Baptême de Nicolas, le 2 février 2014

Dialogue initial

Depuis mon enfance je me sens à la fois reconnaissant mais, aussi terrassé par toute la beauté qu’il m’a été donné de voir. Mille fois j’ai pensé que je pouvais mourir sans regrets, tant j’ai eu d’occasions de bonheur et d’admiration pour l’œuvre du Créateur. Alors, j’ai cherché à savoir, cherché comment je pouvais lui être digne, comment le trouver, comment le rencontrer. Profondément humilié par tant de splendeur sans jamais être capable d’en reproduire un iota, j’ai senti que je ne pouvais rien par moi-même. Alors, une nuit, tous les efforts orgueilleux que j’avais fait pour percer les secrets de la création, toutes mes croyances en somme, se sont brisées comme une tour de verre en éclats, et il ne resta rien, sauf ma misère de créature, mixte, indécise et faible. Alors, un baume est venu me réchauffer le cœur.

Comme dans l’Evangile, une voix silencieuse m’a dit : « suis-moi ». Moi, qui alors accumulait les erreurs, voici qu’une voix me donnait une seconde chance, un pardon fondamental en quelque sorte : une autorisation d’être à nouveau mais avec une exigence de bien.

Profession de foi

Si la parole divine s’incarne dans notre humanité, c’est qu’il nous est désormais possible de manifester cette divinité justement par ce qui est propre à notre humanité.

Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, est un dieu qui s’adresse personnellement à nous.
Le Dieu de Moïse, est un dieu qui se révèle une conscience éthique inaliénable, que nul régime ou idéologie ne peut soumettre.
Le Dieu de Salomon, est un dieu de sagesse.
Le Dieu de Jésus est un dieu qui nous propose une filiation, nous envoyant comme les branches d’un arbre manifester sa protection et son amour pour l’humanité et toute créature qui vit sur la terre.
Ce Dieu est un seul Dieu et le seul, et se révèle à tous, différemment.

Si je reçois Jésus comme Seigneur, c’est avant tout parce qu’il me donne la liberté.

La liberté de ne pas céder au "monde", à sa violence, à la servitude qu’il impose à l’homme. Sa résurrection est le signe que la mort n’a pas de prise sur ce qui est proprement humain en moi. Je peux lui être fidèle sans avoir peur. Face à cette peur qui autorise toutes les lâchetés à l’égard des autres êtres humains, j’ai enfin un guide, une aide, pour être fidèle au courage, fidèle à ce qu’il y a de plus noble dans l’homme. Et il faut du courage pour rester vulnérable et ouvert à l’amour.

Lorsque les déterminismes nous assaillent, qu’ils soient naturels, sociaux, ou politiques, je peux rester droit, debout, ou me relever. A chaque fois que l’on pense, parle ou agit avec foi, des résultats émergent miraculeusement. Miracles, qui par nature étaient impossibles avec les yeux du plausible, du crédible, du monde statistique, calculable, le monde d’hier, puisque tout ce que je vois est déjà mort. Les Miracles sont visibles seulement pour les yeux qui voient par delà le déjà-là.

Je comprends les Béatitudes comme un programme à accomplir pour le royaume qui vient. Non pas une utopie, mais un effort pour attirer à nous la possibilité d’un monde sans forme préconçue, qui offre à chacun une place pour exprimer son insaisissable singularité humaine, un monde sans chaînes, ni aliénation, un monde pour les hommes et les femmes et non contre eux.

Je découvre par les Béatitudes que Dieu est tendresse, pardon, et amour. Un homme touché par la foi n’est plus jamais seul. Cette absence de solitude, cette garantie que l’on est déjà aimé, nous rend capable justement de ne pas vouloir rendre l’amour captif pour le petit soi craintif en manque d’affection. Dieu nous permet d’aimer sans retour.

Amen

Engagements

C’est donc avec un sentiment de reconnaissance que je me suis tourné vers le Christ, qui m’adopte avec les siens telle une greffe à sa vigne, afin que- je le souhaite, des fruits nobles soient produits de cette semence qu’il a planté en moi. Non pour mon propre salut, mais pour celui de toutes la Création, ce chef d’Œuvre qui attend notre participation volontaire, aimante et libre.

Il nous a aimé le premier, il est temps pour moi d’agir, non par devoir, mais par gratitude et dévotion pour celui qui a "donné sa vie".

Aussi je m’engage à partager corporellement et spirituellement l’enseignement du Maître, afin qu’il fasse de moi un être-pour-les-autres. A chaque fois que j’agis dans le sens de ce que je comprends du dit "Royaume", que ce soit parler avec vérité, donner, recevoir, accueillir, pardonner, pacifier, aimer ou aider, pour rendre libre, je perçois des bribes de paradis, malgré les apparences parfois déprimantes ou macabre de notre monde éphémère. Un autre temps apparaît, un temps où il est possible de s’émerveiller d’une étincelle dans un regard, des couleurs que la lumière donne à une scène, ou plus profondément encore, de cet instant unique saturé de sens et d'émotion qui s’est présenté comme une goutte d’éternité.