De l'exclusion au dialogue

Genèse 21:8-19

Culte du 5 février 2023
Prédication de Père Ephrem Azar

Vidéo de la partie centrale du culte

Culte à l'Oratoire du Louvre

5 février 2023
341ème jour de la guerre en Ukraine
« De l'exclusion au dialogue et à la joie d'exister »

Culte présidé par les Pasteures Agnès Adeline-Schaeffer et Béatrice Cléro-Mazire
Prédication par le père dominicain Ephrem AZAR
Avec Sarah KIM, organiste co-titulaire, à l'orgue

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Orgue :

Annonce de la grâce
La grâce et la paix nous sont données de la part de Dieu notre Père en son Fils Jésus le ressuscité .

Accueil :

Cher(e)s ami(e)s, bienvenue à l’Oratoire du Louvre pour ce culte dominical où nous avons la joie d’accueillir le frère dominicain Ephrem Azar. Traducteur des Odes de Salomon de la langue syriaque au français, psychothérapeute et artisan de paix grâce à son association « entre deux rives » qui œuvre pour la fraternité des communautés musulmanes, chrétiennes et yezidis en Irak, c’est un homme heureux au sens des béatitudes que nous accueillons ce matin. Bien venu Ephrem.
Bienvenue à ceux qui nous rejoignent par internet, et peut-être en Irak, nous sommes dans la communion fraternelle ce matin avec celles et ceux qui sont au loin. C’est Sarah Kim qui nous accompagnera à l’orgue, merci d’être avec nous.

Chant spontané :
 
Louange :
Les Odes de Salomon sont un recueil de quarante-deux poèmes chrétiens composés en syriaque par un chantre inconnu au début ou au milieu du deuxième siècle. Le texte provient sans doute de la Syrie du nord, à Édesse.
 
Ode 6
Tel le souffle glissant sur la harpe
Et les cordes parlent ;
Ainsi le souffle du Seigneur parle-t-il par mes membres.
Je parlerai par son amour.
Il fait disparaître ce qui est étranger
Parce que tout appartient au Seigneur.
Ainsi en était)il dès le commencement
Et jusqu’à la fin.
Pour que rien ne le contrarie
Ni ne se dresse contre Lui.
Le Seigneur a multiplié sa connaissance.
Il s’emploie avec zèle
A faire connaître par sa grâce ce qu’il nous a donné.
Sa louange, Il nous l’a donnée pour son nom,
Et son Esprit Saint, nos esprits le louent.
Un ruisseau a jailli,
Il est devenu un fleuve grand et large,
Il a tout entraîné, il a broyé,
Il a tout emporté au Temple.
Les barrages des hommes n’ont pu l’arrêter
Ni l’art des constructeurs de digues.
Il a submergé toute la face de la terre
Et il a inondé toutes choses.
Tous les assoiffés de la terre ont bu,
Et la soif fut étanchée, apaisée.
C’est du Très-Haut que fut donné le breuvage
A qui ses eaux furent confiées.
Ils ont désaltéré les lèvres desséchées,
Soutenu la volonté paralysée
Les âmes sur le point de sortir,
Ils les ont empêché de mourir.
Les membres défaillants,
Ils les ont restaurés, redressés.
Ils ont donné force à leur marche
Et lumière à leurs yeux ?
Car tous les ont reconnus dans le Seigneur,
Et par l’eau vivante et éternelles ils ont vécu.
Alléluia
[Les Odes de Salomon, traduction Ephrem AZAR, les Ed. du Cerf. 1996]

Chantons notre louange.
Psaume de Louange : 118, célébrez Dieu rendez-lui grâces. 1, 2, 4

Volonté de Dieu
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,
de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence.
C'est là le premier et le grand principe,
et voici le second, qui lui est semblable :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Chant spontané :

Repentance
Père aux cieux ! Ne sois pas avec nos péchés contre nous, mais avec nous contre nos péchés ;  qu’ainsi ta pensée, quand elle s’éveille en notre âme, et à chaque fois, nous rappelle, non pas ce que nous avons commis de fautes mais ce que tu pardonnas, non pas comment nous nous sommes égarés mais comment tu nous sauvas !
[Soren Kierkegaard, Journal VIII A 247]

