Profession de foi de François, le 24 novembre 2013
Je crois au Dieu unique, le Père tout-puissant, créateur du ciel, du globe terraqué, de l’univers visible comme de celui qui demeure interdit à nos sondes. Je crois en Jésus-Christ, son seul Fils, qui, nonobstant notre condition de pécheurs, est mort pour nous, est ressuscité. Je crois que, depuis sa gloire, il reviendra juger les vivants et les morts. Alors Son règne ne connaîtra pas de fin. Je crois en Sa parole telle qu’elle nous est transmise dans la Bible -, ce livre des livres toujours à méditer, à interpréter et à vivre. Je crois au Saint-Esprit qui nous donne force et confiance d’être les enfants de Dieu. Je crois au Royaume, à la vie éternelle, au triomphe de l’amour sur la mort.
Qu’importent le mérite que l’on me prête, le rang que le sort m’assigne, les œuvres que je puis accomplir : je crois que tout procède de la pure grâce de Dieu.
Je crois à ce qui est écrit dans l’Épitre aux Romains 9:15-16: « Car il a dit à Moïse : j’aurai compassion de qui j’aurai compassion, et je serai magnanime envers qui je serai magnanime. Ainsi donc, cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu, qui a compassion. »
« Voilà Dieu qui veut que nous comprenions quel il est : non pas que nous puissions venir jusqu’au bout de cette sagesse (car c’est un abîme trop profond), mais le fait demeure que selon notre mesure, il nous faut être diligents, et faire en sorte que nous soyons bons écoliers de Dieu. » (« Sermon XLVI », dans Sermons de Monsieur Jean Calvin sur le Livre de Job, Genève, 1563, p. 251a. )
Plus une réflexion sur la conversion :
J’ai hésité trois décennies avant que de « professer ma foi » : c’est long ; trop peut-être ? Je suis venu et revenu à Dieu par le Livre et par les livres. Ayant grandi entre l’église catholique romaine et la Haute Église anglicane, qui toutes deux ont ma reconnaissance, j’ai longtemps voulu suivre un autre chemin. En cette voie incertaine, Samuel Beckett fut un compagnon de chaque jour. Dans l'un de ses derniers textes [Cap au pire] n’écrit-il pas : « Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. » Serait-il meilleur encouragement à déclarer sa foi de la part d’un douteur qui jamais ne cessa de fréquenter la Bible, qui sonda la nuit sans relâche sans renoncer à toute aurore ?
Mon choix s’est affermi à pas aveugles à travers le monde, des cerfs de Magdalen College de mes vingt ans à ceux de Nara puis de Washington ; des monastères du Japon – ou je séjournai quinze années – aux sombres églises presbytériennes de Nouvelle-Angleterre.
Cette profession procède aussi du souvenir, par le temps érodé, de celles et ceux qui, il y a plus de trois siècles, furent poursuivis par landes et forêts dans les terres inhospitalières du Sud-ouest pour leur foi réformée ; par celui, plus vif, de celles et ceux qui, hier encore, furent livrés à la plus grande barbarie moderne pour être restés fidèles à l'Alliance, à ce Dieu des Écritures hébraïques et à cet « homme de douleurs, habitué à la souffrance » -, à ce juif nommé Jésus. J'aimerais partager avec vous ce poème de Nelly Sachs :
Job
Ô TOI ROSE DES VENTS de tous les tourments !
Par les tempêtes de la nuit des temps
sans cesse entraînée vers d'autres ouragans ;
ton Sud encore s'appelle solitude.
Là où tu t'arrêtes, là est le nombril des douleurs.
Tes orbites sont creusées profondes dans ton crâne
Comme les grottes des colombes dans la nuit
que le chasseur à l'aveuglette fait sortir.
Ta voix est devenue muette
car elle a demandé trop de pourquoi.
Ta voix s'en est retournée aux vers et aux poissons.
Job, tes pleurs ont traversé toutes les veilles de la nuit
mais un jour la constellation de ton sang
fera pâlir tous les soleils levants.
J’ai commencé en mentionnant un auteur dramatique, je conclurai en citant l’un de nos plus grands acteurs : Louis Jouvet, qui fut aussi – on le sait moins – un grand chrétien, tout frotté de Pascal :
« Cela débute ainsi, s’abandonner et se perdre, et quand on a pratiqué longtemps, aveuglément, avec de temps en temps, en éclairs fugitifs, la sensation de cet état, de ce phénomène, dans le désordre de l’action, de l’agitation (ou l’ambition), après toutes les critiques, les pauvretés, les indigences, la dérision, tout ce qui est humiliant, on se retrouve épuré par une longue pratique ou par une studieuse réflexion en face de cette admirable conclusion : se donner, s’abandonner, se perdre, une destruction de soi efficace, un néant qui est l’aboutissement de toute perfection, dans un au-delà qu’il faut considérer comme une fin, comme un but à l’activité humaine et qui est sans doute son véritable commencement. Une naissance véritable. »
Merci de votre écoute.