La mission des Douze et/est la nôtre !

Matthieu 9:35-10:8

Culte du 1 septembre 2019
Prédication de Agnès Adeline-Schaeffer

Vidéo de la partie centrale du culte

L’évangile de ce matin débute par le parcours que Jésus fait à travers les villes et les campagnes d’Israël, en Galilée, à proximité de Capharnaüm, en guérissant toutes sortes de maladies et d'infirmités. Jésus se trouve devant la misère de son peuple, non seulement les maladies et les handicaps, mais aussi la pauvreté, l’exclusion, la solitude. Le contexte est difficile et inquiétant. Il y a des insurrections populaires, contre l’occupant romain, suivies de répressions sanglantes. Il y a aussi les détresses quotidiennes, comme ces épidémies de fièvre ou ces maladies qui touchent les enfants en premier, il y a ces infirmes à vie, ces démons qui rendent fous. Il y a les deuils, la misère, et pour certains, le manque de travail. Et il y a l’absence de Dieu. Le gardien d’Israël, où se trouve-t-il ?

Pourtant le peuple, fidèlement, essaie comme il peut de mettre en pratique une Loi religieuse exigeante, difficile à respecter. En effet, la loi de Moise est très alourdie par une multitude de traditions, qui sont autant de prescriptions minutieuses, parfois impraticables, qui génèrent un sentiment de culpabilité persistant.

Jésus est là, au milieu de son peuple, il attire la foule qui s’étonne, qui attend, qui l’observe, qui espère.
Cette foule a besoin d’entendre une parole. Elle attend une parole qui la rejoigne, qui renouvelle son espérance. Pour le moment, la foule ne sait pas encore que Jésus est venu pour elle. Pour l’instant, elle ne voit en lui qu’un guérisseur et quelqu’un qui sait réconforter et consoler. La foule s’accroche aux basques de Jésus, elle erre sans savoir où elle va et c’est cela qui émeut Jésus jusqu’aux entrailles. Elle est harassée et prostrée et cette attitude révèle une détresse plus profonde encore : elle révèle l’état d’abandon dans lequel se trouve Israël, privé de bergers, privé d’accompagnement spirituel.
Le travail est énorme. Comment redonner confiance à un peuple qui ne sait plus qui il est, ni où il va.

Jésus est ému jusqu’aux entrailles, nous dit le texte grec, Jésus est pris de compassion, qui n’a rien à voir ici avec une certaine pitié humanitaire, mais qui s’identifie avec la miséricorde, la tendresse de Dieu.

Il y a vraiment du travail pour tous. « La moisson est grande, priez donc le propriétaire de la moisson d’envoyer plus d’ouvriers pour rentrer sa moisson »(9/38).

Jésus, tout Jésus qu’il est, ne peut être partout à la fois. Il a besoin d’aide pour mener jusqu’au bout sa mission. Alors, aujourd’hui, ce n’est plus un mais douze disciples, que Jésus appelle, et même 72 disciples, si nous lisions l’évangile de Luc…

Jésus s’entoure donc d’une équipe, qui comprend 12 hommes, à qui il donne le pouvoir de guérir les maladies et les infirmités, mais aussi le pouvoir de chasser les esprits mauvais.

Nous ne pouvons pas rester insensibles au choix des personnalités dont Jésus s’entoure. Le groupe est composé de personnes différentes, aux caractères les plus variés, et aux origines les plus diverses. Il y a des pécheurs, comme Simon Pierre, et son frère André, Jacques et Jean les fils de Zébédée, Philippe et Barthélemy, appelé aussi Nathanël, il y a Thomas, appelé Didyme, celui qui doutera de Jésus, le soir de sa résurrection, il y a Matthieu, le collecteur d’impôts, un paria de la société, Jacques, le fils d’Alphée, il y a Thadée, appelé aussi Jude, Simon le Zélote, autrement dit un nationaliste pur et dur, et il y a aussi Judas, celui qui trahira Jésus. Jésus s’entoure d’hommes dont certains ne sont pas du tout acquis à sa cause. Il ne les choisit pas en fonction de leur notoriété, ni en fonction de leurs qualités ou de leurs charismes. Il les choisit seulement pour travailler avec lui.

Douze disciples, un chiffre symbolique qui rappelle les douze tribus d’Israël, c’est-à-dire, tout Israël, signifiant ainsi la totalité. Douze personnes différentes qui manifestent ainsi la diversité du groupe mais aussi sa complémentarité. Ils sont appelés pour rester avec Jésus, puis pour être envoyés. C’est ce que veut dire le mot apôtre. Un apôtre, c’est un envoyé. Ils vont recevoir une mission.