Chant spontané :

Annonce de la grâce
Ode de Salomon 13
Voici que notre miroir est le Seigneur ;
Ouvrez les yeux, et voyez-les en Lui.
Apprenez comment sont vos visages,
Et à son Esprit clamez votre louange.
La crasse de votre visage, épongez-la ;
aimez sa sainteté, et revêtez-là.
Pour être sans tache auprès de lui à jamais.
Alléluia

Chant spontané :

Confession de foi
Je crois en un seul Dieu, 
notre Père, le créateur,
il a pour chacun et pour nous des projets de vie et de joie.
Je crois en Jésus-Christ, 
notre Seigneur et notre frère, 
qui est fils de l'homme et fils de Dieu, 
il vient à nous, il nous aime et il nous sauve.
Je crois en l' Esprit Saint 
qui nous est laissé comme un don gratuit, 
il appelle la foi et fonde l'espérance véritable.
Je crois que par l' amour, la vie touche à la vie éternelle,
et qu'en Dieu nous demeurons dans la liberté et dans la joie.

Chant spontané :

Doxologie : « Gloire à Dieu dans les cieux et sur la terre, et d’éternité en éternité ».

Lecture du passage de la Bible : Genèse 21/8-19

L'enfant grandit et fut sevré. Abraham donna un grand banquet le jour où Isaac fut sevré. Sara vit rire le fils que l’Égyptienne Hagar avait donné à Abraham. Elle dit à Abraham : Chasse cette servante et son fils, car le fils de cette servante n'héritera pas avec Isaac, mon fils ! Cette parole déplut beaucoup à Abraham, à cause de son fils. Mais Dieu dit à Abraham : Que cela ne te déplaise pas, à cause du garçon et de ta servante. Écoute tout ce que Sara te dira ; car c'est par Isaac que viendra ce qui sera appelé ta descendance. Quant au fils de ta servante, je ferai aussi de lui une nation, car il est ta descendance.
Abraham se leva de bon matin ; il prit du pain et une outre d'eau qu'il donna à Hagar, mettant cela sur ses épaules, ainsi que l'enfant, puis il la renvoya. Elle s'en alla et se mit à errer dans le désert de Bersabée. Quand l'eau de l'outre fut épuisée, elle abandonna l'enfant sous l'un des arbrisseaux pour aller s'asseoir à l'écart, à une portée d'arc ; car elle disait : Que je ne voie pas mourir l'enfant ! Elle s'assit donc à l'écart et se mit à sangloter. Dieu entendit le garçon ; le messager de Dieu appela Hagar depuis le ciel et lui dit : Qu'as-tu, Hagar ? N'aie pas peur, car Dieu a entendu le garçon là où il est. Lève-toi, prends le garçon et tiens-le bien ; car je ferai de lui une grande nation. Dieu lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits ; elle alla remplir l'outre d'eau et fit boire le garçon.

Cantique : 193, parle parle Seigneur , 1, 2, 3

Méditation d’Ephrem le Syrien sur la Parole de Dieu.

Qui donc est capable de comprendre toute la richesse d’une seule de tes paroles, Seigneur ? Ce que nous en comprenons est bien moindre que ce que nous en laissons. Comme des gens assoiffés qui boivent à une source. Les perspectives de ta parole sont nombreuses, comme sont nombreuses les orientations de ceux qui l’étudient. Le Seigneur a colorer sa parole de multiples beautés, pour que chacun de ceux qui la scrute puisse contempler ce qu’il aime. Et dans sa parole il a caché tous les trésors, pour que chacun de nous trouve une richesse dans ce qu’il médite. 
La parole de Dieu est un arbre de vie qui, de tous côtés, te présente des fruits bénis ; elle est comme ce rocher, qui s’est ouvert dans le désert pour offrir à tous les hommes une boisson spirituelle. Selon l’Apôtre, ils ont mangé un aliment spirituel, ils ont bu à une source spirituelle.

