L’oubli nécessaire à la joie

Jean 16:16-24

Culte du 20 février 2022
Prédication de Béatrice Cléro-Mazire

Vidéo de la partie centrale du culte

Culte à l'Oratoire du Louvre

Dimanche 20 février 2022
« L’oubli nécessaire à la joie »

Culte présidé par la Pasteure Béatrice Cléro-Mazire
A l'orgue : David Cassan, organiste co-titulaire

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Orgue : Fugue "alla gigue" de J.S. Bach

Annonce de la grâce
La grâce et la paix nous sont données de la part de Dieu notre Père en son Fils Jésus notre frère.

Accueil
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue ce matin au temple de l’Oratoire du Louvre. Vous toutes et tous qui êtes ici, mais aussi vous tous qui êtes au loin et qui partagez ce culte avec nous sur internet. Nous nous retrouvons ce matin pour partager moment de joie et de fête puisqu’un petit garçon va recevoir le sacrement du baptême.

Invocation
Prions ensemble.
Éternel, toi qui nous réunis ce matin, donne-nous la joie celle qui nous donne une nouvelle naissance, celle de la foi. Amen.
Réunissons-nous dans la communion fraternelle avec le 1er chant du livret inséré au début du psautier.

Chant spontané : « Bénissons Dieu le seul Seigneur » (Ps. 134, str.1).
(l’assemblée s’assied)

Louange
Du chef de chœur. Sur la guittith. Psaume. De David.
SEIGNEUR (YHWH), notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre, toi qui te rends plus éclatant que le ciel !
Par la bouche des enfants, des nourrissons, tu as fondé une force, à cause de tes adversaires, pour imposer silence à l'ennemi vindicatif.
Quand je regarde ton ciel, œuvre de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as mises en place,
qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes de lui, qu'est-ce que l'être humain, pour que tu t'occupes de lui ?
Tu l'as fait de peu inférieur à un dieu, tu l'as couronné de gloire et de magnificence.
Tu lui as donné la domination sur les œuvres de tes mains, tu as tout mis sous ses pieds,
moutons et chèvres, bœufs, tous ensemble, et même les bêtes sauvages,
les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui parcourt les sentiers des mers.
SEIGNEUR (YHWH), notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre !

Psaume : Psautier Français n°33 « Réjouis-toi, peuple fidèle », strophes 1 à 5

Volonté de Dieu

Chant spontané : « Parle, parle Seigneur, ton serviteur écoute » (L&P n°193, str.1)

Repentance : Comme un père envoie son enfant dans le monde.

Père aux cieux ! Comme un père envoie son enfant dans le monde, ainsi tu as mis l'homme sur la terre; il est séparé de toi comme par un monde, il ne te voit pas de ses yeux, ni n’entend ta voix de ses oreilles terrestres. Le voilà ici-bas et la route est devant lui …
Si longue à l’heure inerte du découragement qui ne veut pas attendre, si malaisée à l'instant pénible de l'impatience qui lui refuse tout répit : Donne alors à l’enfant du courage dans ce vaste monde, du courage quand tant de fausses routes semblent s’offrir à lui et que la bonne est si difficile à connaître, du courage quand l'angoisse et le chagrin semblent trouver des alliés dans la fureur perverse des éléments, dans l'horreur des événements, dans la misère déprimante des hommes : Donne lui alors du courage pour se souvenir et croire que de même qu’un père envoie son enfant dans le monde, tu as mis de même l'homme sur la terre.
Dieu de miséricorde ! Comme l'enfant prodigue en trouvant le chemin du retour, a trouvé tout changé, jusqu'à l'esprit de son frère, mais non son père, dont l'amour l'accueillit, à sa rentrée, par un festin ; dont le cœur paternel lui rendit, à lui l'enfant perdu, l'assurance aisée du convive : quand de même un homme retourne à toi, donne lui alors de l'assurance sur le chemin de la conversion (…) Qu’il ait au moins le front de se croire attendu du Miséricordieux qui s'inquiète et craint sa perdition.

