Baptêmes d'Eléonore et Marco, le 3 novembre 2013
e crois à l’espérance, au combien plus, à la surabondance, en dépit du mal, et des limites de notre raison.
Je crois à la promesse d’un Dieu qui vient plutôt que d’un Dieu qui est.
Je crois en la possibilité d’une résurrection malgré l’énigme de la souffrance.
Je crois au don de Dieu dans l’abandon d’une volonté humaine toute puissante,
je crois qu’il faut croire pour comprendre plutôt que de comprendre pour croire.
Je crois à l’espoir de la grâce contre le désespoir du non-sens. »
Je crois dans l’efficacité de la grâce,
pour nous accompagner dans notre effort de saisir, véritablement,
le mystère de l’incarnation et de la divinité du Christ,
et pour nous soutenir dans l’apprentissage de la prière.
Car la prière est le seul langage qui nous permet de parler à Dieu,
de parler de lui et d’en déchiffrer les signes.
Je crois dans la prière faite non comme une demande,
mais comme une découverte de la présence du Père, du Fils et du Saint Esprit dans notre vie,
une présence manifestée sous des formes toujours nouvelles et mystérieuses.
Je fais appel à l’opération de la grâce pour nous soutenir dans la contemplation,
mais aussi pour nous orienter vers la charité,
car la charité est à l’homme ce que la prière est à Dieu.
Je crois que c’est seulement à travers la charité nourrie par la prière
que l’homme retrouve sa nature ultime,
car il peut comprendre l’exemple du Christ
et ainsi devenir pleinement humain.
Plus une réflexion sur la conversion :
Nous avons toujours imaginé qu’il était bien plus facile de se convertir d’une religion à une autre – par exemple du Judaïsme au Catholicisme, ou du Catholicisme au Protestantisme – plutôt que de se convertir de la négation du religieux à la foi. Ayant grandis dans des familles non religieuses, l’expérience de la conversion est d’autant plus difficile, mais aussi plus intense, car elle doit passer par un cheminement personnel. En ce qui me concerne, ce cheminement n’aurait pas été possible ou du moins a été grandement influencé par deux personnes en particulier, deux « Paul », mon grand-père, d’abord, et le philosophe Paul Ricoeur, ensuite. Le premier a guidé mes tous premiers pas d’enfant, puis d’adolescente sur le chemin tourmenté des questions existentielles puis théologiques, le second m’a donné des pistes de réflexion pour comprendre autrement le thème central de ma formation de philosophe, à savoir la question du mal, en attirant mon attention sur la notion de la surabondance de la grâce et la promesse qui l’accompagne, ce qui m’a menée d’ailleurs vers un troisième Paul, celui du Nouveau Testament cette fois. Je ferme ici ma parenthèse biographique.
Après de longues hésitations par rapport au religieux, nous avons donc décidé de faire ce pas. De longues hésitations car longtemps nous avons cru que la conversion, que ce baptême représente pour nous, devrait être la visualisation d’une certitude absolue, l’aboutissement d’un travail qui s’exprimerait dans une croyance absolue, une foi inébranlable et triomphante, celle de celui ou celle qui n’aurait plus de questions à se poser. Maintenant qu’on en parle, cette vision d’une ‘foi inébranlable’ nous fait presque sourire : d’un côté par sa naïveté, d’un autre par son intransigeance intransigeance notamment envers nos propres doutes, envers nous-mêmes et envers les autres ‘croyants’. La recherche de cette certitude, d’une intensité de foi presque absolue nous semble maintenant un peu monstrueuse, inhumaine, car elle essaye en quelque sorte d’affirmer le divin à travers la négation de l’humain : la négation du doute, de la fragilité, de l’hésitation et de l’erreur (ou de l’errance si vous voulez) une humanité qui est finalement aussi celle du Christ.
Nous commençons à nous rendre compte aujourd’hui que la réalité indéniable de cette faiblesse, de notre insuffisance à comprendre le divin n’est pas antithétique de l’expérience de la foi chrétienne. Au contraire, nous estimons à présent que le doute est l’essence même d’une conversion, car seul le doute permet la réalisation de la nécessité et de l’intensité de la Grâce. L’acceptation de cette insuffisance humaine, que nous estimions gênante, nous apparaît maintenant libératrice : elle nous libère du poids de devoir résoudre toutes les difficultés par nos propres forces, et nous aide à admettre nos propres limites. C’est aussi la découverte de nous-mêmes qui acceptons de nous mettre au même niveau que tous les autres membres de la communauté des croyants, des membres de l’église intemporelle et temporelle qui dépendent tous, au même degré, de l’opération de la Grâce qui seule engendre une vraie croissance spirituelle. La conversion signifiée par ce baptême n’est donc pas seulement pour nous une ‘déclaration’ de foi formelle. Elle représente surtout une invitation active à l’opération de la grâce, à la manière d’une prière ouverte. Loin d’être un aboutissement, ce baptême marque dès lors le début d’un chemin, sans doute encore long et accidenté, mais un chemin qui n’est plus solitaire, et dans lequel nous pouvons compter sur des forces qui dépassent les nôtres.