Celui qui obtient en partage une de ces richesses ne doit pas croire qu’il y a seulement dans la parole de Dieu, ce qu’il y trouve. Il doit comprendre au contraire qu’il a été capable d’y découvrir une seule chose parmi bien d’autres. Enrichi par la parole il ne doit pas croire que celle-ci est appauvrie ; incapable de l’épuiser qu’il rende grâce pour sa richesse. Réjouis-toi parce que tu es rassasié, mais ne t’attriste pas de ce qui te dépasse. Celui qui a soif se réjouit de boire, mais il ne s’attriste pas de ne pouvoir épuiser la source. Que la source apaise ta soif, sans que ta soif épuise la source. Si ta soif est étanchée sans que la source soit  tarie , tu pourras y boire à nouveau, chaque fois que tu auras soif. Si au contraire, en te rassasiant tu épuisais la source, ta victoire deviendrait ton malheur. Rends grâce pour ce que tu as reçu et ne regrette pas ce qui demeure inutilisé. Ce que tu as pris et emporté est ta part ; mais ce qui reste est aussi ton héritage. Ce que tu n’as pas pu recevoir aussitôt, à cause de ta faiblesse, tu le recevras une autre fois, si tu persévères. N’aie donc pas la mauvaise pensée de vouloir prendre d’un seul trait ce qui ne peut pas être pris en une seule fois ; et ne renonce pas, par négligence, à ce que tu es capable d’absorber peu à peu.
 
Musique

Prédication : De l'exclusion au dialogue et à la joie d'exister

Chères Béatrice et Agnès, chers amis,
Vous m’accueillez dans ce temple à l’occasion de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, décalée à cause de mon voyage en Irak. J’aurais pu choisir le texte parlant de l’hospitalité d’Abraham, un sujet qui nous est cher. Abraham le nomade, l’errant, devenu figure de la foi, si cher aux trois religions monothéistes « Mon père était un araméen errant ». J’avais trois ans quand j’ai appris à accueillir nos hôtes et on commençait d’abord à laver leurs pieds.
J’ai choisi un texte qui parle de l’actualité de l’exclusion, pas seulement au Proche-Orient, mais ici, en France. La frustration et l’exclusion engendrent la violence. 

Abram n’a pas d’enfant (il n’est pas encore Abraham). Il est âgé. Saraï (n’est pas encore Sara) ne peut pas enfanter. Elle propose à Abram de prendre Hagar la servante égyptienne. Quand elle se vit enceinte, sa maîtresse ne compta plus à ses yeux.
Après l’apparition à Mamré, Abraham a eu Isaac. C’est à la naissance d’Isaac que les relations entre Sara et Hagar vont empirer. L’enfant grandit et fut sevré. Sara vit s’amuser le fils que Hagar l’égyptienne avait donné à Abraham. Elle demande à Abraham de la chasser. Hagar s’en va avec son fils errer dans le désert. Pas un mot, pas d’explication.

Toutes les lois célestes interdisent de tuer ton frère : « Tu ne tueras pas ». L’autre commandement le mieux partagé est : « Tâche de vivre en paix avec ton frère ». La première faute n’est pas la transgression de nos premiers parents mais le fratricide. Un frère tue son frère. Caïn tue son frère Abel.
Le livre de la Genèse est d’abord un livre de la fraternité. Après les récits de la Création, l’auteur ou les auteurs nous décrivent le rapport entre les individus, les familles, les nations. Ils partent d’un constat et ils se posent la question : comment cohabiter ? Obliger l’homme à être fraternel, est-ce possible ? L’auteur de la Genèse parle des rivalités, des jalousies entre les frères. Caïn et Abel, Sara et Hagard, Ismaël et Isaac, Jacob est préféré à Esaü, les femmes de Jacob, Rachel et Léa, Joseph et ses frères qui le prirent en haine. Comment faire ? La fraternité est difficile. Pourquoi ça ne marche pas ? Pourquoi ça dérape ? Pourquoi l’objectif n’est pas atteint ? Ce fratricide vient de l’absence de parole. Caïn et Abel ne se sont rien dit quand ils étaient dans le champ. Caïn n’a pas pu exprimer sa frustration face à ce Dieu injuste qui n’a pas agréé son offrande. Il est jaloux. On sait que tout ce qui n’est pas exprimé reste enfoui.
Le texte que vous venez d’écouter est un épisode qui parle de l’exclusion, de la rivalité qui se joue entre deux mères, femmes d’Abram : Sara de Sumer et Hagar l’égyptienne. Les deux appartiennent à deux grandes civilisations. Elles rivalisent pour l’amour du même homme et sur son héritage. Tandis que les deux frères, Isaac et Ismaël ont pu dépasser cette rivalité et ont pu vivre côte à côte.