[Soren Kierkegaard, Journal VII A 136]

Chant spontané : « J’aime mon Dieu, car il entend ma voix ». (Ps. 116, str.1)

Annonce de la grâce
Dieu nous promet sa grâce comme il l’a promise à Jérusalem :
« Avant d'éprouver les douleurs, elle a enfanté ; avant que les souffrances lui vinssent, elle a donné naissance à un fils. Qui a jamais entendu pareille chose ? Qui a jamais vu rien de semblable ? Un pays peut-il naître en un jour? Une nation est-elle enfantée d'un seul coup ? A peine en travail, Sion a enfanté ses fils ! Ouvrirais-je le sein maternel, Pour ne pas laisser enfanter? dit l’Éternel ; Moi, qui fais naître, empêcherais-je d’enfanter ? dit ton Dieu.
Réjouissez-vous avec Jérusalem, faites d'elle le sujet de votre joie, vous tous qui l’aimez ; tressaillez avec elle de joie, vous tous qui menez deuil sur elle ; afin que vous soyez nourris et rassasiés du lait de ses consolations, afin que vous savouriez avec bonheur la plénitude de sa gloire. Car ainsi parle l’Éternel : Voici, je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve, et la gloire des nations comme un torrent débordé, et vous serez allaités; vous serez portés sur la hanche , et caressés sur les genoux. Comme un homme que sa mère console, ainsi je vous consolerai; vous serez consolés dans Jérusalem. Vous le verrez, et votre cœur sera dans la joie, et vos os reprendront de la vigueur comme l’herbe ; l'Éternel manifestera sa puissance envers ses serviteurs. [Ésaïe 66, 7-14]

Chant spontané : « Combien grande est ta gloire » (Ps 92 selon L&P n° 38 str.2).

Liturgie du baptême

Accueil de la famille du baptisé
Olga et Vincent vous avez demandé que votre fils reçoive le baptême. Veuillez vous approcher avec les parrain et marraine, avec Léonor, sa sœur. L’Église aujourd’hui accueille votre désir avec joie.

Confession de foi

Oslo, 10 décembre 1964

Aujourd'hui, dans la nuit du monde et dans l'espérance de la Bonne Nouvelle, j'affirme avec audace ma foi en l'avenir de l'humanité.

Je refuse de croire que les circonstances actuelles rendent les hommes incapables de faire une terre meilleure.

Je refuse de croire que l'être humain n'est qu'un fétu de paille ballotté par le courant de la vie, sans avoir la possibilité d'influencer en quoi que ce soit le cours des événements.

Je refuse de partager l'avis de ceux qui prétendent que l'homme est à ce point captif de la nuit sans étoiles, du racisme et de la guerre que l'aurore radieuse de la paix et de la fraternité ne pourra jamais devenir une réalité.

[Je refuse de faire mienne la prédication cynique que les peuples descendront l'un après l'autre dans le tourbillon du militarisme vers l'enfer de la destruction thermonucléaire.]

Je crois que la vérité et l'amour sans condition auront le dernier mot effectivement. La vie, même vaincue provisoirement, demeure toujours plus forte que la mort.

Je crois fermement que, même au milieu des obus qui éclatent et des canons qui tonnent, il reste l'espoir d'un matin radieux.

J'ose croire qu'un jour tous les habitants de la terre pourront recevoir trois repas par jour pour la vie de leur corps, l'éducation et la culture pour la santé de leur esprit, l'égalité et la liberté pour la vie de leur cœur.

Je crois également qu'un jour toute l'humanité reconnaîtra en Dieu la source de son amour. Je crois que la bonté salvatrice et pacifique deviendra un jour la loi. Le loup et l'agneau pourront se reposer ensemble, chaque homme pourra s'asseoir sous son figuier, dans sa vigne, et personne n'aura plus raison d'avoir peur.

Je crois fermement que nous l'emporterons.

Amen.

[Confession de foi Martin Luther King Jr – prononcée à Oslo à l'occasion de la réception du Prix Nobel de la paix, en décembre 1964]

Chant spontané : « Grand Dieu, nous te bénissons » (L&P n°69, str.1)

Institution du baptême
Voici la volonté de Jésus-Christ pour son Église :
« Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre.
Allez de toutes les nations faites des disciples.
Baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit
et apprenez-leur à garder tout ce que je vous ai enseigné.
Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ».