Et quelle est-elle cette mission ?
Et Jésus donne ses instructions au groupe des 12. « En chemin, prêchez, et dites : le royaume des cieux est tout proche de vous ».

Guérissez les malades, ramenez les morts à la vie, purifiez les lépreux, chassez les esprits mauvais. La mission des disciples est étroitement liée à celle de Jésus. Elle consiste à mettre en place un nouvel art de vivre ensemble, entre les êtres humains, en enlevant tout ce qui empêche la vie d’advenir dans les corps, les esprits et les cœurs de chaque personne. Mais cela commence par une proclamation : « les temps sont accomplis, le règne de Dieu s’est rapproché. Jésus a déjà lancé l’appel de son Evangile, quelque temps auparavant, assis dans une barque, sur le lac. Cet appel à écouter, à recevoir puis à se mettre en route. Cet appel « qui fera le tour du monde, qui mettra en route des millions d’hommes à travers les siècles, cet appel qui fondera le christianisme, et avec lui, une part essentielle de notre culture » (B. Chevalley, la pédagogie de Jésus, p.8).

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C’est au tour des disciples de Jésus de se préparer à prendre le relais. Nous n’en sommes qu’au début.
Mais nous ne pouvons pas mettre de côté cette première instruction de Jésus : « N’allez pas dans les régions habitées par les non-juifs, n’entrez pas dans les villes de Samarie. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël ».
L’envoi des disciples est raconté dans les trois évangiles Mt, Mc et Lc. Seul Matthieu rapporte cette particularité, celle de ne pas aller en dehors d’Israël. Et c’est là qu’intervient la rédaction de l’Evangile. Contrairement aux autres évangélistes qui s’adressent aux communautés païennes, Matthieu est juif, et s’adresse aux communautés juives. Ce sont ces communautés qui sont pour lui, les bénéficiaires privilégiées du ministère de Jésus et de celui des disciples. Jésus est là d’abord pour les siens, avant d’être là aussi pour les autres nations. C’est ce que Matthieu a compris de la présence de Jésus. De plus, Matthieu voit en Jésus l’accomplissement de toutes les promesses et de toutes les prophéties annoncées dans le premier Testament. C’est d’ailleurs ce qui fait l’originalité de la prédication de Matthieu.

Alors, il est important que la Bonne Nouvelle soit annoncée premièrement à celles et ceux à qui elle a été promise : c’est à Israël et à l’intérieur d’Israël, à celles et ceux qui attendent la délivrance et la consolation que le royaume des cieux est donné en la personne de Jésus. La mission des disciples changera après la résurrection de Jésus, quand ils s’apercevront que Jésus était venu pour les siens et que les siens ne l’ont pas reçu. C’est plus tard qu’ils seront appelés à l’extérieur d’Israël. Il faudra encore attendre Pentecôte pour qu’ils partent annoncer la Bonne Nouvelle non seulement en Israël, mais au-delà de ses frontières. Quand ils n’auront plus peur de témoigner de Jésus-Christ.

Alors, amis, frères et sœurs, c’est sur ce petit détail de l’évangile de Matthieu que je souhaite rester aujourd’hui.

Ce qu’il est demandé aux disciples, avant d’aller au bout du monde, c’est de vivre au plus près le ministère de Jésus au quotidien. Le pouvoir qu’ils reçoivent de lui est le même que le sien. Il faut donc que les disciples changent de comportement et vivent différemment pour que le royaume des cieux, présent en la personne de Jésus soit reçu, compris puis annoncé. C’est le temps de l’édification intérieure du groupe. Prendre le temps de vérifier auprès de Jésus tout l’enseignement qu’ils ont reçu à la synagogue, il n’y a peut-être pas si longtemps.

La mission que ces hommes reçoivent est importante. Elle ne semble rien à voir avec les métiers qu’ils exercent, et sans doute, rien à voir avec l’éducation et la formation qu’ils ont reçu dans leur famille. D’ailleurs, on a peu de renseignements concernant les disciples du Christ. Quels métiers exerçaient Philippe et Barthélémy ? Quelle était la profession de Thomas ? De quels milieux venaient-ils ? On n’en sait rien. Tout ce que nous savons, c’est que Jésus fait un tri parmi tous ceux qui le suivent. Il les choisit sans qu’on en connaisse la raison, si ce n’est de les envoyer en mission, celle de guérir les malades, de ressusciter les morts, de purifier les lépreux, de chasser les démons. Autrement dit, c’est une mission de réconciliation vitale de chacun, avec son être profond, une mission de rétablissement des relations de chacun avec les autres, et par conséquent, avec Dieu.