La Bible nous donne un modèle différent de celui de la rivalité entre Caïn et Abel, et de la rivalité entre Sara et Hagar, ou entre Joseph et ses frères.
Jacob et Esaü vont pouvoir vivre car ils vivent en bon voisinage à côté du puits de Lahaï-Roï « le vivant qui voit » (Genèse 25:11) voisinage qui n’appelle pas à l’amour ni à la fusion et à l’amitié mais à une relation de respect dans la différence, dans une complémentarité et un échange de charisme que chacun apporte à l’autre. « Si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, tu accepteras de ma main mon présent. En effet, puisque j’ai vu ta face comme on voit la face de Dieu (Genèse 33:10).

Dans le Coran on peut lire : « C’est à Dieu qu’appartient l’Orient et l’Occident. Là où vous vous tournez c’est là la face (visage) de Dieu, (Sourate du Coran intitulée La Vache, 115) « Pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient votre associé ».  « Dieu, est lumière des cieux et de la terre, l’image de Sa Lumière serait une niche où se trouve une lampe. La lampe serait dans un récipient de cristal, le récipient serait tel un astre ayant l’éclat d’une grosse perle. Sa flamme serait alimentée à partir d’un arbre béni : un olivier d’orientation ni Est ni Ouest. Son huile éclairerait presque même sans avoir été touchée par le feu. Lumière sur Lumière. Dans des maisons dans lesquelles Dieu a donné l’autorisation d’y élever et d’y évoquer Son Nom par la pensée et par la parole, y répètent sans cesse l’affirmation de Sa Gloire et de sa Pureté, au lever du jour et à son coucher ». (Sourate du Coran intitulée : La Lumière les versets, 35-36)

La rencontre de Jacob et de son frère Esaü.
le verset du Coran nous donne cette ouverture à l’autre (l’Autre). L’être humain, quel qu’il soit et quelle que soit son appartenance religieuse et ethnique, s’il rencontre l’autre différent, verra l’image de Dieu réfléchie dans son frère. Toi qui cherches Dieu, va vers ton frère et tu verras à travers lui le visage de Dieu. « Pour comprendre l’autre, il ne faut pas se l’annexer mais devenir son hôte » disait le penseur Louis Massignon. Un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de la haine, des préjugés et de l’étroitesse d’esprit.
Le sentiment d’exclusion et le besoin d’exclure sont étroitement liés ; le besoin d’exclure ne va jamais sans le sentiment méconnu, « enfoui », d’être soi-même exclu. L’exclusion et la frustration peuvent être dénouées par la parole. C’est avec une analyse juste que Lytta Basset parle de l’exclusion en commentant la parabole du fils prodigue : « Le fils cadet chemine de son exclusion des autres vers son propre sentiment d’exclusion. Le fils aîné chemine de son propre sentiment d’exclusion vers son exclusion des autres. Le père chemine de son exclusion effective vers son désir d’inclure les autres ».