Instruction du baptême
Votre enfant va être baptisé au nom du Père qui lui donne le souffle de vie.
Il va être baptisé au nom du Fils.
Jésus-Christ, mort et ressuscité pour lui et qui l’appelle à son service.
Il va être baptisé au nom du Saint-Esprit qui fera naître en lui, c’est notre souhait, la foi, l’espérance et l’amour.

L’eau qui est ici est de l’eau ordinaire, qui aurait pu servir à donner à boire à un ami, à laver les mains d’un enfant, à faire pousser une plante, mais avec la Parole de Dieu, cette eau devient l’eau du sacrement du baptême, eau d’une nouvelle naissance avec Dieu.

Chaque jour notre baptême nous rappelle que nous dépendons de Dieu seul et qu’ensemble nous vivons de son amour.
Nous croyons que cela est vrai pour nos enfants, même s’ils ne le savent pas encore. En effet, « nous aimons Dieu parce qu’il nous a aimés le premier ».

Baptême
J’invite l’assemblée à se lever pour être témoin de ce baptême.

Dieu nous l’a promis : nous sommes à lui, il nous connaît chacun par notre nom.

Olga et Vincent quel prénom avez-vous choisi pour votre enfant ?
     Andrea
Andrea, je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Imposition des mains
Pour toi aussi cette parole est vraie : « Dieu a tellement aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle ».

Vœux des parents

A l'aube d'une ère nouvelle, la clairvoyance est de mise
Dans nos geôles où s’étreignent tourments et suspicions …
Mais la peur s’atrophie, et comme une lame qu’on aiguise,
Flamboie d’étincelles sous les heurts des passions.

Et la Lumière fut ! Enivrant de grâce, Andrea,
Tu occis les ténèbres et les inondes d’éclat !
Et par-delà tes sourires scintillants de joie
Notre amour fortifié embrasse ta Voie.

Ce jour où tu reçois le Baptême nous magnifions l’Espérance
De voir en toi s’épanouir les merveilles du cœur.
Tes angoisses et tes chimères, en nous, tu trouveras l’essence
De les combattre et les enclore dans un écrin de douceur.

A ce monde enfiellé rongé par l’égoïsme
Tu apportes empathie et tolérance, mon fils !
Malgré les obscurs desseins de nos pairs
La Foi tu garderas. Aies confiance petit frère !

Partageant les maux et les hymnes, ralliés sous la même bannière,
Nous t’accueillons en ces pierres dans le berceau de Dieu,
Où notre Communauté, digne et révérencieuse sur la Terre,
Adresse humblement ses prières au royaume des Cieux.

Amen.

[Olga et Vincent, parents d'Andrea]

Exhortation à l’assemblée

Frères et sœurs, voici Andrea
Par ce baptême, nous attestons qu’il est enfant de Dieu.
Il est ici chez lui, vous êtes sa famille spirituelle.
Vous lui accorderez, ainsi qu’à sa famille, le soutien de votre prière.
Aucune contrainte ne le retiendra dans la communauté chrétienne mais si il venait à s’en séparer, vous affirmerez qu’il peut toujours y retrouver sa place. Vous serez ainsi pour lui, des témoins de l’amour de Dieu.
Ce sera notre joie qu’Andrea, un jour, confesse sa foi avec ses propres mots.

Cantique : Louange et Prière n°204 « Seigneur, dirige et sanctifie », Strophes 1 & 2

Lecture du passage de la Bible [cliquer ici →] Jean 16, 16-24

Cantique : Louange et Prière n°202 « Nos cœurs, pleins de reconnaissance », Strophes 1 & 2

Prière d'illumination
« Un jour viendra où des hommes seront appelés de nouveau à prononcer la Parole de Dieu de telle façon que le monde en sera transformé et renouvelé. Ce sera un langage nouveau, peut-être tout à fait non religieux mais libérateur et rédempteur, comme celui du Christ ; les hommes en seront épouvantés et, néanmoins, vaincus par son pouvoir ; ce sera le langage d’une justice et d’une vérité nouvelles, qui annoncera la réconciliation de Dieu avec les hommes et l’approche de son royaume. »
[D. Bonhoeffer, la lettre du 27 juin 1944, Résistance et soumission, p. 347-348]