Comment recevoir cette mission attribuée aux apôtres ? Leur mission est-elle la nôtre aujourd’hui ?
Que nous soyions des chercheurs de Dieu, que nous croyions, que nous doutions, nous sommes appelés. Puis un jour, pour peu qu’on ait dit oui, même timide, nous sommes envoyés à notre tour, pour proclamer la Bonne Nouvelle du Royaume, qui en Christ, s’est approché de chacun, chacune de nous.

Même s’il prend des formes nouvelles, le travail reste le même. Réconcilier chacun, chacune avec sa propre vie, si jamais celle-ci est surprenante, déstabilisante, ébréchée, fissurée, détruite. Ecouter, guérir, soigner, ressusciter, redonner une dignité, en chassant tout ce qui aliène l’être humain, au sens propre comme au sens figuré.

Cette mission nous expose, le plus souvent à l’extérieur de notre communauté et nous implique ailleurs, dans la société et dans d’autres milieux ecclésiaux. Il y a l’accompagnement spirituel et religieux des personnes hospitalisées, des personnes emprisonnées, des réfugiés, des sans domiciles fixes, tout ce que nous allons regrouper sous le terme de la Diaconie ou de l’Entraide. Mais il y a aussi, sur un autre plan, les relations entre nos différentes églises chrétiennes, ce que nous appelons le dialogue œcuménique, et aussi les rencontres avec les autres religions, ce que nous appelons le dialogue interreligieux, sans oublier les relations entre les différentes dénominations protestantes, aux tendances des plus conservatrices aux plus libérales. Comment concilier toute cette mission ? Certains jours on peut se sentir comme des brebis dispersées, perdant leurs points de repère et incapables d’être de vrais témoins.

Cela rejaillit alors localement, sur la vie de notre propre communauté. Depuis de nombreuses années, le visage de nos communautés protestantes change, et la théologie de notre église évolue. Il y a de moins en moins des protestants du sérail, et de plus en plus de protestants qui choisissent de l’être et qui en font la démarche, souvent officiellement. Il y a donc « chez nous » des personnes qui viennent d’ailleurs, avec leurs traditions, leur éducation, et aussi leur personnalité, leur revendications, Ils nous bousculent dans notre façon de faire, notre façon de croire et remettent parfois en question notre façon d’agir et de témoigner. Alors, nous tournons en rond, et nous sommes comme des brebis dispersées comme si elles n’avaient pas de berger, comme si nous n’avions plus de berger…

Pourtant nous sommes tout comme les apôtres, la même mission qu’eux, que je résumerai par ces mots : témoigner de l’Evangile, annoncer que le règne de Dieu s’est approché, s’est rapproché.
Nous sommes envoyés à notre tour, tels que nous sommes, par le Dieu de Jésus-Christ en qui nous plaçons notre foi, même balbutiante, qui regarde ni à nos qualités, encore moins à nos défauts, simplement à notre disponibilité. Bien souvent, nous faisons le constat de la pauvreté de notre propre service, et nous ne savons plus comment faire face à notre découragement, à cause de l’ampleur de la tâche.

Sans doute est ce le moment de nous rappeler que, avant d’aller à l’extérieur, il est nécessaire de se souvenir qui nous sommes, ce que nous croyons. Cette première instruction de Jésus aux disciples nous invite à prendre le temps de revisiter nos convictions. Que croyons-nous ? Qu’est ce que nous annonçons ? De qui est ce que nous témoignons ? Est-ce que nous le faisons vraiment ? Mais alors, d’où viennent parfois cette peur et cette réticence à nous impliquer dans la vie de l’église ?

En tant que protestants, lorsque nous nous réclamons de la grâce seule, cela veut-il encore quelque chose pour nous ? Et quand nous affirmons la primauté et la souveraineté de la Bible dans notre vie chrétienne, est ce que nous en vivons réellement ? Est ce que nous prenons vraiment le temps de lire et de méditer la Bible au quotidien ? Quel temps consacrons-nous à la prière ? Comment se manifeste notre fidélité ? Est-ce que nous osons confronter, avec d’autres personnes de notre communauté nos idées sur la foi ? Comment encourageons-nous nos enfants à suivre une instruction religieuse ? A venir avec nous au temple ? Que veut dire pour nous être chrétien et protestant ?
Il serait facile d’allonger la liste de ces questions qui permettent d’approfondir ce que nous croyons.