Se parler et parler à l’autre crée un dialogue et restaure une relation. Une langue parlée est le chemin le plus rapide qui touche le cœur « Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, vous parlez à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, vous parlez à son cœur ». L’honneur appartient à ceux qui jamais ne s’éloignent de la vérité, même dans l’obscurité et la difficulté, ceux qui essaient toujours et qui ne se laissent pas décourager par les insultes, l’humiliation ou même la défaite. Nelson Mandela déclare :  « Au plus profond du cœur de l’homme résident la miséricorde et la compassion et la générosité. Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de son passé, ou de sa religion ». L’Église est faite d’hommes qui se haïssent et que Dieu met en présence de son  amour.
Moi-Toi. Sans préférence, ni comparaison. Sans exclusion et sans marginalisation. La parole peut être caresse ou une arme qui tue.  Essaie la douceur par les mots et non pas les cris et la violence verbale. La douceur. Dialoguer avec l’ennemi. Respecter la dignité de l’ennemi. La diversité des religions, des nations : c’est une espérance. L’unité au service de l’altérité. La force de la douceur de Dieu qui peut ressusciter une humanité, c’est la possibilité de créer. La possibilité de chercher ensemble, pour dépasser ou traverser la jalousie. Il faut s’asseoir et chercher ensemble. Donner du temps au temps. Toute parole qui ne porte pas un dialogue devient la propriété d’une seule personne et par conséquent le dialogue n’existera pas.

Porteur d’Évangile et témoins de la Bonne Nouvelle du lieu où nous vivons, il ne suffit pas de vivre ensemble mais de porter cette Bonne Nouvelle dans la douceur et la joie. Une communauté, une église, est un lieu de guérison lorsque les fidèles vivent dans la franchise malgré les divergences et la réconciliation est alors possible.
Je suis dominicain, irakien, arabe, français, j’appartiens à l’église syriaque, ma langue maternelle est l’araméen. Deux objectifs m’habitent : construire des passerelles entre les communautés religieuses. (Entre deux Rives, la passerelle France/Orient). Chaque être ne peut exister ni s’épanouir sans altérité.  Reconnaître que nous sommes différents et que la confrontation est inévitable, est indispensable pour accéder à la maturité. La recherche est le sel de notre vie et l’étude exige l’humilité et le silence.

Tous les mystiques juifs, chrétiens et musulmans disent que Dieu a deux mains : la main droite est la main de la justice, tandis que la main gauche est la main de la miséricorde et de la tendresse. Mais le comportement de l’homme, la plupart du temps, est de préférer la main droite, c’est-à-dire, la justice et la rigidité, et même l’épée. Nous demandons à Dieu qu’il ouvre la main gauche, celle de la compassion, celle de la recherche de la vérité.
Il ne faudrait pas être naïf et avancer l’idée selon laquelle on pourrait « laisser aller » le mal subi, se libérer « pardonner » cette exclusion subie, il faudrait plutôt vivre pleinement la joie d’exister en relation avec l’autre : être trouvé vivant par et dans ma relation à l’autre. On pourrait dire que le baromètre de notre joie est la présence de l’autre dans notre vie et ma manière d’être présent dans la vie de l’autre. Dis-moi ce que représente l’autre dans ta vie et je te dirai quelle est ta joie.

Nous aspirons à la joie, à cette intégralité, cette plénitude, cette promesse de la joie parfaite dont parle Jésus. Elle n’est ni bonheur soustrait à ce monde de pesanteur et de souci, ni béatitude synonyme de stagnation et d’autosatisfaction.
La peur de l’inconnu nous pousse à étouffer notre aspiration à la joie. Croire qu’on a déjà en soi les semences de joie, c’est s’ouvrir à ce qu’on ne connaît pas et ce n’est pas de tout repos : nul ne sait comment les semences grandiront.