Jeu d’orgue

Prédication : L’oubli nécessaire à la joie

« La femme, lorsqu’elle accouche, a de la tristesse, parce que son heure est venue ; mais quand elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus de la détresse, tant elle a de joie qu’un homme soit venu au monde ».
L’image de la femme accouchée qui retrouve instantanément le sourire quand elle serre cette nouvelle vie sur son sein est particulièrement bien choisie pour évoquer deux instants successifs qui marquent un changement radical d’affect. Ce « micron » de la langue grecque, ce « encore un peu », que Jean reprend inlassablement au fil de son Évangile (en 12: 35 ; en 13: 33 ; et en 14 : 19 ) , est directement inspiré de la prophétie finale du livre d’Esaïe que nous avons lu en guise de paroles de grâce il y a quelques instants : « Avant d’être en travail, elle a accouché, avant que les douleurs ne lui viennent elle a donné le jour à un Fils. » Le « encore un peu » de Jésus  contient en lui le temps particulier qui marque le passage de la mort à la résurrection. Ce temps nous parle du paradoxe de la joie qui naît de la détresse.

Dans la pratique, il n’est pas si facile de passer de la détresse à la joie, et les Écritures nous semblent parfois bien abstraites, de ce point de vue, même quand elles prennent appui sur des expériences de vie bien réelles comme celle de l’accouchement. La détresse laisse des traces, et il n’est pas si simple de l’oublier pour laisser place à la joie. Après les traumatismes, qu’ils soient individuels ou collectifs, les corps se souviennent et gardent pour longtemps les cicatrices qui en résultent. Qu’il s’agisse du corps social ou du corps d’un individu, la marque de la blessure passée, ne s’estompe pas si facilement, et quand on croit avoir assimilé le passé qui fait souffrir, on s’aperçoit souvent qu’il réapparait sous des formes étonnantes, comme un code sorti du passé qui donnerait la clé du présent. Inconscient individuel ou inconscient collectif garde la mémoire des détresses passées et leur enfouissement même contribue à donner sa forme au présent. Alors, puisqu’il semble qu’on ne puisse effacer les strates successives qui constituent notre histoire, sans les voir ressurgir anarchiquement ou insidieusement dans notre présent, quelle place donner à la mémoire et à l’oubli ?

Dans son œuvre : La Mémoire, l’histoire, l’oubli (Paris, Éditions du Seuil, 2000), Paul Ricœur ne donne pas de solution pour arbitrer sur la place dévolue à la mémoire et à l’oubli, mais il décrit la complexité des questions mémorielles. Paul Ricœur distingue trois abus de la mémoire. En effet, il est des mémoires empêchées, perdues ou bloquées. Elles se heurtent à des censures, identifiables ou non, collectives ou individuelles. Il est des mémoires manipulées par un pouvoir en quête de légitimité : certains récits, par la sélection des évènements qu’ils retiennent ou non, légitiment ainsi une certaine histoire, personnelle ou collective. Et puis, il y a la mémoire commandée, celle qui impose au présent des références qui n’ont a priori rien à voir avec lui. Imposer de chanter un hymne national avant une activité sportive, ou obliger ses enfants à donner le nom d’un ancêtre dont ils ne savent rien d’autre.
Tous ces abus participent d’un geste de mémoire, mais aussi d’oubli et le choix de l’un et de l’autre est imposé de l’extérieur, par des proches, par le regard qu’une communauté pose sur des évènements passés et sur le présent. Il est souvent bien difficile de savoir pourquoi l’on se sent obligé de retenir tel évènement comme référence pour sa vie propre, plutôt que tel autre, tant cela pose de problèmes affectifs.

