de plusieurs pays ; il avait dirigé des concerts dans toute l’Europe et même au Japon ; professeur à l’École normale de musique de Paris et au Conservatoire nationale de région à Tours, sa vaste production discographique, ses émissions radio- et télédiffusées lui assuraient une audience internationale. Reprenant le flambeau de son prédécesseur, il dirigea la maîtrise, devenue « chœur de l’Oratoire », dans de nombreux cultes, y compris à la prison de la Santé, avec son aumônier, le pasteur Burki, dans des cérémonies officielles et donna au moins deux concerts par an, avec des programmes éclectiques ouverts à la musique symphonique. À l’orchestre « Symphonia sacra » qu’il avait constitué, il associa l’orchestre de Tours, dont il était le premier chef et le directeur artistique.

                Un concert exceptionnel fut donné le 7 novembre 1991 au Palais des Congrès devant les corps diplomatiques de l’Europe entière : deux ans après la chute du mur de Berlin, Florian Hollard réunit plus de 250 exécutants, parmi lesquels figuraient les choristes de l’Oratoire, pour interpréter l’Hymne européen (L'Ode à la joie) de la Neuvième symphonie de Beethoven.

                Son départ en 2001 a laissé un souvenir indéfectible et des liens étroits d’amitié avec l’Oratoire. De son engagement, de sa maîtrise au service de la musique liturgique et concertante demeure un témoignage sonore sous la forme d’un CD dédié à Claude Goudimel, symbole de la vocation de la maîtrise, devenue le chœur de l’Oratoire, par respect de la tradition et devoir de mémoire, afin de perpétuer les paraphrases françaises des Psaumes de Théodore de Bèze et de Clément Marot, apanage et identité du chant fonctionnel de l’Église réformée.


Éléments bibliographiques

  • Félix RAUGEL, Le chant choral, Paris, PUF (Que sais-je ? n°288), 1948, 1966
  • Édith WEBER, « Maîtrises protestantes », in Encyclopédie des musiques sacrées, vol. III, Tours, Mame, 1970, pp. 495-498
  • Édith WEBER, programmes, critiques de concerts et notices diverses, in Le Christianisme au XXe siècle, Évangile et Liberté, Tant qu’il fait jour, Réforme, La Feuille Rose, depuis 1971

Discographie

Horace HORNUNG

  • Chorals et Psaumes. La voix de l’espérance. Disque 15 cm. M6
  • Le psautier huguenot. Disque 30 cm. Vogue MC, 160
  • Louange et Prière. Maîtrise de l'Oratoire, direction : H. Hornung, à l'orgue : M.L. Girod. 2 disques 45 tours. Volume 1 : Erato LDE 1070 & Volume 2 : Erato LDE 1071
  • Psaumes polyphoniques de Claude Goudimel à nos jours. Maîtrise de l’Oratoire du Louvre. Ensemble de cuivres. Pierre Gabard, trompette solo. Marie-Louise Girod, orgue. Collaboration scientifique et texte : Édith Weber. Disque 30 cm, Vogue CV.25001, 1972

Florian HOLLARD

  • Claude Goudimel : Psaumes au temps de la Réforme, sur des poèmes de Clément Marot et Théodore de Bèze. Ensemble vocal issu du Chœur de l’Oratoire, solistes et Ensemble instrumental (instruments anciens) de l’Oratoire du Louvre. Texte : Édith Weber. CD 3D Classics 8016.

[in : L'Oratoire du Louvre et les protestants parisiens, Philippe Braunstein éd., Labor et Fides, 2011, pp. 264-267]