Comment comprendre le concept de croix ?​

Question : Comment comprendre le concept de croix ?

Je suis allé il y a quelques semaines à un culte luthérien. La pasteur n’arrêtait pas de rabâcher des choses sur la croix et puis il y avait aussi un crucifix sur la table de communion. Personnellement je ne comprends pas vraiment ce que signifie la croix. La pasteur pouvait dire choses à peu près comme « Dieu nous a montré son amour par la croix » ou « C’est grâce à la croix que l’amour du Seigneur nous est manifesté ». Je trouve ces phrases très étranges.
Que Dieu ait aimé le monde en offrant son fils pour que l’on comprenne son message et son amour, je le conçois. Que son fils soit comme un agneau pascal dont l’on se nourrit (intellectuellement) avant un nouveau départ, je le comprends. Que le Christ ait été tué mais que même malgré ça, l’amour triomphe puisqu’il ressuscite, je trouve ça plein d’espoir (Dieu ne nous abandonne pas !). Mais franchement la croix en elle-même, je ne trouve pas ça très réjouissant. C’est mortifère, grave, alors que Jésus apporte un message assez joyeux et plein de vie.

Donc, y a-t-il des pistes pour comprendre un peu mieux ce qui gravite autour de cette croix ? Comment comprendre ce concept de croix ?

Je crois aussi avoir lu que pendant longtemps les Réformés ne mettaient pas de croix dans les temples et j’ai lu sur le site de l’Oratoire que les premiers chrétiens représentaient Jésus avec une brebis sur les épaules – ce que je préfère à la croix d’ailleurs. Visiblement cette question a donc taraudé d’autres personnes avant moi.

Réponse d'un pasteur :

Oui, les luthériens sont réputés pour extrêmement valoriser la Croix. Chacun son truc. Et encore, vous avez échappé belle car cet événement n’était pas présenté comme achetant notre pardon auprès d’un juge impitoyable, mais comme une manifestation d’amour. En tout cas une manifestation de l’amour de cet homme Jésus, pour son Dieu, pour ce Dieu en qui il croit, pour l’humanité. Je ne sais pas si je dirais que c’est une manifestation de l’amour de Dieu, car on ne peut vouloir un truc si cruel. C’est plutôt le fait d’avoir travaillé à faire qu’un tel sauveur existe et vive qui est une manifestation de l’amour de Dieu pour la personne humaine et pour l’humanité.

Mais bon, je suis d’accord, vraiment d’accord avec vous pour trouver morbide cette insistance sur la Croix, même si effectivement c’est une sorte de sommet d’aimer au point de donner sa vie biologique, Jésus a aimé bien autrement aussi. Et pour trouver que, dans cette mort violente et prématurée, il y a quelque chose de profondément négatif aussi, quelque chose qui fait pleurer Jésus de larmes de sang, d’angoisse et de tristesse… Il y a donc même quelque chose de dangereux dans cette insistance sur ce dernier geste pour dire l’amour du Christ, car dans cette insistance même il pourrait être perçu plus ou moins confusément par certaines personnes comme une valorisation de la mort, du martyre, comme un appel à sacrifier son corps et sa vie biologique, la chair et la vie de ce monde pour le spirituel. Ce n’est certes pas l’intention de nos frères et sœurs luthériens en général mais c’est néanmoins un risque, une idée potentiellement subliminale ?

Donc, oui, je préférerais, comme au cours des 3 premiers siècles du christianisme, mettre en avant le Christ berger, soignant, guidant, portant même le plus perdu des brebis et des boucs perdus… Avant la fin du IVe siècle, jamais les Chrétiens n’ont représenté le Christ en Croix. Ce symbole n’est apparu dans les temples réformés qu’après la seconde guerre mondiale. Et dès 1930 à l’Oratoire, malheureusement (à mon avis). Mais au moins ces croix sont nues, comme pour essayer de dire que ce ne sont pas la souffrance et la mort qui sont valorisées mais la vie malgré l’existence possible de dures traversées.

Pasteur Marc Pernot (23 juillet 2017)

Christ en croix par Simon Vouet (1590-1649), tableau anciennement dans l’Oratoire, saisi par la RévolutionIllustration du IIIe siècle représentant Jésus en berger sauvant les pécheurs