On a beaucoup parlé de devoir de mémoire, au niveau national et international, comme si chaque individu était pleinement responsable d’un passé auquel il n’avait pas participé. Faire de la mémoire un devoir, vise la reconnaissance des exactions passées pour empêcher leur réitération. Mais cela ne permet pourtant pas toujours à tous de faire siens les événements du passé ; et l’attraction d’une jeune génération pour des idéologies de haine aujourd’hui encore dans des pays qui ont fait de la mémoire de leurs traumatismes les plus cruels un devoir, montre qu’on ne peut décréter quels évènements mémoriels feront racine pour les générations suivantes. Paul Ricœur explique que pour que la mémoire passe de l’individuel au collectif, il faut que les témoignages passent par les proches : ces gens qui comptent pour nous et pour qui nous comptons. Ceux qui nous ont vu naître et qui peuvent être porteurs d’un récit qui nous concerne. Leur mémoire est liée à la nôtre affectivement et alors nous sommes prêts à partager leur mémoire et à la faire nôtre.

Choisir de faire mémoire de ceux qui ont vécu avant nous implique qu’ils fassent partie de notre culture intime, de notre langage, de notre imaginaire, c’est choisir les liens qui feront verbe, qui feront langage pour notre présent et notre avenir. Dimanche dernier, nous faisions mémoire commune de la vie de 63 enfants juifs qui pourtant, ne représentent peut-être plus rien dans l’imaginaire de beaucoup d’autres dans notre pays, et ne constituent donc pas pour eux, une référence éthique et politique susceptible de guider leurs choix idéologiques. Pour moi, en revanche, allez savoir pourquoi, ils sont comme ma famille et appellent ma responsabilité comme mes propres enfants alors que je n’étais pas née à l’époque des événements. Voilà pourquoi la mémoire ne se décrète pas, mais se construit, comme un récit, autour d’un témoignage qui peut tisser des liens affectifs.

Un texte comme l’Évangile de Jean relève de choix mémoriels qui répondent à des impératifs du présent de ses auteurs. Ces choix n’étaient peut-être pas des abus mémoriels au moment où ils ont été écrits, mais, à coup sûr, ils relèvent de stratégies individuelles et collectives qui répondent à l’idée qu’ils se faisaient de la vie et de la mort de leur figure tutélaire : Jésus de Nazareth, dans leur propre vie. Il a fallu que des témoins racontent leur histoire, de proche en proche et sans doute de génération en génération, pour qu’une communauté entière parvienne à se rattacher à des évènements passés, lointains historiquement et géographiquement, l’Évangile de Jean n’est écrit ni à Jérusalem, ni au temps de Jésus.

Et il a fallu que ces témoins choisissent de quels éléments ils voulaient faire mémoire et en vue de quoi. Sinon, pourquoi oublier la description du visage de Jésus, pourquoi ne pas parler de sa vie d’avant son baptême, pourquoi ne pas expliquer ses amours, ses problèmes d’intendance, ses défaillances ou ses plaisirs ? L’Évangile de Jean est une anamnèse, une mémoire qui cherche un dépassement du réel par un récit entièrement orienté vers une fin glorieuse. Peu importe les éléments réels oubliés de la vie de Jésus, ce n’est pas la vie de Jésus que l’Évangile raconte, c’est sa foi et là où elle l’a mené. Une histoire de la foi plutôt qu’une biographie « réaliste ».
Le traumatisme à dépasser ici, c’est la mort du juste, de l’ami, du maître, du sauveur. C’est la mort d’un espoir, c’est l’obligation de transformer le présent si l’on ne veut pas renoncer à croire en l’avenir. D’autant plus que cette foi placée dans celui qui a été crucifié, a occasionné l’exclusion de la communauté de son groupe social d’origine, le judaïsme historique qui n’a pas reconnu Jésus et qui, maintenant qu’il est mort, détient preuve imparable du bien fondé de son refus : il est mort et rien ni personne, pas même Dieu n’a pu le sauver. Preuve pour eux qu’il n’était qu’un homme comme les autres, mais pas le Christ.