Dans les épreuves que j’ai traversées avec mon peuple, je n’ai eu devant moi que les Béatitudes et que le Christ comme charte de vie. Nous ne pouvons pas prétendre que nous serons fidèles à ce programme proposé par Jésus. Les Béatitudes sont un chemin pour bâtir des ponts.  Nous portons en nous les germes d’une autre humanité dans laquelle nous cherchons à vivre au service les uns des autres et à ne pas être arrogants.  « La civilisation commence quand tu donnes la priorité à l’autre sur toi-même » écrit Emmanuel Lévinas. Les Béatitudes sont un chemin de vie qui nous humanise. Elles nous convertissent pour devenir des êtres bienveillants. Autrement dit, les Béatitudes polissent notre caractère.
Nous pouvons découvrir dans les Béatitudes à la fois une grâce et une promesse. La grâce, c’est qu’elles sont un portrait de Jésus qui a vécu dans sa chair les Béatitudes. Il était pauvre et il a versé des larmes, a vécu dans la douceur, tout ce qui émanait de lui était paix et compassion. Sa manière de vivre reflétait la paix et la bonté. Contrairement à ce que nous imaginons, les Béatitudes ne sont pas un constat de bonheur du genre : « tu en as de la chance », c’est un encouragement à tenir bon, à rester « en marche ». Tu es bien en marche vers le royaume « Tiens bon, garde le cap ». Adressée à des gens qui pleurent, cela voudrait dire : « Ne te laisse pas décourager, ne change pas de vie pour autant. » Dieu est toujours du côté des pauvres et des tout-petits.

Si les Béatitudes sont une promesse, c’est que toutes les béatitudes commencent par le même mot « heureux ». Elles sont une aspiration au dépouillement, à la compassion, à la générosité, à la magnanimité. Si tu veux comprendre le message des Béatitudes, alors accueille tes larmes, accueille ta fragilité, sans te plaindre et sans s’autoflageller.  Reconnaître que nous ne sommes pas forts et que nous acceptons notre frère parce que lui aussi n’est pas fort. Alors nous devenons égaux dans la dignité et le respect. Jésus a d’abord vécu les Béatitudes dans sa chair avant de nous les transmettre. « Apprenez de moi, je suis doux et humble de cœur ».
« Bienheureux » ne signifie pas une sérénité béate, mais bien au contraire une manière de vivre avec l’autre. Un appel à être debout, à aller de l’avant. Nous ne pouvons pas vivre profondément les Béatitudes tant que nous n’avons pas traversé la haine, la violence, la persécution, la trahison, l’exclusion. Si Jésus livre ce message aux disciples comme fondement sur lequel se construit toute communauté d’hommes, c’est qu’il a traversé la haine, la trahison, la persécution, pour leur dire que c’est possible d’avoir un cœur pur, d’être doux, pauvre de cœur.
 « Le bienheureux » est celui qui reste sans défense, humble. Celui-là deviendra artisan de paix. Comment l’Église a-t-elle pu en déduire le contraire dans sa manière de prétendre fonder le Royaume de Dieu? Je n’arrive pas à m’imaginer qu’après Augustin on nous parle d’une « guerre juste ».
Jésus appelle « heureux » les pauvres en esprit dans ce monde qui connaissent et reconnaissent leur pauvreté. L’accompagnement thérapeutique et spirituel dans lequel je suis engagé me fait découvrir et reconnaître tous les jours ce que veut dire « pauvre en esprit ». Des hommes et des femmes finissent par s’avouer les uns aux autres à quel point ils sont pauvres. Ils ne sont pas parfaits, ils ne sont pas durablement forts, ils ont besoin d’aide, ils sont sujets aux fautes et faibles.

Dans beaucoup de pays les chrétiens sont confrontés à la violence, aux rudesses du monde, aux insultes. « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice » On n’est plus l’acteur faisant œuvre de paix, de miséricorde, de justice. Le Chrétien est confronté aux rudesses du monde, à l’injustice, aux insultes. Comment est-ce possible ? Les Béatitudes seront-elles un refuge où règnent la joie et l’amour ? Nous les chrétiens de Mésopotamie, nous avons reçu la Bonne Nouvelle des Apôtres. Nous avons accueilli l’Islam. Nous avons vécu ensemble avec les musulmans, nous sommes pétris par les trois cultures : arabe, chrétienne et syriaques. Nous sommes des passeurs d’une culture autre et d’une spiritualité autre. Certes nous avons traversé des épreuves, celle subie récemment à cause de Daesh. Ma mère qui ne savait ni lire, ni écrire me répétait cette phrase : « Mon fils, tu as reçu sur ton front la marque d’un esprit pur. Va et vis et marche avec douceur, bonté, sérénité et paix malgré toutes les faussetés, les railleries, les persécutions ». Oui, la présence du chrétien dans le monde n’est-elle pas celle qui dégage le parfum ?