Il n’y a pas que notre église et notre société qui changent. Il y a nous aussi, et la fermeté de nos convictions n’est pas toujours aussi solide que nous l’aurions souhaité. Que faisons-nous de nos remises en questions, de nos doutes et de nos révoltes ? A qui les confions-nous, et que faire de la réponse que l’on reçoit ? Comment est ce que nous nous retournons à la source afin d’être revivifié ? Il est toujours temps de se rappeler que nous ne pouvons pas être chrétien tout seul et certainement encore moins être protestant tout seul. C’est une illusion.

C’est tout l’intérêt de revenir sur l’importance de la construction de la communauté, l’église locale. Les activités que propose chaque paroisse, celles que vous découvrirez très prochainement, dans la Feuille Rose, ce ne sont pas simplement les activités d’un club auquel les membres peuvent adhérer. Il s’agit de beaucoup plus que cela. Chaque activité est l’occasion d’une rencontre, d’une nouvelle relation à vivre, non seulement entre nous mais aussi avec le Dieu de Jésus-Christ. C’est chaque jour que nous avons à redécouvrir que nous sommes enfants de Dieu, enfants du même Père. Surtout quand nous en doutons, surtout quand nous ne comprenons plus la Bible, et encore moins l’évolution de notre protestantisme et notre église.

Nous sommes appelés à témoigner de notre foi à l’extérieur et parfois cela nous fait peur. Nous pourrons le faire en toute liberté quand nous aurons vaincu cette peur. Car lorsqu’on approfondit nos convictions, lorsque nous prenons de lire la Bible ensemble, lorsque nous prenons le temps de nous former, que nous soyons catéchètes, conseillers, prédicateurs ou même sans avoir de responsabilités dans l’Eglise, simplement des chrétiens toujours à rechercher l’approfondissement de notre foi, alors nous apprenons toujours à mieux savoir qui nous sommes, ce que nous croyons et nous n’avons plus peur de témoigner du Christ puisqu’il nous fait vivre intérieurement.

C’est bel et bien à une évangélisation intérieure, à une évangélisation de nos profondeurs, (cf Simone Pacot), que nous sommes appelés. Nous recevons comme les apôtres, les mêmes pouvoirs qu’eux, même s’ils se manifestent autrement et la même mission qu’eux, de guérir, de réconforter, d’encourager, d’éclairer et d’accompagner.

Mais prenons le temps de vérifier la place que le Dieu de Jésus-Christ tient dans notre vie, dans notre foi personnelle, d’abord, mais aussi avec les autres, au sein de notre communauté, comme dans les groupes bibliques, le groupe de connaissance du protestantisme, oui, penchons-nous ensemble sur les questions actuelles et vitales de notre société, sur le plan éthique, sur le plan de la justice sociale, des libertés d’expression, mais il n’y a pas que cela. Venons au culte, emmenons les enfants à l’éducation biblique encourageons les mouvements de jeunesse, construisons notre solidarité par notre présence aux groupes d’Entraide. Fortifions notre être intérieur, par la rencontre fraternelle, et alors la joie de notre service fera plaisir à voir, et nous serons enfin heureux de suivre Jésus et d’annoncer l’Evangile…. jusqu’au bout du monde !

Amen

Lecture de la Bible

Matthieu 9/35 à 10/8 35 Jésus parcourait toutes les villes et les villages, il y enseignait dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute infirmité. 36 Voyant les foules, il fut pris de pitié pour elles, parce qu’elles étaient harassées et prostrées comme des brebis qui n’ont pas de berger. 37 Alors il dit à ses disciples : « La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; 38 priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. » 1 Ayant fait venir ses douze disciples, Jésus leur donna autorité sur les esprits impurs, pour qu’ils les chassent et qu’ils guérissent toute maladie et toute infirmité. 2 Voici les noms des douze apôtres. Le premier, Simon, que l’on appelle Pierre, et André, son frère ; Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ; 3 Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le collecteur d’impôts ; Jacques, fils d’Alphée et Thaddée ; 4 Simon le zélote et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra. 5 Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes : « Ne prenez pas le chemin des païens et n’entrez pas dans une ville de Samaritains ; 6 allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. 7 En chemin, proclamez que le Règne des cieux s’est approché. 8 Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement.

Audio

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