Alors, pour résister à ce qui pourrait apparaître comme un immense ratage, comme une erreur collective, la communauté Johannique va se souvenir de ce maître de sagesse en faisant mémoire par le récit de la venue, non pas d’un homme, mais du Verbe de Dieu. Et ce Verbe sera la lumière du monde et le monde sera, en définitive, par un retournement qui tient dans ce « micron », ce « encore un peu », celui qui se trompe, celui qui s’aveugle et ne peut ou ne veut pas reconnaitre la parole de Dieu quand elle s’incarne et naît en son sein.
« Encore un peu, et vous ne me verrez plus, encore un peu et vous me verrez. » Ce Verbe créateur de Dieu, cet esprit qui est promis aux disciples quand Jésus ne sera plus avec eux, est celui qui leur permet de choisir ce dont ils se souviendront et ce qu’ils oublieront. Et l’Évangile fait dire à Jésus :
« En ce jour-là, vous ne me demanderez plus rien. » Jésus laisse la place, il n’est plus question d’adresser des prières à l’homme qui s’est éteint, mais en souvenir de lui, c’est à Dieu qu’il faut adresser toute prière.
Se souvenir du Christ comme d’un détour pour mieux retourner à Dieu, oublier l’attachement à l’homme, à l’ami, ne pas le diviniser, surtout pas, pour trouver la joie parfaite de la foi en un Dieu qui était son Dieu et qui est notre Dieu : voici ni plus ni moins ce que l’Évangile de Jean nous propose, entre mémoire et oubli.
Dans ce geste mémoriel qui rompt avec la tristesse de la perte pour y trouver la joie de la confiance, l’Évangile de Jean nous apprend où est la véritable lumière apportée par Jésus de Nazareth.

Dans la perte, une nouvelle naissance nous est offerte. L’oubli permet cette conversion du temps de l’épreuve en temps de joie. Une sorte de pardon accordé à l’histoire, que la mise en récit opère sur la dureté du réel. En passant du réel de la perte au récit sublimé de la perte, en passant de l’existence à la représentation de l’existence, ceux qui se croyaient dépossédés de leur raison d’être sont réhabilités, porteurs d’une mémoire qu’ils ont vocation à faire vivre autrement et pour laquelle ils ne sont pas coupables, mais témoins. Les disciples de Jésus qui racontent leur évangile, sont suscités à nouveau par cette mise en récit : ils sont ressuscités.
Oublier peut donc être une grâce, quand on sait ce qu’on choisit d’oublier, quand on prend le parti d’élaguer l’arbre généalogique d’un passé transmis par les proches et dont nous faisons notre affaire en choisissant sur quelle branche nous allons construire notre cabane.

Nous avons baptisé Andrea : il est né dans une histoire familiale, il est arrivé parmi ceux qui sont ses proches et que ses parents avaient déjà choisis comme proches, qu’ils soient de la même famille ou non. Ce tissu de relations qui fait l’histoire familiale d’Andrea a été transformé par l’arrivée de ce petit garçon, et lui-même le transformera consciemment ou inconsciemment tout au long de sa vie. On lui fera le récit de ses ancêtres, on oubliera certaines choses, on fera mémoire d’autres, et lui choisira ce qu’il veut garder de ce Verbe fait chair en lui. Pour que sa joie soit parfaite, il faudra qu’il oublie, ce qui pourrait le charger d’un poids du passé qui pourrait l’empêcher d’être libre.
La foi de ses parents est sans doute ce qui lui permettra de faire ce tri, cette balance dans sa vie, entre ce qu’il gardera en mémoire et ce qu’il oubliera, parce que c’est cette foi qui lui permettra de se savoir aimé, toujours.
Andrea, quelle que soit ton histoire, quel que soit le récit que tu feras de ta vie, quel que soit ton Évangile, que ta joie soit parfaite.
AMEN.

Jeu d’orgue

Cantique : Louange et Prière n°297 « ô Dieu des grâces éternelles », strophes 1 à 3

Annonces
Collecte

Prière d’intercession

Éternel, nous te prions pour Andrea et pour ses proches. Que le souvenir de ce jour de fête habite son avenir et lui donne l’élan et l’espérance nécessaires à l’audace de la foi.
Éternel, toi qui ne te souviens plus de nos fautes passées, apprends-nous le pardon qui restaure les vies, le dépassement qui permet d’avancer confiant vers l’avenir. Et quand le passé pèse sans produire de fruits, délivre-nous par ton amour.
Éternel, toi pour qui un jour vaut mille ans, rappelle-nous sans cesse que les gestes que nous posons sur cette terre nous survivrons peut-être. Apprends-nous à les mesurer à l’étalon de l’éternité.
Éternel, fais-nous porteur de mémoire pour tous ceux qu’on oublie et qui meurent sur la terre de n’être pas considérés, reconnus, aimés, légitimés. Soigne notre myopie égocentrique et ouvre-nous aux autres.