Musique

Cantique : 202, Nos cœurs pleins de reconnaissance, 1, 2, 3

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Prière d’intercession
Toi le Dieu Polyglotte, tu parles à chacun dans le secret du cœur, et chacun t’appelle : Adonaï, Allah ou Éternel, selon sa langue et sa culture et tu nous réunis tous par ton Esprit de fraternité. Aide-nous à vivre cette fraternité en parole et en acte dans notre société.
Toi le Dieu polyglotte, tu parles à tes enfants de diverses façons et pas un ne croit en toi comme son frère. Aide-nous à comprendre cette relation de foi de chacun avec toi et garde-nous de toute intolérance.
Toi le Dieu polyglotte, tu nous ouvres l’esprit à ce qui nous est inconnu, « impensé », et parfois impensable. Aide-nous à ne pas refuser d’entendre le récit d’autres réalités qui nous paraissent impossibles à accepter ou à comprendre, rends-nous hospitaliers pour la Parole de notre prochain.
Toi le Dieu polyglotte, tu te tais dans nos silence et tu veilles sur nos doutes. Aide-nous à traverser les moments de jachère où la terre de notre esprit doit se reposer de tout jugement. Accorde-nous la patience et la sagesse.
 Toi le Dieu polyglotte, tu accueilles toute prière et toute révolte avec le même amour, Aides-nous à t’aimer et à aimer notre prochain avec la même constance. Ne permets pas de condition à notre amour, apprends-nous la grâce.
AMEN.
[Béatrice Cléro-Mazire]

Notre Père
Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ; pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du mal, car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire, aux siècles des siècles. Amen.

Bénédiction finale
Recevons la bénédiction de Dieu
Le Seigneur qui fait grâce nous bénit et nous garde.

Cantique : 308  Confie à Dieu ta route. 1, 2, 5
Jeu d’orgue.

Chants

...

Lecture de la Bible

Livre de la Genèse, chapitre 21, versets 9 à 19 [NBS]

Abraham renvoie Hagar et Ismaël

Sara vit rire le fils que l'Égyptienne Hagar avait donné à Abraham.
10 Elle dit à Abraham : Chasse cette servante et son fils, car le fils de cette servante n'héritera pas avec Isaac, mon fils 
11 Cette parole déplut beaucoup à Abraham, à cause de son fils.
12 Mais Dieu dit à Abraham : Que cela ne te déplaise pas, à cause du garçon et de ta servante. Écoute tout ce que Sara te dira ; car c'est par Isaac que viendra ce qui sera appelé ta descendance.
13 Quant au fils de ta servante, je ferai aussi de lui une nation, car il est ta descendance.
14 Abraham se leva de bon matin ; il prit du pain et une outre d'eau qu'il donna à Hagar, mettant cela sur ses épaules, ainsi que l'enfant, puis il la renvoya. Elle s'en alla et se mit à errer dans le désert de Bersabée.
15 Quand l'eau de l'outre fut épuisée, elle abandonna l'enfant sous l'un des arbrisseaux
16 pour aller s'asseoir à l'écart, à une portée d'arc ; car elle disait : Que je ne voie pas mourir l'enfant ! Elle s'assit donc à l'écart et se mit à sangloter.
17 Dieu entendit le garçon ; le messager de Dieu appela Hagar depuis le ciel et lui dit : Qu'as-tu, Hagar ? N'aie pas peur, car Dieu a entendu le garçon là où il est. 
18 Lève-toi, prends le garçon et tiens-le bien ; car je ferai de lui une grande nation.
19 Dieu lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits ; elle alla remplir l'outre d'eau et fit boire le garçon.

Vidéo du culte entier

Audio

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