Notre Père
Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ; pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du mal, car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire, aux siècles des siècles. AMEN

Bénédiction
Frères et sœurs, allez annoncer l’Évangile dans ce monde, allez proclamer sa grâce.

Recevons la bénédiction de Dieu :
Le Seigneur nous bénit et nous dit : « »

Chant spontané : « Confie à Dieu ta route » (L&P n°309, str.5)

Jeu d’orgue

Paroles des cantiques du dimanche 20 février 2022

Psaume : Psautier Français n°33 « Réjouis-toi, peuple fidèle », strophes 1 à 5

1 - Réjouis-toi, peuple fidèle,
Acclame Dieu à pleine voix !
Sa louange est séante et belle
Dans la bouche des hommes droits.
Sur un air de fête
Sonnent les trompettes
Pour un chant nouveau;
Les cors, les cithares,
Les voix les plus rares,
Les sons les plus beaux !

2 - Ta parole agit sur la terre
Avec droiture et vérité.
Partout son œuvre de lumière
Y fait rayonner ta bonté.
Que ta voix résonne :
Le chaos s'ordonne,
Le ciel resplendit ;
Sources et rivières
Arrosent la terre,
Le désert fleurit.

3 - Tu brises l'orgueil des puissances
Et tous leurs plans sont renversés,
Mais tu poursuis sans défaillance
Les projets que tu as formés.

Si, cherchant sa route,
Un peuple t'écoute,
Il vivra heureux ;
Il verra les signes,
Qui déjà désignent
La Cité de Dieu.

4 - Dieu, qui créa le cœur de l’homme
L’observe sur tous les chemins ;
Nul à sa vue ne se dérobe,
Il connaît l’œuvre de leurs mains.
Dans les jours d’alarme,
Vaines sont les armes,
Au bras du plus fort ;
Dieu seul nous fait vivre,
Dieu seul nous délivre,
Des mains de la mort.

5 - Seigneur, notre âme est confiante,
Ta parole est son bouclier ;
En toi elle a mis son attente
Et sur ton nom veut s'appuyer.
Ton amour habite
L'homme qui médite
Ta promesse, ô Roi,
Et ta bonté garde,
Qui vers toi regarde,
Qui espère en Toi.

Cantique : Louange et Prière n°204 « Seigneur, dirige et sanctifie », Strophes 1 & 2

Écouter l'enregistrement en cliquant ici

Strophe 1
Seigneur, dirige et sanctifie
Toute la vie
De ces enfants.
Que ta lumière
Sur leur carrière
Brille en tout temps !
Que, sous ta garde et sous tes ailes,
Ils soient fidèles,
Forts et constants !

Strophe 2
Soumets leur âme à l’Évangile,
Au joug facile,
Plein de douceur.
Fais-leur entendre
L’appel si tendre
De leur Sauveur.
Que, pour répondre à sa promesse,
Ils aient sans cesse
Le même cœur !

Cantique : Louange et Prière n°202 « Nos cœurs, pleins de reconnaissance », Strophes 1 & 2

1 - Nos cœurs pleins de reconnaissance,
Vers toi s’élèvent, Dieu d’amour.
Des bienfaits de ton alliance,
Nous te bénissons en ce jour.
Dans ta bonté toujours la même,
C'est toi qui nous a prévenus ;
Marqués du sceau de ton baptême,
Nous t’appartenons  en Jésus.

2 - Quel bonheur, quelle sainte joie
D'être à toi, de t'appartenir,
De marcher en paix dans ta voie,
De t'aimer et de te servir !
Mais hélas ! Dans notre faiblesse
Nous ne pouvons suivre ta loi,
Si par ton Esprit, ta sagesse,
Tu ne raffermis notre foi.
 

Cantique : Louange et Prière n°297 « ô Dieu des grâces éternelles », strophes 1 à 3

1 - O Dieu des grâces éternelles !
Le temps est proche où ton amour
Fera toutes choses nouvelles,
Prépare-nous pour ce grand jour.
Au vrai bonheur tu nous appelles,
O Dieu des grâces éternelles !

2 - Auprès des sources de la vie,
Jésus fait paitre ses troupeaux,
Du berger la voix est suivie,
Par les brebis et les agneaux ;
Allons à lui nous qu’il convie,
Auprès des sources de la vie.
3 - Celui-là vit, ô Dieu ! qui t'aime,
Car ne pas t'aimer, c'est la mort ;
Il vit, et son heure suprême
Est sa paisible entrée au port.
Puisqu'en aimant tu vis toi-même,
Celui-là vit, ô Dieu ! qui t'aime.

4 - La foi doit se changer en vue,
Une autre aurore suit le soir :
Ainsi la grâce est attendue,
Ainsi la gloire est notre espoir.
Regardons plus haut que la nue,
Et que la foi se change en vue !

Paroles des répons du temps de l'Église

Après la salutation
Répons : « Bénissons Dieu le seul Seigneur » (Ps. 134, str.1).

Bénissons Dieu le seul Seigneur,
Nous qu’il choisit pour serviteurs.
Levons nos mains dans sa maison,
Pour bénir et louer son nom.

Après la volonté de Dieu
Répons : « Parle, parle Seigneur, ton serviteur écoute » (L&P n°193, str.1)

Parle, parle Seigneur, ton serviteur écoute :
Je dis ton serviteur, car enfin je le suis.
Je le suis, je veux l’être, et marcher dans ta route,
Et les jours et les nuits.

Après la prière de repentance
Répons : « J’aime mon Dieu, car il entend ma voix ». (Ps. 116, str.1)

J’aime mon Dieu car il entend ma voix,
Quand la frayeur ou le tourment m’oppresse,
Quand j’ai prié au jour de ma détresse,
Dans sa bonté, il s’est tourné vers moi.

Après l’annonce de la grâce
Répons : « Combien grande est ta gloire » (Ps 92 selon L&P n° 38 str.2).

Combien grande est ta gloire, en tout ce que tu fais,
Et combien tes hauts faits sont dignes de mémoire !
Tes œuvres sans pareilles ont réjoui mon cœur,
Je veux chanter, Seigneur, tes divines merveilles !

Après la confession de foi
Répons : « Grand Dieu, nous te bénissons » (L&P n°69, str.1)

Grand Dieu, nous te bénissons, nous célébrons tes louanges,
Éternel, nous t’exaltons, de concert avec les anges,
Et prosternés devant toi, nous t’adorons, ô grand Roi !
Et prosternés devant toi, nous t’adorons, ô grand Roi !

Après la bénédiction
Répons : « Confie à Dieu ta route » (L&P n°309, str.5)

Bénis ô Dieu nos routes, nous les suivrons heureux,
Car toi qui nous écoutes, tu les sais, tu les veux.
Chemins riants ou sombres, j’y marche par la foi,
Même au travers des ombres, ils conduisent à toi.

Lecture de la Bible

Evangile de Jean, chapitre 16, versets 16 à 24

[Bible Louis Segond]

16 Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; et puis encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais au Père.
17 Là-dessus, quelques-uns de ses disciples dirent entre eux: Que signifie ce qu'il nous dit: Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; et puis encore un peu de temps, et vous me verrez? et: Parce que je vais au Père?
18 Ils disaient donc: Que signifie ce qu'il dit: Encore un peu de temps? Nous ne savons de quoi il parle.
19 Jésus, connut qu'ils voulaient l'interroger, leur dit: Vous vous questionnez les uns les autres sur ce que j'ai dit: Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; et puis encore un peu de temps, et vous me verrez.
20 En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira: vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie.
21 La femme, lorsqu'elle enfante, éprouve de la tristesse, parce que son heure est venue; mais, lorsqu'elle a donné le jour à l'enfant, elle ne se souvient plus de la souffrance, à cause de la joie qu'elle a de ce qu'un homme est né dans le monde.
22 Vous donc aussi, vous êtes maintenant dans la tristesse; mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie.
23 En ce jour-là, vous ne m'interrogerez plus sur rien. En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom.
24 Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en mon nom. Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite.


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